mercredi 30 mai 2018

30 mai 1968 : Je vous ai (pas) compris… De Gaulle enfile les perles et serre les dents

Le 30 mai 1968, le président de la République, Charles de Gaulle, après sa "fugue" la veille à Baden Baden (RFA) pour rencontrer le Général Massu, réapparait, reçoit Georges Pompidou à 14h30, convoque un conseil des ministres pour 15h, puis annonce à 16h à la radio la dissolution de l'assemblée et des élections législatives. Une manifestation, prévue la veille, rassemble 800.000 personnes le soir-même, pour le soutien au président de la République et contre le mouvement social.
En tête du défilé aux Champs-Élysées, 30 mai 68















"Françaises, Français,
Etant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine j'ai envisagé depuis vingt-quatre heures toutes les éventualités sans exception qui me permettraient de la maintenir. J'ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un mandat du peuple, je le remplirai, je ne changerai pas le premier ministre dont la valeur, la solidité, la capacité méritent l'hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraîtront utiles dans la composition du gouvernement. Je dissous aujourd'hui l'assemblée nationale.

J'ai proposé au pays un référendum qui donnait aux citoyens l'occasion de prescrire une réforme profonde de notre économie et de notre université et en même temps de dire s'ils me gardaient leur confiance ou non par la seule voie acceptable, celle de la démocratie. Je constate que la situation actuelle empêche matériellement qu'il y soit procédé. C'est pourquoi j'en diffère la date. Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution, à moins qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier en l'empêchant de s'exprimer en même temps qu'on l'empêche de vivre par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs de travailler.

On veut la contraindre à se résigner à un pouvoir qui s'imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait alors évidemment essentiellement celui du vainqueur, c'est-à-dire celui du communisme totalitaire. Naturellement, on le colorerait pour commencer d'une apparence trompeuse en utilisant l'ambition et la haine de politiciens au rancart.Ces moyens, ce sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main en conséquence, et par un parti qui est une entreprise totalitaire même s'il a déjà des rivaux à cet égard. Si donc cette situation de force se maintient, je devrai, pour maintenir la République, prendre, conformément à la Constitution, d'autres voies que le scrutin immédiat du pays. 

En tout cas, partout et tout de suite, il faut que s'organise l'action civique. Cela doit se faire pour aider le gouvernement d'abord, puis localement les préfets devenus ou redevenus Commissaires de la République, dans leur tâche qui consiste à assurer autant que possible l'existence de la population et à empêcher la subversion à tout moment et en tout lieu. La France en effet est menacée de dictature. Après quoi ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids, qui ne serait pas lourd. Eh bien non, la République n'abdiquera pas, le peuple se ressaisira, le progrès, l'indépendance et la paix l'emporteront avec la liberté. Vive la République. Vive la France !"







En exclusivité et intégralité jusque fin juin 
Septième et dernier volet de la série "Chroniques de mai" produit en 1988, pour la grille d'été sur France Culture, par Dominique Chagnollaud.


Vous pouvez retrouver ici et là mes deux longues séries hebdomadaires sur mai 68 démarrées en septembre 2017 avec le partenariat de l'Institut National de l'Audiovisuel.

mardi 29 mai 2018

29 mai 1968 : De Gaulle "disparu", Pierre Mendès-France prend la parole…

Alors que l'étau se resserre sur le gouvernement et son pouvoir, le 29 mai 1968, le Général de Gaulle " disparaît " subitement, ce qui semble donner raison à ceux qui annoncent depuis plusieurs jours la chute du pouvoir gaullien et gaulliste. Pierre Mendès France (Président du Conseil 1954-1955) fait cette déclaration qui répond à la conférence de presse de François Mitterrand de la veille.

Pierre-Mendes France (1907-1982)

















"La journée nous a apporté toute une série de nouvelles ou d'incertitudes. Nous ne savons plus très bien aujourd'hui où en est le régime. Nous ne connaissons pas ses intentions, ses décisions. Nous ne savons pas encore s'il y a un gouvernement, si, à brève échéance, le régime tout entier n'aura pas reconnu son échec et s'il en aura retenu des conclusions.

Dans ces conditions, la longue conversation de travail que j'ai eue avec les dirigeants de la Fédération devait tenir compte de toutes ces incertitudes, et nous avons donc exploré les différentes hypothèses, les différentes situations politiques dans lesquelles nous pouvons nous trouver et chercher quelles pouvaient être nos décisions face à ces différentes hypothèses. Nous avons constaté sans surprise que, quels que soient les événements qui se produiront au cours des prochaines heures ou des prochains jours, en définitive notre réponse en toute hypothèse conduit toujours à la revendication de la constitution d'un gouvernement de transition que M. François Mitterrand dans sa déclaration d'hier a appelé un gouvernement provisoire. Nous avons constaté que c'était une solution que l'opposition de gauche devait mettre en avant et que c'était une solution applicable à toutes les hypothèses qui pourraient se produire au cours des prochains jours.

Nous avons tous compris que le gouvernement de transition à constituer demain devra ménager, à travers les décombres institutionnels, politiques, universitaires, sociaux, économiques, un travail efficace pour garantir les chances des nécessaires réformes dont nous ressentons tous le besoin.Quand nous parlons de gouvernement de transition, il est important que nous soyons tous bien d'accord sur ce que devra faire ce gouvernement pour éviter que la crise présente ne se prolonge au détriment du pays tout entier et c'est là-dessus que nous avons travaillé très sérieusement en allant au fond de tous les problèmes et de tous les obstacles à surmonter. C'est là-dessus que nous avons travaillé avec les représentants de la Fédération.


© Serge Hambourg, PMF en 1967
















Il est évident qu'un tel gouvernement n'aurait aucun sens s'il ne méritait et n'obtenait pas la confiance de tous les hommes, de toutes les forces, qui, au cours des dernières semaines, ont manifesté leur opposition au régime actuel et leur volonté de reconstruction du pays. Les forces vives des usines et des universités ont fait éclater au grand jour à quel point la politique suivie par le gouvernement encore en place était contraire aux aspirations et aux besoins du pays. Elles doivent toutes être réunies demain pour reconstruire, et elles doivent le faire, comme l'a dit M. Mitterrand, sans exclusive et sans dosage. Tout ce qui divise, tout ce qui oppose les forces du mouvement et du progrès les unes aux autres est blâmable et néfaste pour l'avenir.

Mais le problème essentiel n'est pas celui des hommes. Ce qui compte aujourd'hui, c'est un accord complet, précis, sur ce que fera, le jour venu, le gouvernement de transition. Ce ne sera pas un gouvernement neutre, mais un gouvernement du mouvement, il aura à préparer la suite, la mise sur pied d'un nouveau régime de vie, l'acheminement rapide vers une société plus juste, socialiste. Je peux dire tout de même que j'ai été touché que M. Mitterrand mette mon nom en avant dans sa déclaration d'hier. Mon concours a toujours été, et serait toujours acquis, aux hommes de gauche pour la réalisation des convictions que j'ai défendues inlassablement. Je ne refuserais donc pas les responsabilités qui pourraient m'être confiées par la gauche tout entière réunie.

Mais dans l'intervalle, par la force des choses, il aura à faire face à un problème aigu qui se pose aujourd'hui et il aura à prendre des mesures immédiates. C'est de cela aussi que nous avons parlé et c'est là-dessus que nous continuerons à le faire pour réaliser un accord précis et complet. Je le crois indispensable pour la probité même et pour les chances de succès du gouvernement de transition dont il s'agit. Je crois que nous ne nous dissimulons pas les difficultés. Nous faisons le genre d'effort qu'attendent de nous les grévistes dans les usines, les jeunes partout à travers le pays et les chômeurs." (Source L'internaute)


Vous pouvez retrouver ici et là mes deux longues séries hebdomadaires sur mai 68 démarrées en septembre 2017 avec le partenariat de l'Institut National de l'Audiovisuel.

lundi 28 mai 2018

28 mai 1968 : conférence de presse de François Mitterrand…

À deux jours du grand rassemblement qui verra les Gaullistes descendre dans la rue pour montrer que "De Gaulle n'est pas seul", François Mitterrand, Président de la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste (FGDS) donne une Conférence de Presse.


Voici ses premiers mots : "Alors que le mouvement social et étudiant de mai 1968 semble devenu incontrôlable et que l’annonce d’un référendum par le chef de l’Etat n’a fait qu’amplifier la crise, le président de la FGDS, François Mitterrand, prend la parole le 28 mai. Considérant la succession du général de Gaulle ouverte, il se déclare candidat à la présidence de la République." L'intégrale de la transcription à lire ici.


Vous pouvez retrouver ici et mes deux longues séries hebdomadaires sur mai 68 démarrées en septembre 2017 avec le partenariat de l'Institut National de l'Audiovisuel.

68 : et si tout avait commencé avant… L'apaisement ? (39/43)

En partenariat avec

Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.

Stade Charlety, 27 mai 1968














39. L'apaisement ? : 24 mai au 27 mai 1968,
Cinquième volet de la série "Chroniques de mai" produit en 1988, pour la grille d'été sur France Culture, par Dominique Chagnollaud. L'apaisement ? C'est aller un peu vite en besogne. Le 27 mai grand rassemblement syndical à Charlety (Unef, SneSup, Fen, Cfdt… et Psu) auquel Pierre-Mendès France, ancien Président du Conseil, participe ainsi que Michel Rocard (Psu). Les accords de Grenelle sont en passe d'être signés. Les 28 et 29 mai, François Mitterrand (FGDS) et Mendès-France prendront la parole pour suggérer la création d'un gouvernement provisoire (1).

En exclusivité et intégralité jusque fin juin



Les 28 et 29 mai : Tout est possible
Sixième volet de la série "Chroniques de mai"…




(1) Je publierai deux billets spéciaux ce soir et demain pour les interventions de ces deux hommes politiques,

Ce billet est le 2000ème d'une longue série 
commencée le 17 juillet 2011
Ce n'est qu'un début…

Guimier roucoule, pérore, plastronne, Lagarde… erre

Trente-neuf jours après la nomination de Sibyle Veil comme Pdg de Radio France par le CSA, le 12 avril dernier, Laurent Guimier, ex n°2, ex directeur de France Info, prend ses clics et ses clacs pour Europe 1. Celui dont les médias avaient imaginé qu'il pourrait remplacer son mentor Mathieu Gallet révoqué le 1er mars, faire un ticket (gagnant) avec Sibyle Veil, n'avait plus beaucoup d'autres choix que de répondre aux sirènes de Lagardère, Pdg d'Europe 1. Ce dernier avait débauché il y a juste un an, Frédéric Schlesinger, n°2 de Radio France pour redresser une station qui années après années, grilles de programme après grilles de programmes, dirigeants après dirigeants n'a cessé de descendre dans les abîmes Médiamétriques laissant loin derrière elle cette image d'une radio jeune, pétillante et en phase avec son temps.


Comme ce nom l'indique…














Laurent Guimier dès sa nomination comme directeur de France Info en mai 2014 n'en avait plus que pour Radio France. La main sur le cœur et la flagornerie en bandoulière (1) il ne jurait plus que par le service public. Après avoir "réussi" la création, avec France Télévisions, de la chaîne d'information en continu franceinfo, il était promis à engager le rapprochement (périlleux) de France Bleu et France 3. Seulement Schlesinger parti pour Europe 1, Mathieu Gallet n'avait d'autre solution que de nommer Guimier pour le remplacer. À ce poste, pendant 345 jours, on se demandera longtemps ce qu'il a bien pu y faire ? À moins que comme l'annonce Cyril Lacarrière dans l'Opinion (2) : "En décembre 2016 déjà Arnaud Lagardère approche Laurent Guimier mais l’affaire capote. "C’était trop tôt pour moi", estime ce dernier dans une interview au JDD". Trop tôt peut-être mais pas trop tard pour rester en veille active. Des fois que du côté de Lagardère… Active on soit vite déçu du choix de Schlesinger.

Une fois entendu qu'Arnaud Lagardère est incapable de nommer la bonne personne pour diriger la radio de son groupe et malgré les ratages avec Olivennes, Schlesinger, on se demande bien pourquoi Guimier pourrait réussir. L'avantage avec Guimier c'est qu'il connaît les pratiques impitoyables du football professionnel. Donc il a beau roucouler dans le reportage que "Le Tube" lui a consacré samedi dernier sur Canal+, en annonçant qu'il a 97 jours pour mettre en place une nouvelle grille de programmes, il devrait savoir qu'il peut sauter au 98ème ou, "reculer pour mieux sauter", au 173ème (3) quand Médiamétrie aura annoncé le naufrage définitif (ou une minuscule rémission) d'Europe 1.

Les jours de Guimier sont donc comptés (et compter il sait faire). C'est sans doute la raison pour laquelle il pérore en annonçant, en l'absence de toute modestie, qu'il a au moins trois grilles (de programmes) prêtes pour la rentrée. Ben voyons Léon ! C'est quoi l'intuition de Lagardère de confier à un journaliste la vice-Présidence de trois des radios dont il est propriétaire (4) ? Pourquoi un journaliste saurait-il diriger une radio ? Et quand bien même Guimier aurait passé 20 ans à Europe 1 en quoi cela lui confère-t-il des compétences pour réussir l'alchimie entre "information et programme". À part avoir fait le gugusse avec Cyril Hanouna (5) pour la saison 2013-2014, c'est l'info qui le stimule pas les programmes. 



Adepte absolu du rapprochement de l'info et du divertissement, qu'il appelle du "décloisonnement" (sic), on ne pourra pas compter sur Guimier pour confier à d'autres qu'à des journalistes (ou à des vedettes bankables de la TV) des émissions que de formidables saltimbanques ont animé, faisant les belles heures d'Europe n°1 puis d'Europe 1, jusqu'à ce que des margoulins viennent patiemment détruire la radio de Sylvain Floirat, Maurice Siegel, Jean Gorini, Lucien Morisse et Pierre Delanoë. Lagardère est pathétique, Guimier joue très mal les pompiers. Tout ça ne présageant rien de bon pour la station qui dans quelques jours quittera son siège historique de la "Rue François 1er" (Paris).

Redisons ici qu'il est navrant que Lagardère fasse son marché annuel à Radio France, que les responsables du service public, sans vergogne, s'empressent de courir derrière ses offres, que la navette permanente entre public et privé soit toujours au détriment du public. À défaut de participer au mercato football Guimier va participer au mercato radio. De quoi (de qui ?) va-t-il déshabiller Jacques pour habiller Pierre (ou Arnaud) ? Le 27 août poussera-t-il encore la roucoule ou, apprenti-alchimiste, aura-t-il su profiter de l'été pour donner envie aux auditeurs de retendre l'oreille pour être surpris (au risque de la pub) au point de quitter leurs habitudes radiophoniques ? C'est ça la mesure de l'enjeu et dans le délai imparti le risque est plus grand que l'hypothèse de réussir à court terme. Et pourtant c'est bien ce court terme qui aura force de loi. C'est le jeu. Mais rien ne dit que Guimier saura y jouer.

(1) Quand il ne passe pas son temps à Tweeter son amour immodéré à Jacques Vendroux, directeur des sports de Radio France, il sort, le 2 mars, sa calculette pour compter les jours de son inféodation absolue à Mathieu Gallet "Au 1389è jour de notre collaboration, fierté immense d'avoir œuvré aux côtés de @mathieu_gallet",
(2) 23 mai 2018,
(3) Dans l'hypothèse où les résultats Médiamétrie tomberaient le 15 novembre, 

(4) Europe 1, Virgin radio et RFM
(5) "Les pieds dans le plat" jusqu'à son départ pour France Info en mai 2014,

dimanche 27 mai 2018

67/68 : une autre révolution culturelle… Une crise de civilisation (37/42)

En partenariat avec

Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.



Année 1968 : une crise de civilisation… mondiale
Les Radios Publiques de Langue Française (Belgique, Canada, Suisse, France) produisent en 1976, dans le cadre d'une longue série, "Le troisième quart du siècle", un panorama mondial de l'année 68. Ça craque de partout et "tout d'un coup" le "Mai 68" français n'est plus le centre du monde… révolutionnaire. 

En intégralité jusque fin juin

lundi 21 mai 2018

68 : et si tout avait commencé avant… Un mouvement éclaté (38/43)

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Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.


38. Un mouvement éclaté : 18 au 24 mai 1968,
Troisième volet de la série "Chroniques de mai" produit en 1988, pour la grille d'été sur France Culture, par Dominique Chagnollaud. La Culture avec un très grand C comme Malraux (Ministre de la Culture) a mal à l'Odéon (théâtre de Paris) occupé nuits et jours par les étudiants, des ouvriers et des artistes. On l'entend au début du documentaire, De Gaulle (Président de la République) veut faire évacuer ce théâtre sans barguigner. Un théâtre, une usine, une université tout ça c'est la même chose pour le vieux Général dont le mantra permanent est l'ordre, l'ordre, l'ordre. Ses réflexes autoritaires et brutaux inquiètent Pompidou, 1er Ministre, plusieurs membres du gouvernement et le secrétaire de l'Élysée, Bernard Tricot qui témoigne. 



La grève à l'ORTF (Office de Radio et Télévision Française) a commencé depuis le 13 mai et, ce théâtre-là, n'est ni filmé ni enregistré et pour cause. La radio et la télévision d'État sont muettes. D'habitude elles sont bâillonnées par le pouvoir… Du point de vue de la presse, on écoutera avec plaisir, le témoignage de Philippe Tesson, rédacteur-en-chef de "Combat" qui traduit aussi l'envie absolue des journalistes d'en découdre et de soutenir la colère des étudiants.

En exclusivité et intégralité jusque fin mai

vendredi 18 mai 2018

67/68 : une autre révolution culturelle…Le Festival de Cannes (36/42)

En partenariat avec

Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.


Lelouch, Godard, Truffaut, …, Polanski
















19 mai 1968. Le Festival de Cannes est interrompu par des cinéastes solidaires avec la rue. Mais cette année là, Robert Fabre Le Bret, délégué général du festival, ne pense qu'à assurer sans anicroche cette vingt et unième édition. Il ne se méfie pas. C'est le calme avant la tempête... Caroline Cartier, elle, offre tous les jours dans matinale d'Inter (ici en mai 2008) une petite pastille de sons, bien ficelés, bien montés, bien surprenants. Ici elle a mixé des "petits bouts" de la conférence de presse du 19 mai 1968 qui a vu les cinéastes décidés à boycotter le Festival…

En exclusivité jusque fin mai



Et en vidéo les cinéastes Truffaut, Godard (en rage)…



Quelques mois avant "Mai 68" Léo Ferré enregistre un "Quartier latin" prémonitoire…

jeudi 17 mai 2018

Guy Lagache nommé directeur d'Europe 1, moins de six mois après la nomination de Laurent Guimier

Le manège Lagardère continue. Après avoir débauché Frédéric Schlesinger, n°2 de Radio France en juillet 2017 pour diriger Europe 1, puis Laurent Guimier en mai 2018, Arnaud Lagardère vient à nouveau de débaucher le n°2 de Radio France, Guy Lagache nommé à ce poste par la Pédégère du Groupe public Sibyle Veil. Quand donc cette valse des pantins, cette mécanique infernale s'arrêtera-t-elle et surtout qui y mettra fin ? Quand arrêtera-t-on de considérer que la hiérarchie est en stage à Radio France pour, sur coup de sifflet strident et autoritaire, répondre subito aux sirènes du privé ? Quand y aura-t-il un retour de plus-value pour le service public qui se voit d'année en année affaiblit par ces pratiques managériales dignes des mercato du football ou de la finance. Qui donnera des garanties au service public de pouvoir compter, sur la durée, sur les dirigeants qu'il aura participé à former ?



Au-delà de cette fiction (probable) du prochain départ de Lagache pour Europe 1, il nous faut revenir aux sources de ce phénomène de vases communicants qui n'a pas commencé avec le débauchage de Schlesinger. Les passages du public au privé (et inversement) sont de pratique courante et établie en radio comme en TV et existent depuis que radios et TV privées existent. Pour autant pour ce qui concerne les dirigeants dits "n°2" c'est récent. Très récents même depuis la création de ce poste par Mathieu Gallet, Pdg de Radio France (2014-2018) nommé par le CSA et révoqué par celui-ci en février dernier. La candidature de Gallet ne pouvait tenir qu'avec l'expérience et l'expertise de Schlesinger. C'est sur ce binôme que le CSA a validé la candidature de Gallet. Ce dernier ayant toujours montré un mépris absolu pour les programmes, il ne pouvait se passer de son mentor.

Après le départ soudain de Schlesinger en juillet 2017, Gallet, dépité et fâché, doit lui trouver un remplaçant. Ce sera Guimier, directeur de France Info, normalement promis à une nouvelle mission de rapprochement entre France Bleu et France 3. Jusqu'en 2014 il n'y a jamais eu de n°2 à Radio France et encore moins de numéros. Les directeurs de chaîne dirigeaient sans avoir besoin d'un chaperon tout puissant qui, de fait, affaiblissait et contrôlait leur pouvoir. Sibyle Veil, nouvelle Pédégère de Radio France n'avait aucune obligation de prolonger cette fonction. Sauf si par là cela lui permettait de dégager du temps pour faire autre chose de plus haut niveau. Par exemple, la fusion programmée (dans le cadre de la future loi audiovisuelle) de Radio France et de France Télévisions.


Lagache TV
Hier Veil annonça la nomination de Guy Lagache, un homme une fois de plus, au poste de "directeur délégué aux antennes et à la stratégie éditoriale". Lagache ???? Lagache vient de la télévision privée dans laquelle il a fait toute sa carrière. Pourquoi ce choix ? Qui a fait ce choix ? Veil ? Assez peu probable. Juste un mois après avoir pris ses fonctions de présidente, on ne sort pas du chapeau un parfait étranger à la chose radio. À moins que cette particularité TV soit bien utile quand il s'agira d'activer la fusion des audiovisuels publics. Pour sa première décision stratégique Mme Veil laisse planer le doute de son indépendance et, par exemple, celui de s'être fait imposer ce choix par l'Élysée. Elle prend aussi le risque de brouiller les pistes de l'image "service public" qu'elle veut se donner. Mieux elle affirme par là, alors qu'elle est énarque, ne pas soutenir et promouvoir les agents du service public qui seraient donc incapables d'occuper ledit poste de n°2 ou toutes autres fonctions stratégiques. 

Pire, c'est un déni absolu de l'existant des forces vives et des compétences internes de Radio France. Comme s'en interrogeait hier Julien Bellver, journaliste média à Quotidien (TMC) sur Twitter : "Il n’y a plus de talents en interne à Radio France ?!?". C'est saper, non seulement le moral des troupes mais, surtout, c'est dénier au service public sa responsabilité de former et d'accompagner les personnels aux besoins du service public. C'est faire entrer le privé dans le public pour mieux sans doute le dévorer demain.

La roucoule de Schlesinger sur le service public : bidon. Celle de Guimier, une baudruche. On s'inquiète que dans quelques heures Lagache TV nous récite son bréviaire sponsorisé. Tout petit il écoutait Chancel (Inter), ayant mûri il passa sans transition à Culture Matin (Jean Lebrun, France Culture), puis à Paoli (Stéphane, Inter), se lavait les dents avec France Info. Le week-end était entièrement consacré à France Musique, parsemé de zestes de Fip. Et France Bleu ? Voyons, à chaque fois qu'il se rendait, et le plus souvent possible, dans sa région d'origine.

Malgré les innocents, ingénus et autres menteurs qui veulent nous faire accroire que la radio est un média d'avenir, la radio est morte. Ceux qui disent le contraire sont des innocents, des ingénus et des menteurs. Le média radio va se fondre dans le magma global. C'est la mue finale. Aujourd'hui. 

Et demain ?

lundi 14 mai 2018

68 : et si tout avait commencé avant… Étudiants et ouvriers (37/43)

En partenariat avec

Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.

Place Royale, Nantes, Mai 68




37. Étudiants et ouvriers
Deuxième volet de la série "Chroniques de mai" produit en 1988, pour la grille d'été sur France Culture, par Dominique Chagnollaud. La rencontre de deux mondes, pas évidente, a bien eu lieu. Pendant ce temps en Bretagne, "L'Ouest veut vivre". On notera que le régionalisme latent n'ose pas encore afficher "La Bretagne veut vivre". De Gaulle, pourtant, après un état de surdité prononcé pendant les "événements" viendra à Quimper l'année suivante et, pour l'un de ses derniers discours officiels, proposera son fameux référendum sur la régionalisation (avril 69) et la création du plan routier breton. Tactiquement l'annonce est subtile, venir en Bretagne annoncer la régionalisation c'est être absolument dans l'air du temps. L'échec du référendum poussera De Gaulle dehors. Il faudra attendre les lois de décentralisation de 1982 pour voir la création des "Régions", collectivités locales à part entière, élues au suffrage universel.



Et De Gaulle vint à Quimper… (discours intégral)



samedi 12 mai 2018

Sous les pavés : l'Ardèche… ou comment les hippies ont bloqué l'exode rural

J'ai rencontré Sarah Lefèvre, après le Festival Longueur d'Ondes de février dernier. Sarah avait eu la bonne idée de venir assister à notre séance hommage à "L'Oreille en coin". Nous avons beaucoup parlé radio et… Ardèche. Sarah, documentariste, finalisait la préparation de son voyage en Cévenne. Pour y avoir moi-même arpenté quelques chemins à l'écoute des castanéïcultrices et castanéïculteurs (1), je ne manquais pas de lui donner les adresses de personnages "à voir absolument". Bien sûr "mes" noms croisaient ceux qu'elle avait déjà repérés. Car, pour l'histoire récente du phénomène hippie en Ardèche et du retour à la terre, il y a les inévitables et Sarah vous l'entendrez ne les a pas évités.


Au creux d’une vallée sauvage, le Hameau de Bolze
où vivent Sandrine Taine et Pascal Waldschmidt,
installés en Ardèche depuis 1974. 

Crédit : Sarah Lefèvre /RFI. 

Le projet de Sarah était le suivant : "On entend parler depuis des mois du Paris gaulliste, de ses barricades, du Boulmich', de Saint-Germain des Prés. On aborde moins la question des conséquences de l'insurrection de 1968. Pourtant, certains se sont autorisés à rêver d'un autre avenir, loin des pavés, au plus prés de la terre. Ces jeunes citadins ont migré vers le Sud de la France, à la recherche de déserts, comme en Ardèche qui comptait le plus grand nombre de communautés au début des années 1970. Ces "bourrus" ou "barbus" - comme on les appelait - se sont autorisés à refaire le monde, de jour comme de nuit, à l'échelle d'un hameau abandonné et de quelques mètres carrés de terre abandonnées. Les plus déterminés sont restés. Les plus militants se sont battus avec les Cévenols contre des grands projets de barrage, de centrales nucléaires ou d'exploitation de gaz de schiste. Comment se sont-ils enracinés, là où les jeunes fuyaient depuis des années ? Comment ont-ils vécus de rien ou très peu et surtout, qu'ont-ils créé ? Ils nous ont raconté leurs cinquante dernières années." 

En 48'30 (2), Sarah Lefèvre réussit à raconter, avec la belle réalisation de Laure Allary, un bout du "mirage Ardéchois" sans tomber dans l'écueil de l'admiration "baba" ni dans celui de la caricature de "hippies-qui-laissent-mourir-les-chèvres-faute-de-les-traire". Forcément si vous pouvez visualiser ces vallées, ces paysages, ces situations racontées par les acteurs et actrices de l'époque vous y serez. Ça vous parlera aux tripes et au cœur et, fermant les yeux, vous accompagnerez Violaine, Noé, Sandrine, Pascal et Jean-François dans leurs parcours singuliers.

Si vous n'avez en tête que les clichés chromos que la rumeur et les médias ont voulu donner de ce retour à la terre, post-soixante-huitard, en Cévennes, voilà la bonne occasion pour changer de vision et vous donner envie d'y aller voir de plus près. Pas en touriste qui regarde de haut cette "région magnifique" mais plutôt en sachant sortir des sentiers battus et rebattus pour tenter de comprendre ce pays rebelle, tenace et séduisant. Sarah Lefèvre a su laisser parler ses témoins qui inlassablement ont retissé une histoire originale et inattendue qui a pu modifier le déclin attendu et l'exode rural inexorable auxquels pouvait s'attendre l'Ardèche à la fin des années 60.

Et même si, "chromo des chromos", La Montagne de Ferrat peut sembler désuète, il est bon de rappeler que le chanteur avait su capter cet inexorable qui ne demandait qu'à être démenti. Les "hippies" l'ont permis (3) quand, abandonnant frusques, bracelets et "Marie-Jeanne", ils ont croché dedans, remonté les murets et fait revivre le pays. 






(1) Pour le Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche et la création de "Paroles de Châtaigneux", collecte et créations graphiques, printemps et automne 2005,
(2) À 15h10, "Si loin, si proche", aujourd'hui sur RFI,


Après Mai 68, Noé Chat, Ardéchois de 96 ans, 
a vu ses terres cévenoles se repeupler avec les néo-ruraux
Crédit : Sarah Lefèvre /RFI. 



















(3) Sarah n'aura pu rencontrer Paul Leynaud, paysan cévenol magnifique, décédé il y a une dizaine d'année que j'avais pu rencontrer au cours de ma longue pérégrination "châtaigneuse". Son engagement l'avait poussé à imaginer la création du Parc Naturel Régional des Monts d'Ardèche. Paul lui aurait dit cela "À nous de mettre en œuvre notre projet de territoire, à partir de son patrimoine, en associant l’ensemble des acteurs : producteurs, artisans, gens de culture, élus, habitants des Mont d’Ardèche. Prenons l’utopie comme méthode." Cet utopiste-humaniste m'avait dit "C'est grâce aux hippies que les femmes ardéchoises sont restées au pays et ont interrompu la vague d'exode qui l'aurait définitivement fait mourir".