lundi 28 février 2022

Yann Paranthoën, 1935-2005

Fañch, tu peux parler de Kriss, de Godard, de Louise Michel, de Gainsbourg (père, fille, ex), de Séraphine de Senlis, de Soulages, de Clémentine Célarié, de Picasso, de Juliette Armanet, de Coluche et, de Céline Sciamma mais Paranthoën, stop ! Arrête de radoter ! Ah bon, radoter ? Ben le peintre des sons mérite et mériterait un peu plus que mon hommage annuel, non ? Et puis qui es-tu pour décréter "il faut passer à autre chose" "il y a plein de nouveaux créateurs virtuoses du son". Depuis Godard, Soulages, Picasso, Coluche il y a plein de nouveaux créateurs non ? Oui mais… Mais quoi ? Rien ! Rideau.

À gauche sur la photo










On touche le son
Je crois que ça vaut le coup de se remettre en oreille ce que Yann Paranthoën a fait du son, avec du son ! Écoutez voir 

vendredi 25 février 2022

Fip… magique, alchimique, magnétique !

Fip surprend. Je vais vous surprendre en publiant "au milieu de tout" un billet, comment dire, un billet plutôt empathique ! Si ! J'assume et revendique même. Là, je suis pile sur I see you de Ronny Jordan (10:12). Je joue du piano sur mon clavier. Je roule un peu des épaules et je regarde la petite montagne devant mes yeux… Me permettrez-vous d'écrire que lorsqu'on atteint au sublime "on" peut l'écrire et le dire. Le sublime c'est quoi Fañch ? Tentative de description… de choses entendues au carrefour de la joie.











Les temps sont troublés. À 8:32 une voix provoque une étincelle. Où suis-je ? À Séville ? À Sevegliano ? Cette musique des mots je l'attrape au vol. Cet italien tellement bien dit. On y est. Audrey Stupovski, animatrice, nous a radioporté instantanément ailleurs. Là où on veut être, là où on doit être. Ailleurs. 


S'ensuit une parfaite programmation taillée sur mesure pour moi. Chaque enchaînement, chaque titre provoque un sourire. Une vraie joie. reconnaître telle ou tel c'est chouette. Découvrir et découvrir encore. Et ça fait cinquante et un ans que ça dure. Ben oui, à ce moment du récit il est bon de rappeler que les inventeurs de ce programme musical Garretto & Codou avaient du génie. Rien moins (1).


De Victoria/The Kinks (07:57) à Sunday shining/Finley Quaye (11:00), je n'ai pas quitté le manège. Pas arrêté de tourner. Enquillé trois heures de ruban musical. Multicolore, chamarré. Virevoltant même ! Alors quand on est capté à ce point par les ondes il est assez difficile de faire autre chose si on veut scrupuleusement distinguer ce qui s'écoute. Et prendre des notes ou shazamer au point de mettre l'appli en feu (2).


Hé ben les p'tits amis la bagatelle de 53 titres avec des perles. L'enchaînement sur le fil de Strange fruit/Billie Holiday et Au bal des pendus/Damien Jourdan… Tom Jobim pour la B.O.F. Les derniers aventuriers. Le Suzane/Lisa Simone a décollé pour une rotation infinie autour de la terre. Le Can you take this/Live Maria Roggen. Vous en voulez encore ?


La programmation de 7h à 10h était assurée par Pierre François, programmateur. Maître ciseleur (3). J'aurai encore beaucoup à dire sur cette radio qui, même si elle a perdu ses services (radio-guidage, infos), enchante l'oreille et mobilise l'attention beaucoup plus qu'une playlist désenchanteuse et désenchantée. 


Il s'agit, chaque jour, de prendre absolument, un moment particulier et singulier pour changer d'ère et de chanson…


(1) On se reportera sur ce blog, dans la case "Recherche", en inscrivant soit le nom de la chaîne, soit le nom des inventeurs !
(2) Comme mes titres Shazam s'enregistrent aussi sur la plateforme à laquelle je suis abonné je pourrai de fait réécouter chaque morceau. Mais pour cette programmation matinale je pourrai faire "rejouer" trois heures d'enchaînements divins. Et ça j'avoue Garretto et Codou n'y avaient pas pensé ! Hé ! Hé !
(3) Depuis 10 h par Jean-Yves Bonardel puis, Florent Beauvallet et Luc Frelon jusqu'à 19h.

jeudi 24 février 2022

Les chemins de la philosophie…d'Inter

Tous les chemins mènent à France Inter me souffle Thierry-Paul Benizeau. S'ils n'y mènent pas tous, on peut dire que depuis 2008 le chemin France Culture - France Inter est direct. Par ordre d'entrée en scène : Patrice Gélinet (1996), Laure Adler (2008), Jean Lebrun (2011), Alexandre Heraud (2011), Augustin Trapenard (2014), Laurent Goumarre (2015). Aurais-je oublié quelqu'une/quelqu'un (1) ? Laurence Bloch quitte France Culture en 2010 pour devenir l'adjointe du directeur de France Inter, Philippe Val. Ceci expliquant sans doute la grande vague migratoire qui s'en suivit… Je ne me lancerai pas dans une analyse hasardeuse pour parler de "transfuge de classe". Je m'en tiendrai à transfuge de case. Et puis mercredi 23 février la nouvelle est tombée !

Adèle van Reeth


Dans une interview au journal Le Monde, hier, Sibyle Veil annonce avoir nommé Adèle Van Reeth, productrice à France Culture pour diriger France Inter et, remplacer Laurence Bloch en fin de saison. Le chemin est tracé, il n'y a plus qu'à le suivre ! On se demande alors à quoi ont pu servir les coups de com' de fin décembre dans Le Figaro annonçant un cabinet de chasseurs de tête pour trouver la perle rare au remplacement de Bloch. Les noms des postulantes, postulants affichés sans doute pour exciter les convoitises. Puis, une mise au point de la Pédègre elle-même qui annonce qu'elle décidera le moment venu !

On apprendra entre autres que Sandrine Treiner, directrice de France Culture a jeté l'éponge que Demorrand (7/9 Inter) a décliné pour assurer "la continuité de l'antenne" (sic), etc, etc ! Adèle Van Reeth présente chaque jour (du lundi au vendredi) "Les chemins de la philosophie". France Inter sera donc dirigée par une femme de radio. De radio et un peu de TV aussi (2). Elle va préparer la grille de rentrée avec Laurence Bloch. On a donc hâte de voir quelle philosophie elle va insuffler à la chaîne.

On imagine déjà ceux de France Culture qui vont prétendre à "décrocher la timbale" (J'ai quelques intuitions, particulièrement cette productrice qui depuis des années en fait des caisses sur les rézo pour se faire adouber). Ceux de France Inter qui se rongent les ongles ! D'autres qui comptent bien changer de case. Un manège qui tiendra en haleine "le monde médiatique" jusqu'à l'été.

Petit flash-back : qui se souvient d'un happening pour la nomination de Roland Dhordain en 1968 ? De celle de Pierre Wiehn en 1975 ? Jean-Pierre Farkas en 1982 ? Jean Garretto en 1983 ? Pierre Bouteiller en 1989 ? Vous en voulez d'autres ? La com', cette formidable machine pour faire parler de soi. Donner des gages aux tutelles (Bercy, Culture), parader face à la concurrence et… plus si affinités.

Cerise sur le gâteau Sandrine Treiner a communiqué…


Laurence Bloch aussi


Une telle harmonie. Autant d'ondes si positives devraient continuer à porter Inter au plus haut des cieux médiamétriques. Et à France Culture d'être définitivement la pépinière des futur-es stars d'Inter. D'avoir d'ores et déjà en son sein celle ou celui qui remplacera Van Reeth. Van Reeth elle-même devant assez prochainement remplacer…

(1) Je ne m'intéresse ici qu'aux producteurs de programme, pas aux journalistes d'infos !
(2) En 2018, elle a animé l'émission littéraire Livres & vous diffusée sur Public Sénat, et D'art d'art ! sur France 2 (2018-2020).

mardi 22 février 2022

Des pitchs, des pitchs… oui mais des panzani !

On vit une époque formidable. J'en appelle une nouvelle fois à Reiser pour remettre en avant son slogan ! J'ajouterai - grâce à son dessin - on vit une époque formidable… en écoutant la radio ! Ce matin, alors que je déteste les tunnels je me suis imposé d'écouter à partir de 8h20, la matinale spéciale d'Inter avec une des candidates à l'élection présidentielle : Valérie Pécresse. J'écoute particulièrement ces "spéciales" pour comprendre leur fabrique et supporter la moulinette des affirmations sentencieuses, des slogans bidons et autres promesses abracadabrantesques. 











Presque au début de mon écoute (8h23) j'ai entendu ça… Léa Salamé "Vous dîtes souvent Valérie Pécresse que vous êtes cinéphile et fan de cinéma, j'ai envie de vous demander quel est le pitch de votre candidature et de votre campagne ?" Bingo ! Ça y est on vient définitivement d'entrer dans le troisième millénaire !

Adieu préaux, réunions publiques dans des écoles blafardes, cartes sur tables (1), meetings big… malion et petites phrases. Léa Salamé vient d'inventer le Pitch de campagne pour lequel bien sûr les urbains pourront postuler. Quelle retournement historique ! Alors que les dites petites phrases ont été inventées par les journalistes (et aussi quelques politiques) pour débusquer une pensée choc/flash/punchy, elles viennent en quelques secondes d'être envoyées aux oubliettes de l'histoire.

Le pitch en patch
Vous pourrez mesurer dans quelques heures la viralité du choix sémantique du mot pitch pour synthétiser (sic) une pensée ou une action politique. Mot devant inciter à faire court, choc, flash, punchy ! Dans quelques jours ouvriront des écoles du Pitch et les diplômes qui ne manqueront pas d'aller avec. Fini les média-training. Le Pitch va sauver définitivement les tunnels politiques, la langue de bois et les pantomimes.

Et mieux encore ces Pitch vont se trouver propulser instantanément au fait de la communication médiatique, politique, historique, sociologique grâce au podcast ! Et oui l'un ne va pas sans l'autre ! Une industrie du Pitch va se créer. Des studios audios vont prendre le marché. L'Arcom va contrôler, le législateur légiférer, et la jeunesse tiktoker des pitchs en choré ! La vie est un long pitch tranquille.

Une chanson, une chanson, une chanson ! Comme jadis "Tout va à la cruche…" maintenant tout va au Pitch : les C.V., les entretiens d'embauche, les demandes en mariage, les demandes de prêt, et les soirées apéro ou barbecue où l'on rivalisera de créativité pour pitcher jusqu'à la fin de la nuit. Bien sûr, la radio va s'engouffrer dans cette Pitcherie et les émissions (d'une minute) vont se bousculer aux portillons des programmes ! Et tankaff se créer Radio Pich

Le pitch en patch ! Alors, elle est pas belle la vie ?

(1) Cartes sur table, émission politique de télévision présentée par Jean-Pierre Elkabbach et Alain Duhamel et diffusée à 20 h 30 sur Antenne 2du  au 

dimanche 20 février 2022

Le sel de Batz… Amour et patience !

J'aurais pu/du écrire Le sel de Guérande… Mais j'aime la rondeur de Batz. Même territoire de Loire-Atlantique. Ces espaces salants, enlaçants ou la culture du sel en est l'essence. Pays blanc. Fleur de sel, blancheur de nacre. Mettre son grain de sel sur la langue. Et savourer.

Gilles Bolognini - Radio France











Gilles Bernier, le paludier, volontaire pour épouser un métier/art de vivre et des traditions culturelles, semble un peu désabusé. Ses ellipses pour raconter sa rupture manquent un peu de clarté. Dommage que Ruth Stegassy, à l'écoute, ne lui ait pas suggéré d'être plus clair. Ce documentaire est toutefois intéressant surtout quand, comme moi, chaque matin dans mon œuf à la coque, je veille à mettre juste ce qu'il faut de grains de ce bon sel de Batz.

Terre à Terre, France Culture, Ruth Stegassy, 2 juillet 2011, Gilles Bernier, Paludier

lundi 14 février 2022

On empile… jusqu'où les archives radiophoniques ?

La caverne d'Ali Baba déborde. On en fait quoi ? L'accumulation de podcasts dans les ordinateurs ou smartphones ne prend de fait pas en compte l'enjeu patrimonial collectif. À des démarches individuelles de collectionnite aiguë pourrait t-on rapidement voir un projet d'utilité publique émerger ? Une radio-archives, fil rouge de ce blog depuis juillet 2011, est la grande absente parmi toutes les propositions d'offre de l'audiovisuel public. Ni Radio France, ni l'Ina n'ont jamais créé cette chaîne thématique patrimoniale. Pourquoi ?

Photo et souvenir professionnel de ©Guy Senaux
ingénieur du son à Radio France et à L'oreille en coin.
Voir légende complète (3)













La facilité d'accès aux podcasts de Radio France. La somme modique mensuelle (Madelen, 2,99€) que requiert l'accès à de nombreuses archives audio et vidéo que conserve l'Ina ne répond pas à la création urgente d'une chaîne dédiée, accessible gratuitement, comme les autres chaînes de radio publique. Une telle création aura un coût bien sûr. Il s'agit aussi d'être en mesure d'éditorialiser, de contextualiser, de bien référencer les sources. Cette création si quelqu'un a pu y penser autrefois (1) pourrait faire partie des serpents de mer si elle avait été annoncée et mise au placard.

Mais rien de tout ça. Je ne connais personne dans la lumière ou dans l'ombre avoir cette volonté. Quand, pour le Ministère de la Culture et sa DGMIC, il apparaît évident que ce n'est pas un sujet. Seulement, peut-être qu'un matin de grâce, le gourou du numérique à Radio France, Laurent Frisch, va se réveiller en sueur. Pendant la nuit il aura eu une apparition. Une Radio Archives avec des étoiles autour.

Cette chaîne aurait un tel succès que les taux d'écoute seraient pharamineux et que les chiffres d'audience cumulés flux, podcasts, archives dépasseraient le milliard de milliard. En dessous ça n'en vaut pas la peine ! Quant à l'ina sans doute manque t-il la bonne personne pouvant croire à un tel projet ?

L'étiquette détaillée










En attendant, la masse considérable d'archives radiophoniques augmente heure par heure. Leur stockage et leur conservation ne suffisent pas à valoriser sur la longue durée un patrimoine qui ne peut trouver sa seule valorisation au présent immédiat.

J'envoie à nouveau une bouteille à la mer, sachant qu'a minima la nouvelle loi audiovisuelle (en stand-by) pourrait prendre à bras le corps ce dossier. De pourrait il faudrait passer à devrait. il s'agira alors de trouver à l'Ina, à Radio France, à la DGMIC qui voudra bien lancer le chantier ?

"À la radio fallait-il des archives ? Oui" (2). "À la radio fallait-il pouvoir les écouter ? Oui." 

(1) Une rencontre a eu lieu au début des années 2000 entre l'Ina et Radio France qui n'a débouché sur rien,
(2) Pour parodier la phrase du Général de Gaulle le 14 décembre 1963, inaugurant la maison de la radio ! Remplacer archives par Maison !

(3) Boite de bande métallique gardée 30 ans dans une cave humide contenant la Bande A originale de l’émission "Ex Fan des sixties" de l'enregistrement de Serge Gainsbourg par S. Monceau et F. Jouffa, pour l’Oreille en coin . Durée 24’ . 24 juillet 1978. Vitesse de lecture 38cm/seconde. Nota : la boîte est rouillée mais la bande est en bon état avec quelques petits dépôts sur la tête du magnétophone lors de sa  lecture".

dimanche 13 février 2022

Vous reprendrez bien un peu de lavande…

Allez, on marche… On marche et soudain dans le paysage d'un dimanche le mot lavande est lâché. Remontent dans les narines et dans les yeux des odeurs et des couleurs. Lavande : sa couleur "est une teinte mal définie, pour les uns gris-bleu pâle, pour d'autres proche du mauve. Elle fait partie du champ chromatique bleu." Et voilà, du jour au lendemain, Alain Veinstein reçoit Claude Dourguin…










Dix ans déjà, et cette paysanne-poète ou cette poètesse-paysanne dit la lavande et comment cette vie à la terre… attachée enroule ses mots jusqu'aux "Ciels de traine" (1). Le charme d'une émission à la lisière de la nuit, à la lisière des mots chuchotés et des silences qui libèrent. 

Et si le mot Lavande vient du latin lavare qui veut dire laver, purifier, peut-être que la poésie et la lavande pourraient nous laver de tous les mots (maux) qui ont fini par polluer notre imaginaire. Qui circulent sur les rézo et autres médias enkystés dans leurs infos en continu. 

 "La lavande parfumait jusqu’aux étoiles l’eau qui l’imprégnait sur ses profondeurs naturelles". (Rimbaud)

Et si, sur quelque pente, je vois fleurir l'or bleu, je ne manquerais pas de m'arrêter, sentir si le moment propice à la rêverie m'incite à quelques gestes d'écriture. Ou s'il convient sur mon carnet de chercher la couleur et, la trouvant, ajouter quelques mots de soleil. Détacher la feuille, la plier soigneusement et la lier à un pied de lavande. Peut-être pousseront alors des histoires bleues ou mauves juste avant d'être lavées par une belle pluie d'été.

Dans le langage des fleurs, la lavande signifie "Répondez-moi"…


(1) Éditions José Corti,



lundi 7 février 2022

Le bon plaisir : Monica Vitti, Francesca Piolot, Monique Veilletet…

Monica Vitti est décédée ce 2 février 2022 à 90 ans… Comme toujours les médias rivalisent d'articles, de photos ou de reportages pour fixer "une dernière fois" celle qui a enchanté le cinéma italien et l'Italie toute entière. Et le reste du monde. France Culture n'est pas en reste. Elle ressort de ses archives ce long documentaire de 3h "Le bon plaisir" de Francesca Piolot et Monique Veilletet, réalisatrice. Quelle chance de pouvoir réécouter cette archive de 1996. Ça ne sera jamais assez long pour mieux connaître la Vitti et l'entendre encore et encore de son bel accent italien…

Trastevere, Rome, Nov 2021
© Anaïs Ginori




















Pourtant une telle émission, inventée en 1984, par François Maspero et soutenue par le Directeur de la chaîne Jean Marie Borzeix (1984-1997), n'aurait jamais existé sans la volonté de ces deux hommes. En 13 ans, France Culture a produit plus de 500 "Bon plaisir" et occupé les samedis après-midi jusqu'à 3h30 consécutives. Ce temps long, en arrivant à France Culture, Patrice Gélinet commencera par en raboter 1h30. Laure Adler (1999-2005) dès sa première grille, à la rentrée 1999, aura passé "Le bon plaisir" par pertes et profits. 

On ne rappelle pas assez souvent à Madame Adler la casse qu'elle a opéré sur cette chaîne en déclarant, de façon péremptoire, que dorénavant elle souhaitait plus de direct et d'émissions moins longues. Si l'on n'était pas désespéré d'un tel postulat on se taperait sur les cuisses. Des émissions moins longues alors que pendant plusieurs années "Les nuits magnétiques" l'avaient fait vivre. Ce programme, inventé par Alain Veinstein (1978), c'était souvent quatre émissions consécutives d'environ 80' chacune. 

Quant au direct, sa décision est aussi pathétique ! Alors que depuis sa "création" en 1963 (1), France Culture enregistrait documentaires, dramatiques et autres émissions "élaborées". On pourrait dire que Madame Adler a la mémoire courte. C'est plus subtil que ça. À peine nommée à ce poste (février 1999) Adler trouve sur son bureau le rapport Ténèze (2), intitulé " France Culture. Mission de réflexion. Janvier à avril 1997". Nous verrons que Gélinet et Adler ont été de zélés petits soldats en appliquant, presque à la lettre, les modalités de ce rapport dont les attendus étaient ni plus ni moins que de banaliser la chaîne au point de la presque faire se ressembler à France Inter.

Qui est donc Ténèze, ce "cadre destructeur" et comment à lui tout seul peut-il décider d'orienter et ici de désingulariser France Culture ? Mais ce n'était pas la première fois que le bourreau était à la manœuvre ! C'est Roland Dhordain qui, dans son "Roman de la radio" nous apprend (3) "Vers 1973, la réforme de France Culture mise en chantier avant mon départ (4) avec Arnaud Ténèze entre peu à peu en application. La station se met en direct et à l'improvisation (sic)"

Tenèze est tenace pour ne pas dire acharné. Pour autant il semble bien qu'avant 1999 le direct ne soit pas la forme de diffusion principale choisie par France Culture. Et si Ténèze avait sévit avant 1984 il n'y aurait jamais eu de "Bon plaisir". Et s'il n'avait pas trouvé l'oreille d'Adler les changements de 1999 auraient - peut-être - été moins brutaux !

Je crois pouvoir dire que Ténèze a non seulement fait un rapport à charge non sans tenir compte de la prédétermination de la commande de la Présidence, mais qu'il y a ajouté quelques bonnes pelletées d'a-priori et d'intuitions non fondées sur des études rigoureuses. Sa phrase de fin d'introduction vaut son pesant de carottes "Il a donc été exclu que ces caractères fondamentaux ne soient pas conservés" (5). "Exclu", "ne soient pas" trahissent bien la volonté du rédacteur d'exclure et de ne pas conserver, comme le prouveront les quatre-vingt-seize pages de son rapport à charge ! Juste pitoyable ! 

Merci à François Maspero, Jean-Marie Borzeix, 
Francesca Piolot, Monique Veilletet pour ce "Bon plaisir, Monica Vitti".

(1) Fin des années 40 : Programme national, 1957 : France III-National, Octobre 63 : RTF-Promotion, Novembre 1963 : France Culture,
(2) Chargé de mission par la Présidence de Radio France. Ancien membre de l'équipe Dhordain. En 1971, "Chef des Services artistiques" à l'ORTF,
(3) "Le roman de la radio", La table ronde, 1983, 

(4) En 1962, au sein de la RTF, il est en charge de la réforme de la radio. Novembre 1963, Paris-Inter devient France Inter et crée France Musique et France Culture. Il est ensuite nommé directeur des programmes de la RTF, puis directeur de France Inter. Il quittera l'ORTF en mars 1967. En juin 1968, il devient directeur de la radio-diffusion de l’ORTF.

(5) "Les orientations et les méthodes préconisées découlent du postulat que France Culture est à plusieurs titres, un produit radiophonique unique en Europe, un distributeur  exceptionnel de la connaissance et des courants de pensée, un générateur permanent de la mémoire sonore de notre époque", in rapport Ténèze, avril 1997,

dimanche 6 février 2022

Voix de Margeride… Un commencement du monde

Il est des trésors…  Le 4 juin 1992, pour les Nuits magnétiques, avec micro et magnéto, Joël Vernet, "l'enfant du pays" revenait en Margeride, en Gévaudan, recueillir les voix de ceux qui y vivaient encore. Et prendre la mesure de ce "Village au bord du monde"   (1) 

Les monts de la Margeride vus depuis le Cézallier 
Crédits : Technob105 via Wikimedia Commons


"Ces lieux de l'ordinaire… Au sud du Massif Central, en Margeride, imaginez la montée de quelques voix, de l'ardeur des regards, de la leçon de la nature, de l'herbe verte que l'on rentrait, ensemble, l'été, les soirs d'orage…" dit Vernet pour introduire son documentaire (Christine Robert, réalisatrice). Le décor est planté. On va, lentement, pénétrer un monde au bord de la bascule du siècle. Pourrait-on dire au bord du gouffre ? Il y a juste trente ans et on dirait qu'il y en a cent.

"La minuscule vallée tout au fond de la rivière chante encore dans votre sang. Je vous revois le corps empli de fatigue, écrasé contre un talus regardant tout simplement le soleil ou la nuit qui s'avance. La nuit recouvrant les montagnes lointaines que l'on aperçoit les jours de grande clarté. Votre vie était faite de peu, d'espace, de vent frais, de moissons éclatantes de sapins sous les neiges et quelquefois de pain rassis que vous rompiez d'un bel éclat de rire." (J. Vernet)

Avec les voix, au bord des chemins de mémoire, l'enfant du pays (re)fait les murets. Je déguste son documentaire comme je bois mon café en portant à mes lèvres cette jolie tasse d'artisane de l'Hérault offerte un jour de grand soleil derrière des persiennes modernes. Ces signes peints sur son tour disent quelque chose de la vie, des nuages et du désir. Comme ce que croise en Margeride Joël Vernet. Des signes universels d'humanité.




(1) En décembre 1989, dans "Les nuits magnétiques", France Culture diffusait 4 documentaires de Joël Vernet (Producteur) et Christine Robert (Réalisatrice) sur la Lozère,