samedi 31 mars 2018

31 mars 68 : Jean Garretto et Pierre Codou continuent TSF sur leur lancée…

Quand t'es môme le dimanche matin, si tu vas pas à la messe, si tes parents pioncent, si t'as pas la télé et que la Maison des jeunes (MJC) est fermée, seule évasion possible "TSF 68" ce programme de radio sur France Inter qui vient d'être inventé par Jean Garretto et Pierre Codou depuis… le 30 mars. Quatre heures de programmes le samedi, neuf heures le dimanche. Une unité cohérente, inventive et très élaborée. Une "radio dans la radio", formule que Jean Garretto savait à double tranchant et qu'un futur directeur d'antenne utilisera contre lui pour interrompre le programme en 1990.

Pierre Codou, Jean Garretto, sur les toits de la Maison de la radio




















Donc le 4 février à Longueur d'Ondes on a fait la fête à L'Oreille en coin et mieux on a "Refait l'Oreille". Pour préparer cette séance j'ai fait des rencontres formidables. Agnès Gribes que Jean Garretto avait débauché d'Europe n°1. Agnès c'était la voix de l'Oreille pour assurer la continuité du programme et aussi produire ses propres émissions. Jean Morzadec (Le Brestois) à qui Jean Garretto avait proposé d'être auprès de lui à la mort de Pierre Codou en 1980 et qui dirigera aussi les programmes d'Inter quelques années plus tard (période Jean Luc Hees). Jacques Santamaria, ex-directeur d'Inter et des Ateliers de Création Radiophoniques Décentralisés pour son témoignage sur Claude Dominique. Michèle Bedos, réalisatrice à France Inter pour Kriss.

Et Thomas Baumgartner qui a passé de longues heures avec Jean Garretto pour évoquer tant L'Oreille en coin que… la fabrique de la radio.



Et, sur le fil du rasoir, au téléphone, deux jours avant Longueur d'Ondes, Emmanuel Den, qui fut un des premiers avec Kriss à disposer d'un studio et du personnel technique nécessaire trois mois in situ à la Maison de la radio pour tâtonner et inventer ce qu'ils produiraient pour TSF. Invraisemblable et magique. On était vraiment dans l'esprit du laboratoire. Les deux, Den et Kriss furent des magiciens. J'ai aussi écumé la presse (principalement Télérama), regarder les programmes des fins de semaine (de l'ORTF et de Radio France) sur la presque totalité des vingt-deux ans. D'ailleurs pour les journées du 30 et 31 mars est porté en italique "avec la participation du Service de la Recherche" (1). Hum ! hum ! Si en l'absence de document sonore ou écrit je n'ai pu approfondir cette participation, il est évident que le service dirigé par Pierre Schaeffer ne pouvait qu'être sensible aux principes même de "laboratoire permanent" que Garretto et Codou allaient inventer. Et inversement.

Claude Dominique et ses mentors… @Ina, septembre 1972



















Très vite les dimanches matins après quelques années avec Gérard Sire et Claude Lelouch, à la mort de Pierre Codou les sessions de chansonniers vont être agrémentées d'invités politiques en public. L'émission dans laquelle les plus grands chansonniers de l'époque Jean Amadou, Maurice Horgues, Pierre Saka, Jacques Mailhot, Patrick Burgel taillaient des costards à ces mêmes politiques, à la vie quotidienne, ses absurdités et ses invraisemblances. Le 4 février, à Brest, Jacques Mailhot s'en est donné à cœur joie pour nous donner un échantillon de son écriture et des flèches qu'ils savaient lancer.

Jacques Mailhot, Maurice Horgues

















Pendant ces quinze mois de préparation, j'ai beaucoup sollicité Guy Senaux… et il a beaucoup répondu à mes sollicitations pour construire notre conducteur au cordeau… Comment rendre compte de 22 ans de programmes en trois heures. Défi surhumain ;-) Un peu de frustration, des doutes, des hésitations et puis se jeter dans le grand bain avec des protagonistes qui n'avaient rien perdu de leur verve. En ayant un œil permanent et inquiet sur l'horloge électronique (2). Et puis, en cours de diffusion, obligé de "trapper" ce qui ne rentrait plus dans le temps imparti. Qu'ils étaient "sages" mes précédents invités du "Dimanche dans un fauteuil" …

Le sémillant Senaux au 105, 
le studio de l'Oreille, aujourd'hui Studio Charles Trenet
















(1) Ce service était dirigé par Pierre Schaeffer, il mourut quand Giscard et ses sbires, casseur de service public, éparpillèrent l'ORTF façon puzzle…
(2) Ben oui je suis un peu formaté radio…

L'indicatif de TSF, Michel Colombier "L'étrange voyage de M. Brendwood,


Télérama 21 avril 1968
En photo Codou et Garretto

vendredi 30 mars 2018

30 mars 68 : Jean Garretto et Pierre Codou inventent une nouvelle façon de faire de la radio…

Automne 1967. France Inter ronronne. Roland Dhordain, "père" de la réforme de 1963 pour la radio publique, adjoint au directeur de la radio, Pierre de Boisdeffre, au sein de l'Office de Radio et Télévision Française (ORTF), a répondu aux sirènes du Club Méditerranée pour diriger l'animation culturelle. Boisdeffre n'est pas un homme de radio. Guy Bégué qui a travaillé sous la responsabilité de Dhordain devient sous-directeur des programmes (de ceux de France Inter, mais aussi de France Culture et de France Musique). À ce titre Bégué va proposer à Jean Garretto et Pierre Codou, producteurs radio à l'ORTF, d'imaginer les fins de semaine de France Inter qui ont bien besoin de "changer de formule"

Entrée libre à l'ORTF, Micros et caméras, n°4, 30 octobre 1965,



Bégué a croisé les deux compères pour les "Radio vacances", une superbe idée pour faire sortir la radio publique de… la Maison de la radio (sise à Paris XVIème), et a pu découvrir leurs talents pour mener l'opération "Entrée libre à l'ORTF" (1). Le samedi 30 mars 1968, à 14h, après plusieurs mois d'élaboration, Garretto et Codou proposent rien moins que 13h de programmes répartis du samedi après-midi au dimanche soir, dans un programme qui portera le nom de TSF (68, 69, 70, 71) les quatre premières années. Du jamais vu ! Et surtout du jamais entendu !



Le 4 février 2018, à l'occasion du 15ème Festival Longueur d'Ondes, nous avons fêté cette histoire de radio exceptionnelle. Depuis 15 mois, après avoir eu l'accord de Laurent Le Gall, Président et Anne-Claire Lainé, coordonnatrice du Festival, je m'affairais à rencontrer les témoins de l'époque, animateurs et animatrices, autres femmes et hommes de radio qui pouvaient parler de ceux qui avaient disparu et laissé un nom au Panthéon de la radio. Mais aussi consulter les archives de la Maison de la Radio (2), de la presse, écouter des heures d'archives sonores conservées à l'Ina et celles des protagonistes eux-mêmes quand ils en avaient gardé les bandes magnétiques.

Puis ce fût le grand jour. Un dimanche de février. Au petit Théâtre du Quartz à Brest avec Kathia David, Marie-Odile Monchicourt, Leïla Djitli, Thomas Sertillanges, Jacques Mailhot, Denis Cheissoux et Guy Senaux. Ah Guy Senaux, ancien ingénieur du son à Radio France, qui pendant 18 ans a été à la console de L'Oreille, en alternance toutes les quatre semaines avec Yann Paranthoën, Edouard Camprasse et Joseph Rémiot. Guy que j'ai sollicité dès novembre 2016 pour préparer ces "50 ans". 

Vous dire que devoir prendre la parole sur l'indicatif de L'Oreille ça donne la chair de poule et on se demande bien ce qu'on fait là parmi les "vedettes", celles qui ont fait la renommée de cette "radio dans la radio". 



C'était fort et émouvant, Guy Senaux n'était pas loin de la console de son, vigilant et professionnel. Vous trouverez ci-dessous, malgré quelques petits soucis techniques, découpées en trois parties, nos trois heures qui ont filé à la vitesse du "Tonnerre de Brest".

Jean Garretto, Robert Arnaut, Claude Dominique




















Je renouvelle ici mes remerciements chaleureux à toute l'équipe de Longueur d'Ondes et d'Oufipo pour m'avoir permis de préparer cet hommage à Jean Garretto et Pierre Codou. Ce sont ces deux magiciens des ondes qui m'ont appris à écouter la radio depuis presque ma plus tendre enfance… Je crois que je leur devais bien ça !

La suite ici

Paula Jacques, Marie-Odile Monchicourt, Kriss, Agnès Gribes, Emmanuel Den, Kathia David







(1) Pour les amoureux de l'histoire de la radio on se reportera au livre de Thomas Baumgartner, producteur radio, aujourd'hui rédacteur en chef de Radio Nova publié en 2007 ,"L'Oreille en coin, une radio dans la radio", nouveau monde, éditions. Demain je publierai son interview réalisée en novembre 2017, quand je préparais la séance hommage aux 50 ans de l'Oreille en coin pour Longueur d'Ondes,

(2) Merci à Cécile David de Beauregard et Aurelie Zbos des archives écrites de Radio France, pour, depuis des années, leur accueil chaleureux et leur attention à m'aider dans mes recherches.

mercredi 28 mars 2018

Europe n°1, Campus, François Jouffa, Michel Lancelot…

Le bouillonnement sur les campus américains en ce début d'année 68 interpelle Maurice Siegel et Lucien Morisse, respectivement directeur et directeur artistique d'Europe n°1, la radio privée créée en 1955 par Louis Merlin et propriété de Sylvain Floirat, un capitaine d'industrie à la mode des trente glorieuses genre Marcel Bleunstein-Blanchet pour faire court. Alors pas étonnant que la jeune radio qui a mis la jeunesse dans sa poche (et le transistor qui va avec) veuille continuer à être en prise avec l'air du temps (1). Quelques jours après le "22 mars", sans rapport immédiat avec l'effervescence du printemps, la décision est prise de lancer une nouvelle émission. Ce sera le 28 mars, elle s'appellera Campus.

L'indicatif principal de l'émission


François Jouffa (2), son premier animateur, se souvient d'une discussion "sur un coin de bureau" avec Lucien Morisse qui décide en quelques minutes de s'adresser à la jeunesse étudiante et du même coup de mettre "Salut les copains" au placard. Cette émission qui a tant fait pour la renommée de la station (2) et dopé les ventes de transistors. Invraisemblable : Campus démarre en milieu de semaine (un jeudi) et Michel Brillié, réalisateur de passer naturellement de SLC à cette nouvelle émission inventée grâce à l'intuition d'hommes de radio qui ont tout compris de la radio moderne.

Jouffa, avec sa bouille d'éternel adolescent (il a 19 ans en 1963 quand il entre à Europe comme reporter) est bien connu de la rédaction dirigée par Jean Gorini. Sa maîtrise parfaite de l'anglais lui a permis, entre autres, d'interviewer les Beatles à leur descente d'avion en janvier 1964. Pour Campus il est donc le jeune homme de la situation. Europe n°1 est une radio généraliste "impulsive, spontanée, créative, changeante" me dira Michel Brillié dans notre entretien téléphonique pour préparer ce billet.

J'attendrai 1969 pour "entrer" dans Campus qui commençait nos soirées d'adolescents pour se terminer avant la fin du Pop-Club de José Artur (France Inter depuis 1965). Nos conversations du matin au collège puis ensuite au lycée ne parlaient que de ça. On était "in", ceux qui regardaient la télé étaient "out". Exception notable pour les Shadoks dont on ne mesurait pas encore la puissance créative.

Le 28 mars, Jouffa démarre donc sur les chapeaux de roue en inventant, en la faisant, une émission, pop, culturelle, musicale et ouverte sur le monde. Le tragique assassinat de Martin Luther King, le 4 avril 68, propulsera, grâce au bouche à oreille, l'émission et montrera le savoir-faire de son animateur pour recueillir à chaud des témoignages aux Etats-Unis, faire venir en studio des invités au fait des discriminations raciales qui agitent l'Amérique au moins autant que la guerre du Vietnam. Jouffa et Brillié ajoutent à Campus une partition musicale qui dépasse, enfin, les frontières du seul hexagone. Jouffa a le sens de ce journalisme "nouveau" qui s'exerce à l'Express de Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud. Les deux compères Jouffa-Brillié ont l'âge des étudiants et de leurs auditeurs… les plus âgés.



Il m'est agréable de citer ici Télérama (3) l'hebdomadaire qui dans les années 60 faisait encore une large place à la radio (4). Et pour cause la TV n'avait pas encore occupé la presque totalité du "temps de cerveau disponible" des Français. Dans ce n° le journaliste radio Yves Froment-Coste rend compte des évolutions des quatre radios généralistes (Europe n°1, France Inter, Radio Tété Luxembourg et Radio Monte Carlo). Même si Campus a démarré le 28 mars précédent, il est encore "trop tôt" pour que Télérama rende compte du changement d'animateur intervenu le 12 avril…

Le 11 avril, Jouffa fait venir en studio des étudiants pour évoquer la tentative d'assassinat dont a été l'objet Rudi Dutschke (5), leader étudiant "gauchiste" allemand (RFA). Les prises de position des invités ne manquent pas de passer les frontières, l'émetteur d'Europe 1 est en Sarre (RFA) et les accords passés entre les gouvernements français (qui contrôle Europe n°1 via la Sofirad) et allemands ne souffrent pas que la France, via une de ses radios, s'autorise une ingérence dans les affaires allemandes. Las, Jouffa écarté après seulement quatorze jours d'antenne devra laisser sa place à Michel Lancelot qui vient de se faire connaître par la publication de "Je veux regarder Dieu en face", une analyse du phénomène hippie aux États-Unis (6).

Lancelot lui n'est ni gauchiste ni de gauche. Plutôt anar de droite pour ne pas dire d'extrême droite. Pour autant il a du être suffisamment discret à l'antenne sur ses orientations politiques puisqu'il animera l'émission jusqu'à son terme en 1972. Je me souviens d'une spéciale sur Ferré mais sans me souvenir du contenu. Campus comme Pour ceux qui aiment le jazz et Salut les copains a été l'émission générationnelle qui a définitivement dépoussiéré la radio de papa et ouvert l'esprit de milliers de jeunes adultes.


Melvin Van Peebles
et F. Jouffa (à droite)























Extrait de ce numéro de Télérama
« La nouvelle émission de soirée, Campus, est caractéristique du changement de ton. Nous avons relevé une toute petite phrase de son animateur, François Jouffa. Alors que Campus recevait son premier invité, un Noir, Jouffa déclara : « Je n’aime pas dire qu’un homme est noir, ou d’une autre couleur, Mais à la radio il le faut bien. » Une toute petite phrase, mais qui en dit long sur l’orientation « humaine » que pourrait prendre l’émission. Nous en reparlerons." Yves Froment-Coste.

(1) Une des émissions de la chaîne, animée par Hubert s'appelle "Dans le vent", du lundi au vendredi 20h10/23h (source Radioscope),
(2) SLC, animée par Daniel Filipacchi (depuis 1959, qui en a profité pour créer le mensuel éponyme au tirage époustouflant de plus d'un million d'exemplaires les meilleures années). Les premiers sondages pour l'évaluation de l'auditorat radio constatent une érosion des auditeurs de SLC. Les "teenagers", pour certains, sont passés sur les bancs de l'université et n'écoutent plus les vedettes du hit-parade,

(3) Ici le n° du 21 au 27 avril 1968. Le jour de parution est le dimanche. En effet l'hebdo catholique réalise, de fait, une bonne part de ses ventes à la sortie de la messe dominicale. À l'origine créé par Georges Montaron de Témoignage Chrétien, Télérama deviendra en 1950 la propriété de la Vie Catholique. Aujourd'hui il appartient au groupe Le Monde. 
Lelouch en haut
et Jean-Michel Desjeunes en bas






















(4) Merci à Céline Loriou, jeune historienne passionnée de radio, d'avoir fait le nécessaire pour récupérer les pages concernant Campus… J'en avais été informé par François Jouffa avec qui j'ai eu un long entretien téléphonique (comme d'hab') pour préparer ce billet…

(5) "Beaucoup d'étudiants rendent responsable la presse d'Axel Springer qui depuis des mois ne cesse de critiquer Dutschke et les protestations étudiantes. La Bild-Zeitung, par exemple, appelait depuis plusieurs jours à la ferme répression des agitateurs. Lors des manifestations qui suivent l'attentat, éclatent de graves incidents, les plus violents de l'histoire de la République fédérale d'Allemagne : le bâtiment des éditions Axel Springer est attaqué et les camions de livraison de ses journaux sont incendiés." (source Wikipédia)

(6) Albin Michel, 1968,


La dernière page de l'article de Télérama sera publiée dans deux jours…

lundi 26 mars 2018

68 : et si tout avait commencé avant… Le mouvement du 22 mars, suite et fin (30/43)

En partenariat avec

Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.


30. 22 mars : vers la Révolution
Le 24 mars 1998, sur France Inter, dans l'émission "Les jours du siècle", Ladislas de Hoyos, interviewe Jean-Franklin Narodetzki, psychanalyste, un des protagonistes du 22 mars 68 (1). Dans sa présentation liminaire, le journaliste déclare que les étudiants ne voulaient pas faire la révolution, ce qui fait réagir son invité qui affirme : "Quelque chose qui remet en cause les fondements d'une société, que sont le travail, l'exploitation, la domination, la hiérarchie, la division entre dirigeants et exécutants, la division de la société en classes, les modes de vies passées à gagner sa vie, qui sape ses fondements, qui les met en cause, qui refuse le jeu habituel des institutions, qui refuse les institutions de cette société, qu'est-ce que c'est si ce n'est un mouvement révolutionnaire ?" En précisant que les étudiants ne voulaient pas prendre le pouvoir mais étaient bien acteurs d'un mouvement révolutionnaire. 

Dans l'extrait ci-dessous vous n'entendrez pas l'archive du 22 février 68 qui relate l'interview d'Alain Peyrefitte, ministre de l'éducation nationale, sur la question des dortoirs séparés des garçons et des filles qui annonce à Yves Mourousi, journaliste à France Inter, "il y a quand même une différence entre les garçons et les filles, ce ne sont pas les garçons qui courent des risques ce sont les filles. On n'y peut rien la nature est ainsi faite." Une perle !

Depuis janvier 68 la cristallisation de la contestation étudiante porte sur la rigidité du pouvoir qui bride de façon archaïque les relations femmes-hommes ("garçons-filles" comme dit le pouvoir) au sein de l'Université, et plus particulièrement les relations sexuelles. Chacun leur tour les ministres de la Jeunesse et des Sports et de l'Éducation nationale montrent leur incapacité à prendre en compte, non seulement l'évolution des mœurs mais l'évolution de la société toute entière.



(1) "Mai 68 à l'usage des moins de vingt ans", collectif dont J.F. Narodetzki, Babel Révolutions, Avril 1998.

vendredi 23 mars 2018

67/68 : une autre révolution culturelle… France Inter, nouvelle formule (29/42)

En partenariat avec

Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.



En plein milieu d'année, France Inter nouvelle formule ?
Pour une fois je vous propose d'écouter d'abord le son ci-dessous :



En 1968 Pierre de Boisdeffre (1926-2002) est directeur de la radio (1) au sein de l'Office de la Radio et Télévision Française (ORTF). Le 25 mars (soit trois jours après le 22 !) il fait une conférence de presse au sein de la Maison de la Radio (Paris) pour annoncer des changements pour les programmes de fin de semaine. L'extrait choisi par les journalistes du journal de 20h (de France Inter) est on ne peut plus succinct. On est un lundi, dans cinq jours les fins de semaine de France Inter vont subir une petite révolution…

Vendredi prochain je vous raconterai (par le menu) ce "changement de programme" et vous proposerai des archives originales… Joli teasing non ? Eh oui pour évoquer le 30 mars 68, je trouve pertinent de l'évoquer un 30 mars. Et non pas le 25 décembre précédent ou le 12 janvier. La frénésie commémorative qui agite les médias (et France Inter) pour évoquer mai 68 en mars (2018) ressemble plus à une course à l'échalote ou à une promo exceptionnelle de supermarché qu'à une évocation sereine d'un événement historique qui dans deux mois aurait toujours été… d'actualité.

(1) Quelque fois quand on consulte les archives quelque fois on rit et quelquefois on pleure ! N'est-ce pas Céline ;-) Pour l'époque de 68 avant même les événements, Boisdeffre est directeur de la radio (1964-1968) et Roland Dhordain son adjoint. Après avoir quitté l'ORTF en 67 pour diriger le Club Méditerranée, Dhordhain est rappelé en juin 68 par le Ministre de l'Information Yves Guéna pour reprendre du service à la Direction de la radio et de fait à France Inter,

jeudi 22 mars 2018

Demain Radio France… Les candidatures au poste de Pdg

Le CSA a publié hier les noms et les projets stratégiques des candidatures recevables pour le poste de Pdg de Radio France à pourvoir suite à la révocation par cet instance du Pdg Mathieu Gallet qui a quitté le groupe radiophonique public le 1er mars dernier. Il s'agit de Jérôme Batout, Bruno Delport, François Desnoyers, Guillaume Klossa, Christophe Tardieu et Sibyle Veil. Une femme, cinq hommes. Sibyle Veil est l'actuelle directrice générale déléguée aux opérations et aux finances de Radio France, depuis 2015. Ex-conseillère de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, elle est issue de la même promotion de l'ENA qu'Emmanuel Macron. 
Où sont les femmes ?


























Il y aura cinquante ans au mois de juin, alors que les braises de la révolte étudiante et ouvrière ne sont toujours pas éteintes, Roland Dhordain (1), "père" de la réforme de la radio publique en 1963 est appelé à la rescousse par le pouvoir pour diriger France Inter. 

En ces temps immémoriaux pour diriger et faire de la radio il faut :
- repérer et choisir des voix, des styles, des personnalités d'animatrices, d'animateurs pour créer des émissions qui participeront à identifier la chaîne et se distinguer de la concurrence privée (RTL, Europe n°1, RMC,),
- imaginer la diversité des contenus, les organiser en progression dynamique sur vingt-quatre heures, (on ne parle pas de pop-musique et de consommation avec la même voix, le même ton, le matin et le soir, la nuit et l'après-midi), 
- différencier la semaine et le rythme de la journée de travail, de celui du temps disponible du samedi et du dimanche,
- harmoniser des singularités, des différences, des égo,
- assurer techniquement ces émissions dans des studios équipés avec des équipes de réalisation pointues (réalisateur, ingénieur du son,…)
- disposer d'un maillage territorial d'antennes et d'émetteurs radio couvrant si possible l'ensemble du territoire métropolitain en différents types d'ondes (LO, OM, FM),
- organiser une grille de programmes pour fidéliser des auditeurs au point qu'ils n'aillent pas écouter la concurrence, 
- créer une couleur d'antenne.

Voilà ce qui attendait un directeur de chaîne et/ou directeur de programmes pour diriger une radio dans les années 60 (et ce jusqu'au début des années 2000).

À la lecture des cent-quatre-vingt-cinq pages des postulants on peut être tout à fait persuadé qu'on a changé d'ère. Les candidats, à l'exception d'un seul, décrivent le paysage complexe dans lequel, pour eux, la radio devrait/devra exister. En s'engouffrant dans le credo "hors tout numérique point de salut" ils se proposent de poursuivre cette révolution numérique, de l'amplifier et de ce fait, faire table rase d'un modèle jugé, ancien, obsolète, déconnecté d'un environnement ultra-connecté. Pour ces "jeunes gens" modernes les usines à gaz quoi de plus excitant. La vieille radio de papa beaucoup trop simpliste et simple a vécu. Créons de la complexité il en restera toujours quelque chose.

Je ne détaillerai pas ici les projets de chacun, mais plutôt comment le CSA n'aura pas beaucoup d'autres choix que de nommer Sibyle Veil au poste de Pdg. Ce Conseil, cet officine, a besoin de se faire oublier après les situations qu'a connu l'audiovisuel public ces derniers mois. Condamnation de Mathieu Gallet pour favoritisme quand il était Pdg de l'Ina. (Il a fait appel). Motion de défiance à l'encontre de Delphine Ernotte par les salariés de France Télévisions dont elle est la Pédégère depuis 2015. C'est le CSA qui avait nommé ces deux Pdg, attribution que remet en cause, entre autres, le Président de la République pour la nomination des Pdg de l'audiovisuel public et qui sera formalisée dans une nouvelle loi audiovisuelle attendue pour janvier 2019.



Le CSA a t-il intérêt à perturber le fonctionnement de Radio France, déstabilisé après le départ de son Pdg alors que les consultations des responsables publics s'organisent au Ministère de la Culture et dans des commissions idoines de l'Assemblée nationale ? Madame Veil est dans la ligne directe de celle engagée par Mathieu Gallet. Elle aura l'avantage d'être immédiatement opérationnelle et de reprendre tout de suite certains dossiers laissés en "stand by" du fait d'une situation exceptionnelle d'intérim. 

La période de "temporisation" due à l'élaboration de la nouvelle loi audiovisuelle permettrait-elle à un nouveau Pdg d'engager des réformes et/ou des projets qui pourraient être bloqués dans le cas d'une nouvelle organisation de l'audiovisuel public, du rapprochement possible avec France Télévisions, France Média Monde, l'Institut National de l'Audiovisuel et Arte ?

Pour ceux que l'on appelle des "sages" la sagesse prévaudra sûrement à leur décision. À moins qu'en l'absence de leur Président Olivier Schrameck, pour congé maladie, ces derniers engagent ce qui pourrait ressembler à un baroud d'honneur, pour affirmer leur indépendance et peser de tout leur poids pour, sans doute une dernière fois, avoir le "privilège" de nommer un Pdg de l'audiovisuel public. Le suspens ne durera plus très longtemps. "Le Conseil établira au plus tard le 4 avril 2018 la liste des candidats auditionnés. Les auditions auront lieu au cours de la semaine du 9 au 13 avril 2018 et le Conseil nommera la Présidente ou le Président de Radio France au plus tard le 14 avril 2018". 

Alea jacta est…

Ce matin, en direct de l'Assemblée nationale, M. Nicolas Curien, Président par intérim du Csa, confirme qu'outre la partie d'interaction non-publique entre le postulant à la fonction de Pdg et les membres du CSA, toutes les autres étapes sont publiques. De ce fait pour ce qui concerne la nomination de Mathieu Gallet, en février 2014, le CSA n'a pas respecté cette procédure en ne diffusant ni le projet stratégique du Pdg, ni la partie préalable de sa présentation orale au CSA.

(1) Nommé directeur de la radio à l'ORTF en 1967, a quitté sa fonction la même année pour diriger le Club Méditerranée jusqu'en juin 68.

lundi 19 mars 2018

68 : et si tout avait commencé avant… Le mouvement du 22 mars (29/43)

En partenariat avec

Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.




29. Les enragés du 22 mars
Les archives de l'ORTF (Office de Radio et de Télévision Française) et de l'Ina ont eu le mérite dans l'archive que vous découvrirez ci-dessous d'intégrer un enregistrement amateur : la conférence de presse sur le "mouvement du 22 mars" dans un amphithéâtre de la Sorbonne en juin 68 (1). Voilà donc un document sonore historique. Il est bon de rappeler ici que les archives des radios privées RTL et Europe n°1 (qui à la différence de l'ORTF en grève étaient au front) sont… privées et non exploitables par d'autres que par elles-mêmes.


En exclusivité et intégralité jusque fin mars

Conférence de presse (1 juin 68) de Daniel Cohn-Bendit sur le "mouvement du 22 mars"



1er aout 1988 : "Existe-t-il un leader dans le mouvement du 22 mars?", France Culture ("Chroniques de mai", grille d'été)



(1) L'Ina ne peut préciser, au-delà de la date d'enregistrement le 1er juin 68, ni la date de diffusion, ni la chaîne de diffusion… Rappel : l'ORTF était en grève depuis le 17 mai

samedi 17 mars 2018

Amoco, Amoco… 40 ans déjà !

16 mars 78 : pas sûr que la Bretagne ait pleuré le samedi précédent la mort de Claude François. Mais ceux de Portsall (le port de la commune de Ploudalmezeau) et des environs (jusqu'à Brest même) se levant dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 mars, avant d'avoir la rage et les larmes, auront eu l'impression que leur cuve à fuel avait crevé, même quand il n'avaient pas de cuve à fuel ! Je me souviens pour avoir longtemps travaillé dans ce coin du Bas-Léon avoir entendu Jean-Michel Bizien (futur maire de Landunvez) raconter que, rentrant en tracteur par la route touristique (de Tremazan à Penfoul), vers 22h il vit briller sur la mer des tas de petites lumières électriques dont il ne pouvait imaginer que c'étaient celles du pétrolier géant "Amoco Cadiz", en pleine tempête d'équinoxe. Rentré à la maison il apprit ce que la radio venait d'annoncer comme une catastrophe maritime exceptionnelle.



L'"histoire particulière" à l'antenne de France Culture, ce samedi et ce dimanche (13h30), revient sur ce sinistre épisode qui a vu le maire de Ploudalmezeau (maire et futur sénateur centriste) et Charles Josselin, député des Côtes-du-nord (et Président du Conseil général de ce département, socialiste) associés loins des clivages politiques pour aller défendre les dossiers d'indemnisation à… Chicago !

Dès la première partie le documentaire de Nedjma Bouakra (réalisation Thomas Beau) contextualise bien la situation de circulation des navires dans le rail d'Ouessant, les alertes enregistrées quelques jours auparavant et connues par Reun L'Hostis, technicien aux A.F.O. (réparation navale). L'Amoco, dans le golfe de Gascogne, signalait l'endommagement d'un flexible hydraulique de commande de barre (2)… La productrice a rencontré ceux qui sur place ont vécu le drame, mais pas Alphonse Arzel (décédé en 2013). Ce paysan, fils de paysan, formé à la J.A.C. (Jeunesse Agricole Catholique) formidable conteur, aurait eu plaisir a raconter 40 ans plus tard son principal combat politique, celui dont il était, à juste titre, le plus fier.

Les players de réécoute seront disponibles ici à l'écoute quelques heures après leur diffusion.





(1) Quand Claude Villers reprend l'antenne après le journal de 22h sur France Inter, je l'entends encore maugréer sur cette folie du gigantisme comme de celle des hommes,
(2) La surveillance et la sécurité maritime auraient du imposer au navire de faire escale à Brest, même contre l'avis de l'armateur. Cette situation ne serait plus possible aujourd'hui,
(3) L'illustration musicale par le groupe Tri Yann (de Nantes) surprendra les Bretons qui auraient sans doute préféré "Ils se meurent nos oiseaux" juste un peu moins mainstream que Tri Yann,

vendredi 16 mars 2018

67/68 : une autre révolution culturelle… Le bon, la brute et le truand (28/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.

Le bon, la brute et le truand : toutes ressemblances avec les "événements" en France…
En ce mois de mars 1968, avant donc que le pays tourneboule, il était encore possible d'aller se distraire avec celui qui allait devenir le maître du western-spaghetti et même du western tout court : Sergio Leone (1). Le meilleur de la critique cinématographique est heureusement fixé dans les archives de l'Ina, avec ce numéro du "Masque et la plume" (période Polac/Bastide) qui nous permet aussi d'entendre la verve et le brio des Bory, Charensol, Marcabru et Aubriant et un courrier des auditeurs dithyrambique pour Jean-Louis Bory ! On se pâme. Bory dans cet épisode est magistral et visionnaire. Visionnaire quand il engage de jeunes metteurs en scène à faire un film sur… Nanterre (on est à 5 jours du 22 mars).

Oui en 68 et quelques années encore après il faisait bon réserver son dimanche soir à une brillante émission de France Inter. Classe, intelligente et érudite, un peu l'exact contraire des ronds de jambe de celle d'aujourd'hui dont on voudrait nous faire croire que c'est la même chose. Ben voyons Léon ! Monsieur Garcin, son animateur, s'il a le talent d'écrire essaye dans le meilleur des cas de faire le perroquet. C'est pathétique et tragique.

En exclusivité et intégralité jusque fin mars

Inter-Actualités, France Inter, 6 mars 1968,



Le Masque et la plume, France Inter, 17 mars 1968,


(1) Le tournage d' "Il était une fois dans l'Ouest" (1969) vient de démarrer en Espagne et en Arizona, avec pour la première fois dans uu western une femme qui aura un premier rôle au côté d'Henri Fonda, Claudia Cardinale.

jeudi 15 mars 2018

15 mars 1968… Pierre Viansson-Ponté à la une du Monde

Qui, à la criée sur les Champs-Élysées (Paris), façon Jean Seberg dans à "Bout de souffle" (1), pouvait bien vendre Le Monde le jeudi 14 mars 1968 (daté vendredi 15) ? Un, des anonymes qui, eux, ne seront jamais passés à la postérité. Même si, futé, l'un ou l'autre de ces crieurs avait eu la bonne idée de crier le titre du milieu de page "Quand la France s'ennuie" de Pierre Viansson-Ponté, éditorialiste du quotidien du soir.



"Heureusement, la télévision est là pour détourner l'attention vers les vrais problèmes : l'état du compte en banque de Killy, l'encombrement des autoroutes, le tiercé, qui continue d'avoir le dimanche soir priorité sur foutes les antennes de France" écrit Viansson-Ponté. Le journaliste, avant tout le monde, avait senti que derrière cet ennui collectif, "à en périr", pourrait venir un sursaut et, celui-ci d'évoquer quelques hypothèses politiques ("la gauche pour voir") ou sociétales à l'image de ce qui est en train de bouleverser une bonne partie du monde.

"Les étudiants manifestent, bougent, se battent en Espagne, en Italie, en Belgique, en Algérie, au Japon, en Amérique, en Égypte, en Allemagne, en Pologne même. Ils ont l'impression qu'ils ont des conquêtes à entreprendre, une protestation à faire entendre, au moins un sentiment de l'absurde à opposer à l'absurdité. Les étudiants français se préoccupent de savoir si les filles de Nanterre et d'Antony pourront accéder librement aux chambres des garçons, conception malgré tout limitée des droits de l'homme. Quant aux jeunes ouvriers, ils cherchent du travail et n'en trouvent pas." écrit l'éditorialiste lucide et pas encore gagné par la rage collective du 22 mars, dans juste une semaine.

Cinquante ans après, un jeune trublion, parfait Duduche de Cabu, plus acéré politiquement, donne tous les mois un "Coup de boule" dans Siné mensuel. Guillaume Meurice ne se contente pas d'envoyer des flèches du lundi au vendredi sur France Inter (2), férocement, il écrit à la serpe sa "hargne et son courroux (coucou)".

Viansson-Ponté/Meurice, Meurice/Viansson-Ponté et si jamais à cinquante ans d'écart Meurice comme son aîné avait lui aussi senti l'air du temps ?





















(1) Qui elle vendait le New-York Herald Tribune,
(2) "Par Jupiter" 17h,