mardi 9 mars 2021

"Expliquez- vous"… Ivan Levaï !

Quand j'ai su qu'Ivan Levaï, venait passer une semaine "À voix nue" sur France Culture, je me réjouissais de refaire l'histoire avec lui. Heu, Fañch (une petite voix me cause dans l'oreille) faut que tu saches qu'"À voix nue" n'est pas une émission d'histoire, vois-tu ? Je vois, mais, me dis-je en mon fort intérieur (autre genre de petite voix) avec un journaliste politique on va sûrement croiser l'Histoire avec un grand H ? Ben oui, on l'a croisée mais, plusieurs fois, on l'a aussi décroisée ce qui fait, entre autres, que je suis un peu (beaucoup) resté sur ma faim.

Ivan Levaï, Europe 1, 
Laurent MAOUS/Gamma-Rapho












D'entrée si je m'adresse à un homme de radio et annonce qu'il a commencé en 1963, je ne dis pas à l' ORTF, mais à la RTF (Radiodiffusion-Télévision Française, 1959-1964). Basique, dirait un chanteur ! Et ça n'a rien à voir avec le fait qu'"À voix nue" soit ou non une émission d'histoire. Il s'agit juste d'être rigoureux pour situer une personne dans son contexte historique et, si la personne qui mène l'interview, Caroline Bonacossa, est elle-même journaliste, je ne devrais avoir aucune inquiétude sur la rigueur des faits et des sources. Pourtant…

Pourtant, à l'issue des cinq épisodes (1) je ne suis pas sûr que Bonacossa, si admirative de son sujet, ait pris suffisamment de recul pour faire sortir Levaï d'une belle ligne droite toute tracée, appuyée de sa forte voix qui a pris toute la place, trop de place. Levaï a beau être l'invité, il aurait pu (en bon professionnel) laisser du champ pour que Bonacossa puisse mieux rebondir sur ses propos ! Mais bon, les temps changent, peut-être qu'il est tout à fait has been de vouloir interroger un invité sur des moments plus difficiles de son parcours ou, des moments qui, jamais révélés, risque de le conforter dans la statue de commandeur ? Particulièrement si celui-ci a toute sa vie mis en œuvre la recherche de la "vérité" mais, en même temps, fait l'impasse sur plusieurs pans de son histoire professionnelle. Revue de détail.

Un journaliste politique comme Levaï n'a pas oublié, ni l'élection de Giscard (mai 1974), ni la basse besogne de son Premier ministre Jacques Chirac qui en octobre 1974 pousse au départ le directeur d'Europe 1, Maurice Siegel, à qui il est reproché le persiflage de la station (2). Il n'a pas oublié puisqu'il a été candidat à sa succession et qu'au final c'est Etienne Mougeotte qui sera choisi. À l'époque Levaï anime deux émission-phare sur Europe 1 : la revue de presse et l'interview politique "Expliquez-vous…". Une paille ! Circulez ya rien à entendre !










En 1989, il arrive à Radio France pour occuper le poste de directeur de la rédaction, dont il serait plus juste de préciser Directeur des rédactions (3). C'est la première fois qu'un tel poste est créé. C'est le Pdg Jean Maheu (1989-1995) qui l'aurait décidé et aurait lui-même choisi Levaï nous apprend ce dernier au cours des entretiens. Levaï propose alors à la journaliste Nina Sutton la revue de presse d'Inter à la rentrée 89. Il la débarquera mi-avril 1990 et prendra sa place. Il y a une règle tacite à Radio France un directeur ne fait pas d'antenne ! "Expliquez-vous Ivan Levaï !"

En novembre 1995, Michel Boyon, nouveau Pdg de Radio France, proche de Jacques Chirac,  nouveau Président de la République, débarque Levaï sine dieMotif officiel (croustillant) :
déontologiquement difficile de concilier la direction du journal économique "La tribune" et l'animation d'une revue de presse sur Inter. Mais qui sait, la déontologie à Radio France est peut-être à géométrie variable ? Par la fenêtre, Levaï revient discrètement animer la revue de presse de France Musique en 1999 (Le nouveau Pdg est Jean-Marie Cavada depuis 1998). Tenace, il anime celle des week-ends de France Inter de 2006 à 2014. C'est la nouvelle directrice de la chaîne, Laurence Bloch, à la rentrée 2014 qui mettra fin à sa fonction.

Aucun de ces trois faits qui, à chaque fois, concernent la revue de presse ne seront évoqués au cours des entretiens "À voix nue". Étonnant non ? aurait dit Desproges ! Voilà de quoi regretter que M. Levaï, "pape du journalisme" (mais de la revue de presse assurément) ait laissé passer ça. Mais bon, on me redit dans l'oreillette que "À voix nue" n'est pas une émission d'histoire". Alors tout va bien, merci Madame Bonacossa, merci Monsieur Levaï. Vraiment, ces deux heures et demie d'entretiens ont été un grand moment de journalisme !

(1) France Culture, du 1er au 5 mars 2021, 20h30,
(2) Maurice Siegel, "Vingt ans ça suffit", Plon, 1974, 
(3) France Inter, France Culture-FranceMusique, France Info, Fip, (RFI est indépendante depuis le 1er janvier 1987)

mardi 2 mars 2021

Mimi cause d'ce night…

Bon, hein, fallait que je sois dans le ton, Léon ! Allez, c'est parti ! Brio, fraîcheur, légèreté, humour, peps, spontanéité, complicité, fraternité, jovialité et on va pas s'arrêter… oh gué ! De quoi tu nous causes Fañch ? Ben, chers auditrices, chers auditeurs d'un bijou (caillou, chou), de pépites (nom d'une pipe), d'une série (tralali), de p'tits rats (gna-gna-gna) et tout ci et tout ça, j'en ai encore plein mon cabas ! Mais de quoi ? D'une longue série d'Arte radio "Mycose the night" d'Élodie Font et Klair fait Grr, qui en dix-neuf épisodes renverse la table, les stéréotypes, les genres, les manières, les (contre)façons, les évidences et autres cadences infernales de nos vies… De nos vies… maximales (heu et j'ai pas dit maxi mâles, hein !). Autant vous l'avouer je me suis régalé et plus que ça, voili, voilà ! (Arrête les rimes, Maxime)…



Élodie et Klaire faisaient chacune des émissions sur Arte radio et puis un jour, ça a fait "tilt". "On a mixé mon envie de raconter des histoires plus ou moins journalistiques et le talent d’écriture sonore et l’humour et l’écriture fictionnée de Klaire" me précise Élodie. Pour un coup d'essai… bravo car, plutôt qu'empeser le propos, les filles ont su dégoupiller leur folie et mettre au micro ce qu'on entend presque jamais à la radio ! Et cerise sur le gato… elles jouent habilement et subtilement avec les codes du langage de leur génération (mais pas que la leur), leurs souvenirs de télévision, les scies musicales, leurs refrains cultes, leurs tics, leurs tocs et leurs obsessions perso dont elles font des clins d'œil rigolos (ou tragiques, c'est selon).

Leurs obsessions sont les nôtres et c'est chic d'en entendre parler et de les partager ! Je peux pas dire autre chose que "Ça fait tellement de bien d'entendre ça ! Caramba !" Car au pompeux, au pédant, au sentencieux Élo & Klaire opposent la légèreté et une autre façon de regarder la/sa vie et de la vivre. Avec beaucoup d'humour, de dérision, de passion(s) et de distance pour nous faire entrer dans la danse. Et ça marche ! C'est toute la société et ses phénomènes qui sont revisités ! Et c'est tellement bien ficelé, raconté, canardé qu'on en redemande. 

Comme elles nous le conseillent, j'ai pas attendu la rédaction de ce billet pour en causer autour de moi ! Je leur mets plein d'étoiles dans leur comète et puisqu'elles ont fait vibrer plein de clochettes (dans mes oreilles) je leur chanterais bien "Youkaïdi, Youkaïda, Youkaïdi, Aïdi, Aïda". Car Klaire adore écrire des chansons et les chanter et Élo faire le chœur ! Aie, aie, aie, un malheur ! Allez, écoutez tout ça et prenez du bon temps ! Chaque épisode est un moment de fraîcheur, de légèreté qui ne manque pas de profondeur.








On se dit que l'une et l'autre et, l'une avec l'autre, pourraient en quotidienne (T'es ouf Fañch, t'imagines le taf que ça représente ?) le soir sur Inter, genre 20h15, attraper les oreilles de ceux que la chaîne cherche tant à capter. Mais qui… ? Ben, "Les jeunes" pardi, ce continent si éloigné de la radio, ici et maintenant "mon Lolo". Seulement c'est beaucoup de boulot (ou alors deux heures le samedi ou le dimanche ?). Recherches, écritures, inserts, mixage mais ça décoifferait grave à l'heure de la messe télévisuelle chaque soir ou alors pour la dominicale…

Vous l'aurez compris ça fait (très, très) longtemps que j'ai pas ri autant et trouver à l'écoute autant d'enchantement ! Ces deux productrices sont puissantes et leur(s) énergie(s) est/sont communicative(s) si on veut bien s'y associer. Il faudra juste ne pas oublier d'en prendre une ou deux piqûres de rappel chaque année. Et puis cerise sur le gâteau "Oui, Arte radio c'est bien de la… radio !" Oh ! Oh! Oh ! Rideau Django !

J'ai choisi deux épisodes, mais faut tous les écouter ! Y'a rien à jeter !

lundi 1 mars 2021

Et de qui la mise en ondes ? – De Pierre-Arnaud de Chassy-Poulay, voyons !

Avec un tel titre je suis bien certain que vous allez vous précipiter sur ce billet pour en savoir plus ! Tout est parti d'un tweet banal d'Hervé Rony, directeur de la Scam (Société civile des auteurs multimédia), samedi matin sur Twitter "Ce qui est formidable avec Radio France c’est de pouvoir entendre que l’émission qu’on vient d’écouter a été « mise en ondes ». Un ton un tantinet désuet qui cache en vérité le grand respect de la technique radiophonique." Je ne peux mettre en doute la bienveillance de Rony pour la radio et les métiers de la radio, mais je me demande pourquoi "mise en ondes" serait désuet ? Et, si c'était le cas, pourquoi "mise en scène" ne le serait pas ?



Je ne peux pas précisément dater l'expression "mise en ondes" mais lisons la notice du Larousse "L'art de la mise en ondes radiophonique, lié aux moyens plus restreints, mais souvent mieux maîtrisés, de la radio des années 40, 50 et 60, est un art de musicien aussi bien que de technicien, supposant la connaissance du matériel aussi bien que de la musique. Mais l'expression de "mise en ondes" s'est étendue à toutes les étapes de la "réalisation radiophonique" : choix et montage des éléments, direction artistique des opérations techniques." Matériel et musique, oui, mais pas que. Le-la metteur-en-ondes forme avec animatrice-animateur, productrice-producteur au choix, un couple, un binôme, une équipe et donc intervient en amont de l'émission, au tout début de son élaboration.

Peut-être que désuet viendrait d'un certain lyrisme et plus particulièrement à cause de la désannonce de "Signé Furax" (1). Et de l'auteur lui-même de la mise en ondes, "Pierre-Arnaud de Chassis-Poulay" prénom et nom qui à eux tout seul sont une ode… aux ondes ! La mise en scène cinématographique vient de la mise en scène du théâtre qui est limpide : une scène, des comédiens, un décor dont il faut mettre tout ça en scène. Et bien il en va de même pour les ondes, non ? Une voix, des voix, des ambiances sonores (décor), de la musique qu'il va falloir associer pour qu'elles s'installent de façon fluide sur les ondes.

Des ondes, mais faudrait-il qu'il en reste encore ? Aucune des petites, des moyennes, des grandes ne sont plus jamais (ou presque plus jamais) usitées pour situer une chaîne de radio et ses programmes (2). Le mot "ondes" disparaît du paysage, quand certaines autrefois avaient plus de valeur que d'autres ou la lutte de Bernard Lenoir pour obtenir la diffusion en Modulation de Fréquence de son émission Feedback  (1978) à 21h sur France Inter (3) fait maintenant partie de l'histoire ancienne, pour ne pas dire du moyen-âge de la radio.



La réception sur des supports numériques (ordinateur, tablette, smartphone) a, pour le coup, définitivement "gommé" les ondes du principe même de la réception audio. Et, toutes les images d'Épinal de l'attention portée devant le meuble radio, à tourner le bouton pour trouver la bonne fréquence sont à accrocher au musée du patrimoine radiophonique (4). Ajoutons à cela la volonté délibérée de Radio France de mixer deux métiers en un : réalisateur/technicien (son) et technicienne (son)/réalisatrice, risque de renvoyer la "mise en ondes" dans les tréfonds de la désuétude !

Alors Hervé Rony a-t-il raison de la suggérer cette désuétude (5) ? Réécoutez "Un temps de Pauchon(le player de l'émission n'est plus exportable) à l'occasion du départ en retraite (et du vidage de son casier) du metteur en ondes Gilles Davidas qui a là l'occasion de s'exprimer sur son métier. Et, en exclusivité mondiale pour Radio Fañch sa définition mûrement… mûrie : "Personne payée pour vous empêcher de dormir et vous faire arriver en retard ! Créateur-trice d'images à écouter les yeux fermés (attention si vous êtes au volant)"

(1) Feuilleton radiophonique diffusé sur la chaîne parisienne de la RTF (1951- 1952), puis sur Europe 1 (1956-1960),
(2) Émetteurs G.O. à l'arrêt au 1er janvier 2017 pour France Inter, au 31 décembre 2019 pour Europe 1, en mars 2020 pour RMC et pour RTL il était prévu que la coupure opère au 4ème trimestre 2020 (mais pas d'infos disponibles pour le vérifier)
(3) Dans les années 80 à 20h, France Inter basculait en G.O. pour le programme alors qu'"Inter-Foot" de Jacques Vendroux s'octroyait la Modulation de Fréquence. Musique en mono, foot en stéréo ! Cherchez l'erreur !

(4) Je me suis réécouté (j'avais pris soin d'archiver les podcasts) "Mythologie de poche de la radio" de T. Baumgartner, deux épisodes sur "Pierre-Arnaud de Chassy-Poulay" les 11 et 18 décembre 2009, France Culture. À l'époque P.A .de C.P. a 88 ans !

(5) Sur Twitter, David Christoffel, producteur radio, lui a répondu : "Hommage à Paul Castan qui parlait même de "décor sonore" dans l'article : "Comment je comprends le théâtre radiophonique et sa mise en ondes" (Comœdia, 16 décembre 1936),

Pour la désannonce… voyons !