lundi 27 mars 2023

Il y a 55 ans… le 28 mars 1968 !

Fin mars 1968, deux grandes radios généralistes nationales, Europe n°1 et France Inter, - indépendamment  du mouvement étudiant démarré le 22 mars et qui donnera lieu le 13 mai à la grève générale dans toute la France -, décident d'apporter des changements à leur grille de programme respective. Europe n°1 en plein milieu de semaine, le jeudi 28 mars, France Inter les samedi 30 et 31 mars 1968. Dans les deux cas, nous le verrons, il s'agit de la part des deux dirigeants de ces radios, de très bonnes intuitions. Les nouveaux programmes seront des marqueurs générationnels et ces émissions s'inscriront au patrimoine radiophonique. 

Codou et Garretto
















Campus, François Jouffa, 20h20/22h, Europe n°1
Maurice Siegel, le patron de la station a du pif. Alors que les étudiants parisiens commencent à s'agiter, il imagine proposer chaque soir à l'antenne, de débattre en public, de sujets de société qui percutent la France, l'Europe ou le Monde. C'est à Jouffa très jeune reporter que Siegel confie le micro. Pour un incident diplomatique (1) Jouffa sera viré au bout de trois semaines (de l'émission, pas de la station) et remplacé par Michel Lancelot. Qui mettra sa marque à l'émission et fidélisera des milliers d'adolescents et de jeunes adultes.

TSF 68, Jean Garretto et Pierre Codou, France Inter
À l'automne 67, Roland Dhordain a quitté la radio pour prendre la direction artistique du Club Méditerranée. Guy Bégué assure les fonctions de directeur des programmes. Il propose aux producteurs d'opérations spéciales à l'ORTF, Garretto & Codou, de réfléchir à un programme pour les fins de semaine. Le samedi 30 mars à 14h démarre "TSF 68". Ce sera jusqu'au dimanche 19h, treize heures de programmes où l'heure juste n'est plus le maître étalon de la création radiophonique. L'émission qui a la rentrée 71, prendra le nom de l'Oreille en coin, sera à l'antenne jusqu'à la rentrée 1990, soit vingt deux ans d'"une radio dans la radio" !

Dans les deux cas, on constate, la facilité d'adaptation du média radio à l'offre aux auditeurs et une adaptation rapide à l'air du temps. Quand aujourd'hui tout est verrouillé, normé, médiamétré au point que la radio publique (et privée) a perdu sa fonction de laboratoire et de recherche. Que les canards continuent de cancaner C'était pas mieux avant. C'était pas mieux avant mais… on était plus libres.

(1) Lire aussi, "60 ans au poste. Journal de bord d'un auditeur", Fañch Langoët, L'Harmattan, février 2023,







vendredi 24 mars 2023

Panique au Podcast Palace…!

Pour que ça soit excitant, pour que ça donne de l'air, pour que ça chamboule tout, "du passé faisons table rase". C'est l'état d'esprit, il y a dix ans, de quelques geeks en mal d'aventures qui, se rêvant en Steve Jobs ou Bill Gates, décident de casser le moule de la radio et de "tout réinventer" sur la base de l'audio. Production, fabrication, formats, délinéarisation, détemporalisation. Et, à la manière d'un La Fontaine, psalmodier "Adieu programmes, chaînes, équipes de réalisation et structuration horizontale et fédérative dans une, dans la Maison de la radio". Presque cent ans de radio "dynamités, dispersés, ventilés, éparpillés façon puzzle, (1).











Au début ça bricole et ça bidouille. Aussi, quand sort du bois le podcast, les rapaces s'en emparent pour mieux illustrer la transformation numérique. Nouveau credo civilisationnel. L'Alpha et l'Omega du changement, du progrès et de la casse systématique des vieux modèles, des savoir-faire et de la chaîne de production radiophonique. Les nouveaux gourous, de ce qu'ils appellent la mue, ont trouvé un hochet, un objet transitionnel parfait, une icône à vénérer : le podcast. La boîte de Pandore est ouverte, elle est pas prête de se refermer.

Pour bien asseoir le support on lui attribue une fonction dévote. Le podcast parlerait à l'oreille de l'auditrice et de l'auditeur (2). Et la foule en délire de se ruer sur la chose, de ne plus jurer que par elle et de plonger dans une addiction pour laquelle on n'a pas encore cherché de remède.  La pandémie est mondiale. Le podcast est le nouveau chewing-gum. On mâche, on mâche et à la fin on jette. Entre les podcasts natifs (adjectif superfétatoire), ceux de la radio publique, de la radio privée et ceux des studios indépendants, on croule sous la charge. L'offre est pléthorique. Envahissante. Pour ne pas dire polluante.

Au coin du bois, un vieux gourou du consumérisme et de la pub aliénante guette "Si à 50 ans t'as pas fait de podcast, t'as raté ta vie" (3). Le pape, que dis-je le-mentor-de-la-transformation-numérique-à-tout-va à Radio France, le dénommé Laurent Frisch a imposé de transformer en podcasts - ce qui s'appelle encore pour quelques minutes, des émissions -  ces supports qui peuvent s'écouter sur tous objets connectés (4), H24, sans plus aucune contrainte temporelle. Bingo ! Maintenant si tu t'aventures à parler d'émissions t'es fiché au Grand Auditisme et tu risques d'en perdre l'ouïe… à vie. Avis à la population !

Ce long préambule (si, c'était un préambule) pour montrer comment ce "principe éditorial" (du siècle) vient salement d'être écorné, pour ne pas dire torpillé.

Philippe Collin
















Les faits
Un ancien p'tit rigolo ("Panique au Mangin Palace" avec un autre humoriste, Xavier Mauduit, France Inter, 2005/2010) et aussi avec, quelques jolies tournures verbales ("La bande à Bonnaud", France Inter, 2006/2007…) Philippe Collin, producteur à France inter, après quelques traversées du désert, se souvient qu'il a une maîtrise d'histoire et qu'il pourrait donc assouvir une de ses passions. Proposer de conter les riches heures de personnages historiques. Pêle-mêle : Cléopatre, Pétain, Blum, Poutine et dernier en date Le Pen (Jean-Marie).

Trop sympa ! Vous avez une idée. Frisch valide. "C'est bon ça Coco, l'histoire croustillante, ça plait !". On peut faire, deux, sept, douze épisodes, ça passe crème. Alors qu'autrefois il y avait non seulement des jours (ou des nuits) de diffusion, des formats et des balises sur la durée dans le temps (toute la saison radiophonique, un trimestre, un mois, etc). Collin après ses diverses tentatives est sacré Maréchal… de l'histoire et là, toutes les portes (et les financements qui vont avec) s'ouvrent. Tournée promo qui passe par Quotidien et Jean-Marie Le Pen n'a plus qu'à bien se tenir.

Tout ça c'était avant le drame… Car voilà que des historiens, patentés, mettent le nez (lire, l'oreille) dans la série. Et un propos de Benjamin Stora, historien, ne passe pas, mais ne passe pas du tout (5). Je n'ai pas les compétences pour juger de cette "affaire". Surpris toutefois de l'assertion de Stora, pour ce que j'en sais de l'Histoire. Mais ce qui m'intéresse c'est de montrer comment le podcast, devenu la référence (le label) audio par excellence, pourrait s'affranchir de toutes règles de validation. Existe-il à Radio France un Comité éditorial pour décider des sujets à podcaster ? Existe-t-il à Radio France un Comité scientifique pour valider et choisir les intervenants, les angles, les références historiques (et/ou scientifiques), les travaux publiés quand, des podcasts traitant d'histoire ou de sciences sont programmés pour être créés ? Ou est-ce le seul fait de la productrice, du producteur ou du grand Manitou Frisch ?

Cette opacité interroge et, quant à la suite de cet incident, Radio France traine des pieds pour apporter les mises au point suffisantes (se contentant de rustines audio), les excuses indispensables et les ajouts utiles, on est alors en droit de s'inquiéter d'un éditorial enfermé dans la forme (le podcast), libéré de toutes les règles en vigueur. Quand il s'agirait, pour l'Histoire ou les Sciences, de ne surtout pas s'affranchir de ces mêmes règles. Le podcast, sacralisé, serait devenu intouchable. Il en va pourtant de l'éthique même de Radio France comme quand, pour ce qui concerne l'information (et les fake-news), la société de radiodiffusion publique a mis en place des procédures de validation et de confirmation de toutes les sources possibles à plusieurs niveaux.

Les programmes, particulièrement quand ils concernent l'histoire et l'actualité récentes ne devraient pas échapper, eux mêmes, à ces procédures rigoureuses !

(1) Merci à Michel Audiard et ses dialogues des "Tontons flingueurs" de Georges Lautner (1963),
(2) Le tambour, la cloche, le chant, le chien qui aboie, la caravane qui passe, le flux et le reflux de la mer, le vent, le tonnerre, le chant des oiseaux et une palanquée de ratons-laveurs en rut doivent donc parler ailleurs au corps humain. Genre, sans doute, "Parle à mon cul, ma tête est malade"… 

(3) Rappel pour nos jeunes lecteurs : Jacques Séguéla, publiciste décérébré a, au milieu des années 90, vomi une prédiction slogan "Si à 50 ans, on a pas de Rolex on a raté sa vie" (2009)",
(4) De fait même sur la lunette des cabinets !

(5) Épisode 2, sur les actes de torture pendant la guerre d'Algérie. Vous pourrez trouver le détail des alertes, sur le compte Twitter d'André Loez, historien et, particulièrement, ce qui a été relevé à l'origine de l'interpellation des historien-nes ici.

jeudi 23 mars 2023

Lenoir, Feedback, Les Inrockuptibles et… Véronique Servat !

Bon, des fois les "hasards" de la vie font bien les choses. Vous aviez le choix, soit je lançais mollo les trémolos "Mouvement du 22 mars (68)" soit je récupérais une madeleine et vous en faisais des tartines. Zyva pour les tartines ! Je commence en désordre. Bernard Lenoir en 1959 était assis au cinéma "Le Marbœuf" (Panam') pour visionner la première de "J'irai cracher sur vos tombes" quand, son voisin Boris Vian, pris d'un malaise… en meurt ! (1) Le hasard c'est qu'échangeant récemment avec Véronique Servat à propos des Inrocks (2) elle m'annonça qu'elle pourrait retrouver l'interview de Lenoir. Elle le retrouva et me l'envoya hier. Et bim, je vous raconte. Et merci Véro ;-)

©Catherine Rouziès, Les Inrockuptibles
n°38, Août 1992.


Lenoir, sur ce blog, il y en a quelques jolies traces. Ici et dans la "petite somme" que j'ai commise il y a quelques semaines… Notamment le souvenir de la 1ère de Feedback le 28 mai 1978 sur France Inter. Lire cet interview de 92 par Davet (aujourd'hui journaliste au Monde) est un vrai régal. Pour les origines de Lenoir, celles de ses musiques et celles de la radio. L'anecdote sur le nom de l'émission complète ce qu'il avait annoncé à Valli sur Inter en 2013. À savoir : " J'ai appelé une copine qui travaillait dans un studio d'enregistrement en lui demandant de me lire ce qu'elle trouvait autour d'elle. Quand elle a dit Feedback j'ai su que c'était bon.".

Où l'on apprend aussi que les auditeurs inter-échangent avec Lenoir via le… Minitel ! Bim, là c'est la claque ! Jamais utilisé le 3615 pour correspondre avec le producteur ! Mais bon c'était pop… L'époque des années 70 a (encore) sa part de fraîcheur et de légèreté. Une certaine passion (pour la musique) et quelques bonnes fées poussent le jeune Lenoir à entrer à la radio. Et ça, c'est pas rien ! Surtout si on y reste une quarantaine d'années.

Ci-dessous quelques extraits de l'ITV de Davet. 



(1) Interview de Lenoir par Stéphane Davet, Les Inrockuptibles, mensuel, n°38, août 1992,
(2) "Les Inrockuptibles 1984-2010. Contribution à l' histoire sociale et culturelle des médiations musicales", par Véronique Servat. Thèse de doctorat en Histoire. La soutenance a eu lieu le 10-12-2022.

mercredi 22 mars 2023

Desnos devient le pionnier de la publicité radiophonique…

Je crois, qu'en ces temps de misère morale, je serai capable d'écouter à la chaîne les publicités qu'inventait, dans les années 30, Robert Desnos pour Radio-Luxembourg ou le Poste parisien. Et puisqu'hier quelqu'un me rappelait qu'à l'Équinoxe il fallait formaliser ses intentions, la première serait pour remettre de la poésie dans nos quotidiens submergés… de tout sauf, sauf de ce qui pourrait permettre de vivre plus simplement, plus sobrement, plus poétiquement.

Desnos au premier plan
Stefano Bianchetti 
Crédits : Corbis via Getty Images












Ces années-là, le poète Desnos virevoltait pour inventer slogans, comptines et autres ritournelles incitant tout-à-chacun à faire les bons choix pour de… bons produits. Desnos était léger et, avant que la guerre ne se déclare, il vivait l'euphorie du Front populaire. Et une forme de bonheur qui veut s'empresser d'exister avant que ne se referme l'étau d'un conflit dévastateur.

"Je pense à toi Desnos (qui partis de Compiègne)…" chantait Ferrat sur un poème d'Aragon (1). Alors que viennent d'être édités de nombreux poèmes inédits (2) je trouve qu'un fragment ce poème d'un soir de février 1936, pourrait coller à l'air du temps, de l'assommoir que nous impose le gouvernement. 

« Nous briserons la serrure et la clé

Et encore la porte 

Et tout sera simple et facile 

Et si nous ne réalisons pas ces projets

D'autres hommes dans les années futures les réaliseront »,


Et sans doute de chanter avec Frasiak, L'espoir .


(1) Complainte de Robert le Diable, Septembre 1945,
(2) "Poèmes de minuit", Inédits 1936-1940, de Robert Desnos, préface de Thierry Clermont, Seghers, "Poésie".

lundi 20 mars 2023

Mireille Dumas ou la mise en abîme par Mireille Dumas (l'autre)…

L'extase ! Depuis la rentrée 22 (septembre), Adèle Van Reeth, directrice de France Inter, a choisi (sûrement en coordination avec Catherine Nayl, directrice de l'information à France Inter), de confier à Sonia Devillers une case, intégrant la matinale (7/9h30) appelée avec sens du rythme et de l'opportunité "L'invité de 9h10" (1)". On tremble. Frissons assurés. "Attendez-vous à savoir" comme l'aurait doctement annoncé Geneviève Tabouis sur Radio Luxembourg. L'émission : accueillir des invités (concept définitivement nouveau et… intéressant). L'opération ayant permis de refaire le 9/10. Devillers prend la case de Trapenard, Manzoni celle de Devillers (2). Et derrière ce jeu de chaises musicales, Van Reeth annonce la couleur qui, on va le voir, laisse a minima pantois et a maxima en PLS !




"Sonia Devillers a compris une chose (2) : pour que France Inter continue à parler à autant d'auditeurs, il fallait aussi leur donner la parole (3). C'est ce qu'elle fait en invitant à son micro des acteurs de la société civile. Une à deux fois par semaine, elle donne la parole à des gens que personne ne connaît et qui ont accompli quelque chose, qui ont un parcours qu'elle relate. C'est du récit de vie, du témoignage et cette parole là n'existe quasiment pas ailleurs". (4)


France Inter, nommée ainsi depuis novembre 1963 a, depuis ses origines (Paris-Inter), cherché à être en phase avec ses auditeurs et a multiplié des kyrielles d'émissions avec le public, avec auditeurs et auditrices particuliers (5). Donc si Van Reeth découvre l'eau tiède, qu'elle sache que des générations d'auditeurs peuvent témoigner d'avoir entendu des anonymes au micro de France Inter !


Je comprends suivant les mots de Van Reeth que des auteures, des humoristes, des chercheures, des cuisiniers ne font pas partie de la société civile ! C'est quoi la société civile alors ? La philosophe Van Reeth va sans doute argumenter pour nous dire que 98% des gens reçus sont d'une autre société. Ni militaire, ni civile. De quelle société donc ? C'est juste à pleurer ! Je pense qu'Annie Ernaux, Patrick Modiano, Anne Nivat, Gad Elmaleh et tous les autres font partie de la société civile. Que le pourcentage évoquée par Van Reeth est non seulement fantaisiste mais qu'un ripeur, une gardienne d'immeuble ont beau ne pas être "connus", Devillers ne les as pas trouvés par hasard en enquêtant - sur le terrain - pour leur tendre le micro. Ils ont par différents détours été connus… des médias.


Mesdames Van Reeth et Devillers ne savent sans doute pas que Kriss dans "Portraits sensibles" pendant quatre saisons sur France Inter a, en sillonnant la France, tendu son micro à sept-cent-soixante-neuf personnes dont pour la plupart on n'a plus jamais entendu parler, mais qui avec Kriss ont pu de façon sensible et singulière, évoquer leur vie simple ou leur simple vie.


En recevant ce matin Mireille Dumas à 9h09, Devillers se trouve face à son double audiovisuel. Car depuis la rentrée l'angle et les personnes invitées, choisis par la productrice, incitent à dérouler le pathos. Devillers faisant rejouer par ses invités ce qu'ils ont déjà vécu, écrit, joué, chanté ou romancé. Plus fort encore que Chancel, Devillers peut bien au delà de sa propre retraite, continuer à faire sortir de la boîte de Pandore, tous ces acteurs de la société civile, qui par là, s'offrent dix-huit minutes supplémentaires de notoriété. Trois minutes de plus que le quart d'heure de Warhol !


(1) Qui débute, c'est variable, à 9h08 ou 9h09 mais jamais à 9h10 ! C'est pratique pour ceux qui mettraient une "alarme" à 9h10 !
(2) Devillers a du apprécier d'"avoir compris "… après 10 ans de radio" !!! Interview de la directrice, 12 Janvier 2023, Pure Médias, par Ludovic Galtier,
(3) Au moins sur RTL ils l'ont depuis 1985, "Les auditeurs ont la parole", émission créée par Alain Krauss et Ane-Marie Peysson, 
 
(4) On se pince là ! Quoi "cette parole là n'existe quasiment pas ailleurs" ? On se moque grave. Madame Van Reeth sachez que les podcasts Radio France et ceux des studios "indépendants" sont surchargés, envahis de récits de vie, de témoignages et de paroles, au point de risquer l'asphyxie, la suffocation, voire la mort cérébrale !

(5) Vous trouverez sur ce blog plusieurs descriptions de ces émissions, avec au hasard Georges Lourier, Kriss, Geneviève Ladoues, Marion Thiba, Jean Couturier, Jean Lebrun, …

dimanche 19 mars 2023

En coin… l'oreille !

Reconnaissez, reconnaissons qu'il y a déjà une accroche et comme une espièglerie pour avoir trouvé ce si joli titre "L'Oreille en coin". À l'automne 67, Guy Bégué, chargé des programmes de France Inter (1), propose à Jean Garretto et Pierre Codou, responsables d'opérations spéciales à l'ORTF (2), de réfléchir à des émissions de fin de semaine, des samedis et dimanches. Les compères, du samedi 14h au dimanche 19h, inventent ce qui ne s'est jamais fait en radio, un programme de 13h, découpé et harmonisé, pour donner à entendre une/d'autre(s) forme(s) de radio, dans un laboratoire de créations radiophoniques époustouflant.

Yann Paranthoën (Chef-Opérateur), Jean Garretto (Prod.)
Jean Priso-Moutongo (Opérateur), Pierre Codou (Prod.)


Vous trouverez, ici, via l'Ina, quelques micro-souvenirs (avec quelques micros dedans). C'est, entre autres, parce que Codou & Garretto avaient fini par créer une radio dans la radio que l'expérience pris fin à la rentrée 90. Pierre Bouteiller, nouveau directeur d'Inter (depuis juin 89) réglait ses comptes avec Garretto à qui il n'avait pas pardonné de l'avoir déplacé de l'heure favorite de son magazine. 9h05 du lundi au vendredi, depuis la rentrée 69.

Ces fins de semaine-là ont marqué les auditeurs et, en ce qui me concerne, rendaient moins tristes les dimanches que, comme Juliette Greco, jusqu'en 68 je haïssais. Sur ce blog, en inscrivant dans l'onglet "Vous cherchez quoi ?", L'Oreille en coin, vous trouverez de nombreux articles qui racontent cette longue période radiophonique.

Puisse ce souvenir, vous en rappeler de nombreux. Commencez par envoyer le générique et ça devrait fonctionner tout seul !

(1) Et qui depuis le départ de Roland Dhordain pour le Club Med' (pas comme vacancier) assure, de fait, la direction de la chaîne,
(2) Dans le billet du 4 avril 2016, voir la vidéo "Impossible n'est pas français" ou radio et télé mènent ensemble une grande opération télévisuelle 

vendredi 17 mars 2023

Connu(e), reconnu(e)

L'homme, le personnage a compté dans le paysage radiophonique. Pour sa façon d'avoir engagé une émission et d'avoir trouvé la forme captivante d'accrocher un public. Patrick Pesnot a fait, et bien fait, le job à France Inter. Identifié par le public, ses "Rendez-vous avec X…" ont fidélisé des milliers d'auditeurs. À l'antenne, sa voix reconnue, il marquait chaque samedi d'un petit caillou que, chacun pouvait disposer dans son propre jardin radiophonique. Il vient de décéder, France Inter lui rend hommage. C'est bien. Ça apporte à ma réflexion récente sur celles et ceux à qui l'on rend hommage et celles et ceux qu'on ignore. Pesnot n'aurait rien pu faire sans un-e réal, un opérateur (son) et une équipe pour élaborer ses émissions.

P. Pesnot © Radio France, C. Abramowitz








A minima, sur un de ses nombreux sites, Radio France pourrait écrire quelques mots sur chacune des personnes qui ont participé à la chaîne de fabrication de la radio. Car pour la famille de Philippe Raynal, pour ses amis, la mort du (technicien, réalisateur, producteur, chef d’antenne,…à Radio France) jamais évoquée à l'antenne résonne comme une injustice et surtout comme une absence caractérisée de reconnaissance. À la radio Il n'y a pas les vedettes et les autres. Il y a des équipes (de production/réalisation) avec celles et ceux qui ont les mains dans le cambouis, et celles et ceux en pleine lumière (en pleine voix) au micro.

Quand bien même Radio France surjoue, surmédiatise, surpromeut, toujours les mêmes têtes de gondole, celles qui s'affichent au grand mur de la Maison de la radio ou aux culs des bus, l'opérateur public de radiodiffusion n'a pas le droit de faire de discrimination et oublier la plus grande part de celles et ceux qui font la radio. Mais il est forcément plus facile à une Pédégère de suivre le mouvement moutonnier de la roucoule, plutôt que de défendre la Fabrique. Encore faudrait-il que la dite Pédégère, Sibyle Veil, s'intéresse à cette Fabrique, elle qui a été choisie pour manager, pas pour valoriser les acteurs, tous les acteurs de la création radiophonique ?

Salut Monsieur X, puisses-tu, là où tu vas reposer, retrouver chaleureusement ceux qui depuis plus de 100 ans ont fait, comme toi, la radio. 

lundi 13 mars 2023

Pendant l'intérim… les travaux continuent (à France Culture)

M. Florian Delorme, directeur des programmes de France Culture, a été nommé par Sibyle Veil, Pédégère de Radio France pour assurer l'intérim de la direction de la chaîne suite à la démission surprise de Sandrine Treiner… "Tant l'intérim va à l'eau qu'à la fin il se casse" (Lao Tseu). On se rappellera l'intérim de Treiner en juillet 2015, choisie, par défaut fin août 2015 par M. Gallet, Pdg de Radio France. M. Delorme a fait savoir qu'il n'irait pas. La direction (Pédégère et DRH) a indiqué le mois passé qu'un choix pourrait être annoncé mi-mars. On y est et, telle sœur Anne, on ne voit rien venir ! Au vu de la charge (lourde et explosive) révélée par le cabinet d'audit Alcens, on imagine que la nouvelle directrice ou directeur ne sera pas choisi-e au hasard du "fait du Prince" ou d'une quelconque promotion interne. À moins que l'alignement des planètes, les trompettes de Jericho ou le chant des sirènes (de pompier) ne sortent du chapeau (mou) un vaillant-e petit soldat-e qui exécutera la fiche de poste avec un zèle qui, à lui seul a déjà plombé et fait des ravages à France Culture. Quand nombre de responsables de programmes ou d'"unités de programmes" exécutaient les injonctions venues d'un pouvoir hautement autocratique et méprisant.

Picasso, 1905
La grande famille de saltimbanques













Qu'il était bon le temps (1) où Yves Guena, en juin 68, nommait Roland Dhordain, directeur de la radio à l'ORTF, où Jacqueline Baudrier, en janvier 1975, nommait Yves Jaigu, directeur de France Culture. Où Jean-Noël Jeanneney, en mai 1984, nommait Jean-Marie Borzeix, aux mêmes fonctions, sans qu'il soit utile d'établir un profil cadenassé pour lequel on mettrait sur le coup des chasseurs de tête spécialisés médias et, autres gourous du conseil obscur, lesquels me dit-on jouent encore les visiteurs du soir (et du matin) à Radio France !

Wait and see, comme on dit dans les cercles du pouvoir. On aura retenu que bien plus que changer la direction de la chaîne, il s'agira d'établir un projet éditorial (espérons pas uniquement celui de Laurence Bloch, directrice éditoriale des antennes), un projet de production (espérons pas uniquement celui de Laurent Frisch, directeur du numérique et de la production), un projet de management (pas celui en cours dans les écoles de managères de moins de cinquante ans, tendance start-up nation). Sur ces bases solides les noms qui circulent sont à se taper sur les cuisses, a minima un bon quart d'heure consécutif. Dommage que Germaine Soleil ait disparu du monde des vivants, on se serait empressé de la consulter !

La pression, suite à la démission de Treiner, les enjeux culturels et politiques, ne risquent pas de voir foule se bousculer au portillon. Laurent Guimier est casé à la CMA-CGM. Plus d'intrigue de ce côté là ! À moins que ne revienne du diable vauvert un-e saltimbanque qui ne ferait pas de mal à la tournure info&société - en béton armé - qui a pris le pas - très opportuniste/audiences - sur la chaîne culturelle, au détriment absolu de la culture.

(1) Non, non c'était pas mieux avant ! Mantra bidon qui refuse d'accepter la réalité et s'enferme dans la tyrannie du présent-futur !

mercredi 8 mars 2023

La fabrique de la radio… par ceux qui la font ! Moins par ceux qui la dirigent…

Hier sur Twitter, L'intimiste (@LintimisteMedia), publiait ceci "C'est bien plus difficile d'honorer la mémoire des anonymes que celle des personnes célèbres. La construction historique est consacrée à la mémoire de ceux qui n'ont pas de nom." Walter Benjamin. Je réagissais aussitôt en notant que la mort de Philippe Raynal, (technicien, réalisateur, producteur, chef d’antenne,…à Radio France) le 16 février dernier n'avait suscité aucun commentaire de la Maison ronde. Tant celle de Roland Faure, 96 ans, (ex-Pdg, Radio France, 1986-1989), neuf jours plus tard, avait eu droit à de nombreux commentaires et articles de presse.

D'autres artisans de la fabrique :
Jean Garretto, Robert Arnaut, Claude Dominique,
L'Oreille en coin, 
Studio 125, 
France Inter, années 80










Pourquoi ? Raynal comme nombre de ses consœurs et confrères a fait la radio publique moderne avec, pour ce qui le concerne, de grandes qualités humaines. Faure a fait son job de Pdg et initié, encouragé la création de France Info (Juin 1987). 40 ans/3 ans. C'est parce que l'ensemble de la chaîne de fabrication radiophonique existe qu'il y a, au bout, un Pdg ou une Pédégère. Et pas le contraire.

Radio France pourrait, a minima, tenir à jour les noms et fonctions de celles et ceux qui sont passés par la Maison et ont concouru depuis cent-deux ans à faire exister la radio publique. Et, pour le moins, depuis que la radio publique a pris ses quartiers, sises à Paris, quai de Passy en décembre 1963. Aujourd'hui Av. du Prés. Kennedy.

C'est l'histoire même de la radio qui y gagnerait. À ne pas reconnaître les siens on pourrait finir par ne plus la reconnaître elle-même !

À bon entendeur, salut !

lundi 6 mars 2023

Un homme Averty… en vaut mille !

Le 4 mars 2017, Jean-Christohe Averty cassait sa pipe ! Ce touche-à-tout audiovisuel, ce passionné de musique (music-hall, jazz, chanson) a pu à la radio, malgré un zézaiement charmant, animer de nombreuses émissions et surprendre ses auditeurs par son érudition inépuisable. À la différence des cabots qui, aujourd'hui sur les ondes, montent sur la table et pérorent croyant avoir découvert l'Amérique, quand ils se contentent de pomper - honteusement - wikipedia et autres sources disponibles, sans jamais incarner ce qu'ils débitent tel le charcutier devant un saucisson !

J.C. Averty/G. Senaux, 5 janvier 2004, 23:03:05,
en régie 
après l'enregistrement des "Cinglés…"
Le 115, studio fétiche de JCA. Photo @Anne Sécheret











Saucisson justement ! Hervé Marchais, grand spécialiste des radios locales, associatives, commerciales (et + si affinités) me faisait remarquer vendredi dernier que JCA avait autrefois animé sur France Inter Hits, tubes, scies et saucissons (1). Je me souvenais que Boris Vian avait élevé d'un cran saucisson en consacrant tube ! Mais je ne me souvenais pas des émissions d'Averty avec ce titre. Cet été là, et particulièrement en août, j'étais scotché à France Culture

Au cours de cinq émissions hebdo, Averty disgressait à partir de sa formule bien au point des "Cinglés du music-hall" qu'il anima sur France inter et France Culture (2). Des références au cordeau, pour ne pas dire encyclopédiques, les n° d'enregistrement et/ou de matrice, les éditeurs concernés, les compagnies discographiques et les reprises devenues des standards. Un tourbillon phénoménal qui faisait tout le charme de l'érudit.

On pourra en savoir plus ici et !

(1) Cinq dimanches d'été 91 (4 en août et 1 en septembre) à 18h,
(2) Depuis juillet 78 sur Inter en quotidienne jusqu'en mars 81 (à différents horaires et différents jours) et, à suivre Culture, (en quotidienne ou en hebdo),

vendredi 3 mars 2023

60 ans au poste… Il était une fois la radio !

Le 17 juillet 2011,  en ouvrant mon blog j'écrivais : "La radio fait l'histoire, est notre histoire, raconte des histoires. À mon tour de vous raconter des histoires de radio." Je ne croyais pas si bien dire. Avant de fêter les douze ans de cette drôle d'affaire, j'ai eu envie d'écrire d'une autre façon, ma petite histoire de radio. Celle qui, depuis ma plus tendre enfance, a bouleversé ma vie… Et depuis le 20 février c'est publié !

L'Harmattan
Coll. Graveurs de mémoire


Il a fallu un peu se creuser les méninges mais, à la façon du journal de bord, j'ai essayé de raconter quelques petits et grands moments de radio (publique et privée) et surtout comment ma génération a pu être accro à ce média de liberté. Liberté de parole, liberté de création, liberté de pensée. Enfin tout ça c'était avant le drame. Le drame des managères de moins de cinquante ans, celui des geeks qui s'excitent sur l'audio et jettent la radio aux orties. Le drame des renoncements et celui définitif des modes de production radiophoniques.

Ce livre dit beaucoup des moments forts qui ont fini par être des marqueurs de vie. Comme les chansons (plusieurs d'ailleurs s'insèrent dans le texte). Et surtout comment les voix ont balisé mon quotidien banal et presque tranquille. Et puis j'ai eu la chance de pouvoir rencontrer actrices et acteurs de cet art radiophonique. D'écouter et de faire ma pelote. De circuler dans la ronde (maison) et, à petit pas, être dans la radio.

Me pardonneront celles et ceux que je n'a pas cité-e-s. Et particulièrement Catherine Soullard et son "Monsieur Escarelle de Tourtour". Tellement humain, tellement nature… (2). Alors mes chers auditeurs, si vous plongez dans ses "60 ans au poste", vos critiques seront les bienvenues.

(À Suivre)

C'est qui (1)











(1) Je ne sais pas qui c'est, mais c'est David Christoffel, musicologue et producteur radio (Metaclassique), qui un jour me l'a envoyée… Imaginant sûrement que j'avais la radio dans le chapeau ! Bien vu !

(2) Souvenirs de cantonnier. France Culture, 22h40, Nuits magnétiques, magazine. «Monsieur Escarelle de Tourtour». Albert Escarelle a 85 ans et vit dans un tout petit village du Haut-Var, Tourtour, là où sa famille s'installa en 1450. Dernier descendant des Escarelle, Albert raconte plus d'un demi-siècle de vie de cantonnier, les dix kilomètres de route qu'il était chargé d'entretenir, et surtout deux guerres qui, à chaque fois, le laissèrent seul. Pour une heure et demie, Albert emmène les auditeurs le long de ses chemins. (in Libération, 30 novembre 1995).