samedi 30 décembre 2023

Écouter la radio… Celles et ceux qui la font la nuit !

Longtemps, on peut même dire pendant des décennies, l'écoute de la radio résultait de postures fortuites ou appropriées. Dans un certain brouillard des petits matins, une oreille sur le son, un œil sur la pendule ou la montre. Dans la bulle de l'habitacle de la voiture, entre deux injures et trois feux orange bien murs. Puis dans sa propre bulle au casque (ou aux oreillettes). Ou, retour at home, dans son fauteuil ou son canap' pour savourer les mots, les dits et les tus. Et, en apothéose dans son lit, toute lumière éteinte pour entrer intégralement dans la radio, yeux ouverts ou fermés, oreilles en tension absolue. C'était aussi le temps où la radio s'adressait à tous et à chacun et où l'auditeur, l'auditrice pouvaient s'imaginer qu'on ne parlait qu'à lui, qu'à elle seule.











Les Nuits de France Culture (en flux) ou la sélection proposée pour les vingt ans de la chaîne  sont une bonne occasion de se mettre en condition optimale de réécoute. Et mieux, pour une série des Nuits magnétiques en quatre épisodes, jouer le jeu, quatre soirs d'affilée et écouter, un par un, chacun des documentaires qui composent l'ouvrage ou l'œuvre totale. Pour celle que je vais évoquer ça tombe bien puisque le documentaire a obtenu le "Prix Italia documentaire" en 1990.

"Gens du marais" de Jean-Pierre Milovanoff et Mehdi El Hadj est pour moi la quintessence de ces Nuits magnétiques qui ont enchanté nos fins de journée et, quatre soirs par semaine sur France Culture, nous ont propulsés dans l'au-delà. Au delà de l'actualité, au delà des tendances, au delà du blabla autour d'un micro (1). Et si tout commence (le mardi) par la présentation feutrée d'Alain Veinstein, grand ordonnateur de ces nuits-là, on peut dire alors que le magnétisme est à son apogée et qu'il va fonctionner pendant plus d'une heure chaque soir jusqu'au vendredi.

La nuit, pénétrer "à pas de loup" le marais poitevin… de jour. C'est possible et c'est presque envoûtant. L'art du documentariste et du réalisateur de nous prendre par l'oreille et nous faire pénétrer lentement dans un monde à part. Une périphérie. Une marge. Un îlot de "pas comme ailleurs". Un pays d'ici, de là, où l'on va pouvoir appréhender calmement la géographie, la sociologie, l'ethnographie, l'histoire et le fait divers étonnant, différent, singulier.

Cette semaine (de mardi 26 décembre à vendredi 29) j'ai chaque soir écouté les "Gens du marais". Ou plutôt réécouté puisqu'à l'époque (juin 1989) c'est sur un mot et un seul que mon attention avait été attirée (2). 

  • "Vous avancez à pas de loup, ciel dégagé, il est un peu plus de 22h40, en bordure des conches, ne faites pas attention aux frênes et aux saules taillés en têtards, ni aux sous-bois couverts de cariçaie. Ne réveillez pas le héron, la loutre, les rats musqués et ragondins, ces envahisseurs américains dont les berges ont à souffrir. Ne vous laissez pas surprendre par la faible épaisseur de l'eau et prenez garde au taux élevé de salinité, attesté par la présence de trèfle et d'orge maritime, ou de la guimauve officinale que colorent les fleurs de coucou et les orchidées. Sur fond de clapotis, mon gabare franchit allègrement les gonelles, nous faisons route vers le "Desséché" cette unité plate et nue, à laquelle j'ai la faiblesse de préférer le mouillé, ces mottes, ces plates, rigoles, mizotte, siques, trainou, portes à flots… Les lignes de peupliers se perdent dans les lointains où dorment d'infinis moulins et métairies insulées. Encore vingt-mille kilomètres de silence où pour l'amour d'une eau peu courante dont les ondes sont à mille lieues de celles de la radio. A-t-on déja entendu une sole ou un brochet parler ? Et les carpes ne restent-elles pas muettes comme des carpes même quand les grenouilles travaillent le dernier générique des Nuits magnétiques… ?" (3)
Comment alors résister à plonger nu dans ce documentaire ? Comment ne pas frissonner des atmosphères, des odeurs, des sons… ? Comment ne pas se sentir ailleurs, protégé, "insulé", pénétré des rites et façons des autochtones tranquilles, singuliers, à la marge du monde habité ? Comment ne pas avoir tant de mal à revenir les pieds sur terre ? Quand la meilleure façon est sans doute de se laisser envelopper par les brumes du marais. 

(1) Pratique délétère qui tient lieu aujourd'hui de "programme" quand l'audace, la créativité, le rêve ont pratiquement disparu des ondes,
(2) Le mot pigouille, perche servant à faire avancer les bateaux à fond plat, a été "repris" par les goémoniers du Finistère, qui dès les années 40, ont installé au bout d'une grande perche, une faucille pour faucher les algues de fond (laminaires). Par extension ces inscrits maritimes ont été surnommés les pigouyers ou pigouillers,

(3) Micro d'introduction d'Alain Veinstein le producteuur-coordonnateur des Nuits. Quelle poésie, quel brio de la langue, du langage vernaculaire et du transport immédiat in-situ sans avoir fait le moindre pas ! Ceci étant il m'a fallu l'aide de plusieurs dictionnaires pour écrire correctement "mizotte, siques, trainou, portes à flots" et surtout en comprendre le sens. Quelle belle leçon de patois !

mardi 19 décembre 2023

Les 60 ans d'Inter autrement, vraiment autrement…

Je les ai rêvés ces soixante ans d'Inter. Le sommeil est profond et le rêve interminable. Ma demande à la Directrice, Adèle Van Reeth, d'une nuit d’antenne entière… a été accordée. Six heures pour 60 ans on pouvait pas faire moins, si ? Et puisque le rêve est engagé j'ai proposé à trois réalisatrices et un réalisateur de m'accompagner pour cette belle fête de la mémoire (1).












On ouvre le programme avec Agathe Mella. Première directrice d’une chaîne de radio (d’abord à Paris-Inter puis France Inter, puis France Culture) et je rappelle l’hommage de Roland Dhordain à cette femme de radio. “C’est grâce à elle que les pères fondateurs de France Inter purent faire aboutir leur projet”. On l'écoute avec Philippe Caloni. C'est alors facile d'enchainer avec Pierre Wiehn (2) quelqu'un qui au micro et à la direction a connu "l'âge d'or" ou tout au moins un âge de création radiophonique exceptionnel. Par ordre d'entrée en scène on aurait du d'abord évoquer Roland Dhordain, le père de la réforme radio (période ORTF) et celui d'un dépoussiérage efficient de Paris-Inter pour installer dans le paysage, France Inter.











La voix d'Annick Beauchamp (Madame Inter), celle d'Anne Gaillard et de Clara Candiani qui a animé les émissions d'entraide et de partage "Les Français donnent aux Français". Mais dans ces presque débuts la chanson a une grande place sur Inter, dans toutes les émissions. Et le "jeune" repéré par Dhordain, Gérard Klein, virevolte avec la musique et le hit-parade. Les femmes à l'antenne se comptent sur les doigts d'une main. Il faudra attendre TSF 68 (L'ancêtre de L'Oreille en coin)…










Pas sûr qu'on joue le chronologique. On essaye de faire entrer au chausse-pied une décennie  par heure et à chaque fois choisir des témoins auditeurs/auditrices qui auront été chauffés à blanc depuis plusieurs mois pour donner le "meilleur" de leurs souvenirs. Mais surtout on envoie comme un inventaire à la Prévert des voix, des voix, des voix qui rythment les 24 d'heures d'Inter. Celles à l'antenne. Celles disparues.

30 mars 1968, 14h, la révolution radiophonique est au studio 125. Garretto et Codou viennent d'inventer ce qui deviendra L'Oreille en coin. 13h de programmes en trois tranches. Samedi après-midi, dimanche matin, dimanche après-midi. Difficile d'échapper au panache d'Artur. Pour clore la décennie 60 on se prendrait quelques Embouteillages et son bonjour goguenard !











Comment ensuite ne pas conter sur Gérard Sire ? On prendrait Le masque et quelquefois la plume. Et filer sur La route de nuit… L'ORTF éparpillée façon puzzle, il s'agissait d'entrer das la ronde et prenant Le temps de vivre avec Jacques Pradel on arrêtait tout pour écouter Françoise Dolto. Et, sans sommeil se dire qu'on appellerait "Allo Macha" enfin pas ce soir, demain peut-être. Car on attendait Groucho et ce fut Marx et Claude Dominique. Ses indicatifs/génériques sont des perles ciselées avec attention et amour. Marche ou rêve !

P. Jacques, M.O. Monchicourt, Kriss,
A.Gribes, E. Den, K. David







On entre dans les 80' et Eve raconte ! Et le dimanche Kriss, Agnès Gribes, Marie-Odile Monchicourt, Paula Jacques, Katia David… Et Foulquier de nuit. Brigitte Vincent et son 15-115. Et là, si on cite à l'antenne le réalisateur Gilles Davidas on en profitera pour évoquer la longue liste des réalisateurs et des réalisatrices qui, sans elles et sans eux, pas d'émissions à l'antenne. Et un joli duo pour un passé singulier (Winock/Dominique). Et Noëlle Breham entre deux pleins et trois déliés. Ah la nuit… la nuit !

Bernard Lenoir










Au début des 90' Bernard Lenoir est toujours fidèle au poste. Va donc voir Là-bas si j'y suis… disait Mermet et en Avant la zizique ! (et ce si bel indicatif que Claude Dominique aurait aimé faire et écouter. Pourquoi tu t'es barré Hugues Le Bars ?). Ce serait le moment de faire un melting pot de plusieurs indicatifs et de jouer, à l'endroit à l'envers du temps ! Et Paula Jacques, cosmopolitaine. Comment ne pas feuilletonner avec "Le perroquet des batignolles". Ou flâner quelques dimanches en roue libre (avec Kriss). Et bien entendu Michel Grégoire !

Kriss

Le siècle tourne ! On va se tirer quelques portraits sensibles ! Ou, l'oreille collée au poste, écouter sans bruit les Histoires possibles et impossibles de Robert Arnaut. Et deux mille ans d'histoire de Patrice Gélinet. Et puis si c'est Ouvert la nuit (avant qu'elle ferme)… Rappelle-toi Rebecca. Au risque de se prendre en pleine poire un Boomerang. Ou un zeste d'Instant M ou de Charline. Et monter la (ou les) marche(s) de l'histoire.

Bon j'en ai forcément oublié plein, mais on va tenir nos six heures. On mettra des chansons. Auditrices et auditeurs nous diront leur madeleine, on aura des voix qui viendront d'ailleurs et puis dans une sorte de chant choral on égrènera joliment les noms de cent femmes de radio ! Et on se remettra l'indicatif d'Hugues Le Bars… Le temps d'une chanson !


(1) Michèle Bedos et Maryse Friboulet et Marie-Christine Thomas et Gilles Davidas (Tu rêves Fañch ? Ben oui comme Claude Villers, du plus lointain de mes rêves),

(2) Journaliste, producteur, Directeur de France Inter, 1973-1981.

lundi 18 décembre 2023

60 ans de… France Inter

D'abord ces soixante ans nous rappellent furieusement les cinquante et plus particulièrement ce 14 décembre 2013, où un certain François Hollande, Président de la République, venait, entre la poire et le fromage, ânonner (au studio 104 de la Maison de la radio), enfoncer (quelques portes ouvertes) et défoncer (le moral des troupes). En évoquant " le chapitre des mutations, vous avez à deux reprises, [M. Hollande], parlé de "Grand service public audiovisuel" en osant rapprocher la radio et la télévision publique." (1). Le lendemain de ce jour qui ne restera pas dans l'histoire, Mme Filipetti , Ministre de la Culture, ramait de toutes ses forces pour clamer "… Le Président a voulu dire… ". Il l'a dit . Voilà l'acte fondateur de la mue qui a disposé de dix ans pour… muer











Vendredi dernier après avoir été l'invité de Guillaume Erner dans la matinale de France Culture (2), Jean Lebrun allait de 20h à 22h commémorer les 60 ans de France Inter ! Les soixante ans de Radio France ont été joués en août 2023 quand on a demandé à Jacques Gamblin de singer le Général de Gaulle et son discours d'inauguration de la Maison de la radio ! Mauvaise date, mauvais sketch, mauvaise personne. Veil (Sibyle), Pédégère de Radio France, avait déjà, surtout hâte de passer à autre chose ! Ben voyons Léon ! Question : comment continuer à valoriser "… de la radio" quand on a décidé de passer à l'audio et à la plateformisation ? Réponse : tant que la Maison (de la radio) si ronde ne pourrait supporter en son sein aucune platitude, dusse-t-elle être plate…forme !

Un bel indicatif, en mix, qui commence par Jim Wild Carson ("L'Oreille en coin"). En générique Lebrun et Laure Grandbesançon glosent sur flux et podcast d'un air de dire "tout ça c'est de la radio" quand dans les coursives, quelques ténors chantent "tout ça c'est de l'audio". Au bénéfice de l'âge, comme il dit, Jean Lebrun démarre ses souvenirs radiophoniques et évoque juillet 1969. En expédition en montagne comme tout le monde ce 21 juillet, il a marché sur la lune ! 

S'en suit la présentation des invités. Des hommes : Jean-Pierre Le Goff (sociologue), Jean-Paul Cluzel (ex-Pdg de Radio France), Bernard Thomasson (Journaliste France Info), Nicolas Poincaré, (ex journaliste à France inter), Jérôme Garcin (journaliste, animateur du Masque et la Plume). Une femme Anne Brucy (journaliste à Radio France). Quand, au détour d'une phrase de Lebrun on apprend que la directrice de la chaîne Adèle Van Reeth a constaté le peu de présence féminine, on se dit qu'inviter Michèle Cotta (2ème Pédégère de Radio France, 1981-1982) aurait au moins été aussi intéressant que Cluzel dont les souvenirs radiophoniques, on l'entendra, sont assez plats !

Ré-ré-ré ensencer Le Masque et la Plume oui pourquoi pas, mais bon, France Inter s'est construite sur d'autres piliers et surtout sur des quotidiennes qui elles aussi ont eu une très longue présence à l'antenne ! pas facile de faire une émission hommage quand on est dedans-dehors, même si Lebrun a quitté les ondes depuis la rentrée ! Comme si France Inter voulait ad vitam aeternam mettre en avant (3) les mêmes émissions patrimoniales. (4)


 









Il faut écouter-réécouter cette émission pour quelques anecdotes savoureuses mais qui sont loin de brosser 60 ans de radiophonie publique. Mais c'est la fin de l'émission, quelle heure est-il ? 22 h ! Marine Beccarelli nous a appris dans "Les micros de nuit" que les émissions de nuit commençaient à 23h (et depuis 1957 pour le 24/24). Les émissions de quoi ? De nuit ? Grosse déception on n'entendra presque rien d'évoqué sur le sujet (outre l'anecdote d'Aschero) alors que sur 60 ans d'Inter, quarante-six ont émis 24/24. Sujet brûlant, crispant, navrant. Car pendant toutes ces années les auditeurs nocturnes ont été accompagnés qu'ils soient au travail, au chômage, insomniaques ou noctambules ! Et le prêche de Laure Grandbesançon pour l'écoute des podcasts la nuit qui, pour elle compensent l'absence des émissions de flux, a juste à voir avec sa paroisse et surtout montre bien qu'elle n'a jamais du écouter en direct la radio la nuit.

Bien sûr Jean Lebrun ne pouvait faire l'impasse sur Kriss. Kriss "la force de l'instant". Mais il eût été sympa de dresser un inventaire à la Prévert. Un inventaire qui aurait aussi nommé réalisatrices et réalisateurs sans qui les émissions seraient bien bancales !

Petit coup de chapeau à Hedi, auditeur fou (de radio) qui a pu évoquer quelques souvenirs et présenter son très riche blog Radioscope !

(1) Mon billet du 18 décembre 2013,
(2) https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins,
(3) On se serait bien passé du tunnel de l'archive du Masque qui reprend les poncifs Bory/Charansol,

(4) Un coup d'pot on a échappé à une archive du Jeu d'Émile Franc ! Mais pas à un son de Tandem, film de Patrice Leconte, que Lucien Jeunesse avait détesté. Bon un son (trop long) de cinéma pour évoquer la radio, hum !!

Claude Villers… un merveilleux raconteur d'histoires !

Dans le petit monde de la radio on a l'habitude, entre nous, de s'informer des nouvelles graves ou importantes qui bouleversent ce média avec lequel on a passé une bonne partie de sa vie. Hier c'est Maryse Friboulet, ex- réalisatrice à France Inter qui m'a appelé pour m'informer du décès de Claude Villers. Je peux vraiment dire qu'on reste sans voix. Comme si hommes et femmes de radio étaient immortels. Un jour, Kriss dit à un ami physicien «Les gens de radio sont comme des éphémères qui ne volent qu’un jour et disparaissent.» «C’est faux, lui a-t-il répondu. Tout ce qui existe est détruit par le temps. Les monuments les plus beaux, les livres, la planète elle-même disparaîtra. Mais vous, les voix de radio, vous êtes éternelles. Vos paroles emportées par les ondes hertziennes voyageront dans l’univers aussi longtemps qu’il existera.» (1)


Claude Villers, photo illustrant un article de l'Unité



Il en ira ainsi de Claude Villers qui d'abord par sa voix et sa présence au micro nous aura transporté À plus d'un titre (2) …du plus lointain de nos rêves (3). Et puis vint "Pas de panique"(rentrée 1973) où avec Patrice Blanc-Francard (et la bénédiction du directeur de la chaîne, Pierre Wiehn) ils vont dégoupiller l'antenne de 20h à 22h, avec à la réalisation Olivier Nanteau. 

Pour Longueur d'Ondes (2016) j'ai eu la chance de pouvoir recevoir Villers, Wiehn et Blanc-Francard pour les interroger sur l'âge d'or d'Inter. Et de revoir Claude deux fois en Gironde. Il racontait aussi bien les histoires qu'à la radio. J'aimais qu'il détaille son passage au festival de Woodstock où installé sous la scène il faisait tourner son Nagra et… s'abritait de la pluie !

Inventeur d'émissions originales, sans jamais les tenir plus de deux ans, pour toujours se renouveler et faire partager ses passions des trains, des transatlantiques et des voyages. Hier soir tous ceux qui l'ont côtoyé et qui, ils et elles, ont passé tant d'heures au micro ont du voir défiler une belle part de leur vie radiophonique. Comme ses auditrices et auditeurs qui, eux aussi, viennent de perdre un être cher.

(1) La sagesse d'une femme de radio, Kriss, Jean-Claude Béhar éditeur, 2005,
(2) Sa première émission sur Inter, 1971-1973,
(3) Je vous écris du plus lointain de mes rêves, France Inter, 1997,

mardi 5 décembre 2023

Amours, délices et orgues : meta classique !!!!

David Christoffel, producteur radiophonique, fabrique chaque semaine une émission autour de la musique classique mais pas que (1). Il sait prendre les chemins de traverse, ici la tangente, pour taquiner le goujon et creuser des sujets qui auraient toute leur place sur les trois chaînes publiques France Inter, France Culture, France Musique. Eh bien, c'est justement de ces trois là dont il nous parle aujourd'hui. Et oui, il y a 60 ans leur nom était inscrit dans le marbre et mieux dans le béton de la Maison de la radio, inaugurée le 14 décembre 1963.











Cette émission c'est un manège. On tourne autour (de la Maison de la radio) et à chaque fois qu'un auditeur en descend il a des choses à dire sur le tourbillon de la radiophonie publique. Se succèderont au micro les auditeurs Frank Lanoux, Roselyne Bachelot, Yves Riesel et Marina Chiche. Et, si vous écoutez l'émission avec toutes vos oreilles, peut-être même un raton-laveur.

Vous le découvrirez France Musique a failli s'appeler "Amours, délices et orgues" ! Véridique ! L'occasion était trop belle pour que Christoffel en fasse aussitôt une partition digne des grands entretiens que France Musique savait autrefois donner à entendre ! 

Reprendre quelques-uns des noms suggérés en 1963 pour nommer les trois radios publiques aurait pu être l'occasion pour ce soixantième anniversaire d'en faire sur les trois chaînes de jolis jeux de mots. Jouer pour le jeu. Il aurait fallu pour ça que les dirigeants sachent entendre ceux qui savent encore jouer de la radio et pour qui "Amours, délices et orgues" aurait pu être un formidable prétexte radiophonique.

(1) Son émission est diffusée par plus d'une centaine de centaine de radios associatives

mardi 24 octobre 2023

Fip pile, Fip face… Comme un dilemme !

Oh la journée d'hier a très bien commencé ! À l'écoute de Fip. 9h32/Lee Hazlewood/Boots. 9h37/John Lee Hooker/No shoes. 9h52/Johnny Guitar Watson/Superman Lover. 9h57/The Funk Revolution/Scarlet Runner. 10h09/Them/Gloria (frissons). 10h19/Mito & Comadre/Guajirando. 10h23/Jasual Cazz/Double Comète. 10h27/Taggy Matcher/Radioactivity. 10h38/Dominique Fils-Aime/Our roots run deep. 10h41/Madeleine Peyroux/Don't wait too long. 10h49/BarryWhite/ Never gonnagive you up. 10h54/Tamaradah/Abebayehosh. 10h58/Martina Topley Bird/Too tuff to die. Oh yeah ! Treize sélections de la programmation de M. Dimitri Delpardo, programmateur à Fip ! (1)











Mais la joie ne s'est pas arrêtée là ! Et à 11h16, on arrête le moulin à café, le moulin à paroles, le moulin de Pantin et on ne bouge plus. William Devaughn/Be thankfull for what you got. Comme l'impression de connaître ce titre depuis 1974. Peut-être ? Mais non. Ou sans y prêter assez d'attention ! Merci à Luc Frelon, autre programmateur Fipesque (et improbable !) d'avoir éclairé ma lanterne et informé que les sympathiques Massive Attack en ont fait une reprise en 1991 (alboum Blue lines). 11h23/Radiohead/Creep (acoustic). 11h32/Kendra Morris/Playing games. 11h35/Montell Jordan/Get in on tonite. 11h40/Total Control/Futur creme. 11h51/Dylan Moon/Look. 11h56/La Chica/Drink. 11h59/Czesare/Czesare. 12h10/Adélys/Le déluge. 12h13/Andrew Bird/Funeral. Programmateur Christian Charles. Merci Luc Frelon de l'avoir… dénoncé ;-)

Ça c'était le côté Pile. Avec très souvent pour ne pas dire tous les jours de très bonnes choses à se mettre entre les oreilles ! Le côté Face, c'est l'institution Jazz à Fip, gravée dans le marbre et co-créé par Jean Garretto (l'inventeur avec Pierre Codou de France Inter Paris en 1971) et, a minima, par Julien Delli-Fiori, programmateur et, quelques années plus tard, directeur de l'antenne (2010-2014). Pour ceux qui aiment le jazz (bien joué la citation Fañch), (2), c'est le bon moment de la journée. Mais voilà que depuis la rentrée (ou peut-être en fin de saison dernière) à été confiée à Marjolaine Portier-Kaltenbach l'animation de cette tranche jazz. Pourquoi pas ? Mais pourquoi ici l'animatrice est nommée, quand toutes ses collègues ne le sont pas ? Pourquoi à la différence de ses collègues a t-elle "son" émission ? Jazz à Fip serait l'emblème de la station ? Bigre ! 

Ce glissement de personnalisation déroge aux principes même de ce qui depuis 1971 est le fondement de la station. Les animatrices (on peut le regretter) ne sont pas identifiées. Les choses peuvent évoluer mais c'est difficilement compréhensible que toutes les animatrices ne soient pas sur le même pied d'égalité (3) ! Le fin du fin s'entend quand l'animatrice de la tranche 15h30-19h pré-annonce Jazz à Fip en nommant… Marjolaine Portier-Kaltenbach et son invité. L'une est nommée, l'autre pas ! Une drôle de couleuvre à avaler non ?

Je ne doute pas que Ruddy Aboab, le directeur, a un avis sur la question. Il n'empêche, je ne comprends pas… et j'aimerai comprendre.

(1) Que son p'tit camarade de bureau, Luc Frelon appelle le Kid ! 
(2) "Pour ceux qui aiment le jazz" de Franck ténot et Daniel Filipacchi, Europe n°1, dès 1956,
Et aussi "Certains l'aiment Fip" de Susana Poveda et Denis Soula, le dimanche à 20h ! Ces émissions personnalisées "inventées" par Anne Sérode, directrice météorite, (2014-2017).

lundi 23 octobre 2023

Des farces… à en pleurer !

Rien ne va plus ! On a fait nos jeux et on a perdu. Perdu même ce petit coin protégé le dimanche à la radio qui bouleversait la grisaille de semaines routinières. Tous ces très grands moments d'évasion imaginaires, en roue libre ("Dimanche en roue libre", Kriss, 1996-1999, France Inter) totalement libres de ne pas ressasser l'actualité de la semaine. Ce dimanche je n'ai pas d'autres choix que de revenir sur quelques farces médiatiques dont l'audiovisuel public a le secret.

E.T.













Maison
À l'inverse d'E.T. Jean-Pierre Elkabbach ne montrait jamais du doigt le bâtiment en verre de France Télévisions en geignant "Maison, maison…". Après avoir du démissionner de cette société d'audiovisuel public pour l'attribution outrancière de contrats mirobolants à des animateurs/producteurs de facéties, Elkabacch a poursuivi sa conquête irrésolue du pouvoir. Puis il est mort le 3 octobre. Mais à France Télévisions il restait une personne croyant à son immortalité, Delphine Ernotte, sa Pédégère. Moins de deux jours après le décès du journaliste, autrefois conspué un certain soir du 10 mai 1981, Ernotte décida de baptiser le siège social de FTV "Maison Jean-Pierre Elkabbach". On peut bien, sans être devin, imaginer que ce nom ne sera jamais usité et qu'il rendra perplexes, dans vingt ans et même moins, les gens qui passeront le seuil de cette "Maison". Ça risque fort de faire pschitttt !!! À moins que ça ne donne des idées saugrenues à la Pédégère de Radio France qui pourrait re-re-baptiser la Maison de la radio. Je laisse à votre sagacité imaginer tous les noms possibles et inimaginables qui pourraient sortir du chapeau, dont le plus improbable serait "Lucien Jeunesse".

Infusion, diffusion, fusion…
Ah si seulement j'avais pu être titreur au Canard enchaîné !  Le 4 mars 2015, Marc Schwartz, conseiller référendaire à la Cour des Comptes, remettait à Fleur Pellerin, Ministre de la Communication, son rapport sur l'avenir de France Télévisions, intitulé "Le chemin de l'ambition". Les professionnels de la profession médiatique s'en souviennent-ils ? Pas tous sûrement, à lire leur dithyrambes sur la future "fusion" de France Bleu et France 3. Et sûrement pas Cyril Petit qui le 17 octobre, suite au raout à Rennes dans les locaux de France 3 de Mesdames Ernotte et Veil, parlait entre guillemets de "révolution copernicienne".  Non sans blague ? Autant dire que je me suis tapé sur les cuisses un bon quart d'heure ! 

L'infusion est en marche, a minima, depuis la remise du rapport Schwartz. À cette époque ni Ernotte, ni Veil n'étaient aux commandes de l'audiovisuel public. Ni l'une ni l'autre d'ailleurs n'y exerçaient la moindre fonction. Un an et demi plus tard après la création de franceinfo/tv un cadre de Radio France m'informait que le prochain étage de la fusée (1) concernerait la fusion de France Bleu et de France 3. C'était il y a sept ans déjà.

Depuis les effets de manche, d'annonce, de désannonce, de loi tuée dans l'œuf n'ont pas manqué d'infuser la société française. Les diffusions de ces communications hasardeuses ont noirci des pages et des pages de tribunes et autres expertises (superfétatoires) jusqu'à siffler la fin du match en décrétant une révolution copernicienne. Et ta sœur serai-je tenté d'écrire ? Pauvre Copernic comme si la platitude (sic) de la Terre pouvait etre comparée à la platitude de l'engagement de l'État pour l'audiovisuel public, qu'il vaudrait mieux appeler désengagement.

La fusion qu'il ne faut surtout pas appeler comme ça, est à point, pour ne pas dire mûre ! "Une ligne éditoriale commune, une marque unique, une union des moyens. Mais ce n’est pas une fusion, insistent les patronnes de l’audiovisuel public, chaque média gardant ses particularités... et ses salariés " précisent Ernotte et Veil à Ouest-France (2). Qu'est-ce qu'on se marre ! On en reparle dans trois ans pour voir ? D'ici là la marque (autrefois on aurait dit le nom) ICI pourra prêter à tous les jeux de mots : ICI est là !


(1) La fusée HORTF (HOlding de Radio et Télévision Française),
(2) Article cité, 

lundi 9 octobre 2023

Radio vs TV un long feuilleton au dénouement proche !

 Il y a tout juste huit ans et demi, le 5 mars 2015, Marc Schwartz conseiller référendaire à la Cour des Comptes, remettait à Fleur Pellerin, Ministre de la Communication, son rapport sur l'avenir de France Télévisions, intitulé "Le chemin de l'ambition" (1) La veille en soirée, je prenais la peine de lire en diagonale ce rapport de 122 pages (sans les annexes) parce qu'il y avait de la radio dedans. ""Le manque de coordination [des acteurs de l'audiovisuel public] a trouvé une expression récente lors de l'annonce, à quelques jours d'intervalle, du souhait de Radio France de disposer d'un "service global d'infos en continu qui mélangerait la radio, la vidéo et le numérique", puis de celui de France Télévisions de lancer une chaîne d'informations en continu en numérique, courant 2015." Début d'un long processus technique et administratif pour engager Radio et TV à se fondre dans une entité commune même si le rapport ne l'évoquait pas aussi précisement.




Depuis par petites touches ou par le coup de pied de l'âne, l'État (actionnaire des audiovisuels publics), son bras armé Bercy et l'autorité de régulation (CSA, puis Arcom) avancent leurs pions pour qu'il n'y ait d'autre alternative que la fusion (Radio France, France Télévisions, France Média Monde, Institut National de l'Audiovisuel) avec ou sans loi, entre dans les faits et bouleverse définitivement des pratiques autonomes héritées de la loi d'août 74 qui mettait fin à l'ORTF. Depuis presque trois ans on entend ânonner Delphine Ernotte et Sibyle Veil (Pdgères de France Télévisions et Radio France) faire état de la formidable innovation des matinales filmées de France Bleu disponibles sur France 3. La belle affaire ! Une façon comme une autre de préparer les esprits (des auditeurs-spectateurs), de pousser à marche forcée les équipes professionnelles à travailler ensemble, de donner des gages à l'État d'un semblant de fusion. Fusion "douce", fusion d'affichage, fusion "1er étage de la fusée".

Le 4 octobre dernier l'Arcom formule treize recommandations sur les Contrats d'Objectifs et de Moyens (COM) 2024-2028. Parmi celles-ci le régulateur incite FTV et RF à établir un pilotage unifié pour ce qui concerne France Bleu et France 3. Le lendemain Delphine Ernotte en verve combative annonce : "Je souhaite dans les prochaines années lancer un acte 2 dans cette décentralisation de France Télévisions… qui passera par une union entre France 3 et France Bleu". Elle ajoute : "Nous avons la volonté commune avec Radio France d'aller beaucoup plus loin en pensant un projet éditorial commun, une marque unique, des rapprochements immobiliers, des gouvernances uniques", a-t-elle dévoilé, travaillant à une "véritable union éditoriale et de moyens" et à "un projet très structurant" (1).

C'est clair non ? C'est même en béton armé. Toutes les roucoulades, jérémiades et autres galéjades qui voulaient rassurer sur la non-fusion des deux entités s'apparentent donc à du burlesque ou du très mauvais vaudeville. Nous voilà prévenus et au premier chef les personnels concernés. Cet étage 2 de la fusée préfigure le troisième qui verra la fusion à moyen terme "logique" des quatre audiovisuels publics.

Jusqu'en 1982 (2) les stations régionales de radiodiffusion crées avant 1980 opéraient sous l'égide de France Région 3 (FR3). Cette dernière pouvait fièrement le revendiquer (logo d'illustration de ce billet). Quarante deux ans plus tard (en 2024) ce sont toutes les stations régionales de France Bleu qui risquent de "rentrer au bercail" ou pire d'être absorbées par la TV. Comme disait Jules "le (mauvais) sort en est jeté !".

(1) La Correspondance de la Presse, 5 octobre 2023,
(2) 27 juillet 1982 : loi sur l'audiovisuel, attribution à Radio France des radios FR3 ; où l'on
apprend aussi que "les radios publiques locales seront transformées en sociétés régionales.

samedi 7 octobre 2023

Quatre belles émissions de radio : Ferré, Pénet, France Musique…

Vous savez quoi ? J'ai écouté quatre émissions consécutives de radio. Si, si de radio. Mais, si vous croisez Sibyle Veil, Laurence Bloch ou Laurent Frisch (1) n'en dites rien. Ce mot même de radio n'est plus dans l'air du temps. Il s'agit d'être moderne (digital), d'effacer le passé (flux), de fanfaronner (podcasts) et surtout, surtout de démanteler la production radiophonique, jeune centenaire (1921), qui ne devrait plus exister que par le filtre de l'audio. Pourtant il y a bien sur France Musique, le dimanche, l'émission de Martin Pénet "Tour de chant".

Léo Ferré



Cette émission patrimoniale de la chanson a gagné une demi-heure supplémentaire depuis la rentrée. Et ce supplément - d'âme - permet au producteur Martin Pénet de beaucoup mieux développer ses sujets. Il est bon de rappeler ici que sur quinze heures journalières de programmes frais (7h-22h) et donc cent cinq heures hebdomadaires, la chanson dispose donc par semaine d'une heure thématique pure. Vous avez dit France Musique(s) ? 
Fip a bien fait d'ajouter la web radio "Sacré Français" à ses propositions musicales. 

C'est le moment de regretter le Directeur Pierre Bouteiller, qui a mis en actes (et en programmes) le "s" qu'il ajouta à Musique et qui fit pousser des cris d'orfraie aux gardiens du temple classique avec une pincée millimétrée de jazz, pour faire diversion. M. Voinchet, lui, aux affaires de France Musique depuis la rentrée 2015 n'a pas bougé le petit doigt et n'aura rien fait pour permettre à la chanson francophone de disposer de plus de visibilité sur son antenne. Au "tout changer pour ne rien changer " de Lampedusa, ici il s'est agit de "ne rien changer pour ne rien changer". 

Ces quatre émissions sur Ferré qu'on a pu savourer (en flux) le dimanche de midi à 13h (trois dimanches de septembre et le premier dimanche d'octobre) m'ont encore appris beaucoup de choses sur le poète du XXè siècle (2). Même si je n'oublierai jamais la nuit Ferré (1er janvier 1988) sur France Culture, par Louis-Jean Calvet et Marc Legras. Ou la journée de 2016 où France Musique (Thierry Jousse et Laurent Valero) a célébré le centenaire de la naissance de Ferré à Monaco en août 1916.

Pénet en choisissant l'angle des poètes que Ferré a tellement chantés et propulsés dans la modernité a réussi à travers de nombreuses chansons et tant d'interprètes différents à faire rayonner autant la poésie que le répertoire de Léo. Quatre heures c'est parfait pour bien continuer ce samedi ou, dès demain matin sous la couette ou devant un café, s'extraire de ce monde impitoyable et chanter et s'évader en poésie avec Ferré.

(1) Présidente Directrice Générale, Directrice de l'éditorial, Directeur du Numérique et de la Production de Radio France,
(2) Pénet cite Ferré avec Jean Chouquet dans un Atelier de Création Radiophonique, il eut été bon de préciser et d'ajouter à cette "émission" le mot "Décentralisé". Ces Ateliers, voulus dès 1985 par J.N. Jeanneney Pdg de Radio Franceproduits par les locales de Radio France, et dirigés par Jacques Santamaria.

lundi 25 septembre 2023

Déloger, reléguer, virer… ou la valse à mille temps des changements de cases à la radio !

C’est dimanche. 7h au soleil. Face à l’océan Atlantique. Bleu marine. Ciel bleu parsemé de blanc. Soleil au coin de l’œil gauche. J’écris dehors et le petit vent ne m’empêche pas d’effleurer les touches du clavier. En fond sonore en dessous du ressac, Fip, pour être à la fois dans la radio et… en dehors ! J’ai continué toute la semaine à m’interroger sur ces pathétiques «chaises musicales» de la matinale augmentée de France Inter (7h/10h, du lundi au jeudi). Je n’en démordrais pas, les transferts Salamé/Devillers ou Devillers/Salamé, ne peuvent pas être analysés comme, pour chacune, un simple changement de case. Et, outre l’accaparement des journalistes des heures autrefois dévolues aux programmes, on peut y voir un effet star/tête de gondole au détriment d’une cohérence éditoriale sur la moyenne ou longue durée.

Là-bas, j'y suis…













Échangeant avec une amie journaliste très pointue sur les médias, celle-ci contesta assez vite le verbe de reléguer que je destinais à Devillers (l’interview de 7h50). Affirmant que cette case était en tête des audiences de la matinale, et que le transfert de Devillers pouvait se lire comme une… promotion. Pour autant pouvons-nous considérer ça comme tel ? Installer une nouvelle émission à la rentrée 2022 à 9h10 et réaliser pendant 20’ des interviews à la fois très people et d’actu chaude ne méritait-il pas pour son animatrice Sonia Devillers, de prolonger a minima une saison supplémentaire ? Particulièrement, si à l’écoute, on constate que Salamé fait strictement la même chose que sa consœur. Avec un tout petit peu moins d’empathie et quelquefois plus de distance avec son sujet.


Frédéric Potet dans Le Monde (1) a trouvé le bon verbe pour qualifier le déplacement dans la grille de l’humeuriste belge. «Délogée par la direction de France Inter de son créneau de fin d’après-midi, l’humoriste et journaliste belge occupe pourtant plus que jamais l’antenne de la radio publique». Donc Devillers aura donc été délogée mais, à la différence de sa consœur belge, on pourrait écrire «elle occupe moins que jamais l’antenne de la radio publique». Ça mange du pain ! Et le seul argument d’une bonne exposition médiatique apparait un peu dérisoire si le sifflet a été coupé.


Léa Salamé n’aura pas beaucoup eu besoin d’intriguer pour se voir offrir deux émissions supplémentaires, Adéle Van Reeth sûrement sous le charme de la journaliste exposée à la télévision (2) et très courtisée par la concurrence radiophonique. Les exemples de « changement de cases » ne manquent pas à France Inter et plus récemment à France Culture (3). Un big-bang était intervenu quand en 1983, Jean Garretto (4), nouveau directeur d’Inter avait déplacé les barons de l’antenne dans des cases inattendues. Arthur, Bouteiller et Chancel pensaient les leurs immuables. Associés à Claude Villers ils ont mené une fronde que, six ans plus tard, Bouteiller devenu à son tour directeur d’Inter, fera payer très cher à Garretto en retirant des programmes de fin de semaine L’Oreille en coin.


Plus proche de nous, en 2021, Katleen Evin a du céder son Humeur vagabonde et sa place quotidienne à 20h15, à Laure Adler, diva absolue de Radio France. Mermet avait du subir sa relégation à 15h après nous avoir quotidiennement emmenés Là-bas à 17h. Vanhoenacker a perdu quatre chroniques matutinales à 7h55, puis la case du 17h ! Lebrun sa quotidienne Marche de l’histoire pour une hebdo le samedi. Vous en voulez encore ?


En conclusion, la journaliste Léa Salamé a beaucoup plus de pouvoir qu’Adèle Van Reth en imposant plus d’une heure dans le 7/10 d’Inter. L’esprit de corps a du disparaître et c’est sans scrupule que Salamé peut pérorer en lieu et place de Devillers, délogée/reléguée à jouer les bons offices, pouvant espérer (peut-être) recevoir la médaille en chocolat des audiences Mediametrie ! En novembre, les résultats de cet institut de sondage confirmeront les bonnes ou mauvaises exigences de Salamé et la bonne ou mauvaise décision de Van Reeth de s’y plier. 


(1) «Un apéro avec Charline Vanhoenacker », 21 septembre 2023,

(2) À France Inter ça a de tout temps motivé les directeurs de programme et particulièrement Laurence Bloch convaincue qu’on fait de la bonne radio si on existe à la TV. Pourtant la misère éditoriale de l’émission d’Antoine de Caunes ou la facilité de la bande pas du tout originale d’un Nagui démontrent le contraire !


(3) Mais aussi inter-chaines de Culture à Inter, d’Inter à Culture, de Culture à Musique, de Musique à Inter et ainsi de suite…

(4) Co-créateur avec Pierre Codou sur France Inter de l’Oreille en coin (1968-1990) et de Fip (1971),


jeudi 14 septembre 2023

Sonnez tambours, résonnez musette !

À chaque fois qu'on demande à Sibyle Veil, Pédégère de Radio France, les nouveautés pour la rentrée, elle brandit l'étendard de l'info, mais jamais celui des programmes (1). Une demi-heure de plus pour Inter et une demi-heure de plus pour Culture. Le marquage à la culotte des deux chaînes est patent ! L'info c'est "facile" à caser et c'est noble ! Les programmes n'ont qu'à bien se tenir ou, presque ne plus se tenir du tout dans la dernière ligne droite, avant d'être absorbés par les… par les… podcasts, voyons !

Le bri "collage" est parfait !










Le fin du fin appartient à France Inter qui après une saison 2022-2023 avait recomposé le 9h/10 (2) et remet le couvert en mélangeant tout de 9 à 10 ! Parallèlement vous aurez suivi les aventures calamiteuses des journaux d'info sur France Culture et France Musique ! Triste épisode d'un amateurisme de haut-vol, d'effets d'annonce bidons, et de rétropédalage institué comme discipline olympique de la communication !

Devillers perd son interview "culturel" et laisse la place à Léa Salamé qui anime un débat (de société) dès 9h05 avec Nicolas Demorand, puis reçoit un invité (people) à 9h30, soit strictement la même chose que Devillers l'an passé. Pourquoi alors ce changement de cases. Léa Salamé voulait-elle embaucher plus tard ? A-t-elle sollicité plus de temps d'antenne pour mieux accueillir ses invités ? Et pourquoi Devillers débarquée et rembarquée dans l'interview de 7:50. La lisibilité de ces choix éditoriaux n'est pas visible du tout. C'est la patte d'Adèle Van Reeth (directrice d'Inter depuis la rentrée 22) dont on n'imagine mal que Laurence Bloch n'y ait mis son grain de sel ou… de poivre, c'est selon.

Devillers interviewant des politiques est-ce bien son meilleur atout professionnel ? Elle a réussi depuis 10 ans à se faire un nom en recevant souvent avec beaucoup d'empathie ses invités. Allant souvent jusqu'à les admirer à l'antenne. Ce passage de témoin Salamé/Devillers cache un loup et ne me convainc absolument pas. Quand en plus, Mathilde Serrell se voit attribuer deux chroniques (une de plus, à 9h45). Roucoulades et enfilage de perles assurés.

Petit à petit en loucedé, l'info mange les programmes, les journalistes prennent toutes les places, les productrices et producteurs voyant les cases se réduire comme peau de chagrin. Et si l'on ajoute à ça, la fin des programmes des deux chaînes (Inter et Culture) à 22h, la toile se rétrécit vraiment. Et la nouvelle politique de programme : re-diffiuser les rediffusions n'y arrange rien.

Tout nous prépare à la fin de la radio de flux mais ça, même les journalistes se refusent à l'évoquer et à l'analyser. La chute n'en sera que plus dure à amortir !

(À suivre demain… ou lundi ;-)

(1) Presque aux origines de la radio et plus précisemment depuis le milieu du siècle dernier; les programmes ont toujours été dissociés de l'info. Les programmes voient opérer des saltimbanques (et de plus en plus de journalistes) et les infos des journalistes… patentés. Et à l'origine pas du tout tentés par l'animation des programmes de divertissement (au sens large),

(2) Extension du 7/9 en 7/9:30, et une interview de personnalités (people) de 9h08 à 9h30 par Sonia Devillers qui après huit ans abandonne "L'Instant Média". Et nouvelle émission pour Rébecca Manzoni (Totémic, 9:30/10h) qui interviewe des… personnalités de la culture et plus particulièrement de la musique. Ces chamboulements provoqués par le départ d'Augustin Trappenard (Boomerang, 9h07/9h41) pour la TV (La grande librairie, F5)