mercredi 2 juillet 2025

Radio France : les as de la détemporalisation…

Ils ont tout prévu ces as-là ! "Contentez-vous d'écouter, quand ça vous chante, on s'occupe du reste". La détemporalisation ce mot barbare qui rime avec décongelation ou décontamination… La version moderne du "tout pour le tout" ou du "votre satisfaction c'est notre satisfaction". Genre de refrain pour pub bancaire ou opérateur de transport has been. Les p'tits rigolos qui ont cassé les programmes, cassé la temporalité, casser la synchronisation avec nos propres emplois du temps, ressemblent à des diables qui ne sont pas prêts de rentrer dans leur boîte. Et nous, petits moutons blancs, on se plie aux injonctions de geeks en chaleur, de nouveaux maîtres du temps, de gens qui n'ont strictement rien compris à ce qu'est l'histoire même de la radio. Ce n'est même plus une question de résistance, mais juste de bien être mental. Grand bien nous fasse !!!!!!!

Traincha/ The look of love
Burt Bacharach

Cela fait plusieurs années que je suis les "Retours de plage" de Thierry Jousse, de 18h à 20h sur France Musique, alors que ça fait des mois que je n'écoute plus la radio. J'écoute des émissions, et plus particulièrement "Les Nuits de France Culture" et des archives, partout où je peux en trouver. Ce moment de 18h à 20h est sacré car je fais tout pour me rendre disponible. Et surtout, à l'écoute. Une, écoute tendue, aigüe, la doigt sur le bouton "Shazam". C'est un vrai rendez-vous temporel (1). C'est aux heures où il se passe autre chose mais… en même temps.

En même temps aussi que Jousse met "le disque sur la platine", en même temps que c'est la fin de la journée, en même temps que ce n'est ni le matin, ni la nuit. Et cette sensation ressemble à toutes ces dizaines d'années où j'ai écouté la radio en même temps que sa diffusion antenne. Tant de rendez-vous. Tant de voix complices. Tant d'imaginaires en pagaille. Cette fonction de la radio est en train de disparaître avec la plateformisation qui rime avec détemporalisation et délinéarisation. Il paraît, d'après Laurence Bloch (2) que c'est inéluctable. Dommage que la professionnelle aguerrie de ce média se soit laissée berner par le miroir aux alouettes de la numérisation "coûte que coûte".

Alors, pour moi, ce petit îlot de radio que représente "Retour de plage" je le savoure, pendant deux-heures, fusse-t-il qu'après 20h je retourne à… la plage !

(1) Dans l'émission d'hier, en hommage à Jean-Michel Defaye, arrangeur, belle série de chansons de Ferré, dont "Épique époque" dans laquelle Ferré écorne et taquine un peu les radios périphériques "Tous ces transistors qui transitent ces piques/Sur Radio Andorre, paroles et musique/C'est l'époque épique/…Et cette Europe 1, et ce Luxembraque/…Yeah ! Yeah ! Lucien Morisse, c'est un très grand artiste/Et ce Filipacchi, c'est un de mes amis/Salut les copains !" (Traduction : Luxembraque/Radio Luxembourg. Lucien Morisse, directeur des programmes d'Europe n°1. Daniel Filipacchi, animateur de "Salut les copains" sur Europe n°1),

(2) Ex-Directrice de France Inter, rédactrice du rapport sur "France Médias".

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