lundi 31 juillet 2017

Radio France vs la représentation nationale : un soap-opéra (1/4)

Ce feuilleton là, genre de soap-opéra cheap, dure depuis lurette. Sûrement depuis que les sociétés audiovisuelles publiques engagées dans un Contrat d'Objectif et de Moyens (COM), doivent rendre compte, une fois par an à l'Assemblée nationale (1) et au Sénat de leurs actions pour être en conformité avec leur Com. Pour ce qui concerne celui de Radio France signé avec un an de retard, en 2015, Mathieu Gallet, Pdg de Radio France, se présentait ce mercredi 26 juillet, devant la nouvelle commission "Affaires culturelles" issue de la nouvelle législature élue le 18 juin 2017.



J'ai tout annulé pour entendre (et voir) le Président Gallet prononcer le nom de Charline Vanhoenacker (2) avec un sourire malicieux. Voir, car les séances des commissions sont retransmises à la "télé". Non pas sur une chaîne de télévision mais sur le réseau interne de l'Assemblée nationale lui-même. J'ai surtout assisté à un "spectacle" de 2h47 qui n'en finissait pas, un matin de fin juillet, à l'abri des regards des scrutateurs médiatiques en vacances, des traqueurs de buzz et autres gazouilleurs partis gazouiller pipole à Saint-Tropez .

Pour être dans le ton "feuilleton" ce billet traitera aujourd'hui et après-demain du long monologue du Président. Jeudi des questions des députés et les réponses apportées par l'équipe qui accompagnait Mathieu Gallet. Le Pdg n'est pas un orateur, on le savait. Il ponctue chacune de ses phrases d'un nombre incalculable de "euh" qui rend la fluidité de ses propos très aléatoire. Il ne s'adresse pas aux député-e-s, il lit, monocorde, un fastidieux document papier, sans incarnation sensible et avec un détachement qui confirme qu'il dirige Radio France comme il aurait pu diriger n'importe quelle entreprise. Aujourd'hui la radio, demain ce qui pourra faire briller sa carrière à moins que le 16 novembre prochain…



La bonne pommade du Dr Gallet
Il en met une couche ! Moins lyrique que le Général de Gaulle, Gallet commence par une question de pure rhétorique "Pourquoi un service public de radio ?". Sans y répondre le Pdg égrène, béat, les résultats des audiences Médiamétrie tombés quelques jours plus tôt. Gloire à Inter au plus haut des cieux. "Un record pour notre chaîne leader [France Inter, ndlr] qui fait des envieux, tellement qu'on en débauche les talents. Nous avons atteint un très bon résultat sur les "jeunes" (35/49 ans) ce qui n'était pas arrivé depuis 14 ans"… "Très bons résultats aussi pour France Info"…. "France Bleu est l'enjeu le plus important pour nous. nous ferons un gros travail de positionnement à partir de la rentrée. Les grilles de FB n'ont pas évolué depuis 8 ans. Nous constatons une érosion [des auditeurs, ndlr] de la façon dont nous traitons de l'actualité de proximité." 

  • Traduire : Pour le Pdg et son staff, la radio c'est d'abord et presque exclusivement l'actu. Donc pour Laurent Guimier (nouveau n°2, en remplacement de Frédéric Schlesinger), la tâche de redéfinir la "radio locale" et de commencer le rapprochement - non-dit - avec France 3. On verra dans le billet de mercredi, en réponse à un député, comment le management de Radio France enfile les perles pour "annoncer" le méga chantier qu'il prépare pour France Bleu.



"Si le service public devait être résumé à un acteur, France Culture serait de ceux-là." Oups ! Quid des six autres radios du groupe Radio France ? Promises à la privatisation ? Gallet (ou son nègre) a voulu faire un mot. Superfétatoire le mot ! Et ridicule. "France Musique, chaîne du classique et du jazz" ! Voilà bien une invention à la Schlesinger (qui n'aimait pas le jazz). Qu'on me montre le cahier des charges de la chaîne qui restreindrait France Musique à ces deux genres : le classique et le jazz ! France Musique c'est ça aussi : 



Gallet rappelle son leitmotiv lors de son arrivée en mai 2014 : "Plus de musique, moins de musicologie !". Pas convaincant, preuve ses errements à avoir nommé M.P. de Surville, directrice de la chaîne (2014-2015). Le Pdg annonce l'arrivée prochaine de la plateforme dédiée aux captations vidéos des orchestres et des concerts classiques.

Mouv' : "C'est notre radio jeunes "les 13-24 ans". Pour 2017 nous devrions être à 1%, aujourd'hui nous sommes à 0,7%." Ce qui fait un très grande nombre de jeunes Françaises et Français qui n'écoutent pas Mouv'. La "danseuse" de tous les Pdg de Radio France depuis sa création en 1997 ! "Fip n'est pas une radio nationale (sic). Avec 1% national, ce petit réseau hertzien a des résultats incroyables. 75% de son audience est numérique. La vocation locale de Fip n'est pas remise en cause. Il y aura un repositionnement [jargon, ndlr] grâce aux départs en retraite naturels. Nous avons revu la façon dont l'actualité locale sera traitée, également pour la dizaine de villes qui reçoivent Fip en hertzien. Les méthodes peuvent évoluer car Fip a été créée en 1971."



  • Traduire : Schlesinger voulait "refourguer" l'info locale aux France Bleu ! Gallet use, une fois de plus, de rhétorique pour ne pas dire que les heures d'animation sur les antennes locales de Bordeaux, Nantes et Strasbourg seront diminuées, au fur et à mesure des départs en retraite.
Puis viendra le summum de la phrase-slogan, la phrase-paravent, la phrase-prétexte, la phrase pour flatter les élus et laisser pantois les auditeurs :
"Notre objectif est de remettre le public au cœur de nos préoccupations". 

Manque plus que l'"esprit", celui que l'on met à toutes les sauces, et le tour sera joué. Tarte à la crème des tartes à la crème, on verra assez vite comment, entre autres, il est absolument fait fi, de l'avis des auditeurs qui se plaignent de l'arrêt brutal des émissions "L'esprit public" (Culture), "Périphéries" (Inter), voire même "Là-bas si j'y suis" par un député nostalgique !

Prochains billets, mercredi 2 et jeudi 3 août…

(1) Audition du Président de Radio France par la commission culturelle de l'Assemblée nationale,
(2) Productrice de "Si tu écoutes j'annule tout", France Inter, lundi au vendredi, 17h, depuis la rentrée 2014,

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire