lundi 8 avril 2019

Farkas… inattendu

Comme c'est souvent le cas, une femme, un homme de radio meurt (1) et la petite galaxie radiophonique (bcp mieux que les réseaux) se met en branle. On s'informe mutuellement, on se rappelle du meilleur, on reste triste et incrédule, comme si le temps des ondes pouvait s'appliquer au temps humain. Avec Jean-Pierre Farkas j'ai eu deux belles histoires dont une assez extraordinaire.
CréditsBernard Charlon / Gamma-Rapho - Getty















Dans la "Fabrique de l'histoire" (18 avril 2011), Emmanuel Laurentin, producteur à France Culture, recevait Jean-Pierre Farkas pour évoquer la guerre d'Algérie. Son témoignage est passionnant car il permet de comprendre son propre parcours journalistique, le contexte et les "événements" d'Algérie. On entend le point de vue d'un "jeune appelé" de 25 ans, ouvert aux idées d'indépendance comprenant les positions algériennes qui rejettent définitivement la domination française. Puis son témoignage de "jeune journaliste" (sur place après son service militaire, 1961-1962) qui reconnaît et regrette d'avoir "mal fait son métier". Farkas évoque aussi les "mélopées de la propagande française" et "la langue de bois" généralisée. 

Ainsi son témoignage sur les "4 jours du putch" qu'il a "vécu 24/24 dans les studios de RTL à Paris avec son rédacteur en chef Yves Courrière", en fait il "faisait du France Info avant l'heure". "Le transistor ce jour-là (13 mai 1958) a gagné en partie la guerre d'Algérie. C'est par les transistors (créés au milieu des années 50) que les appelés du contingent ont réussi à se tenir dans leur rang face aux officiers qui auraient pu être tentés de se rallier aux putchistes".  



En février 2014, je décide de rencontrer Jean-Pierre Farkas pour lui faire évoquer son passé radio et qu'il raconte quelques anecdotes sur "Radio Barricades". En mai 68 le préfet de police de Paris, Maurice Grimaud, avait nommé ainsi les radios périphériques RTL et Europe n°1 à qui il reprochait de donner trop d'infos en direct à l'antenne sur les mouvements policiers ce qui informait en temps réel les manifestants… à l'écoute. À l'occasion de notre rencontre il évoquera aussi comment en tant que rédacteur-en-chef il participera à la fermeture définitive du journal "Combat" en août 1974 !

Farkas, l'homme solide, il avait déjà plus de 80 ans, me raconta chaleureusement ses souvenirs. Quand j'évoquais comment enfant j'avais été surpris par l'annonce le 22 novembre 1963 sur Radio Luxembourg (avant 20h) de l'assassinat à Dallas (E.U.) du Président John Fitzgerald Kennedy, il me rappela que ce soir-là c'est lui qui en tant que rédacteur en chef du journal avait pris la décision de supprimer la diffusion du feuilleton quotidien "La famille Duraton", tout en cherchant à joindre désespérément son "correspondant permanent" pour pouvoir recueillir en direct le reportage de l'événement à l'antenne (2).



La deuxième rencontre est intervenue à partir d'un détail. Alors que je m'apprête pour ce blog à écrire sur le conteur Jean-Pierre Chabrol, je sollicite Gille Davidas -réalisateur-producteur à Radio France- pour savoir si je peux qualifier le Cévenol de poète. Davidas qui a travaillé avec lui à France Inter confirme et me raconte une anecdote. Le 21 octobre 1966, au Pays de Galles un accident intervient à la mine d'Aberfan où vient de se produire un glissement de terrain (3). Chabrol sur place et en service pour RTL doit intervenir dans le journal de 13h. Il réalise pour la radio, le jour même plusieurs interviews. Au moment de passer à l'antenne un problème technique empêche leur diffusion. Farkas demande alors à Chabrol de raconter au téléphone ce qu'il a vu et su. Cinq minutes passent… Chabrol est captivant. Farkas interroge son patron de la rédaction en régie qui lui indique de laisser continuer Chabrol (ra)conter. Tout ceci durera sans interruption publicitaire quarante minutes ! Énorme…

À partir de là, j'appelle Farkas, lui demande s'il peut récupérer l'enregistrement. Ce qu'il arrivera à obtenir sans difficulté auprès des archives d'RTL. Là j'imagine un dispositif. J'aimerais faire écouter la "bande son" à Farkas pour qu'il réagisse avec ses souvenirs et ce qu'il entend 51 ans après !!!! On prend RV, je propose à Davidas d'assister à l'affaire (c'était bien le moins). Et l'affaire se passe très bien…

Si je n'ai toujours pas diffusé cette ITV exceptionnelle c'est que je n'ai pas pu en réaliser le montage (c'est pas ma job ;-)). Le décès de Farkas vendredi dernier m'incite à trouver rapidement une solution. Alors, mes chers auditeurs, si l'une ou l'un d'entre vous se sent de faire ce montage-là je suis preneur. À la cinquième note de bas de page, vous trouverez une autre histoire que j'ai demandée à Davidas d'extraire de ses souvenirs du temps où Farkas directeur de France Inter (1981-1982), Gilles en était son adjoint aux programmes…


En bretelles et pipe, Farkas

















En 2011, Thomas Baumgartner dans le cadre de son émission sur France Culture, "Mythologie de poche de la radio" avait reçu Farkas pendant une heure. Bienheureux ceux qui ont eu la bonne idée de podcaster cette série de 60 émissions (4).

(1) Jean-Pierre Farkas, journaliste de presse et de radio est décédé le 5 avril (1933-2019). Il avait entre autres créé sur RTL "Le journal inattendu" en 1966,
(2) Il savait que la concurrente privée Europe n°1, était sur le coup et avait déjà pu recueillir à l'antenne le témoignage de Philippe Labro, journaliste, correspondant pour la station de la rue François 1er (Paris) qui, ce jour-là, était très proche de Dallas et avait pu s'y rendre très rapidement.

(3) Entraînant la mort de 144 personnes dont 116 enfants,
(4) "Jean-Pierre Farkas commence sa carrière à RTL au moment où cette station entre dans son âge moderne, au milieu des années 60. A l'instigation de son directeur Jean Farran, il met en place Le Journal inattendu : une personnalité devient pour un jour rédacteur/trice-en-chef de la station. Plus tard, Jean-Pierre Farkas dirige les derniers numéro du journal Combat. Puis il revient à la radio, comme directeur de France Inter, puis comme patron des locales de Radio France, au moment de l'essor de celles-ci", in notice de présentation de l'Ina,

(5) "À Noël 81, Jean-Pierre Farkas demande à Patrice Galbeau de monter la "Pastorale des Santons de Provence" d'Yvan Audouard. Dans l'histoire, à minuit, l'ange Boufaréou, interprété par Henri Tisot, dit: "Alors je suis monté dans le ciel aussi haut, aussi vite que j'ai pu, pour annoncer la bonne nouvelle au monde et j'ai soufflé dans ma trompette à m'en faire péter les veines du cou" et à ce moment-là c'est une première et une dernière jusqu'à aujourd'hui dans l'histoire de France Inter à ma connaissance, la trompette  de l'ange Boufaréou a remplacée les 4 tops. La suppression des tops ne fût pas une mince affaire... Avions-nous eu une bonne idée, la question reste posée ?"

La dernière une de Combat
30 août 1974



















La guerre d'Algérie racontée par le journaliste Jean-Pierre Farkas, qui participa à cette guerre entant que soldat, infirmier puis journaliste.



Farkas, directeur d'Inter, a proposé à Jacques Chancel, "Radioscopie" (Quotidienne, France Inter, 17h) d'être "radioscopé" par des journalistes africains (extrait et voix de Farkas),




4 commentaires:

  1. Salut Fanch. Quand on parlait de Jean Pierre Farkas avec Claude Villers il me racontait toujours cette anecdote qui l'avait sans doute traumatisé (il y a de quoi). Ils étaient tous les deux à New York l'un correspondant pour France Inter l'autre sans doute pour RTL. Ils s aperçoivent sur un trottoir d une des avenues de Manhattan. Ils avancent l'un vers l'autre ravis de se voir. Et au moment où ils s'apprêtent à se saluer... un homme tombe entre eux deux, chutant de l'immeuble qu'ils longeaient. Je n'ai je crois jamais rencontré Jean Pierre Farkas (ou en tout cas pas d'une manière exceptionnelle) mais cette vision de ces deux jeunes français qui ne savaient pas encore qu'ils deviendraient des barons de la radio sur un trottoir new yorkais ne m'a jamais lâché.

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    1. Bonjour ! Merci Claude et Jean-Pierre me l'avaient raconté aussi ! Merci ;-) Ici l'explication de ma réponse tardive ! https://radiofanch.blogspot.com/2019/09/alerte-quelque-chose-coince-dans-la.html

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  2. des langues bien pendues racontent que Gilles Davidas est en train de se remettre au montage pour se coller à cette commande prometteuse ...

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    1. Merci Alex ;-) Ici l'explication de ma réponse tardive ! https://radiofanch.blogspot.com/2019/09/alerte-quelque-chose-coince-dans-la.html

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