jeudi 31 mars 2016

Radio-Archives : Claude Lévi-Strauss (Radioscopie)

J'ai voulu jouer le jeu de la collection et, jour après jour, chroniquer une des cent-dix-sept Radioscopie proposées dans le coffret de l'Ina. J'écoute à 17h dans les conditions du flux et vais ainsi vous tenir en haleine jusqu'au mois de mai 2016…

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Claude Lévi-Strauss (16 novembre 1971)
Pour accueillir son invité Chancel lance sobrement : "Il doit être difficile d'être considéré comme un des maîtres de la pensée". Chancel a produit son effet et s'il avait encore la naïveté de croire que Lévi-Strauss lui répondrait "Écoutez je suis bientôt en haut de l'échelle, deuxième au hit-parade et devrais sûrement avant la fin de l'année être premier…"

On sourira du caractère "non scientifique" de l'analyse du "fétiche" chiffre "8" pour Lévi-Strauss, quand il réussit la combinaison magique de trouver des 8 dans 1971 ! "Claude Lévi-Strauss sous le chercheur il y a un homme et cet homme qui est-il ?" Lévi-Strauss a la grâce et le tact de ne pas plonger dans cette personnalisation-là avec une jolie pirouette sur son absence de mémoire pour ce qui le concerne ! Chancel va devoir redoubler d'efforts pour poursuivre l'entretien sur un autre "terrain".

Et l'animateur de jubiler quand, tentant la métaphore, il dit à l'anthropologue "Il y a dans votre nom un climat de valse viennoise "(1). Lévi-Strauss, surpris, enfilera quelques petites perles musicales mémorielles. Chancel, touché par la grâce, d'annoncer "Je m'étonne de vous voir aussi souriant, aussi simple." Mais pour comprendre les "métiers" et les recherches de Lévi-Strauss, Chancel l'interroge naïvement (il aurait pu préparer son entretien), puis lui demande "À quelle pensée êtes-vous le plus sensible, la sauvage ou la plus cultivée ? " (2) et en mode replay (en ajoutant le mot politique) "il y a une pensée politique, alors cette pensée est-elle sauvage ou cultivée ?"

"Claude Lévi-Strauss l'enfer n'est qu'en nous-même ?" Et Lévi-Strauss de répondre en citant quelques croyances "primitives" qui ouvrent des horizons à la pensée et à l'action beaucoup plus larges que les questions à l'emporte pièce d'un Chancel démuni face à l'intelligence et à la raison de Lévi-Strauss. 

Le coup de grâce est porté par le chercheur qui après avoir du entendre l'assertion de Chancel "Un humanisme bien ordonné commence par soi-même" y répond par la négative. Le grand écart "intellectuel et moral" que joue Chancel, jour après jour, sur les ondes de France Inter, en mélangeant tous les types et les "genres" de ses invités, trouve ses limites quand, ayant face à lui un intellectuel, il ne peut plus se jouer de formules, de stéréotypes, d'évidences, de clichés qu'il peut d'habitude distiller à tout va.

(1) Juste que le mot climat ne "rime" pas du tout avec "valse viennoise",
(2) Binaire mon beau binaire, 

Claude Lévi-Strauss 1908-2009

C'est un joli nom ouvrier…

Une des ouvrières du film… ©13Productions
















Une fois n'est pas coutume, mes chers auditeurs, vous serez peut-être surpris, je n'avais pas depuis "Silence radio", sur ce blog, présenté de documentaire… TV. Le sujet m'intéresse et j'ai commencé par me demander si "Nous, ouvriers" aurait pu aujourd'hui être produit à la radio. C'est d'ailleurs ce que j'ai immédiatement demandé à Gilles Perez, l'un des réalisateurs de cette série de trois documentaires (1). Le sujet des ouvriers a été abordé dans "La fabrique de l'histoire", "Les nuits magnétiques" (2) et sans doute dans d'autres émissions de France Culture. Aussi sur France Inter dans "Là-bas si j'y suis" de Daniel Mermet.

La série de Feinstein (Claire) et Perez (Gilles) est brute d'humanité et de dignité. Et d'une certaine façon on ne peut pas se passer des images. Celles des usines mais aussi celles des visages. Si les "critères" du documentaire TV veulent qu'il y ait un maximum de 5 témoins, ici les réalisateurs ont réussi à en imposer 50. Tant pour montrer la diversité territoriale de ce monde-là que pour démultiplier la parole ouvrière riche, singulière et vivante.

Mais ça fait très mal de voir comment, sur la longue durée, les politiques et le patronat ont laminé ceux-là mêmes qui étaient les forces vives du travail et de la production, ceux-là même qui ont "reconstruit la France" (épisode 1), et dont "les rêves ont façonné la société" (épisode 2), dont "les cœurs battent encore" (épisode 3). Les réalisateurs voulaient une polyphonie, ils l'ont réussi avec tact et pudeur. Ça chante sur tous les tons, même quand ça déchante. Les mémoires s'entremêlent pour ne pas dire s'entrechoquent. Les mots se calquent et se décalquent sur le vécu, la peine, la souffrance, les désillusions. 

Un fantôme d'usine… ©13Productions

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La disparition de la classe ouvrière est ici criante, au point même d'avoir jeté le mot ouvrier au banissement définitif du langage commun. Dé-nommer, nier pour mieux réduire si ce n'est au silence, à l'appartenance à une classe fière de ses mains, de ses bras, de ses corps. Fière d'être ensemble quand tout pousse à désolidariser, au point d'une singularisation ultime, où l'on ne pourrait même plus se reconnaître ouvrier.

Ces trois documentaires vibrants, auxquels Philippe Torreton a prêté sa voix, laissent un goût amer, même si on n'appartient pas à la classe ouvrière. Le goût amer d'avoir été floué, trompé, moqué. Les ouvriers, les étudiants, les salariés seront aujourd'hui dans la rue pour manifester contre une loi qui ferait table rase d'un passé qui n'en finit pas de se déliter, insidieusement, avec toute la morgue des dominants, qui eux, n'en finissent plus d'écraser l'humanité.

 "Nous, ouvriers" c'est la réplique cinglante à l'harangue d'un François Hollande, candidat à la trahison et au renoncement.

Le titre de ce billet est le très bon mot d'Achille Blondeau, mineur, qui conclue magistralement la série documentaire. 

(1) Diffusés sur France3 les 14, 21 et 28 mars 2016. Gilles Perez a travaillé auparavant 15 ans à RFI. 13 Productions a édité ce documentaire en DVD, avec les sons des usines en 5.1 !
(2) Je vous parle d'un temps où les soirées de France Culture n'étaient pas une ode permanente à la parlotte en circuit "entre soi" fermé. "La cité interdite, les usines de Boulogne-Billancourt", Nuits magnétiques, du 24 au 27 octobre 1995, 


"Ouvriers, le mot gueule…"


"Cette histoire s'écrit au pluriel…"


"Film polyphonique, film manifeste…"

mercredi 30 mars 2016

Radio- Archives : Romain Gary (Radioscopie )

J'ai voulu jouer le jeu de la collection et, jour après jour, chroniquer une des cent-dix-sept Radioscopie proposées dans le coffret de l'Ina. J'écoute à 17h dans les conditions du flux et vais ainsi vous tenir en haleine jusqu'au mois de mai 2016…

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Romain Gary (10 juin 1975) *
"Votre fringale de vie, Romain Gary est-elle intacte à plus de 60 ans ?" Bien que Chancel veuille immédiatement l'enfermer dans la "profusion" de métiers et de fonctions que l'écrivain a exercés, Gary note : "Cet apport slave, d'Europe de l'est, constitue une certaine note originale dans la littérature française, ainsi que l'apport du romantisme polonais."

Et Gary de raconter, anecdote à l'appui, en quoi il est un phantasme pour les hommes comme pour les femmes ! Et de préciser à Chancel que son assertion "Vous êtes un homme comblé" ne repose que sur des "détails" extérieurs à sa vie profonde ! Apres avoir décrit le visage de Gary Chancel annonce "Je crois que vous êtes victime de vous-même !".

Gary "Il y a une absence de féminité dans notre civilisation ! La parole du Christ était essentiellement féminine, la voix du Christ était une voix de femme". "Notre civilisation fait peser sur l'homme 2000 ans de fausse virilité, de fanfaronnade, de coq, d'apparence…"

N.B. : Il est utile de rappeler que le 14 septembre 1975, soit trois mois après cet entretien, paraîtra "La vie devant soi" d'Emile Ajar (pseudo de Gary), qu'en juin le manuscrit est sûrement déposé, et qu'il obtiendra la même année le Prix Goncourt ! 

Romain Gary 1914-1980


*Chancel avait reçu Gary le 25 octobre 1968, alors que l'émission n'avait pas encore trois semaines,

mardi 29 mars 2016

Radio-Archives : Lucie Faure (Radioscopie)

J'ai voulu jouer le jeu de la collection et, jour après jour, chroniquer une des cent-dix-sept Radioscopie proposées dans le coffret de l'Ina. J'écoute à 17h dans les conditions du flux et vais ainsi vous tenir en haleine jusqu'au mois de mai 2016…

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Lucie Faure (15 octobre 1970)
"Madame Lucie Faure je ne dirai pas que votre vie a commencé un 13 décembre mais, c'est ce jour-là que vous avez rencontré un certain Edgar Faure, jeune avocat très bavard". Je ne le dirai pas mais je vous le dis quand même, votre vie avant…

"Vous avez deux jeunes filles et, il y a eu les fameux événements de mai 68, j'imagine qu'à ce moment-là votre position n'était pas facile en face de deux jeunes filles ?"

"Lorsqu'on parle de vous, vous préférez que l'on dise c'est la femme du Président [du conseil] Edgar Faure ou c'est l'écrivain Lucie Faure ?"

Évoquant le malentendu et le mensonge Chancel demande "Il est préférable pour un homme par exemple de tromper sa femme que de lui mentir ou vice-versa, sans le dire ?" Lucie Faure de renvoyer Chancel dans ses cordes et d'ajouter "le mensonge est plus grave que ce qu'il prétend sceller" Chancel : "C'est une solitude à deux les ménages ?" (1) Et sûrement parce qu'il va être prochainement invité à l'émission de TV "Aujourd'hui Madame" Chancel interroge Lucie Faure sur tout ce qui gâche la vie de couple comme si précisément elle était spécialiste du… couple !

"Le principal pour un homme c'est de faire participer sa femme à toutes ses aventures… de travail ?" (2) Passionnante la question et indispensable pour beaucoup mieux connaître Lucie Faure (3). "Est-ce que vous êtes fière de votre condition de femme de lettres Madame Lucie Faure ?" Et d'enchaîner narquois, à la candidature de Françoise Parturier à l'Académie française (4) !

(1) Qu'il est ici doux et délicat le mot "ménage" ! Chancel ne devrait plus tarder à nous sortir son "Toi et moi" de Paul Géraldy, hein ?
(2) Allo SVP ? Pourriez-vous m'aider à répondre à l'énigme que pose Chancel à Lucie Faure ?
(3) Heu chancel, ce n'est pas Ménie Grégoire que vous avez en face de vous mais un écrivain de… fiction !!!!!

(4) Françoise Parturier "Je pose ma candidature à l'Académie française sans volonté de provocation ou de scandale, mais par la seule logique des idées que je défends par ma plume depuis plus de quinze ans et dans mon cœur depuis toujours. Je pense aussi que le moment est venu pour ce geste. Je n'ai pas d'ambition personnelle, mais le désir de faire ouvrir la porte [...] Comment accueillera-t-on ma revendication respectueuse de nos vieilles institutions ? J'en suis curieuse, et ce sera une expérience. Je regrette seulement d'avoir à proposer d'aussi faibles mérites que les miens, mais qui d'autre a osé ? Le courage m'est peut-être venu du fait qu'écrivant à la même place que tant d'académiciens français je ne vois pas pourquoi il serait tellement étrange de m'asseoir parmi eux." . 

"Madame Françoise Parturier se présente à l'Académie Française", in Le Monde,16 octobre 1970. Lors de l'entretien, le Monde (daté 16/10) vient juste de paraître !

Alain Decaux… par Jean Lebrun

Alain Decaux














Les disparitions de telle ou tel permettent quelque fois d'évoquer la radio et même l'histoire de la radio. Alain Decaux, historien, a aussi été un homme de radio et Lebrun dans "La marche de l'histoire" (1) n'a pas manqué, par ce prisme-là, de raconter le parcours de l'Académicien. Mais vous l'imaginez bien, mes chers auditeurs, ce sont les autours qui me sont forcément tombés dans l'oreille.

Pour raconter Decaux, Lebrun ne pouvait pas ne pas nous raconter une histoire qui commence vraiment comme "Il était une fois…" même si, art du conteur, Lebrun martelle en titre, presque martial, un "Alain Decaux" qui n'aurait pas déplu à l'historien, tant cette accroche le pose et l'impose dans la confrérie des historiens, lui qui "pratiquait l'histoire comme un exercice d'amitié". 

On boit d'autant mieux les paroles de Lebrun que le conteur évoque les détails romanesques d'un Decaux anonyme et du maître Guitry (Sacha), ce dernier influençant et déterminant le destin "historique" de Decaux. Pour ajouter au panache de la relation des deux hommes, Lebrun ne manque pas de donner le détail (l'épée d'académicien de Decaux) qui scelle la reconnaissance que chacun avait l'un pour l'autre.

Et il est intéressant d'apprendre que la cérémonie de remise de l'épée aura lieu… à la Maison de la radio. Reconnaissance encore d'un Decaux qui savait ce qu'il devait aux ondes de la radio publique qui l'avaient propulsé intimement dans presque chaque foyer français. De la radio à la télévision il n'y a qu'un pas et Lebrun ne manquera pas faire l'impasse sur la statue du commandeur, "Léon Zitrone" qui, à défaut d'épée, "utilisera le micro comme encensoir". 

Les personnages de l'histoire sont en place : le héros (Decaux), le mécène (Guitry), la complice (la radio), la reine (la télévision), le sacré (l'Académie française). Et Lebrun, gourmand, de façonner cette pièce montée qui ne manque ni de sucre ni de miel. Il est 13h36'. On savoure, gourmands à notre tour. Touchés qu'à l'Académie, Decaux, fasse l'éloge de la radio !

La radio qui dès 1951 lui offrait sur le "Poste Parisien" une "Tribune" hebdomadaire. Et dans l'archive (La première de "La Tribune de l'Histoire") que Lebrun a diffusée, il est bon d'entendre le speaker "Charles Bassompierre" et la speakrine "Claude Erval" qui s'annoncent eux-même (2) !


Guy Montagné,
imitateur de Decaux, cité par Lebrun















Et Lebrun ne manquera pas de citer "Le Directeur de la télé gaulliste, Claude Contamines(3), qui usera et de son pouvoir politique et du fait du prince pour saborder la mythique émission "La caméra explore le temps", où Decaux s'est fait largement connaître du très grand public. Mais "la renaissance d'un mouvement occitan que va réveiller "Les Cathares" c'en est trop pour le Général de Gaulle : "Qu'on me vire ce Lorenzi [producteur de l'émission] et que ça ne traîne pas". En ces temps de pouvoir autocrate, il n'y a donc pas qu'Alain Peyrefitte (4) qui oriente la télévision et rédige le "conducteur" du journal télévisé !

Il était juste que, dans le temps imparti pour réaliser cette émission, depuis l'annonce la veille du décès de l'historien, Jean Lebrun remercie "Franck Olivar et Jacques Sigal (réalisateur)". Ce dernier, facétieux, n'aura pas manqué l'hommage et le clin d'œil de l'humour du fantaisiste et imitateur Guy Montagné.

(1) Du lundi au vendredi, 13h30, 
(2) Claude Erval, la même sûrement qui ponctuait, comme speakrine, "La tribune de Paris" que Jean-François Remonté, réalisateur-producteur nous avait donné à entendre dans ses émissions d'été à France Inter "Les années radios", au début des années 90,
(3) Directeur général adjoint de l'ORTF et directeur de la télévision 1964-1967, (quand Jacques Sallebert était lui directeur de la radio, pas forcément aux mêmes dates),
(4) Ministre de l'Information du Général de Gaulle, 1962-1966, et promotteur de ce qui deviendra l'Ortf en 1964.





lundi 28 mars 2016

Radio Archives : Marguerite Duras (Radioscopie)

J'ai voulu jouer le jeu de la collection et, jour après jour, chroniquer une des cent-dix-sept Radioscopie proposées dans le coffret de l'Ina. J'écoute à 17h dans les conditions du flux et vais ainsi vous tenir en haleine jusqu'au mois de mai 2016…


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Marguerite Duras (28 décembre 1969)
Chancel est aux anges, Duras est née en Cochinchine, Sud Vietnam aujourd'hui, et est communiste, ce qui doit le fasciner ! Et c'est parti pour la ritournelle : "Pour vous Marguerite Duras, le communisme c'est un état d'âme ou une passion politique ?" "Ce n'est pas un état d'âme, c'est un état de fait." 


Le premier devoir d'un révolutionnaire c'est de combattre les partis officiels. [Duras est contre le Parti Communiste Français (PCF), à l'image de Roger Garaudy]. Le PCF est le premier responsable de la dépolitisation en France. "Le communisme c'est la fin de ce que vous voyez autour de vous, maintenant, ici, partout." Chancel "Vous pensez qu'à Cuba les gens sont heureux ? " "Ce n'est pas le problème, ils le seront."

"Marguerite Duras vous êtes ce qu'on peut appeler, c'est presque vulgaire mais c'est un compliment "une sacrée bonne femme" (sic), moi je ne suis pas communiste du tout (ah bon ?), je considère beaucoup les gens qui ont des idées et qui vont au bout de leurs idées, quelles qu'elles soient (?????) et je pense que vous savez mêler heureusement l'art et la politique." (1)

"La place que vous occupez dans le domaine artistique, vous la méritiez ?" (2) Et Chancel de la taquiner sur les gauchistes se prend en boomerang "Je suis gauchiste !" Et bam, ça c'est fait. Mais point déstabilisé, dans la rubrique "Plus binaire tu meurs !" Chancel ajoute "Vous ne pensez pas Marguerite Duras qu'il peut y a des gens qui étant à droite sont des gens de qualité ?" 

Zim Boum Tagada 
- "Est-ce que vous croyez à l'arrivée d'un Front Populaire ?" 
- Mais en 68 vous ne pensez pas que vous avez raté le coche, vous les communistes ?" 
- En 1969 est-il encore possible de s'aimer ? [Visiblement Chancel
- Hier soir j'ai vu a la télévision, l'abbesse d'un couvent, elle parlait avec la même tranquillité que vous, elle c'est pour construire, vous c'est pour détruire…
- Est-ce que vous avez de l'amour pour des choses futiles comme la musique, la chanson ?
- Marguerite Duras est-ce que vous êtes une femme d'affaires, vous avez du goût pour l'argent ?

Duras : "Je souhaite un désordre permanent !" et à Chancel "Je crois que vous avez du communisme une vue un peu innocente !" (3)

(1) Quelles qu'elles soient ? Si c'est vrai c'est de la démagogie Chancel !
(2) Pourquoi l'imparfait ? Et Chancel de préciser "Est-ce que vous la méritiez au départ ?". le mérite étant sur l'échelle de Richter de Chancel en position 9, juste avant la gloire en position 10,
(3) Chancel justifie ses questions pour arriver à des réponses telles que celles sur "l'argent et Duras". Belle pirouette qui ne convaincra que ceux qui veulent être convaincus !

Marguerite Duras 1914-1996

À Radio France le médiateur… compte pour du beurre

Bruno Denaes, médiateur de Radio france














L'instant M décrypte tous les jours, sur France Inter, les médias et, quand intervient vendredi dernier le médiateur, à mon tour de décrypter ce "moment de radio" bien particulier. Cette fonction de médiation à Radio France a été créée en 2002. Dans l'historique c'est le nom de Jérôme Bouvier, journaliste, qui apparaît pour la période de décembre 2009 à novembre 2014. C'est Patrick Pépin qui a occupé la fonction de 2005 à 2008, et Pascal Delannoy de 2008 à 2009.

C'est le journal Le Monde (1), qui a inauguré pour la presse, mais sûrement aussi pour les médias cette fonction de médiation. Pour Radio France je n'ai jamais compris l'objectif de cette fonction si ce n'est de faire "comme si" ou de faire accroire que le public, l'auditeur pourrait être "entendu". Je n'ai pas oublié les envolées lyriques d'Olivier Poivre d'Arvor ou de Sandrine Treiner (2) pour justifier intégralement toutes les situations de la chaîne et surtout ne jamais rien remettre en question.

On est très proche de l'effet "Canada dry" (3). Le médiateur à Radio France c'est surtout l'occasion, par de nombreux tours de pirouette, - sa présence régulière sur chacune des chaînes du groupe - d'évoquer les avis quelquefois très virulents des auditeurs (pubs, attentats,…), de les soumettre à l'antenne à ceux les mieux à même de s'expliquer, et dans le meilleur des cas, formuler des vœux pieux, ou constater des positions définitives qui laisseront souvent les auditeurs dubitatifs voire, désemparés.


Moi aussi je fais de la pub !














L'exercice de vendredi dernier en est une bonne illustration. Qu'on en juge ! Bruno Denaes, le médiateur avant de répondre au sujet des attentats précise l'évolution du dossier sur la pub à Radio France. Et là, on s'étrangle quand il dit que "les journaux et les programmes ne seront pas interrompus par la pub", alors que le 7/9 est absolument truffé de pubs au point que ses animateurs, dont Patrick Cohen, s'en sont plaints en moquant l'une ou l'autre des publicités intempestives. 

Puis, il lit la question de John sur les délais à l'antenne entre les attentats et leur annonce sur la chaîne. Denaes a choisi, pour y répondre, Jean-Marc Four, le directeur de la rédaction de France Inter. "En fait j'ai envie d'inverser la question de John !" annonce, tout de go, Four. Pratique journalistique bien connue. Un journaliste dont le métier est de poser des questions ne peut jamais lui-même accepter des questions sans être tenté de les reformuler, des fois, sans doute, qu'elles ne seraient pas assez journalistiques !


Et quand un auditeur se plaint des sons, et des ambiances des attentats diffusés à l'antenne Four commence par dire qu'il "ne le formulerait pas comme lui". C'est une manie ! Il faudrait bien expliquer au directeur de la rédaction que quand les auditeurs ont la "parole", ils peuvent s'exprimer à leur façon et non pas à la façon qui siérait le mieux à Jean-Marc Four. Pour chacune de ses interventions Four a justifié les pratiques de la rédaction sans jamais à aucun moment douter qu'elles puissent être remises en question. 

À  quoi sert donc le médiateur, qui n'opère aucune médiation puisque l'auditeur ne pourra jamais débattre et réagir à la parole d'un acteur ou d'un système qu'il aura légitimement interpellé, et surtout auditeur qui pourra constater que sa parole n'aura servi qu'à justifier une parodie de médiation ?





(1) "Le Monde a été le premier journal en France à se doter d’un médiateur, en 1994. Le médiateur y est chargé de favoriser le dialogue entre les lecteurs et la rédaction, tout en s’assurant que le journal est fidèle à ses règles. Il allie les fonctions de réceptionniste en chef du courrier, d’avocat et de juge de paix. Si elle n’engage que lui, sa chronique hebdomadaire suppose toutefois un minimum d’assentiment et de confiance, de la part des lecteurs comme de la rédaction" (in Robert Solé, Les cahiers du journalisme n°18, Printemps 2008,)

(2) ex-directeur (2009-2015) et actuelle directrice de France Culture,
(3) La boisson dont on pouvait croire que c'était du whisky !!!!

dimanche 27 mars 2016

Brunch #27 (Spécial Documentaire "Maison de la radio")

Capture d'écran


















T'aurais jamais du Gilles (1) m'envoyer le lien vers cette archive TV, de presque 53', de feu La Cinquième, chaîne qui deviendra France 5 à France Télévisions. Pourquoi ? Ben parce qu'on n'a pas encore oublié/digéré le clip vidéo de Nicolas Philibert, qui avec son titre "La maison de la radio" ne rendait, ni compte des singularités des sept chaines de Radio France, ni même d'autre chose que d'une succession d'images censées "être" la radio, quand elles ne fixaient souvent que des "clichés". Sans oublier une perception très subjective de la radio publique qui valorisait à 80% France Inter, et n'identifiait en rien les autres chaînes. 

En mai 1995, "Maison de la radio", ce reportage-documentaire est le sujet unique d'une série hebdomadaire "Business Humanum Est", présenté par Thomas Hervé (2), qui prend le pari de décrire un maximum de métiers et de savoirs-faire propres à la radio publique, jusqu'à quelquefois indiquer, par des incrustations, qui prennent toute la largeur de l'écran, les salaires de ceux qui officient dans la maison ronde.

Et plus on avance dans le rep-doc, plus on mesure que Philibert s'est fait plaisir en oubliant juste de contextualiser ce que Jean-Etienne Frère réussi parfaitement. La singularité de la création des fictions est, dès le début du doc, mise en valeur en n'omettant pas de s'intéresser à la technique des micros, des lieux et des conditions d'enregistrement. Et l'on voit, plusieurs fois au cours de ces 53', de nombreuses "petites mains" danser avec la bande magnétique. Autant dire un moment d'archive exceptionnel !


Capture d'écran
















Et l'on découvre (je découvre) les "Grandes oreilles" dont on n'entend plus du tout parler aujourd'hui. Métier disparu ? Ce qui est séduisant avec ce rep-doc, c'est son montage punchy et son approche non didactique de la vie quotidienne à la radio, (quand Philibert voulait nous faire croire que la radio démarrait chaque jour à 7 heures). Ceux qui s'expriment sont nommés et leurs métiers précisés. Les "anonymes" sont beaucoup plus présents que les vedettes du micro, et montrent bien la riche diversité des métiers de la radio publique. Et même RFI est présente !

En clair, on voit vraiment la vie de la maison ronde, jusque dans ses moindres détails techniques (documentation, son, DAB, numérique, studios, archives), sans qu'il eût été besoin de sur-représenter ceux qui sont au micro. Si Philibert avait fait l'impasse sur Fip, Frère ne l'a pas oubliée, ni de faire témoigner une animatrice et un programmateur. Ces deux métiers étant l'essence même de la radio musicale publique (3). Pas plus qu'il n'a oublié de présenter la concurrence radio, les chiffres d'audience et quelques vedettes de la radio privée. 


Véronique Barnet-Dupuis, réalisatrice de Delli-Fiori
(ici à Inter) qui par le geste veut calmer le débit du Julien…


















Pour l'anecdote on découvrira qu'un certain Philippe Voinchet, remet les pendules à l'heure ! Voinchet ? Hum ! Que Bernard Lenoir n'écoute plus de musique quand il n'est plus à la radio, et que Laurent Ruquier n'a pas encore pris la grosse tête (4) !

Merci Gilles, on tient là une très belle archive qui ne demande qu'à être vue et revue (5) . J'oubliais (je reviens au sujet façon Inspecteur Colombo), cette radio de 1995 qu'on a aimé, qu'on aime "voir" à nouveau, elle n'existe plus et, pas seulement parce qu'on est passé de l'analogique au numérique ! CQFD.

capture d'écran
















(1) Gilles Davidas, réalisateur-producteur à Radio France, qui a fait une petite incursion à la Cinquième de janvier 1995 à février 2002, en tant que réalisateur-son et qui, pour ce doc, avait réalisé la bande-son de la bande-annonce,
(2) Et produit par CB news TV (Christian Blachas),
(3) Ici Julien Delli-Fiori dans le rôle du programmateur, dont le bureau "pagaille" vaut bien celui de Frédéric Lodéon (découvert dans le clip de Philibert),

(4) Il fallait être abonné à l'hebdomadaire papier "La semaine de Radio France" pour, dans le doc, comprendre que "La semaine" n'est pas une émission mais un hebdo publié par Radio France. 
(5) J'ai, dans ma besace, un autre doc plus récent que celui de Frère, pour l'instant je le garde au chaud mais nous en reparlerons.

Brunch #26






















• Étonnez-moi Zazous
Il faut bien le reconnaître Benoit Duteurtre nous étonne assez souvent le samedi à 11h sur France Musique. Samedi 19 mars, il recevait l'écrivain Gérard de Cortanze et Zappy Max -bon pied, bon œil - pour évoquer les Zazous, ce "mouvement" générationnel de 1940. S'il faut lire le de Cortanze (je le ferai bientôt) je ne me lasse jamais d'écouter le sémillant Zappy Max, ex-animateur radio à Radio-Luxembourg. Tendez une oreille de façon plus aiguë à 40'20" (jusqu'à 42'41"), l'"anecdote" que raconte de Cortanze est très émouvante et donne encore plus envie de se plonger dans "Zazous" qui, de détails en anecdotes, décrit une autre façon d'appréhender la guerre à Paris (1939-1945).



• Bruxelles for ever, l'hymne de Dick Annegarn



• Les métiers de la radio



• James Brown
Là je pense qu'on peut parler de "pépites"

• S.O.S. le documentaire radio

En 1995, la radio filmée par "La cinquième" (TV, ne pas confondre avec la 5/Berlusconi)

À dimanche prochain…

vendredi 25 mars 2016

Radio-Archives : Maurice Druon (Radioscopie)

J'ai voulu jouer le jeu de la collection et, jour après jour, chroniquer une des cent-dix-sept Radioscopie proposées dans le coffret de l'Ina. J'écoute à 17h dans les conditions du flux et vais ainsi vous tenir en haleine jusqu'au mois de mai 2016…

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Maurice Druon (26 janvier 1973)
"La télévision est une affaire de solitude", déclare Druon. Tiens donc ? Et Chancel de venir au-secours de Druon vis à vis d'images des "Rois Maudits" (feuilleton télévisé de Druon) qui auraient pu choquer, quand, au cinéma, on voit dans "Le dernier tango à Paris" (Bertolucci, 1973),… "bien pire" (C'est moi qui met les guillemets).

"La culture c'est le moment où la connaissance peut s'appliquer à des objets désintéressés" !!!! Chancel se gardera bien de faire s'expliquer Druon sur une pensée aussi absconse. Je vois bien Druon sur une estrade, dans un fauteuil impérial et en toge, d'un geste ample et large et d'un ton sentencieux, asséner sa pensée académique… Rideau.


Maurice Druon 1918-2009


jeudi 24 mars 2016

Radio-Archives : Frédéric Dard (Radioscopie)

J'ai voulu jouer le jeu de la collection et, jour après jour, chroniquer une des cent-dix-sept Radioscopie proposées dans le coffret de l'Ina. J'écoute à 17h dans les conditions du flux et vais ainsi vous tenir en haleine jusqu'au mois de mai 2016…

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Frédéric Dard (18 novembre 1988)
"Tout petit Frédéric Dard vous aviez déjà un dictionnaire de mots dans la tête ?" Dard "J'ai toujours eu envie d'écrire des histoires". Chancel, ingénu "Je ne me souviens plus, vous avez des diplômes ?" (1) Chancel demande à Dard la différence entre San-Antonio et F. Dard ? L'écrivain de répondre : "Le temps passant il n'y a aucune différence, San Antonio est le pseudonyme de Frédéric Dard…"

Quelle belle langue ! Parlant de ses droits d'auteur pour son premier livre, Dard dit à Chancel : "J'ai du toucher des clopinettes cintrées !" Et de rappeler comment il a trouvé son pseudo sur une carte de géographie des États-Unis. Revenant sur l'enlèvement de son enfant, Chancel avec tact et délicatesse, demande "Vous avez eu envie de tuer ?"

(1) Le lecteur attentif à ce blog notera que, cette semaine, ni à Roland Barthes, ni à Jean Cau, Chancel n'aura posé la question, 

Frédéric Dard 1921-2000

Pas d'audio disponible pour l'instant à l'Ina…

mercredi 23 mars 2016

Radio Archives : Jean Cau (Radioscopie)

J'ai voulu jouer le jeu de la collection et, jour après jour, chroniquer une des cent-dix-sept Radioscopie proposées dans le coffret de l'Ina. J'écoute à 17h dans les conditions du flux et vais ainsi vous tenir en haleine jusqu'au mois de mai 2016…

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Jean Cau (17 septembre 1976)
"Jean Cau n'a pas peur de quelques intellectuels qui règnent sur deux hectares de terre à Paris et qui sèment une terreur !" (sic) C'est Jean Cau, lui-même, qui parle à la troisième personne du singulier et qui dès la première minute de l'entretien, tel Jeanne d'Arc voulant bouter les intellectuels qui ne pensent pas comme lui hors de la pensée, a enfourché son char d'assaut, lourd et maladroit.

Chancel est à son affaire il ne va avoir de cesse de titiller le "ferrailleur" qui s'en donnera à cœur joie pour ferrailler. Pour autant Chancel tente "Vous arrivez à savoir qui vous êtes ?" Et quelques minutes après une pensée de Jean Cau "Le désordre est encore plus créateur d'injustice" et immédiatement d'étayer son propos avec "l'on veut être juste avec les délinquants, les criminels, les violeurs, les voleurs, il y a vraiment une obsession de justice, une obsession de compréhension… Si vous comprenez tout vous ne jugez jamais !"

Jean Cau "Aragon est un poète de mirlitons… La poésie d'Aragon est une poésie d'anthologie et elle n'a pas son originalité." Et puis Cau de "délirer" sur le journal Le Monde avec une analyse outrancière et de fait, très réactionnaire. Et là même Chancel d'annoncer "Vous en faites trop on va finir par ne plus y croire !" Alors si Chancel est heurté par la réaction c'est vraiment que Cau doit être absolument réactionnaire. Et Cau d'ajouter "les éditeurs sont terrorisés par Le Monde… et j'ai vu le Goulag en pointillé."

Jean Cau 1925-1993