lundi 27 avril 2020

Radio France : une bouteille à l'amer…

Le 23 avril, Sibyle Veil, Pédégère de Radio France répond aux questions de Jérôme Lefilliâtre dans Libération. À qui s'adresse cette interview qui ne nous apprend strictement rien ? Aux auditeurs de Radio France ? Peu probable ! Aux tutelles ? Certainement ! Aux annonceurs ? Aussi. Dans une forme de propagande digne des soviets voici quelques morceaux choisis…


Sur le toit des studios 102 et 103

















L'auto-persuasion (quand la co-production cogne très fort à la porte !)
"C’est la force de notre modèle de production : tout est fabriqué par nos propres équipes"

Le slogan-mantra (en fond on entend la foule qui applaudit à tout rompre)
"La période a montré à quel point le service public de la radio a su être au rendez-vous et il sera tout aussi indispensable dans les mois qui viennent"

Message in a bottle (en verre trempé, très transparent, siglée RF)
"Il faudra que les médias publics puissent continuer à jouer pleinement leur rôle, pour aider les Français dans cette épreuve. La période a montré à quel point le service public de la radio a su être au rendez-vous et il sera tout aussi indispensable dans les mois qui viennent"

Avant c'était du chinois (sous-titré par Frédéric Martel, en direct de Pékin)
"Cette crise valide certaines orientations importantes du projet d’entreprise, notamment celle qui consiste à rendre nos contenus plus accessibles aux Français"

Incroyable mais vrai 
"Cette crise va accélérer la transformation des usages des auditeurs. Beaucoup sont en train de passer de l’autoradio au téléphone portable" (et à la maison ils écoutent la radio depuis leur micro-ondes)


Les enfants existent, ont des oreilles et ont besoin de contenus (M. de la Palisse)
"De la même façon, la création depuis un an de contenus sonores pour les enfants répond à un véritable besoin des familles." (Rappelons que M. d'Arvor, ex-directeur de France Culture, avait il n' y a pas si longtemps balayé d'un revers de main méprisant la création d'histoires radiophoniques pour les enfants)

Les tutelles avec nous, les tutelles avec nous, 
"Nous continuerons à utiliser les moyens publics avec sobriété, parce que beaucoup de Français auront besoin du soutien de l’Etat, mais nous ne devons pas être fragilisés car nous devrons pouvoir être ce pilier de la vie démocratique et culturelle dans l’après-crise." 

J'adore les patates chaudes (et les douches froides)
"Je défends cette position auprès de l’Etat. Ce sera à lui de tirer les conséquences de cette crise"

Et soudain la Terre s'est écartée et Moïse… (version Luc Besson)
"Mais, très vite, nous nous sommes dit que l’information fiable était vitale mais qu’elle ne suffisait pas : dans cette période, on a besoin de prendre du recul, de s’évader, de rire. C’est là qu’on voit à quel point la radio est un média vivant : nos
grilles ont énormément évolué pendant ces semaines et nous avons même créé de nouvelles émissions"

Radio France sauvera la culture par la porte, la fenêtre et même la lucarne
"Sur nos chaînes, il y aura bien une saison des festivals 2020. Dès cette semaine, les soirées d’Inter et de Mouv’ ont fait vivre "un Printemps de Bourges imaginaire". Dans les grilles d’été, nous ferons exister les festivals, avec la diffusion des meilleurs moments, des sessions live, des émissions dédiées"

P.S. : Madame Veil n'a pas jugé utile d'évoquer la syndication de France Bleu, ni la web radio de France Culture en partenariat avec AP-HP, service public dont elle a été entre 2010 et 2015 "Membre du comité de direction de l’établissement, directrice de la transformation, où elle y anime la réflexion stratégique et y organise le déploiement de programmes de transformation dans les hôpitaux" (source Wikipedia)

Prochain épisode
"À la radio fallait-il le Covid-19 ?
(sur l'air de de Gaulle inaugurant la Maison de la radio, le 14 décembre 1963)

mercredi 22 avril 2020

De la confiture, en trois actes : Monsieur Parapluie (3)

Quand vous étiez p'tiots et que vous gériez votre tirelire, rappelez-vous le jour du grand achat, votre joie de la chose acquise et votre désappointement quand seulement quelques pièces jaunes avaient résisté au départ. Votre cochon fendu était contrit et vous étiez abattu. Une petite voix intérieure vous disait : "Tu vas regarder (sagement) les conséquences financières de cette situation… ". Dépité vous n'aviez plus qu'a attendre (longtemps) le retour d'un petit pécule conséquent. E la nave va…











Le Ministre de la Culture, Franck Riester, est lui directement passé de la voix intérieure à la voix extérieure. Le 16 avril, dans une allocution à la radio (France Inter), - si, si, une allocution, ça fait lurette que ministres et hommes politiques sont chez eux à la radio d'État et viennent débiter leurs sornettes dans les matinales - Riester, donc, n'a pas hésité à dire : "Nous allons regarder les conséquences financières de la crise [du Covid-19, ndlr] sur l'audiovisuel public, et nous en tirerons toutes les… conséquences." Amen !

Voilà une affirmation conséquente dont nous ne sommes pas prêts de mesurer toutes les conséquences. En conséquence de quoi il s'agira d'être conséquents ! Et vigilants, ma bonne dame (1), car ce virus n'a pas fini de faire ouvrir le parapluie pour un non ou pour un oui. Pour un nom surtout. L'occasion est "trop belle" pour, sans tambour ni trompettes (2), élaguer grave dans les budgets, réduire les chaines (sans prétendre à plus de liberté !), saper les ambitions culturelles, ériger en loi le principe du minimum, renoncer à la grandeur d'un service public audiovisuel.

On risque donc d'assister dans les mois qui viennent à moult renoncements, quelques reniements d'envergure et quelques parades de langage pour lesquelles il nous manquera un M. Molière pour en affirmer, non tant le ridicule que l'immense désastre. On aurait pu attendre de Riester l'expression de convictions fortes pour la culture et l'audiovisuel, la défense absolue de principes fondamentaux inscrits dans le marbre de la Vème République par Malraux et Lang, l'engagement à défendre, par-dessus la crise, les valeurs citoyennes qui ont forgé liberté, égalité et fraternité. On aurait pu… Au lieu de quoi M. Riester s'est vu à Cherbourg en marchand de parapluies !

Quand on attend la femme, l'homme prêt à franchir les montagnes et à dire "Il est revenu un espoir, un goût du travail, un goût de la vie." (3)
Fin de la série.

(1) C'est une expression, Riester n'a pas encore été remplacé par Aurore Bergé !
(2) Il n'y avait que Jean-François Kahn et Gilles Davidas pour, à la radio publique (France inter), le samedi matin produire "Avec tambours et trompettes… " O tempora, o mores…
(3) Léon Blum (1872-1950), chef du gouvernement, 31 décembre 1936 ,

mardi 21 avril 2020

De la confiture, en trois actes : Sous le tapis (II)

La mode de la communication moderne d'enrouler les mantras et les psalmodier jusqu'à plus soif convient parfaitement à Sibyle Veil (actuelle Pédégère) qui, avant d'intégrer Radio France n'avait sûrement jamais écouté une radio locale publique. Pas plus qu'elle n'en connaissait l'histoire aux temps héroïques où Radio Mayenne, Melun FM et Fréquence Nord, en 1980, n'avaient ni le but de s'uniformiser et encore moins de se "syndiquer" entre elles. Vingt ans plus tard, un sinistre jacobin, Jean-Marie Cavada (pdg de 1999 à 2005) détricota en 2001, le maillage identitaire des locales pour en faire une ligne bleue (des Vosges à la Corse, de Perpignan à Kemper)…




Bien avant que la nouvelle loi audiovisuelle (perdue dans le Covid-19) soit promulguée, les très zélées Pédégères de Radio France et France télévisions (Delphine Ernotte) avaient imposées depuis septembre 2019 le mariage forcé des matinales de France Bleu et France 3. En roucoulant sur tous les tons et sur toutes les fréquences que la proximité avec les auditeurs-spectateurs s'en trouverait renforcée.

Puis le confinement s'imposa et les journalistes et animateurs des locales de France Bleu  découvrirent que leur direction (Jean-Emmanuel Casalta, directeur de Bleu, depuis septembre 18) leur imposait un confinement forcé en regroupant plusieurs Bleu (les syndicant) et privant la fameuse proximité de… sa plus proche proximité ! Cas d'école s'il en fût, la Direction de Radio France et celle de France Bleu ne sont ni à un renoncement, ni à un reniement près…

Pour le public attaché à ces locales la pilule doit être amère. Le confinement aurait "bon dos". Si chacun peut comprendre et accepter une antenne dégradée, personne ne comprend que la fonction principale de France Bleu, faire vivre et témoigner de ce qui se passe près de chez soi, passe à la trappe. Sauf à considérer que les dites directions s'offrent peut-être "à peu de frais" la répétition grandeur nature de ce que pourraient devenir dans le cadre de la future holding (1) le "rapprochement" (mot pudique) de France Bleu et France 3. 

Regroupement de studios, nouvelles localisations territoriales, unification administrative, etc, etc… De quoi inquiéter tous les professionnels de la profession. De quoi surtout ne rien communiquer et analyser ce qui se passe, là où journalistes et animateurs ont pu continuer à officier. Ajoutons à ce sinistre tableau l'abandon depuis plus d'un mois des émissions et journaux en langue bretonne sur France Bleu Breizh Izel (syndiquée avec France Bleu Armorique) (2). Quelles explications peut bien en donner Casalta ? Alors que le Cahier des charges de Radio France fait obligation aux locales de consacrer aux langues régionales des programmes spécifiques.

On voit bien comment sans aucune transparence, ni éthique, Radio France prépare insidieusement le terrain d'un "drôle de mariage"… Qui donc a pu, dès les origines, imaginer qu'un État centralisateur comme la France puisse avoir un quelconque intérêt pour le fait régional ou local ?

La suite demain : une pantomime pathétique (Acte III)

(1) Qui regrouperait dans France Médias :  Radio France, France Télévisions, France Média Monde, Institut National de l'Audiovisuel,
(2) Qui pourraient reprendre le 27 avril…

lundi 20 avril 2020

De la confiture en trois actes : la Grande Parade (I)

Il y a une dizaine de jours j'avais de quoi vous faire un joli billet… mais bon, tant qu'à faire d'être dans la confiote j'ai préféré la manger. Je rêvais éveillé. C'était un genre d'apocalypse. Avec un grand A. Version sucrerie industrielle. La guimauve dégoulinait à flot. Sortant de la bouche de la Pythie qui, tout en haut de la montagne luxuriante, n'en finissait pas d'incanter, d'incanter, d'incanter… Incantations absolument incompréhensibles pour le profane. Et pourtant c'était bien ces mêmes profanes qui s'étaient mis en tête de gravir la montagne comme d'autres avant eux avaient gravi le Golgotha… Pas moins.


















Tous les clichés les plus éculés étaient dans le cadre. Pathétiques (Besson), mielleux (Disney), pitoyables (Ruquier). Les curieux, qui avaient quitté leur maison (ronde), se pressaient pour gravir la montagne, yeux rivés sur celle qui pouvait laisser accroire qu'elle croyait aux formules à deux balles qu'elle débitait, sans le début du commencement d'une émotion. Et les fidèles (environ 15 millions) - dûment badgés Médiamétrie - avaient non seulement les yeux de Chimène (Badi), mais les oreilles en pavillons de gramophone siglés Pathé. Les plus gourmands qui, littéralement buvaient ses paroles, faisaient une pause pour bâfrer les fils de guimauves dégoulinantes d'additifs et de formules chimiques testées sur les tomates… fluo ! 

La Pythie, raide comme la justice, - entourée de ses sept apôtres (trois femmes, quatre hommes), hésitants entre l'adoration à genoux et un concert improvisé de pipeaux et autres lyres -, évoquait un coup le lapin Duracell (privé de ses piles), un autre une tragédienne aux yeux exorbités du temps du muet. Ses piou-piou d'apôtres en faisaient des tonnes pour obtenir un regard, une esquisse de sourire, une main sur la tête. Le plus abruti, couvert d'un ustensile de cuisine et agité des soubresauts d'une danse de Saint-Guy, faisait peine à voir. Quelques vieilles barbes aux yeux cernés n'en finissaient plus de danser d'un pied sur l'autre. Un faux jeune râpait (le fromage) et une crispée, au tee-shirt  "I love Jackjauni, essayait en vain de sourire.

Pour ajouter au kitch (et à l'absurde) on avait, en arrière-plan de la Pythie, installé en stuc et strass ce qui pouvait ressembler à un poste de radio fin XXème, d'où on avait fait sortir, en boucle, quelques bribes sonores où l'on croyait distinguer une foule en délire hurlant "Banco, banco, banco…" Dans le ciel d'un azur de chromo passait et repassait sans cesse un aéroplane qui tirait une longue banderole où l'on pouvait lire "Après la méthode Coué éprouvée, testez l'XXL qui donne des ailes" !

Dans cet équivalent de péplum il fallait bien un Judas… Il était là, le huitième élément, obséquieux, servile et légèrement niais. Prêt à toutes les compromissions pour revenir en grâce. Sorti par la porte, il comptait bien revenir par la… porte. La grande cette fois-ci. Ne se ménageant en rien, en bon laquais, il ne manquait jamais d'offrir à quelques puissants de passage, cirage et brosse à reluire en kit. On l'aurait bien vu dans quelques épisodes de "Plus belle la vie", figurant le ravi de la crèche prêt à tout pour enfoncer les… portes ouvertes. 

Cet Apocalypse digne de la plus grande supercherie intellectuelle et morale participait de la fin d'un monde. Un monde radiophonique que poètes et autres saltimbanques avaient sublimé, remplacés par des calculettes, des 0 et des 1 et la morgue glaciale d'un progrès qui d'un moment à l'autre pouvait vaciller. Qui d'un moment à l'autre vacillait…

La suite demain : "Sous le tapis…" (II)

lundi 6 avril 2020

Hey nineteen…

Sorry les ami-e-s pour ce titre en angliche mais vous allez comprendre. Ce jour le hasard de ma programmation musicale (perso) fait qu'arrive "Hey nineteen" de Steely Dan. machinalement je regarde l'heure. 18h10. Je m'étonne de ne pas aussitôt entendre la voix de Jean-Luc Hees, annoncer "Synergies"… Et ouais c'était y'a dix mille ans sur France Inter, l'ancien correspondant de la chaîne aux E.U. animait chaque jour un set de cinquante minutes. Son indicatif a du faire gagner un peu de blé à Donald Fagen et Walter Becker, les deux comparses de Steely Dan. Je préfère le morceau "Gaucho"… Pour les plus de quarante-cinq ans il vous est permis de rêver, pour les plus jeunes faites-vous plaisir !