mardi 28 février 2023

Paranthoën (suite)…

Yann Paranthoën est décédé le 28 février 2005 et, pour compléter mon billet d'hier, voici plusieurs sonores proposés par Antoine Chao, Christian Rosset et Marc Jacquin (1). 

À Arles pour Phonurgia Nova










Nagra


Entretien 1987
 

Rencontre avec Yann Paranthoën 


(1) Marc Jacquin est directeur de Phonurgia Nova (Arles) et Christian Rosset producteur et documentariste radio (Radio France),

lundi 27 février 2023

Yann Paranthoën délie les langues… (et les oreilles)

Même disparu sur d'autres nuages (depuis 2005), je pense que Yann Paranthoën n'a rien perdu de son acuité auditive. Il aura donc apprécié le travail d'Antoine Chao présenté à Longueur d'Ondes il y a moins d'un mois (1), qui faisait suite à une "première partie", diffusée sur France Inter le 3 juillet, 2022. Yann aimait la bicyclette, le Paris-Roubaix, le Blaireau, Vincent Lavenu, Et les campionissimi Bartali (Gino) & Coppi (Fausto) objet d'un documentaire sonore (sur le Giro 1949, non finalisé, non monté) que les filles de l'inseigneur du son, Armelle et Gwenola Paranthoën, ont confié à Antoine Chao, pour que l'épopée des "forçats" de la route italiens puisse trouver un nouvel écho, après celui de Dino Buzzati.

Bartali/Coppi ou Coppi/Bartalli, Tour de France 1949


Pour commenter ce Giro 1949, Paranthoën a la bonne idée de demander à Francesca Isidori (2), productrice à France Culture, de lire et traduire, ce qu'en a raconté Buzzati, l'écrivain ou le journaliste. Isidori précise "Buzzati conçoit son reportage comme un roman". Alors comment ne pas penser à Antoine Blondin. Paranthoën cisèle la langue de Buzzati, celle de Francesca et en fait presque une petite cantate. Une ode à la bicyclette, une ode à la langue italienne. Et pour parfaire l'épopée Isidori trouve la bonne formule Il faut deux champions qui s'affrontent, c'est la Rome antique…. Quand, tout ouï, nous pourrions entendre c'est la romantique (petite reine).

Salut Yann, merci pour tout (3).

(1) Hommage à Yann Paranthoën, samedi 4 février, Atelier des Capucins, et qui sera bientôt disponible à l'écoute en ligne,
(2) Écouter ici Francesca Isidori produire dans les "Mardis du cinéma" (1993), un "Sergio Leone" réalisé par Josette Colin, avec la participation de Thierry Jousse,
(3) Merci aux sœurs Paranthoën et à Antoine Chao.

lundi 20 février 2023

Peur sur la chaîne… (France Culture) !

Des fois, au risque de me répéter, je regrette le temps où, tel l'auditeur lambda, j'écoutais la radio, où je me réjouissais ou, quelque fois navré, je finissais par tourner le bouton. Ma relation d'écriture depuis douze ans avec ce média m'impose de ne pas laisser passer le désastre insidieux qui envahit toutes les chaînes de Radio France, définitivement désespérés la Régie (Billancourt), le personnel de cette société (1) et les auditeurs (ou de nombreux auditeurs) amateurs de la "belle ouvrage". Libération dans un article, vendredi dernier (2) rend compte de l'enquête qui a permis l'écoute de 174 personnes dont les résultats sont, a minima édifiants, a maxima révoltants.

Y'a le feu ! 31 octobre 2014. Maison de la radio.


Et dans ce maelström, Libé révèle que Madame Treiner est toujours salariée de Radio France. On se pince. La dignité ne fait pas partie de la…culture de l'ex-directrice. Quant au personnel, il a pu, en quatre sessions identiques de présentation, prendre connaissance des résultats de l'enquête. Le feuilleton de Jean Yanne, en 1977, sur France Inter "L'apocalypse est pour demain" (3) se titrerait "L'Apocalypse, ici et maintenant (à France Culture)".

Quelques citations du rapport d'enquête reprises par Libé :
- À la fin, «80 % des personnes interrogées n’ont plus confiance dans la directrice et une partie de la direction», estime le cabinet Alcens. Et dans les mêmes proportions reconnaissent «éprouver un sentiment de peur» ou «de résignation» à France Culture. 

- Les enquêteurs ont aussi relevé que 31 des 146 personnes interrogées encore en poste à France Culture manifestent des troubles psychosociaux (troubles du sommeil, troubles anxieux, physiologiques, troubles de l’alimentation). Plusieurs salariés ou ex-salariés de la chaîne attribuent également leur prise d’anxiolytiques et d’antidépresseurs aux problématiques liées à leur travail.

- La direction de Radio France, elle, a «écouté mais n’a pas entendu», selon le cabinet Alcens.

Au risque de ne rien comprendre au droit du travail, la Présidence ne pourra s'exonérer de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires et légales face à la situation qui, en interne, s'envenimait à bas bruit.

Et dans un article de Télérama (4) 
- C’est un management par la peur qui a fini par faire système », a résumé le consultant, précisant avoir rarement vu une telle situation, où plus de « 80 % des salariés reconnaissent éprouver un sentiment de peur », et où l’écrasante majorité d’entre eux « n’aurait pas ou plus confiance dans la direction ». 

- Les chiffres égrenés devant les employés surprennent : 31 d’entre eux ont affirmé souffrir de « troubles physiologiques », « de troubles du sommeil », « de burn out »…

Help !


Quant à l'Arcom…
Que doit-il se passer de plus grave à Radio France pour que l'autorité de régulation lève le petit doigt ? Une échauffourée sur C8 mettant en cause un animateur à l'encontre d'un élu de la République et la chaîne de TV écope d'une amende de 3,5 millions d'euros. À la TV c'est grave, à la radio ça passe crème. No comprendo !

Rappelons qu'à l'audition de la Présidente de Radio France sur l'exécution du COM (Contrat d'Objectif et de Moyens), le 7 octobre 2022, l'Arcom avait juste signalé quelques avis "négatifs" (5). Et qu'en décembre de la même année, elle reconduisait Sibyle Veil au poste de Présidente, à compter d'avril 2023, pour une période cinq ans. Dans la partie publique de l'audition, le 19 décembre, aucune question des sages concernant France Culture. Et, quand bien même dans sa partie à huis-clos la très grave situation managériale aurait été évoquée, l'usager, l'auditeur d'un service public, comme les tutelles sont laissés dans une ignorance intolérable. Ce "deux poids, deux mesures" entre TV et radio, relativise gravement l'impartialité de l'Autorité de régulation et interroge sur sa fonction de vigilance quand des dysfonctionnements perturbent le personnel dans ses pratiques de travail allant jusqu'à affecter sa santé, morale et physique.

Bien plus que nommer un remplaçant-e à la Directrice de France Culture, il va s'agir de revoir de fond en comble le management, l'éditorial, la production (et pas seulement juste aux desiderata du Directeur du Numérique et de la Production, Laurent Frisch) et réinstaller un climat de confiance absolu pour que chacun puisse participer à la création radiophonique sans l'épée de Damoclès de la tyrannie managériale.

(1) Les médias s'appliquent à dire le Groupe alors que Radio France est une Société Anonyme détenue par l'État français (depuis le 6 janvier 1975),
(2) "Mauvaises ondes. A France Culture, un rapport accablant contre le management de Sandrine Treiner", Adrien Franque, Libération, 17 février 2023,

(3) 65 épisodes disponibles sur madelen (abonnés),
(4) "France Culture : une enquête interne accablante pour la direction", Laurence Le Saux,

François Rousseaux, avec Elise Racque et Lucas Armati, Télérama, 16 mars 2023,


(5) Totalement sourde à l'article de Libération (21 sept 2022), qui entraînera la décision de confier une enquête à un cabinet d'audit externe,

dimanche 19 février 2023

Philippe Raynal dans l'ombre… pour mettre la création radiophonique en lumière.

Philippe Raynal, 84 ans, est décédé jeudi dernier. Avant d'entrer à l'ORTF comme technicien (1), il avait débuté à RTL. Sur France Inter, pour les émissions TSF, l'Oreille en coin et les Radio Vacances (2) il a pu s'exprimer comme producteur, réalisateur. Dès la création de Fip (5 janvier 1971) il a été chef d'antenne. Guy Senaux, ingénieur du son à Radio France dit de lui " Grand professionnel rigoureux, toujours aimable, calme et bienveillant, il s’était forgé une immense connaissance musicale et une grande culture générale qui faisaient le bonheur de tous ceux qui l’approchaient."

Philippe Raynal, Guy Senaux, en régie, pour les 10 ans de Fip












Comme tant de réalisatrices et de réalisateurs, de techniciennes et de techniciens, Raynal était la cheville ouvrière de la création radiophonique. J'ai sollicité François Jouffa, producteur (3) et ancien Directeur de Fip pour recueillir son témoignage. "Comme tous les compagnons de l’Oreille en Coin, Philippe Raynal avait tous les talents de l’art radiophonique : auteur, monteur, réalisateur, producteur. Devenu ensuite Chef d’antenne de Fip, sa culture générale notamment musicale liée à un humanisme viscéral en fit une des personnalités essentielles au bon fonctionnement de l’antenne et de ses équipes. Je suis fier d’avoir compté parmi ses amis."

Julien Delli-Fiori, un des premiers programmateurs (février 1971) et ancien Directeur de Fip (2010-2014) évoque un honnête homme qui résume bien l'avis de Senaux et Jouffa.

Dans une Société comme Radio France, il est assez invraisemblable que celles et ceux qui ont fait la radio ne disposent pas d'une fiche bibliographique qui, au-delà de renseigner les chercheurs et autres amateurs éclairés ;-), permettrait de ne pas renvoyer l'histoire de la radio uniquement à celles et ceux qui ont été au micro.

Merci à Guy Senaux de m'avoir informé du décès de Philippe Raynal et à François Jouffa, au pied levé, d'avoir écrit ces quelques mots chaleureux.

(1) Il a d'abord été recruté par Roland Dhordain à 'Inter Service Route",
(2) À France Inter : TSF (ancêtre de l'Oreille en coin) 1968/1971, L'Oreille en coin (1971/1990), Radio Vacances (1960/1967). Les deux premières émissions sont produites par Jean Garretto et Pierre Codou, ils sont les inventeurs du concept. Aux tous débuts des Radio Vacances Garretto opère à Biarritz et Codou au Canet-Plage,
(3) Très jeune reporter à Europe n°1, puis producteur à TSF et l'Oreille en coin et animateur de plusieurs émissions musique à France Inter (et Europe 1),

samedi 18 février 2023

Very good trip… le livre (Michka Assayas)

C'est un joli concours de circonstance qui a pu "installer" Michka Assayas sur la grille quotidienne de France Inter. Après une quotidienne d'été (août 2015), puis en hebdo le dimanche (1), il passe en quotidienne à la rentrée 2016, dans la case royale 21h/22h qu'avait inauguré en mai 1978, Bernard Lenoir et son Feedbach. La prise est bonne et France Musique assez déçue d'avoir laissé partir l'érudit après quelques années de "Subjectif 21". "Very good trip", voilà un bon titre anglais qui trente-six ans après Lenoir n'a plus lieu d'effrayer l'administrateur de la chaîne (2).



Donc après sept ans de bons et loyaux services sur la chaîne (l'émission est toujours à l'antenne), il s'entretient avec Maud Berthomier qui ensemble publient "Very good trip, une histoire intime de la musique" (3). Intime est le bon adjectif pour qualifier le parcours personnel (franc et discret) comme le parcours musical (foisonnant, débridé, subjectif, engagé, vibrant) de Michka.

Ajoutez à ça, en fonction des années évoquées (depuis 1963), des playlists qui ravivent les souvenirs des vieux chevaux de labour (ma pomme) et peuvent titiller une jeunesse qui n'en reviendra pas de l'immensité colorée de la palette de l'artiste Assayas. Qui a en plus, y croyait-il lui-même ?, l'art de raconter, d'enfiler les perles (rares), de personnaliser/singulariser ses propos sans jamais se mettre en avant. Ce qui à France Inter est une absolue EXCEPTION !

Je ne veux rien déflorer des playlists proposées dans cette somme, mais d'y avoir trouvé "Ça plane pour moi" de Plastic Bertrand m'a laissé sur le c… C'est tout le charme d'Assayas : l'éclectisme et l'honnêteté du rock-critic qui accepte de revenir sur ses jugements péremptoires, qu'ils soient ceux de sa jeunesse (légitimes, on était d'une chapelle et pas d'une autre), ou de son âge mûr ! 

C'est un bon livre de chevet ou un bon livre de référence(s), j'y ai appris tellement de choses que je vais pouvoir le relire moins frénétiquement. Magie de la radio et de la voix, en le lisant j'entendais Michka, sans que sa maison d'édition n'ait eu la très mauvaise idée d'en faire un… podcast !!!!!!!!


À droite sur la photo,
avec les londoniennes de Raincoats, mars 1980,
et en bas, en photomaton en 1979
(in VGT, le livre)










Assayas est un conteur moderne, un bateleur de toutes les musiques, sa besace se vide et se remplit au fur et à mesure de ses découvertes ou redécouvertes. Sa fraîcheur, sa simplicité nous rappellent aussi LeBlack (Lenoir) qui, avec le même enthousiasme et la même fureur de transmettre auront chacun à leur manière, marqué d'une empreinte très forte la radio publique.

Merci Michka de nous permettre de poursuivre la longue marche (route) qui nous entraîne depuis Be Bop a lula de Gene Vincent ou les Good Vibrations des Beach Boys… Oh yeah !

(1) En remplacement de "116, rue Albert Londres" d'Alain Le Gouguec, à partir de novembre 2015,
(2) Les titres d'émissions en anglais sont à banir sur les chaînes de radio publique. le directeur d'inter, Pierre Wiehn (1973-1981), fait passer l'affaire, en déclarant l'émission "Fils de Bach",
(3) GM éditions, septembre 2022,

François Béranger : Tranche de vie(s)…

Pour une fois, écouté en continu un documentaire, sans m'imposer d'avoir recours à une prise de note, mettre en pause, chercher des sources etc… Olivier Chaumelle, produit dans Toute une vie, sur France Culture "Vous n'aurez pas ma fleur" diffusé samedi à 15h. Soit quelques tranches de vie d'un Béranger, chanteur "engagé" dès les années 70 pour dénoncer une société colonialiste, inégalitaire, privilèges et racisme ambiant. En fait, j'ai fait l'auditeur lambda, volontaire pour plonger dans une mémoire intacte pour un chanteur avec lequel, de ma génération rebelle, on ne pouvait être qu'en fraternité…

Pochette très réussie de "Rachel" (1973) 










[Tu es] "né dans un p'tit village qu'a un nom pas du tout commun, bien sûr entouré de bocages c'est le village de Saint-Martin…" Chaumelle sera plus subtil et ne s'engouffrera pas dans cette chanson qui, presque à elle-seule résume les débuts de la vie d'un Béranger, pas dupe et lucide sur les ravages que peut faire une société corsetée dans le consumérisme et ses "derniers" soubresauts coloniaux ! Et pour Rachel (en illus. ci-dessus) je peux raconter des tas de moments, de 73 et 74, avec ce disque. Béranger dans les pas de son temps et de son tempo.

Chaumelle fidèle à son habitude a déniché les deux enfants Béranger pour raconter leur père, Jean-Pierre Alarcen, guitariste, pour témoigner de la connivence musicale avec le chanteur "engagé". Sans spoiler ce documentaire sensible, on tombe de l'armoire en apprenant que Béranger a officié au "Service de la Recherche-Ortf" de Pierre Schaeffer. Mazette. 

Béranger avec une absolue sincérité aura été de toutes les luttes et autres Comités de soutien, et de l'aventure du film "L'an 01" de Jacques Doillon (1973), où il colle tellement à l'époque et à son slogan "On arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste !". Béranger pour chacune de ses chansons fait œuvre de témoin et nous permet en chansons d'écouter une tranche d'histoire… Et celle des années 70 ne manquent pas de sel !

"Tous ces mots terribles qui font des chansons,
Parlant de misère, d'ennui, de prison,
Ne sont que des leurres chassant nos démons
Bâillonnant la peur, pendant un moment…"
(Tous ces mots terribles, Béranger)

vendredi 17 février 2023

Salto et Salti tombent à l'eau… Reste la grosse farce de la com' !

"Après des semaines d’agonie, la plate-forme de vidéo à la demande payante, censée un temps être un « Netflix à la française », a vu son arrêt officialisé mercredi 15 février par les groupes France Télévisions, M6 et TF1, qui la détenaient à parts égales." (1). Le chagrin nous étreint (de nuit) ! Et comme dirait l'autre "Salto ou tard ça devait arriver !". Rideau.



Et Salti céki ? Ce pourrait être, si Salto était un mot italien, son pluriel. Cette pirouette phonétique me transporte de joie. Salto coule, tant pis. Mais Salti qui n'a jamais existé aurait pu être la base avant de France Culture si, présomptueuse, Sandrine Treiner, ex-directrice, n'avait pas, au plus fort de sa roucoule, annoncé, péremptoire "Nous allons offrir des parcours de réécoute éditorialisés permettant aux auditeurs d’aller plus loin grâce à des archives anciennes ou des contenus plus récents, des documentaires, des entretiens, etc. Ce sera une sorte de Netflix des savoirs" (2). Trop d'la boule ! Oùkilai le Netflix des savoirs ? Netflix a bon dos et… bonne presse. À toutes les sauces, il s'emploie pour faire accroire que sur le modèle de la plateforme dédiée au cinéma, on va pouvoir se targuer de faire le Netflix du beurre de cacahuète, de la gomme à mâcher ou du mouchoir à jeter  (2).

Treinersûre de sa morgue et de sa suffisance, n'a jamais tenté de Salto… arrière, ni de Salti avant. L'esbroufe et la supercherie. Et vogue la galère… et elle a vogué ! Emportant dans ses vagues (médiamétriques) des personnels lassés, usés, désespérés. Et des auditeurs alarmés jusqu'au K.O. final. Sachant que le chaos final n'était pas loin d'approcher !

Aujourd'hui le directeur des programmes, Florian Delorme, assure l'intérim. Le personnel de la chaîne commence à avoir des retours officiels sur l'enquête externe - par le cabinet Alcens - remise à Radio France fin janvier. Et il se pourrait bien que la Présidence et la directrice éditoriale, Laurence Bloch, attendent Pâques pour choisir une remplaçante, un remplaçant à la démissionnaire. Surtout si l'élu-e doit préparer la grille de rentrée. L'occasion alors de procéder à d'autres changements (et noyer un peu plus le gros poisson/poison). Dans mon billet de lundi, à part France Musique tout a bougé depuis quelques mois.

De là à supputer que ce serait l'occasion de rapprocher/marier/fusionner France Culture et France Musique, voilà un pas que je ne franchirais pas. Car, malgré cette pirouette opportuniste qui ravirait les tutelles (Culture, Finances), il s'agira bien de passer à la loupe critique une France Musique qui, au-delà de la gloriole des chiffres (maladie virale à Radio France) a acté tant de renoncements, tant de facilités éditoriales, tant de rétrécissements sur toutes les musiques, que ce serait au final une très mauvaise nouvelle. Wait and see…

(1) Le Monde (avec AFP), 15 février 2023, 
(2) Sandrine Treiner, interview, Le Monde 23 décembre 2015, 
(3) Le Netflix du n'importe quoi : du France Culture-Netflix ou France Netflix-Culture,

mardi 14 février 2023

Cause toujours tu m'intéresses… La radio magnétique !

Merci à Albane Penaranda d'avoir rediffusé dans la nuit de samedi dernier sur France Culture, les quatre Nuits magnétiques qu'Andrew Orr consacrait en 1991 à une histoire de la radio. Voilà comment Albane la présente "Dans les premières années des seventies, à la Maison de la radio et de la télévision (1), et tout particulièrement sur France Culture, des fous de radio, jeunes et moins jeunes, profitaient sans contrainte commerciale (2) de cet outil exceptionnel pour y inventer des bulles de liberté, liberté d'expression et d'innovation, alors qu'au dehors de la Maison ronde aussi surnommée "Le palais de Gruyère", d'autres fous de radio et commerçants avisés rongeaient leur frein en attendant que sonne l'heure de la rébellion contre le monopole de l'État sur les ondes…".










"Cause toujours tu m'intéresses" le titre du premier épisode (18 juin 1991) est un uppercut à la mémoire et à la réalité de ce qu'est devenu la chaîne culturelle aujourd'hui. Andrew Orr jongle avec les ondes qu'en Europe on peut capter au début des années 70. Et l'insert de l'"Allegro" de René Aubry me donne toujours autant les frissons, surtout si Colette Fellous vient y superposer sa voix. Pour y dire non pas des choses banales et creuses, des inventaires plats pour introduire une émission, la roucoule à deux balles genre Hélène et les garçons, et un ton con-passé qui n'apporte rien au propos. Fellous nous plongeait systématiquement dans un imaginaire de grand écran sans jamais refaire le film.

Et puis on passe de 1975 à 1981… Les témoignages sont précieux car qui, aujourd'hui, parle de radio, pas d'émissions, de radio ? D'environnement sonore, de création radiophonique avec des marqueurs temporels forts ? "En 75, déjà dans l'enceinte de l'Atelier de Création Radiophonique (ACR) on réfléchit, on écoute, on discute monopole, on converse avec les pirates, Jean-Marc Fombonne [co-fondateur de Radio Nova], Antoine Lefébure [créateur de la revue Interférences], la vérité… (je ne comprends pas le mot suivant) par nos contraires.

Alain Veinstein "En 78, j'ai fait une radio pirate [Les Nuits magnétiques], je ne pense pas qu'il y en ait eu d'autres après, j'étais pirate parce que j'étais dans les eaux territoriales même du service public. Je détournais les moyens du service public, ses studios, ses réalisateurs, ses techniciens, ses cellules de montage pour fabriquer un programme subversif par rapport au programme général de la chaîne. L'idée a été de travailler sur la notion d'équipe et pas sur la notion de producteur comme c'était le cas [dans les autres émissions]. Un programme dans lequel on pouvait retrouver tous les genres d'émissions qu'on peut vouloir trouver à la radio." (Avec en tapis sonore les premières notes de "Le pont" de Gérard Manset)











Et Joëlle Girard, mémoire absolue des radios buissonnières (et pas que) nous donne à entendre des sons invraisemblables, un foisonnement débridé et une libération de la parole tous azimuts. Catherine Portevin, chef de rubrique radio à Télérama "[Dans les radios commerciales] beaucoup de rythmes ont été induits, en particulier la brièveté des formats pour les radios les plus professionnelles, entre guillemets, on ne pouvait pas parler plus de 2' et 2' c'était déjà beaucoup… Beaucoup d'habitudes [méthodes] qui ont rejailli sur le service public et sur les radios en général dans leur obsession de la rapidité. Aujourd'hui si France Info est née [1987], outre sa préoccupation de l'information rapide… ça a été créé par des gens qui écoutaient beaucoup les radios privées… Pour avoir inventé un format comme celui-là il a fallu écouter absolument la bande FM, se coller à ce rythme-là."

Ces quatre Nuits magnétiques d'Andrew Orr ont permis de balayer le large spectre de la bande FM, de ses prémices et d'une situation en 1991, où la liberté a beaucoup déserté les ondes. Merci à la radio publique d'avoir fait le job pour enrichir notre mémoire. 











Veinstein (dans le quatrième épisode) "Il faut toujours être en état d'alerte. Est-ce qu'on l'est assez en ce moment ? Est-ce qu'on ne se contente pas de ce qu'on a ? C'est une question que je me pose souvent mais je ne sais pas si on se la pose dans l'ensemble de la chaîne. Le sentiment que j'ai c'est qu'on est trop rassuré par une audience qui ne décline pas… Pour se rassurer ne cherche-t-on pas à maintenir un cap qui est peut-être trop proche de celui des autres vaisseaux qui naviguent dans les eaux de la radio ? Parfois je me demande s'il n'y a pas une menace d'uniformisation qui a frappé toutes les radios même les radios que vous appeliez libres qui sont aujourd'hui privées, et privées de beaucoup de choses ? Est-ce que France Culture n'est pas dans cette maladie-là, de ne pas vouloir faire trop de vagues et se rapprocher, lentement mais sûrement, d'autres radios ? France Culture ne peut se maintenir que par l'affirmation de sa spécificité. À partir du moment où on essaye de faire comme les autres, de jouer dans la cour des grands on est condamné à plus ou moins long terme. Ce danger-là me paraît réel."

"La radio : comme il est ingénieux de s'être amélioré l'oreille à ce point…
et, pour s'y verser tout le flot de purin de la mélodie mondiale"
(Francis Ponge, La radio, 1946)


(1) À l'origine (1963) la Maison intègre des studios de télévision,
(2) Et sans le syndrome du clic,

lundi 13 février 2023

Crash à tous les étages… (de la Maison de la radio)

Changements de direction : Mouv' /Mathieu Marmouget (fin janvier 22), France Inter/Adèle van Reeth (1er septembre 22), Fip/Ruddy Aboab (1er janvier 22), France Bleu/Céline Pigalle (1er avril 23), France Info/Jean-Philippe Baille (1er janvier 21), France Culture/Wait and see… Trois de ces six chaînes, Mouv', France Bleu, et France Culture sont ou seront en plein bouleversement éditorial. Pour finir de charger la barque ajoutons que les velléités d'auto-fusion de France Bleu/France 3 + France Info Radio et France Info TV mettent l'audiovisuel public dans un maelstrom digne d'une super production Marvel et Disney associés. Sans les pop-corn.
















Le  Mouv', Mouv' 
Perpétuelle réinvention (depuis sa création en 1997) : replâtrage, foutage de gueule, éditorial girouette. Une ligne discontinue permanente. Un jouet cassé. Un magnéto crachouillant pour mômes. Un refrain aussi rayé qu'une antenne qui depuis longtemps aurait du être… rayée de la carte. Une danseuse [pour Pdg, Michel Boyon, of course] bloquée, qui ne danse plus et n'invite plus à danser ! Un chanteur has been qui n'arrive plus à chanter. Des auditeurs désenchantés. Une pincée de gazouillis pour être tendance. "C’est une rentrée toute particulière pour Mouv’ dont la grille va connaître un reboot cette saison". CQFNPD. On est fixé ! Et vogue la galère !

Toujours aussi péremptoire, Sibyle Veil, Pédégère de Radio France, joue avec nos nerfs. En septembre 2022, présentant le nouveau directeur de Mouv' elle pérore : "[Mouv' doit] être la radio de la génération Internet". Pas possible ? Out le mantra bienvenue Méthode Coué, appliquée à une communication institutionnelle… pathétique. Depuis vingt-six ans, Le Mouv'/Mouv' essaye de coller à quelque chose qui s'appellerait la "jeuuuuunesssse". Rien n'y fait, les audiences ne décollent pas et la radio la plus confidentielle reste dans le black absolu. Perdue en mer et… sur terre !

France Bleu 
Ou la chronique d'un désastre annoncé ! Depuis Cavada-Waterloo, Cavada-jacobin, Cavada-rideau (1). Rideau sur l'initiative locale tuée dans l'œuf, la syndication à marche forcée, l'identité régionale (départementale, locale) bafouée ! Stop ou encore ? C'est encore plus de descente aux enfers. Stop c'est comment en est-on arrivé là ? Consultant les astres ou quelques cartomanciennes estampillées Voyance extra-lucide, Madame Veil annonce "ll faut une nouvelle impulsion pour France Bleu. [Pour ce faire] j’ai décidé de nommer à la tête du réseau une grande professionnelle des médias : Céline Pigalle." Peut-on conclure, sans haine et sans crainte, que Jean-Emmanuel Casalta, ex-directeur du réseau n'était pas un grand professionnel des médias ? Voilà une communication bien sentie !

Je ne lis pas un seul papier sur l'histoire de France Bleu qui conterait par le menu comment Cavada-fossoyeur a désespéré Billancourt, les équipes de réalisation et les auditeurs. Pas un papier. Rien. Comme si les locales de Radio France n'existaient que depuis le Plan Bleu ? Ben non, il y a eu des préalables, des innovations, des tentatives, des réussites et des échecs. Petite revue de détail…

Dès l'ORTF des tentatives de décentralisation ont animé les dirigeants des radios publiques : les Radio Vacances (2), les anciennes radio locales regroupées sous la bannière de FR3. Puis à Radio France : Radio Solitude, et les locales de Radio France au-delà des trois expérimentations citées (voir le feuilleton sur ce blog en 24 épisodes).

France Culture
Aucune fumée blanche ne sort de la tour de la Maison de la radio pour ce qui concerne la nomination d'une directrice ou d'un directeur de la chaîne depuis la démission de Sandrine Treiner le 24 janvier. Lors d'un prochain CSE (Comité Social et Économique) de Radio France devraient être présentés les résultats de l'enquête externe - par le cabinet Alcens - qui a permis au personnel (plus de 170 personnes) de témoigner, de faire état de ses conditions de travail et de ses rapports avec la hiérarchie !








L'auto-fusion ou l'effusion à Radio France et France TV
Sans attendre la loi sur une holding ou une fusion des audiovisuels publics "L'objectif affiché de Delphine Ernotte-Cunci et Sibyle Veil, signataires de ce document : "franchir de nouvelles étapes décisives dans le rapprochement de France 3 et France Bleu", écrit le SNJ de Radio France dans un communiqué publié sur son site le 10 février. Ça mange du pain et les deux Pédégères assument la charge de la brigade légère (lourde) qu'elles veulent mener ! Soit pour devancer les futures orientations structurelles de l'État soit, pour tenter de signifier à celui-ci qu'elles peuvent continuer à être autonomes tout en actant à marche forcée une fusion qui ne dirait pas son nom !

Tentons le primesautier Tout va très bien Madame la marquise pour fustiger l'état de délabrement de plusieurs antennes de Radio France et les dangers d'une fusion qui, à terme, verra la dilution de la radiodiffusion dans la télé (air connu) et la compression, en plus du son, des personnels, de la production et des structures immobilières qui les hébergent. Opération Attila conviendrait alors parfaitement pour mener ces basses-œuvres.

Lire mon billet demain sur la radio des années 70 à 90…







(1) Assurément en se rasant, le Pdg Cavada (1999-2005), nostalgique du "bleu horizon", a imaginé en 2001, le Plan Bleu qui a vu disparaître les identités des locales de Radio France, certaines dans le paysage depuis 1980 (Radio Mayenne, Melun FM, Fréquence Nord). Un Bleu qui a fini par bien pâlir !

(2) Opération d'envergure pour décentraliser France Inter dans des stations de vacances de 1960 à 1967. D'abord Biarritz et Canet-Plage, puis Cannes, Saint-Malo, Ajaccio, et Brest… ont profité pendant les deux mois d'été de 17 heures de programmes quotidiens, réalisés sur place et en prise directe avec les régions concernées.

samedi 11 février 2023

Quiconque avait un cœur pour… Burt Bacharach

Sans fioriture et sans ambage, annonçons tout de go, que sans Thierry Jousse et Laurent Valero je n'aurais pas approfondi les mélodies, chansons et instrumentaux de Burt Bacharach. Car si depuis l'enfance j'entends "Don't make me over" popularisé par Nancy Holloway ("T'en va pas comme ça"), il m'a fallu un certain temps pour connaître et reconnaître le maestro. Ç'aurait d'ailleurs été beaucoup mieux si les interprétations - hasardeuses - en français n'avaient en partie ruiné les originaux.




Avant hier, 9 février, Burt a tiré sa révérence. L'ardeur des radios publiques à rediffuser d'anciennes émissions a quelque chose de pathétique. Une exception, Fip qui, en soirée, a pendant une heure dans une spéciale, enchaîné quelques succès du musicien qui ne s'est jamais ménagé au cours de sa longue carrière.

Depuis quelques années je fais mon miel de Walk on by, Raindrop Keeps Falling on My Head,(They long to be) Close to youTrains and Boats and PlanesAlfie, Something big (que Thierry Jousse m'a fait découvrir il y a deux ans dans un Retour de plage) et Anyone who had a heart dont j'ai utilisé la traduction pour titrer ce billet. Et tant d'autres. Je suis un vrai fan et je peux écouter une matinée entière, autant ses compositions comme plusieurs de ses interprètes. The Guy’s in love with you (par Herb Alpert) ou This girl in love with you (la version d'Aretha Franklin est inventive). J'allais oublié Baby it's you la reprise des Shirelles par The Beatles eux-mêmes.

Sur France Musique, ce midi à 13h, Thierry Jousse consacrera son Ciné Tempo en hommage à B.B. et dimanche dans N'oubliez pas le standard, Laurent Valero en fera de même (1). On eusse aimé pour l'occasion que les deux producteurs se réunissent à nouveau pour une émission à deux voix. Chacun redoublant de connaissances et d'anecdotes pour creuser le sujet.

Dans les Inrocks, vendredi dernier, Jousse a publié un long article sur le maestro. Et Michka Assayas, sur France Inter (15/02), a, avec son érudition habituelle enchanté le troubadour Bacharach.

(1) L'espace très corseté de sa case "Jazz" permettra peut-être d'entendre quand même des chansons qui, de fait, n'ont pas forcément l'estampille d'un style de musique dont Bacharach s'est absolument affranchi…