samedi 31 décembre 2022

Armé d'amour, Une Nuit avec Claude Nougaro…

À minuit, Albane Penaranda, productrice aux Nuits de France Culture a choisi de rediffuser la nuit du 1er janvier 1990 que France Culture avait consacrée à Claude NougaroEn 1988, c'est avec Marc Legras (décédé ce 14 décembre) et Louis-Jean Calvet que les auditeurs avaient passé la nuit avec Léo Ferré. Si j'avais de l'humour je dirais "aujourd'hui il doit vraiment manquer d'artistes qui pourraient passer une nuit entière (en direct) sur les ondes de la chaîne culturelle". 














Madame Treiner, directrice, ne manque pourtant jamais une occasion en citant une kyrielle de chiffres d'audiences et de clics podcastiques de dire combien sa chaîne participe à l'essor de la culture. C'était l'occasion, alors que les Nuits rêvées ont disparu, de nous offrir une nuit entière autour de la musique ou de la chanson avec comme producteurs ou productrices des professionnels de la profession, en mesure de nous apprendre quelque chose et de pousser la conversation au-delà d'un communiqué de presse ou une bio extraite des blagues carambar.

Justement ne rêvons pas ! Indépendamment des Nuits qui nous livrent encore quelques perles, la rediffusion et son corollaire la re-rediffusion sont devenues l'alpha et l'oméga des programmes de France Culture. Le niveau d'exigence autour de longues émissions comme avec Ferré ou Nougaro a, ici en musique, disparu pour faire place à la roucoule et au bla-bla.

Gageons que lorsque le coq chantera demain matin, la pendule aura déjà sonné quelques heures de 2023.

jeudi 29 décembre 2022

Serrell deux en un… mieux qu'un shampoing !

Inter. 9h04, la bonne heure. On sort de trois heures d'infos empilées, décortiquées, pré-machées. Cyril, Sonia et Rebecca sont en vacances (1). Mathilde Serrell, sur sa planète merveilleuse d'"Un monde nouveau" dispose d'une petite heure pour roucouler sur deux tons. Un ton dans l'actu tendance, un autre culturel. Pour coller aux habitudes des auditeurs dont "on" connaît l'incapacité à bousculer leurs habitudes ! Ah bon ? C'est vrai ça ? Bien sûr que non ! Lire "aux habitudes des responsables de programmes de ne rien changer, bousculer, dérouter".











Madame Van Reeth (directrice de la chaîne) et Monsieur Chouquet (directeur des programmes) (re)découvrent le 9/10 qui en 68/69 sur Europe n°1 voyait Pierre Bouteiller broder sur "Je sors pour vous". Viré de la rue François 1er, Roland Dhordain l'embauche illico sur France Inter pour de 9h à 10h, régler quelques Embouteillages, dont on retiendra surtout que ce fut des années durant Le magazine de Pierre Bouteiller.

Certains se souviendront aux mêmes heures, sur France Inter, de Tam tam etc de P. Clark et mieux encore des Eclectik de Rebecca Manzoni. La bonne et belle heure. Jusqu'à ce qu'un certain F. Schlesinger (directeur d'Inter) à la rentrée 2006 (et jusqu'en 2009) casse l'heure et le découpage du matin (2). Le même, dès 2014, avec le concours de Laurence Bloch (3) proposera un temps culturel (Boomerang/A. Trappenard) et un temps médiatique (L'Instant M/ S. Devillers).

Ce retour de la bonne et belle heure est confiée cette semaine à Serrell, qui aussi omnisciente que Brice Couturier est lui-même omniscient, a allègrement avoir un avis sur tout et surtout avoir un avis. Et jongler de Philippe Descola à Lydie Salvayre, de Redcar à Tarik Krim, de Dominique Meda à François Alu. Au grand écart de Luc Julia à Jérémy Ferrari. Avec à 9h30, une chanson pour transition. Le tout, tendance, people et Cie. Ce qui aurait fait un formidable titre d'émission.

Et puisque Serrell remplace deux productrices, pourquoi ne pas lui confier l'heure suivante Grand bien vous fasse et priver ainsi Eva Roque du remplacement d'Ali Rebeihi mais d'afficher avec un trois en un les débuts de la sobriété… Je me moque à peine. Si on peut reconnaître à Serrell de préparer ses émissions, pourquoi ne pas lui confier tout à fait autre chose que de lui imposer d'être dans les clous (chaussons) de Devillers et Manzoni ?







Serrell qui vient de Nova aurait pu proposer Le grand mix qui collerait si bien à son mélange quotidien. Plus modestement, je propose La grasse matinée. Quant à… la grâce elle a, depuis un bon moment, disparu de France Inter et de quelques autres chaînes du service public. L'air du temps s'imposant, au risque demain, de concurrencer Tik Tok en jouant Tok Tok, Tak Tak ou Tik Tik… Tant les tics numériques s'imposent à Radio France au détriment de la création radiophonique ! Et toc !

P. S. : Plutôt que de reprendre l'idée de Trappenard qui laissait une carte blanche à ceux-celles qu'il recevait, la bonne invention aurait été de réunir les deux invités d'un Monde nouveau et de les faire écrire, chanter ensemble ! Michèle Perrot/Lomepal. De quoi assurer à Serrell un avenir radieux à la radio !

(1) Lacarrière, chronique média (Rien de médiatique en fin d'année), Devillers (Pas le moindre fait d'hiver pendant la trève des confiseurs), Manzoni (les vedettes hibernent),
(2) Saison 2006/2007 : 9:10/9:30, Esprit critique (V. Josse), 9:30/10:30, Service public, 10:30/11:00, J'ai mes sources (N. Stoufflet),
(3) Directrice d'Inter, 2014/2022,

mercredi 28 décembre 2022

La Maison de quoi ? De la radio (encore un peu)… mais de la musique, hum !

Faut pas mourir en été, en plein mois d'août, proche d'un jour férié. Après sa mort dans la nuit du 16 août 1977, Elvis Presley en a fait "les frais". Rédactions de presse en sommeil (et en équipe allégée du fait des vacances) nécros pas forcément écrites (1). Il en va de même quarante-cinq ans plus tard et, cette fois-ci c'est la radio (publique) si prompte à sauter sur tout ce qui bouge en musique qui aura (ou aurait) fait l'impasse sur la mort de Terry Hall, chanteur des Specials.

Terry Hall,  © GettyDavid Corio












Fip a commenté. Mais ailleurs c'est Waterloo, morne plaine ! Pourquoi ? Ben c'est les vacances pardi ! Y sont, les chantres de la musique sur Inter ou sur Musique. C'est bien connu pendant les vacances scolaires (particulièrement l'été et Noël) il ne se passe plus rien… ou les spécialistes sont aux abonnés absents (et ont quelquefois mis en boite des émissions à réchauffer pour les jours de congé). Pourquoi pas ? Dommage pour Terry Hall qui aura bénéficié de nombreux éloges dans la presse écrite et de si peu de Spéciales à la radio ! Preuve s'il en fallait que l'intitulé à côté de la Maison de la radio est a minima un gimmick, a maxima une opération marketing !

(1) France Inter a consacré une émission spéciale au King le mercredi 18 août 1977 à 20h30, je n'ai pas retrouvé qui l'animait. Je parie sur Bernard Lenoir…

Une partie de la une de Libé, 18 août 1977,
(Merci au Service Documentation
de Libération de me l'avoir transmise)


mardi 27 décembre 2022

Empiler ne rime pas avec… sobriété !

J'ai sûrement mal compris le message très politique et citoyen de Madame Veil, Pédégère de Radio France quand - avec tambours et trompettes - elle annonça, pour la conférence de rentrée de Radio France un Tournant ! Mantra facile à retenir, sûrement plus difficile à mettre en œuvre, à moins qu'il ne soit question de passer la radio (par pertes et profits) en… audio. Si la sobriété est évoquée deux fois (numérique et énergétique), rien n'est dit de la sobriété consumériste, quand les sept chaînes de service public passent la quasi totalité de leurs programmes à vendre prescrire des biens en tous genres et particulièrement culturels !












Les invités (1) défilent à la queue-leu-leu roucoulent et déblatèrent, qui leur dernier opus, leur dernier livre, leur dernière création etc, etc… Quand on aimerait, pour le plaisir pour la découverte, écouter des autrices, des chanteurs, des artisanes et des artistes qui n'auraient rien à vendre mais qui pourraient avoir juste envie de partager les choses de la vie (pas celles de Sautet, pitié !). Écouter aussi productrices et producteurs qui composeraient des émissions sans invité (2). Je vous promets ça a existé jusqu'à la fin des années 80, entre autres.

Car on pourrait (trop souvent) se croire dans du publi-reportage, même si, Inter en tête sait y mettre tout son savoir-faire de production et de réalisation. À force de tant écouter ce chanteur ou cette autrice on finirait, avant les fêtes, par avoir une indigestion carabinée. Et d'ailleurs on a eu une indigestion de cette productrice ou de ce producteur qui, non content de faire de la radio, fait de la télé, des livres, la cuisine et du développement… personnel ! Oumpff ! N'en jetez plus la cour est pleine de… déchets (plus ou moins recyclables).

Ça suffit ! ¡ Basta ! en espagnol ou en italien… D'ailleurs, ce Basta ! eut été sûrement un meilleur titre d'engagement écologique pour Radio France. On aurait immédiatement suggéré d'y ajouter "Ça suffit, la casse programmée du service public radiophonique !". Les communicants sont habiles, ils ont préféré Le Tournant au risque du tournis… sémantique !

(1) Sur Inter, un peu moins sur Culture, il n'existe pratiquement pas d'émissions sans invité, invités qui ont forcément quelque chose à vendre prescrire…
(2) Le trop plein des politiques pour les matinales et autres sets d'info donne la nausée, 

lundi 26 décembre 2022

Le Québec de Pierre Perrault : un conte pour Noël…

Quand on a passé une bonne partie de sa vie avec la radio - dans la radio - et qu'on se désole de la tournure que prennent les choses radiophoniques, tomber (des nues) sur "Le bon plaisir de Pierre Perrault", ouvre grand porte et fenêtres, suspend le temps et nous remet d'un coup de baguette magique en 1995. Ce samedi 10 octobre là, je rentre de formation à Panam', comme ce sera le cas jusqu'en juillet 96. Quand je rentre à la maison, je n'écoute pas la radio, accaparé par la famille et ce qui tourne autour. Pourtant cette émission est mon vrai bon plaisir d'auditeur, scotché sur France Culture depuis 1985.

Pierre Perrault









François Maspero (libraire, éditeur, écrivain, traducteur) a créé avec le soutien de Jean-Marie Borzeix, directeur de la chaîne (1984-1997), Le bon plaisir, émission-hommage à des femmes et des hommes pour lesquels, pendant plus de 3 heures une productrice, un producteur en brossera un portrait singulier et foisonnant. Alors pour ce moment-là, il s'agit bien de se mettre en position confortable d'écoute et de se laisser porter.

Depuis l'adolescence j'ai un attachement au Québec. Par la chanson, la poésie et l'histoire (1). Mais je me demande encore pourquoi, comment j'ai pu si longtemps échapper à Perrault ? Et si comme le dit Michel Serres au début de l'émission "On ne peut pas connaître le Québec si on ne connaît pas Pierre Perrault", je vais enfin réparer une grosse lacune. Marie-Hélène Fraïssé, productrice à France Culture, ouvre des pistes infinies, aussi bien sur les terres du poète, du documentariste radio, du cinéaste, de l'homme pétri d'humanité, que sur les chemins de la création. Les chemins de la voix. Ces voix que Perrault s'est attaché à faire entendre tout au long de ses vagabondages oniriques, ancrés dans des morceaux de réel. En ne s'aventurant jamais dans la fiction.

Pour ce Bon plaisir réalisé par Rosemary Courcelle, Fraïssé connaissait Perrault depuis une quinzaine d'années par l'intermédiaire de Jacques Douai, chanteur français, ami de Luc Bérimont, poète et producteur de radio, premier mari de Marie-Hélène. L'émission-hommage est l'occasion de brosser - en long et en large (comme le Québec) - le portrait d'un homme qui, non seulement a donné la parole aux siens, mais a fixé le passage de La belle province, de ses racines à la révolution culturelle à l'aune des années 60.

"Pour la suite du monde", P. Perrault, Film 1962









C'est assez magique que Perrault nous livre la petite histoire de ses débuts de documentariste, persuadé qu'il doit "enregistrer" mais ne sachant pas comment faire. Cette humilité et cette franchise sont touchantes. Son tâtonnement expérimental qui aurait beaucoup plus à Célestin Freinet (pédagogue) donne encore plus d'authenticité et de vécu à ses expériences sonores. "Je ne voulais pas dire, mais faire dire, pas témoigner puisque les témoins étaient encore vivants… Dans ma façon d'appréhender le monde il y a quelque chose de physique, j'ai besoin de remplir mes bottes… " Magnifique expression pour dire être avec, dedans, partie prenante. De ses contacts, de ses engagements (ici à la pêche au marsouin) "une fraternité s'établissait, je me sentais chez moi, dans mon pays…" (2).

Il est bon d'entendre la passion et la référence quasi permanente de Perrault à Jacques Cartier, malouin découvreur de nouvelles terres qu'il nomme Canada (tiré du mot iroquoien kanata). On pourrait dire que Perrault est le passeur de l'aventure humaine, des exploits de Cartier à ceux des pêcheurs de marsouins dont il fait quelques fantastiques épopées vécues de l'intérieur. Perrault s'intéresse à la parlure québécoise, au langage de ce pays… C'est bon alors d'entendre conter avec autant de vigueur et de souffle. De conter pour ses voisins, ses amis, une petite communauté visible qu'on touche de près. Sans qu'il soit besoin que le monde entier s'en empare ! 

Perrault a cet engagement farouche pour la langue, pour une possession nouvelle qui irait avec une possession nouvelle de leur pays par les Québécois eux-mêmes mais qui échouera le 30 octobre 1995. Cet enracinement-là infuse dans sa poésie, ses documentaires radio et son cinéma. Juste avant le grand laminoir de la modélisation mondiale, il fait bon entendre L'encan chanté par Félix (Leclerc). "L'ennemi c'est celui qui s'installe dans ta tête pour remplacer ton bagage" dit Perrault, convaincu que l'impérialisme culturel des États (Unis) détruit les identités, les particularismes et les savoirs autochtones.

"On a beau dire, tous mes moyens sont bons pour m'effacer de mon passage. 
On aura beau faire ils n'auront de cesse que je disparaisse 
dans le grand tout pareil de leur bienveillance à mains armées jusqu'aux dents. 
Et ils embauchent mes Charlebois, et ils recrutent mes paysages 
de Cacouna à la Malbaie, pour nous rendre la Québécoisie semblable à leur Pepsi." (3)

***
Merci à Marie-Hélène Fraïssé d'avoir fait un "petit" retour en arrière pour évoquer cet hommage. Elle qui, en son temps, aimait nouer les histoires, les préparer elle-même, refuser les quotidiennes, organiser des rencontres à partir de vrais liens, et s'installer dans le temps long de ces rencontres… Ici, visiter tout l'univers d'un créateur, "un homme de la parole qui a découvert l'image".

L'Isle-Aux-Coudres, Québec
(L'île-Aux-Noisetiers)















(1) Le 30 octobre 1995, deux jours après la diffusion de ce Bon plaisir, les Québécois sont invités à se prononcer par référendum sur la souveraineté du Québec. 50,58% iront en faveur du non,
(2) Que j'aurais aimé de son vivant rencontrer Perrault et l'écouter conter ses belles histoires. Quand il aurait évoqué les marsouins, qu'ici il nomme du nom breton morhoc'h, ç'aurait été l'occasion de lui dire que les bretons ont un langage imagé tant ils nomment le marsouin, cochon de mer…
(3) "Gélivures", Pierre Perrault, Éditions de l'hexagone, 1977. Extrait lu par Claude Duneton.

dimanche 25 décembre 2022

Monsieur Noël… Monsieur Ferré !

J'ai épuisé la patience de mes enfants quand ils avaient l'impression que Ferré tournait en boucle toute la journée. Alors que c'était trois heures max ! Bref si Noël tombait un dimanche ils y avaient droit… deux fois plus ! Pauvres chérubins que leur père a "éduqué" à tant de formes et de styles musicaux, à tant de chansons qui aujourd'hui encore nous donnent des frissons. Pour leur rendre hommage - à mes loupiots - voici quelques moments auxquels vous ne devriez pas pouvoir… différer !

Intégrale Léo Ferré Barclay Volume V










Ferré, en 1990, plante un décor de Noël tout en harmonie, délicatesse et sensibilité pour les quelques clochards qui, à l'époque, ne s'appelaient pas encore des SDF.

Monsieur Noël j'habite au dix

De la semaine des quatre jeudis

Vous descendrez bien prendre un verre

Sous le coup des minuits moins vingt
Je mettrai au frais une rouille de vin
Du même que cuy d' l'année dernière

Rappelez-vous bien c'est moi Cloclo
J'avais des trous plein mon tricot
Et puis de la joie plein la d'vanture…


C'est dimanche, encore plus de temps donc pour (ré)écouter les deux heures de l'Easy Tempo de Thierry Jousse du 24 août 2016 (à cette date Ferré aurait eu 100 ans !). Vous découvrirez quelques pépites, quelles reprises (celle de Dominique A. pour "Mon camarade") et la très bonne connaissance du producteur pour son sujet. L'émission était réalisée par Bruno Riou-Maillard (disparu en janvier 2021).

On peut aussi y entendre Salut beatnick qui téléscope/radioscope avec les années 60, sa part de nostalg' et de mélancolie, mais qui surtout peut renvoyer certains d'entre nous à nos années beatnick


T'es pas encore pourri et t'es comme un voilier

Sous les ponts de Paris, tu navigues arrêté

Ta guitare dans la voix et ta voix sur l'horreur
Qui fait pousser les gens, comme ça, au p'tit malheur
Salut, beatnik !












Réécouter Catherine Sauvage dans Paris Canaille de Ferré accompagné au piano par Jacques Loussier donne vraiment de la joie.

Je pourrai poursuivre longtemps cet inventaire. Je conclurai en forme d'hommage à mes enfants les enjoignant vivement à se mettre dans les esgourdes la version d'Avec le temps de Tony Hymas & The Bates Brothers. Et remercier à nouveau Thierry Jousse pour cette découverte.

Viva Ferré !

vendredi 23 décembre 2022

Du solstice d'hiver… à la mort du p'tit ch'val dans les bras de sa mère !

Le p'tit ch'val c'est la radio. Le sacre de Madame Veil y pourvoiera (1). Colère je suis, c'est un euphémisme ! L'Arcom, la représentation nationale (Sénat et Assemblée Nationale) ont lâché l'affaire et s'en sont exclusivement remis à la visibilité des audiences et aux perspectives budgétaires qui n'ont pas fini de faire couler le navire radio publique. Cette basse-cour si peu au fait de l'histoire de la radio gloussera dans quelques années "On ne savait pas". Ben voyons Léon ! Quelle farce, quelle rouerie, quelle pitoyable comédie…

Un certain Claude Nougaro







Dans cette décrépitude annoncée, il reste de minuscules îlots de création radiophonique. Je vous donne rendez-vous lundi matin 26 décembre pour un merveilleux voyage au Kébec. Et vendredi 30 pour appréhender d'une autre façon le passage de l'année avec une nuit à l'accent toulousain.

À vos cassettes…

(1) Pédégère de Radio France jusqu'en avril 2023 et reconduite à ce poste pour les cinq ans suivant

lundi 19 décembre 2022

Comme si je vous disais que la prochaine Présidence de Radio France…

Comme prévu ce lundi 19 décembre, nous étions nombreux (j'en sais rien) sur le site de l'Arcom à écouter les projets stratégiques de Florent Chatain, Maïa Wirgin et Sibyle Veil qui briguent la Présidence de Radio France (2023-2028). Trois candidats seulement, dont deux candidates. Un journaliste, deux énarques. L'une ex-secrétaire générale de Radio France (MW), l'autre actuelle Présidente (SV). L'une synthétise son projet, l'autre se prend pour Zola (sans en avoir la plume). L'une est actuelle secrétaire de la Cour des Comptes. L'autre a à son actif 66 jours de grève, une enquête externe en cours sur le management de la Directrice de France Culture et la situation désastreuse à France Bleu (1). L'une est pour la fusion des audiovisuels publics (MW), l'autre est contre (SV).
















Tour Mirabeau, siège de l'Arcom, 9h : Florent Chatain,
En 30' chrono, Chatain avec précision (et un certain panache) a présenté et défendu son projet stratégique qui avait tout de suite un peu plus de saveur que ce qu'on avait pu lire de sa version transmise à l'Arcom. Il a bossé le sujet. Ce fut plus périlleux pour répondre aux sages du Collège. Même s'il annonce que l'accès aux budgets de Radio France n'est pas facile, il pouvait s'attendre à ce que son plaidoyer pour redonner aux Ressources Humaines une moralité incite les membres de l'Arcom à connaître les modalités financières et techniques d'un tel postulat.

Plus qu'une conviction, il aurait fallu à Chatain une démonstration implacable pour permettre aux Sages d'être assurés/rassurés sur la maîtrise budgétaire d'un tel programme. Sincère, convaincu, Florent Chatain, s'il a montré une assez bonne connaissance de la radio, n'a sans doute pas convaincu ou donner suffisamment de garanties à être l'homme idoine pour diriger Radio France. Particulièrement dans sa réponse à cette question du Président de l'Arcom Roch-Olivier Maistre.

Intermède
Assez surprenant de lire ce matin, sous la plume d'Aude Dassonville dans Le Monde, citant un responsable audiovisuel (anonyme, of course) "il sera difficile pour l’Arcom, "qui a désigné Sibyle Veil en 2017, de ne pas la reconduire : cela pourrait vouloir dire qu’ils s’étaient trompés”. On rêve là, non ? Nommer quelqu'un de différent, d'un choix initial pour une période donnée, ne signifie aucunement que le CSA se serait "trompé". Au vu des auditions l'Arcom est en mesure d'apprécier si les nouveaux enjeux stratégiques - budgétaires, de gouvernance audiovisuel public, - les incite à choisir une autre personne (ou pas) pouvant remplir la fonction. Autrement ce n'est même plus plus la peine d'organiser des consultations. Si la personne choisie n'a pas failli qu'elle soit donc… nommée à vie !

Tour Mirabeau, siège de l'Arcom, 11h 15: Maïa Wirgin,
Maïa Wirgin connaît la chanson la Maison ! Ses propos assurés montrent assez vite son engagement pour une "mission publique" pour laquelle elle entend s'appuyer sur trois axes stratégiques. Une stratégie vers les publics. Une autre pour les contenus. Une coopération avec les audiovisuels publics (qu'à un autre moment de l'entretien elle appelle gouvernance). En précisant que "Les médias publics doivent être unis et Radio France ne doit pas considérer [leur synergie] comme une menace." Forte de son expérience à Radio France (2014-2018) elle a pu consulter et confronter l'avis de professionnels de la profession pour imaginer un projet qui pourrait répondre aux enjeux qui pèsent sur la radio. 

Si Wirgin devait être nommée on n'oubliera pas de lui rappeler qu'elle a annoncé publiquement en direction des collaborateurs que l'avenir de la radio est aussi le leur. Pour annoncer un peu après qu'il faut aimer la radio pour la gouverner. Ce qui semblerait être son cas ! En répondant à l'un des Sages elle précise que les ressources publicitaires liées aux offres numériques (podcasts, replay) ont beaucoup trop évolué (1) et qu'il conviendrait de réguler cette croissance. On a aussi noté qu'elle affirme que Radio France n'a pas à faire de prestations techniques à des tiers non publics.

Pour ce qui est de la holding (des quatre audiovisuels publics) Wirgin est convaincue que c'est "un espace stratégique de propositions et d'arbitrage et qui, en aucun cas, ne doit être une super structure. Qu'elle doit permettre de mutualiser les investissements technologiques, les données et la mise en commun du back office" (les parties de gestion "invisibles" pour les auditeurs). Elle imagine que les conditions de mobilité et d'écoute des usagers vont nécessiter de nouveaux formats pour de nouveaux types d'écoute. Dans le sens des pronostics de la BBC (2) elle prône la mutualisation des plateformes de l'audiovisuel public.

Notons que Maïa Wirgin n'a pas eu besoin d'agiter le hochet "audio" que sa concurrente défend mordicus comme LA solution de l'avenir de la radio.
















Tour Mirabeau, siège de l'Arcom, 14h30 : Sibyle Veil,
Comme à son habitude, Sibyle Veil a un discours linéaire, sur le même ton, sans distinction où il est difficile discerner la passion ou l'enthousiasme. Un exposé pour École de Commerce où elle ne dit rien de l'abandon progressif des métiers (réalisateurs/réalisatrices), le bouleversement de la chaîne de production radiophonique, le passage définitif au podcast au risque d'abandon des émissions de programmes en tant que telles. Exprimer et défendre un projet stratégique ne veut pas dire l'incarner si son expression orale est trop lisse et/ou trop formatée par un positivisme de circonstance. 

Veil dispose d'un staff payé pour avoir des projets et les mener à bien (ou à mal). Elle les synthétise, les développe et récite sa leçon. Il lui manque juste le supplément d'âme, des références à l'histoire de la radio, à l'histoire de celles et ceux qui l'ont faite et la font. S'accrocher autant à l'audio tient plus du slogan tendance que de la conviction. La prestation fut convenue et didactique.

Malgré ce que les médias annoncent comme gagné d'avance, gageons que l'Arcom n'aura pas, juste pour la forme. organisé cette séquence d'auditions. 

Ajout de 19h
L'Arcom a choisi de reconduire Sibyle Veil pour cinq ans.

(1) Recettes non encadrées quand celles de la publicité en flux (France Inter, France Info, France Bleu) le sont par des recettes plafond, 
(2) "Le patron de la BBC brise un tabou. Tim Davie, le directeur général du groupe audiovisuel britannique, a indiqué qu’il se préparait à un futur uniquement « online », sans les fréquences radio ou la télévision, au cours de la prochaine décennie. in "La BBC se projette déjà dans un futur sans radio ni petit écran" , Marina Alcaraz, Les Échos, 9 décembre 2022.

***
"Comme si je vous disais", début du titre de ce billet, sont les premières paroles de Ferré pour "Le conditionnel de variétés". J'en referai bien une chanson, ça s'appellerait 
"Le conditionnel de radio" !

Rendez-vous à 5 heures, (cet après-midi)…

Rendez-vous à 5h, c'est le titre d'une ancienne émission de radio (1). Aujourd'hui, à l'Arcom, c'est le grand oral des postulants à la Présidence de Radio France. Florent Chatain, journaliste, Maia Wirgin, secrétaire générale de la Cour des Comptes, Sibyle Veil, actuelle Présidente de Radio France.

Ne pas perdre une miette de cette audition…










Avec David Christoffel, nous avons préparé ce grand moment et serons tout ouïe. J'écouterai les trois auditions publiques (9h, 11h, 14h30) et devrai être en mesure d'écrire un premier billet pour 17h, 5 heures ;-)

(1) Paris-Inter depuis 1950, puis France Inter jusqu'en 1966… Et 5 heures c'est la façon de Fip depuis les origines (1971) de donner les heures d'après-midi…

dimanche 18 décembre 2022

On s'fend trop la gueule à écouter la radio… publique !

Samedi matin, un twittos inspiré me conseille d'écouter une émission musicale de Radio France faite par les auditeurs. Je vois la communication (sur Twitter) qu'en fait la chaîne depuis des mois, sans jamais avoir eu envie d'y tendre l'oreille. Doutant sérieusement que des souvenirs -aussi sincères et émouvants qu'ils soient - puissent faire une émission. Pour jouer le jeu, j'écoute et tout commence très très mal…



Nous l'apprendrons dans cette émission, Eddie Barclay (pour l'état civil, Edouard Ruault), un musicien de jazz qui créera Barclay, une très belle maison de disques, avait un cousin Guy, qui sûrement en sous-main était chargé de s'occuper de Léo Ferré. Poète, musicien, chanteur Léo fit les belles heures de Barclay même si Barclay fut à son égard assez frustrant et n'hésita pas à censurer au moins une de ses chansons (1). Pas celle ci-dessous, pied de nez à Eddie.

“Monsieur Barclay m’a demandé :

Léo Ferré, j’veux un succès

Afin qu' je puisse promotionner

A Europe1 et chez Fontaine

Et chez Lourier et chez Dufresne

Et moi, pas con

J’ai répondu :

Voilà patron

C’que j'ai pondu !”


Guy, donc, ne dépassera pas sa minute de gloire ce samedi matin vers 7h31 sur France Musique, quand il se voit affublé du patronyme de Barclay. Tout ça pour faire la promo d'un coffret Ferré récemment édité. Navrant. Désolant. Sidérant. Mais charme de l'ignorance nous découvrirons, un peu avant huit heures, Ricette Barrier qui nous rappelait furieusement un certain Ricet (rissai) dont on ne savait pas qu'il avait une sœur (2). N'en jetez plus la cour est pleine !

Cette émission - France Musique est à vous - pour le moins incongrue, voire absolument inconsistante est sans doute le reflet absolu du niveau baisse et du foutage de gueule intégral vis à vis de l'amateur (éclairé ou pas) de musique ! Concept éculé, animation bâclée, image de marque (de la chaîne) sinistrée. 

Peut-être que cette chaîne qui confie des émissions musicales à des personnes qui n'y connaissent rien pourrait avoir un minimum de bon sens et s'abstenir de choix aussi hasardeux ! Chaîne qui, comme c'est la mode à Radio France, roucoule sur les chiffres d'audience en YouTube et autres circonvolutions rézotées.

Pour les amoureux de Léo se reporter au Retour de plage de Thierry Jousse…

(1) Écoutez l'interdite "À une chanteuse morte" et ce que Ferré en dit,
(2) Merci à T. qui m'en informa sur le champ (de foire),

vendredi 16 décembre 2022

La farce de Maître Pathelin… un remake sur France Inter

C'est beau le corpo(ratisme), corporate disent les managères de moins de cinquante ans. Tous les matins depuis la rentrée (ou presque) Cyril Lacarrière, journaliste, enfile les perles sur France Inter dans une chronique "Médias" exclusivement utile à la roucoule et à la réinterprétation de ce qu'on lit, voit, écoute partout. Mais bon ça comble un "trou" ! On se demande pourquoi ces quatre minutes n'auraient pu être conservées par Sonia Devillers (autre enfileuse de perles) comme ce fut le cas les trois premières semaines de rentrée…







Ce jeudi 15 décembre Lacarrière évoque les propos de Tim Davie (9 décembre), directeur général de la BBC indiquant "qu’il se préparait à un futur uniquement « online », sans les fréquences radio ou la télévision, au cours de la prochaine décennie". L'info est déjà usée. Delphine Ernotte, Pédégère de France Télévisions, a immédiatement rebondi pour s'inscrire dans cette perspective pour ce qui concerne la télévision française publique.

Facile, bis repetitaLaccarière roucoule sur le sujet en prenant bien soin de ne pas évoquer la radio, des fois que la radio pourrait elle-même être concernée. Ben non, on va quand même pas donner le bâton pour se faire battre. On va ménager, Sibyle Veil pour son grand oral de l'Arcom, lundi prochain. On ne va surtout pas informer les auditeurs du fléau attendu de telles perspectives d'avenir pour l'audiovisuel public. Quelle farce ! Le voilà le remake de Pathelin.

Alors parlons d'autre chose. De tout de rien. En surfant perpétuellement sur la vague médiatique qui n'en finit jamais de s'étaler partout, tout le temps, par tous les temps. Et roucoulons, roucoulons il en restera sûrement… rien ! Rien ! Le vide absolu. L'inutile encombrement de la pensée. La danse du scalp en pleine banquise. Du même tonneau que Serell, des chroniques superfétatoires qui permettent d'éparpiller et diluer la réflexion dans le grand maelstrom du gna-gna-gna et du café du commerce.

Ces chroniques permettent la diversion, empêchent d'approfondir un sujet, à défaut de le moudre donnent du grain aux poules et permettent surtout d'étirer une matinale de 5h à 9h30. L'auditeur est gavé. L'éleveur n'a plus qu'à compter les œufs pondus que méticuleusement Mediamétrie compile chaque jour et, mieux, chaque quart d'heure. Mais attention, il n'est jamais bon de mettre tous ses œufs dans le même panier.

mardi 13 décembre 2022

Avant le raout (du 19 décembre), Fañch Langoët nous livre sa vision des enjeux pour la radio publique…

Hier David Christoffel répondait à nos questions. À mon tour de répondre aux questions que je me pose.













Radio Fañch : Fañch tu m’as annoncé depuis longtemps la pose d’une RTT (Radio Tout Touïe) le 19 décembre, que se passe t-il ce jour-là ?
F. : Une grosse différence avec l'audition des prétendants à la Présidence de Radio France en février 2014, quand le Président du CSA, Olivier Schrameck avait décidé que lesdites auditions se dérouleraient à huis-clos. Nous privant ainsi d'entendre le projet stratégique de Mathieu Gallet qui sera nommé Pdg (2014-2019). Ici nous pourrons entendre le journaliste Florent Chatain, Maïa Wirgin, secrétaire générale de la Cour des Comptes, Sibyle Veil actuelle Présidente. 

R.F. : Que des prétendants à la gestion de la radio publique fassent du cinéma, ça ne t’interroge pas grave sur le “transfuge de genre" ?
F. : La gesticulation de Sibyle Veil est pathétique. Maïa Wirgin fait preuve de plus de sobriété. Florent Chatain a un projet particulier pour France Bleu et pour les contrats de travail. Souhaitons que leur prestation orale nous épargnent les effets de manche.

R.F. : On peut dire (par ta naissance) que tu es vraiment un enfant de la radio, quels Pdg et/ou directrices ou directeurs de chaîne t’ont marqué… à vie ?
F. : Je suis né après… 1921. Roland Dhordain (directeur de la radio/ORTF, directeur de France Inter), Jacqueline Baudrier (1ère Pédégère de Radio France, 1975-1981), Pierre Wiehn, (directeur de France Inter, 1973-1981), Jean Garretto (directeur de France Inter, 1983-1988), Jean-Noël Jeanneney, (Pdg de Radio France,1982-1986), Jean-Marie-Borzeix (Directeur de France Culture, 1984-1997).

Yann Paranthoën en cellule de montage













R.F. : Comment vois-tu l’avenir de la radio dans le maelström de la fusion des audiovisuels publics ?
F. : Très compliqué ! Dans une holding la radio peut garder sa place de média audio face au média visuel qu'est la TV. Dans la fusion, la radio (ou l'audio que propose S. Veil, actuelle Pédégère) risque d'avoir bcp de mal à être distinguée comme elle peut l'être aujourd'hui. Dans tous les cas ce ne seront plus sept chaînes hertziennes qui feront partie du jeu. 

R.F. : Si pour Aragon “la femme est l’avenir de l’homme” le podcast est-il l’avenir de Laurent Frisch ?
F. : Laurent Frisch est la sublimation même du podcast.

R.F. : Peux-tu révéler le thème de ta prochaine création radiophonique ?
F. : Faire un podcast (sic) sériel en 2385 épisodes des 2385 billets de ce blog.

R.F. : Avec qui aurais-tu rêvé de faire une émission sur France Musique ou sur France Culture ou les deux ?
F. : Avec Thierry Jousse pour Easy Tempo ou Retour de plage sur France Musique. Avec Josette Colin pour les Nuits magnétiques sur France Culture et Christine Robert pour ses émissions avec Marion Thiba et Marie-Dominique Arrighi. Avec Yann Paranthoën partout où il aurait bien voulu m'emmener. Petite main avec Jean Garretto et Pierre Codou, à l'Oreille en coin, France Inter. 



lundi 12 décembre 2022

Avant le raout (du 19 décembre), David Christoffel nous livre sa vision des enjeux pour la radio publique…

Bon, quelquefois il vous arrive bien avec des potes de faire un plateau TV un soir de match de… croquet. Avec David Christoffel, - Poète et compositeur / Producteur @RTS/ Metaclassique sur 100 radios libres - on a, depuis octobre, réservé une bonne partie de la journée du 19 décembre pour écouter “Trois variations en do majeur” ou l'audition des trois postulants à la Présidence de Radio France. Florent Chatain (journaliste), Maïa Wirgin et Sibyle Veil. Que, comme nous, vous pourrez suivre sur le site de l'Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). J'ai proposé à David de répondre à quelques questions.

















Radio Fañch David, tu m’as annoncé depuis longtemps la pose d’une RTT (Radio Tout Touïe) le 19 décembre, que se passe t-il ce jour-là ?
D.C. : Quand, il y a 5 ans, Emmanuel Macron parlait de l'audiovisuel public comme d'une "honte", il entendait sortir d'un "système incestueux" avec le voeu d'apporter la culture à ceux qui en sont les plus éloignés. L'idée même d'une culture à deux vitesses tient d'une rhétorique assez verticale de démocratisation de la culture. Depuis 5 ans, les dynamiques s'intensifient pour réfléchir en termes plus horizontaux de démocratie culturelle. Et le Ministère de la Culture promeut de plus en plus systématiquement la déclinaison des droits culturels. Si bien que la diversification des voix (trop souvent comptabilisée sur des marqueurs identitaires) et le pluralisme des écritures radiophoniques sur les chaînes publiques sont des enjeux démocratiques majeurs, pourtant très peu mis en avant par les projets stratégiques en débat. C'est pourquoi je serai à l'écoute, le 19 décembre, des déclarations des candidats mais aussi de l'expression des attendus de l'Arcom.

R.F. : Que des prétendants à la gestion de la radio publique fassent du cinéma, ça ne t’interroge pas grave sur le « transfuge de genre" ?
D.C. : Le storytelling risque effectivement de masquer les enjeux. Et le box-office de prendre une place trop écrasante dans les bilans. Il est même contradictoire d'avoir un consensus massif pour défendre une offre audiovisuelle indépendante des GAFAM et de justement compter ses succès en nombre de vues. La guerre des chiffres laisse en angle mort des questions aussi essentielles que l'indépendance de la radio ou les questions éducatives. Il me semble préoccupant que le seul candidat qui vienne du métier de la radio n'emploie pas le mot "éducation" et, surtout, n'affiche aucune ambition culturelle qui dépasse l'existant. Mais il a eu le courage d'y aller. Et on peut regretter que la fonction n'ait pas attiré d'autres profils que les deux énarques dont les parcours sont d'autant moins discutés qu'aucun autre type de compétence ne vient les challenger. 

Leurs projets ont des nuances assez fines dans la forme mais plutôt fortes dans le fond. Pour ne prendre que l'exemple de l'éducation aux médias, leurs projets stratégiques restent enfermés dans une vision très centrée sur l'information. Aucun des projets ne questionne la variété des genres radiophoniques. Encore une fois, le pluralisme ne peut pas se penser sans une riche variété de formes et d'expressions. Or, les deux projets entendent concentrer leurs efforts sur la formation des journalistes, comme si ce n'était pas tous les métiers de la radio qui méritaient de faire éducation aux médias. 

Maïa Wirgin fait mention de l'éducation artistique et culturelle, mais pour vouloir seulement renforcer l'offre existante en pratique musicale. Il est incroyable que la pratique artistique de la radio (ou, par extension, la création sonore) n'apparaisse dans aucun des projets. En plus d'une vision réductrice de ce qui peut faire radio, cela révèle aussi une vision parisianiste en ce que ces projets cantonnent l'éducation aux activités pédagogiques de la maison de la radio au lieu d'envisager l'envergure nationale que ces enjeux méritent dans chacune des radios locales de Radio France. Et j'insiste sur ce point car c'est bien l'un des travers du prisme des bonnes audiences qui porte les analyses à raisonner sur l'existant plus que sur l'idéal.

















R.F. : On peut dire (par ta naissance) que tu es vraiment un enfant de Radio France, quels Pdg et/ou directrices ou directeurs de chaîne t’ont marqué… à vie ?
D.C. : Je suis effectivement né sous Giscard. Mais j'essaye de rester à distance de tout culte de la personnalité.

R.F. : Comment vois-tu l’avenir de la radio dans le maelström de la fusion des audiovisuels publics ?
D.C. : Je ne peux pas m'empêcher d'espérer que de nouvelles synergies puissent faire émerger de nouvelles formes. Comme disait Silvain Gire au dernier colloque du GRER, la production télé est très majoritairement de la radio filmée. Mais je redoute que des calculs du type ratio coût/nombre de clics ne viennent décevoir ces utopies que, à mon échelle, depuis plusieurs saisons, je ne réussis à épanouir que sur les radios libres.

R.F. : Si pour Aragon “la femme est l’avenir de l’homme” le podcast est-il l’avenir de Laurent Frisch (1) ?
D.C. : Il ne fait aucun doute que, comme chacun de mes collègues de la maison de la radio et de la musique, Laurent est quelqu'un de génial. Et il ne fait aucun doute que tous les gens qui ont du génie peuvent avoir de l'avenir dans le podcast ou dans autre chose (car il y a beaucoup de génies qui ne font pas de podcast tout comme il existe beaucoup de podcasts qui ne sont pas géniaux), à moins d'être viré de la radio comme cela peut aussi arriver à beaucoup de gens géniaux. Bref, laissons à l'avenir le soin de nous surprendre.

R.F. : Peux-tu révéler le thème de ta prochaine création radiophonique ?
D.C. : Ce sera le réveillon. J'ai proposé à la Compagnie Turbulences (bien connue du grand public pour sa participation aux Rencontres du Papotin sur France 2) de faire un réveillon de Noël rien que pour Metaclassique. C'est une création pleine de rêves irréalistes, de bons sentiments d'une hypocrisie jubilatoire, d'histoires drôles hilarantes de nullité, de chants de Noël chantés à tue-tête et de bonnes résolutions pour la nouvelle année.

R.F. : Avec qui aurais-tu rêvé de faire une quotidienne sur France Musique ou sur France Culture ou les deux ?
D.C. : Avec les publics. Dans un esprit de jeu, de découvertes et d'utopies partagées.

Demain… je répondrai à ce même questionnaire.

(1) Directeur du Numérique et de la Production à Radio France,