samedi 5 avril 2025

Surpris par la nuit, le zèbre, le cirque, Belleville , M. Malaussène et quelques ratons-laveurs…

D'abord… D'abord, il y a cet indicatif envoûtant… Aussi envoûtante la voix d'Alain Veinstein "Surpris par………… la nuit". Et le plaisir de découvrir un programme enveloppé du silence de la nuit. Les yeux fermés, l'ouïe en alerte et le sourire au coin de l'oreille. Cette nuit (il est 4h26), Philippe Garbit nous annonce "Une véritable enquête". Sur le Nox, le Berry, le Berry-Zèbre et le Zèbre. Un seul et même établissement niché à Belleville. Ce quartier parisien qui va se transformer sous nos yeux des années 50 au milieu des années quatre-vingt dix. Et c'est une véritable enquête que vont mener, pour France Culture, Christine Delorme, productrice et Anna Szmuc, réalisatrice.

Devanture du Zèbre








Aux Archives nationales, Christine Delorme égraine des nombres, 61,62, 63. Au 63, se tient le cinéma de quartier Le Nox, Boulevard de Belleville, dans le XIè arrondissement de Paris. Christiane Leproux, ancienne gérante du Berry, sera le fil rouge de ce documentaire. Avec une verve et une sincérité touchante. Devenu le Berry, le cinéma deviendra un cirque, plutôt que toutes les affreuses choses auxquelles il a échappé. Garage, supermarché, fast-food. C'est sûr on vient de pénétrer dans la troisième d'une autre époque. L'attachement d'un quartier pour son cinéma qui lui crée son identité propre. Sa clientèle fidèle comme celle de passage. Sa patronne, Christiane Leproux, figure locale en prise avec la population attentive et intuitive pour faire coller sa programmation aux choix de ses publics.

Delorme et Szmuc, vont dérouler méthodiquement l'écheveau de cette histoire sensible autour d'un lieu fédérateur, d'un lieu social en prise avec son quartier et en dehors des clous de ces lieux qui vendent des pop-corns et autres sodas glacés. À partir de 1984, la salle mute en "Théâtre et cinéma" pour tenter de concilier la baisse de fréquentation cinématographique par la diffusion de spectacles vivants. Et Suzanne-aux-yeux-bleus (Christiane Leproux) comme l'appelle Daniel Pennac, avec sa verve féconde ne se lasse pas de refaire le film de l'épopée Bellevilloise de son cinéma-théâtre-cirque. Par exemple en 1951, quand ils ont acheté le cinéma il y avait onze salles à Belleville. Le cinéma était le divertissement populaire par excellence.

Parmi les clients, Frédéric Mitterrand, Claude Lelouch, Enrico Macias,… Le Berry était le seul cinéma qui passait des films pour enfants. C'est comme ça que Nathalie Baye est venue voir la guerre des boutons avec sa fille. Et des enfants venaient même de banlieue en car ! D'autres belles histoires évoquent ce lieu avec Jacques Higelin par exemple… Où l'on mesure l'importance d'une histoire tissée de milles histoires qui donnent une âme, une empreinte, un parfum à une adresse qui bien plus qu'un numéro deviennent un point d'ancrage dans la ville. Un repère affectif. Un coin où il fait bon exister. 

Daniel Pennac dénoncera la destruction du lieu. Le propriétaire des murs veut vendre. Le zèbre indomptable est muré en 1994. Squatté, défendu par des associations, le lieu continue d'exister en connaissant de multiples péripéties. Il sera finalement racheté en 1999 et transformé en cabaret-cirque par un ancien clown, Francis Schoeller. Le Zèbre de Belleville rouvre ses portes en 2003.

Vous le savez, il y a les bons documentaires, celui-là est très bon. Fouillé, documenté et très bien raconté. Christine Delorme est décédée le 26 février 2020 à Paris après avoir produit de nombreux documentaires pour France Culture.

Un documentaire du 17 juin 2003.

vendredi 4 avril 2025

Ce mec est dingue : old dingue !

Le dingue c'est moi. Vieux (doux) dingue même ! Vous allez voir à quel point les détails me percutent l'oreille (en coin, of course…) Tout allait bien ce mardi matin 1er avril j'écoutais un documentaire des Nuits de France Culture, il était genre 5h du mat'… Oui je sais, c'est un peu tôt ! Mais pour une écoute optimale, dans le noir (et sous la couette) je me préparais à être tout ouïe…

Agnès Gribe avec Jean Amadou pour 
L'Oreille en coin du dimanche matin










Comme j'aurais aimé raconter cette "anecdote" à Yann Paranthoën et Claude Giovannetti, les auteurs du documentaire à l'écoute. Albane Penaranda, productrice des "Nuits de France Culture" poursuit la rediffusion des œuvres du "tailleur de sons" de l'île Grande (22). Cette nuit-là c'était "On Nagra/Part 2". Je me régale d'écouter Paula Jacques (productrice à France Inter, L'Oreille en coin) et Leila Djitli (idem) dans un faux dialogue exprimant, pour la première, les vertus de l'enregistreur Uher, la seconde celles du Nagra (dont elle garde en permanence un exemplaire avec elle)…

Et puis Paranthoën et Giovannetti s'intéressent au Nagra SN que les astronautes de l'expédition lunaire auraient emporté dans le vaisseau spatial en juillet 1969. En plusieurs courtes interventions (au réel de tenter de joindre tant qu'à faire Neil Armstrong dans l'Ohio !!!!!). À la façon Paranthoën sont enregistrées toutes les étapes et leur détail avant de livrer la conversation finale avec Armstrong. À deux reprises pour joindre les États-Unis, il faut passer par le standard de Radio France, qui, à cette époque, pour mettre en attente, bascule sur le programme musical de FIP, comme une voix le précise.

Voilà bientôt la chute. Savourez le récit ! Pour le dernier appel aux U.S. et, la conversation qui en suivra avec Armstrong, le standard de Radio France, bascule à nouveau sur FIP, deux secondes de zique et une animatrice prend le micro, immédiatement je reconnais une voix. Je mets sur pause. Comment reconnaître une voix (seize mots, 6 secondes) alors que FIP n'avait pas le charme de pousser sa diffusion jusqu'en Finistère ? Ce n'était pas Kriss (qui a fait quelques vacations), pas Simone Herault (à cause de sa voix "SNCF", très reconnaissable). Je réécoute. Ça se précise. Puis une troisième fois.

Là, c'est sûr, c'est Agnès Gribe, animatrice à L'Oreille en coin, sa voix je l'ai parfaitement à l'oreille. Agnès a, elle aussi, fait des vacations à FIP. Je n'ose pas appeler Agnès (1) pour une si futile interrogation. Je réécoute une quatrième fois (je peux pas me planter, j'ai une réputation à tenir) et là, pas d'erreur, c'est bien Agnès et sa voix grave si caractéristique ! Bingo ! 

Je précise qu'on était le vendredi 14 mai 1987 et qu'il était 15h20 (2)… Voilà donc ici avouée ma dinguerie. Mon oreille affûtée aux micros-détails et le plaisir absolu de les attraper au vol. Vraiment j'aurais aimé le raconter à Yann et à Claude… Grâce à cette façon de ne pas "estomper" le contexte, cela aura permis la présence furtive d'Agnès dans "On nagra"… 

(1) J'ai toutefois vérifié auprès du chef-opérateur du son de l'époque, Guy Senaux, qu'Agnès travaillait de temps en temps pour Fip !!!
(2) C'est annoncé comme tel dans le doc, sauf qu'il n'y a pas de vendredi 14 mai, le14 c'est un jeudi et le vendredi c'est le 15 ! ;-)

Nagra SN


jeudi 3 avril 2025

Sur les docks (6) : Estuaire de Gironde…

Là, à 60 km du phare de Cordouan comme à 60 km de Bordeaux… "Sur les îles de la Gironde on se défend contre le fleuve" constate Olivier Chaumelle producteur (Charlotte Roux, réalisatrice) de ce documentaire , "Estuaire de Gironde, l'archipel abandonné", sur France Culture. "Vauban s’était fait fort de verrouiller l’Estuaire de la Gironde, grâce au système suivant : la magnifique citadelle de Blaye sur la rive droite, Fort Médoc sur la rive gauche, et Fort Pâté au centre. Vauban est allé construire un fort à sa façon sur une île vaseuse de l’estuaire, pour le cas où les Anglais tenteraient une incursion…"

"Le verrou Vauban"








Que d'eau ! Que d'îles ! "Elles sont discrètes ces îles". Cazeau, Macau, Margaux, l’Île du Nord, l’Île Verte, Fort Pâté, l’Île Nouvelle, Bouchaud et Patiras, tout au Nord. Sur l'ensemble des îles ont habité jusqu'à mille personnes. Ces îles et leurs vignobles ont résisté à la crise du phylloxera au XIXè siècle qui a décimé le vignoble bordelais, grâce à l'inondation des terres et des vignes en hiver.

Vous découvrirez l'histoire de l'instituteur Jean Paris qui se croyant affecté à terre, découvrit qu'il était nommé à l'île Verte (65 habitants, 20 élèves). Des enfants dont la plupart n'avaient jamais été à terre. Quelle histoire ! L'île Verte c'était une propriété privée représentée par le régisseur. Les ouvriers agricoles d'origine Charantaise parlaient un patois qu'on appelait "Le gabaille". L'île Verte c'est la limite entre la langue d'oc et la langue d'oil. "Et les gabailles étaient d'oil".

"La première raison de fascination [pour ces îles] c'est le rapport à l'enfance, c'est Robinson Crusoé, on est dans un rapport très mystérieux, d'entrer dans des territoires oubliés et inconnus…" À cette fascination vous découvrirez son envers avec le récit de l'instituteur et de la petite fille brûlée qui, quarante-sept ans plus tard, tire encore les larmes du maître d'école.

Rediffusion du 17 juillet 2007 

mercredi 2 avril 2025

Sur les docks (5) : quand le bâtiment va…

Ils sont donc du pays : Laurent Loubet, producteur et maçon et Christine Diger, chargée de réalisation. Pour un documentaire de cœur et de pierres : "La pierre a du cœur puisqu'elle fait des murs". Alors on est vite au… cœur du sujet. Qui travaille, comment ? Tant de manutentions, si peu d'ouvrage. Jusqu'à ce que l'amour du métier fragilise l'amour tout court…







"On avait pas la même langue mais on parlait", jolie formule pour traduire le compagnonnage sur les chantiers quand les nationalités multiples installent la barrière de la langue. Et puis l'homme ajoute "Il faut être amoureux de ça". De ça ? Tout ce qui fait le métier sur le chantier, les gestes, les techniques, les efforts, la fatigue. Il précise "Pour moi [ce dévouement] n'a pas laissé beaucoup de place à la famille, ça a fini par craquer…" Cette lucidité est intéressante car inhabituelle "sur les chantiers". On parle peu du conjoint(e), des enfants, de la vie de famille sacrifiée à cause du travail pour gagner de l'argent plus que pour gagner sa vie.

Une bonne équipe, une bonne ambiance c'est 60% de la réussite. Les différents compagnons s'expriment avec leurs parcours, leurs aspirations, leur satisfaction de faire de la belle ouvrage et d'être reconnus comme tels. L'importance de la relation au travail. De dépoussiérer de vieux savoirs-faire précieux quand il n'existe plus personne pour le faire savoir. De faire des choses belles. Donc une petite entreprise de bâtiment qui a une éthique pour bâtir comme pour donner un sens à la vie de chacun des ouvriers employés. Assez rare pour être souligné.

"Le bâtiment aide à se construire, de poser des fondations… c'est une très bonne thérapie tous ces mots qui sont liés au bâtiment…"

Rediffusion du 26 mai 2009.

Poison d'avril… à l'Assemblée Nationale !

Comme j'avais hier fini de peindre la girafe, j'ai regardé un nouvel épisode de la série  "Commission des Affaires Culturelles" de l'Assemblée Nationale qui devait passer en revue la bagatelle de neuf-cent vingt amendements de la loi "Réforme de l'audiovisuel public et souveraineté audiovisuelle". Ça donne envie, non ? Ben y'a quand même des vedettes : la Ministre de la Culture, Madame Rachida Dati, Madame Sophie Taillé-Polian (Écologistes) Monsieur Emmanuel Grégoire (Socialistes) et quelques seconds rôles de très bonne facture… Si, si regardez le générique




Alors que c'est la quatrième fois, - quatrième fois - que le texte va tenter de passer la barre des votes en Assemblée plénière, un petit caillou est venu se mettre dans la chaussure de la représentation nationale. Un "incident" - que dis-je un séisme - a imposé à la Présidente de la Commission, Madame Fatiha Keloua Hachi, avant la reprise des travaux à 21h et après 3h43 de débats, de les suspendre, sans que l'on sache à cette heure s'ils reprendront à 10h ce matin.

Un "vif échange" entre la Ministre et une administratrice de l'Assemblée nationale, sur des modalités d'introduire un nouvel amendement (de dernière minute) présentée par Madame Dati que l'administratrice jugeait irrecevable a imposé à la Présidente de la Commission de juger que  "Les conditions ne sont pas réunies à ce stade pour poursuivre sereinement l’examen de la proposition de loi".

Ambiance ! Moi qui voulais après la girafe repeindre l'âne, je serai devant le nouvel épisode de la série à 10h et, s'il y a lieu, rédigerais l'ajout nécessaire à la bonne compréhension de la chose. Mais dans un premier temps, bien qu'il y a deux jours la nouvelle lune s'imposait, on peut dire que les planètes, elles, ne sont vraiment pas alignées. La holding tourne à la holdingue et ce n'est pas la première fois…

mardi 1 avril 2025

Sur les docks (4) : Québec, voyage en Abitibi

Alors voilà, je commence l'écoute de ce documentaire et tout de suite quelque chose cloche. Alexandre Heraud, entre dans le vif du sujet, dans le train pour la région d'Abitibi (Québec), sans avoir pris la peine de nous situer l'affaire. ¿ Que pasa ? J'appelle le producteur de France Culture. Ton documentaire au Québec commence par un voyage en train ,sans nous dire d'où tu pars ? Quoi me répond-il interloqué, mais si ? Ce doc il a plusieurs épisodes ? Oui, cinq. Cinq, ma doué (mon Dieu en langage autochtone breton), je te rappelle. Je fouille dans les archives disponibles de "Sur les docks" et ne trouve rien. Tu aurais les enregistrements de tout ça ? Bien sûr, je fouille mes cartons et je te les envoie. Merci Alex…










C'est sans doute une déformation mais je ne peux écouter un doc dont on a enlevé trois épisodes précédents et le suivant. Et vous allez voir ça change tout. Regrettons juste que l'équipe de "Sur les docks" de l'époque ait pu imaginer faire écouter ce doc sans le contextualiser. C'est un long voyage qu'entamait Heraud, tintin reporter, avec Yvon Croisier (réalisateur) et Éric Gérard (opérateur de son), en mars 2008. (1) Pour ce billet nous nous contenterons de l'épisode 4 "Je m'invente une famille". Et quelle famille ! Mais ne brûlons pas les étapes.

On s'installe avec Héraud dans le train qui, pendant 14 heures, les a fait voyager de Montréal à Senneterre. Un train que Claude Villers aurait adoré (peut-être l'a-t-il déjà pris) puisque chaque voyageur peut demander l'arrêt qu'il souhaite, même en dehors des gares (61 arrêts possibles). C'est valable aussi pour ceux qui, au bord des voies, peuvent arrêter le train sur un simple geste ! Un rêve non ? Ce train pour le far-west québécois fait dire à l'un des voyageurs : "Passé le premier million d'arbres vus, votre amour d'épinettes va peut-être réduire un peu". C'est dire qu'au paysage "monotone" à supporter il va bien falloir trouver de quoi occuper le voyage. Faire raconter le trappeur qui vient juste de monter dans le train est un moment à la fois fantastique et déroutant.

On découvrira que c'est le chemin de fer qui a fait s'installer les "colons" en Abitibi, quand les amérindiens, aux "origines" devaient eux y vivre . Ce pays-là n'a jamais fait partie de la Nouvelle-France. Créer ce chemin de fer national transcontinental (de la baie de Québec à celle de Winnipeg au Manitoba) a fait de l'Abitibi une terre promise, une terre de liberté disposant d'un grand territoire agricole et de nombreuses possibilités sur le plan forestier et hydraulique (et une mine d'or dans la région du lac Fortune)… Et puis le train passe La Tuque le pays de Félix Leclerc.


 








Arrivée de nuit, l'équipe va enfin faire connaissance avec les autochtones du bout du monde et, faire rimer Abitibi avec paradis, lieu refuge chaleureux. Et ce sera la rencontre avec Graziella Ouellet, et ses enfants, tous installés au pourtour du lac La Motte, les uns auprès des autres. On voudrait y être, on y est. Émus par autant de simplicité, d'amour familial et de symbiose avec la nature. Cette épisode complète bien sûr le panorama dressé par ce grand voyage au Québec, qui a pris le temps d'écouter, de comprendre, et de faire chanter les chanteurs et particulièrement Richard Desjardins

Allez, on va croiser les doigts pour que Les Nuits de France Culture, rediffuse les cinq épisodes de ce voyage qui fait un bien fou pour un bon souffle d'humanité, comprendre l'histoire récente du Québec, celle des Québécoises et des Québécois des villes et des campagnes, celle des référendums perdus pour le projet de souveraineté, celle d'une nature exceptionnelle qui risquait d'être rasée par l'industrie forestière. Vous pouvez toujours en attendant fredonner "Lindberg" de Charlebois comme pour vous préparer à partir en Nouvelle-France et dire à votre tour "Je me souviens."

(1) 1. Je me souviens, 2. Je m'accomode, 3. Je suis un policier, 4. Je m'invente une famille, 5. Je pars en forêt boréale. Eh oui c'était un temps où "Sur les docks" s'entendait du lundi au vendredi à 16h !