lundi 20 avril 2020

De la confiture en trois actes : la Grande Parade (I)

Il y a une dizaine de jours j'avais de quoi vous faire un joli billet… mais bon, tant qu'à faire d'être dans la confiote j'ai préféré la manger. Je rêvais éveillé. C'était un genre d'apocalypse. Avec un grand A. Version sucrerie industrielle. La guimauve dégoulinait à flot. Sortant de la bouche de la Pythie qui, tout en haut de la montagne luxuriante, n'en finissait pas d'incanter, d'incanter, d'incanter… Incantations absolument incompréhensibles pour le profane. Et pourtant c'était bien ces mêmes profanes qui s'étaient mis en tête de gravir la montagne comme d'autres avant eux avaient gravi le Golgotha… Pas moins.


















Tous les clichés les plus éculés étaient dans le cadre. Pathétiques (Besson), mielleux (Disney), pitoyables (Ruquier). Les curieux, qui avaient quitté leur maison (ronde), se pressaient pour gravir la montagne, yeux rivés sur celle qui pouvait laisser accroire qu'elle croyait aux formules à deux balles qu'elle débitait, sans le début du commencement d'une émotion. Et les fidèles (environ 15 millions) - dûment badgés Médiamétrie - avaient non seulement les yeux de Chimène (Badi), mais les oreilles en pavillons de gramophone siglés Pathé. Les plus gourmands qui, littéralement buvaient ses paroles, faisaient une pause pour bâfrer les fils de guimauves dégoulinantes d'additifs et de formules chimiques testées sur les tomates… fluo ! 

La Pythie, raide comme la justice, - entourée de ses sept apôtres (trois femmes, quatre hommes), hésitants entre l'adoration à genoux et un concert improvisé de pipeaux et autres lyres -, évoquait un coup le lapin Duracell (privé de ses piles), un autre une tragédienne aux yeux exorbités du temps du muet. Ses piou-piou d'apôtres en faisaient des tonnes pour obtenir un regard, une esquisse de sourire, une main sur la tête. Le plus abruti, couvert d'un ustensile de cuisine et agité des soubresauts d'une danse de Saint-Guy, faisait peine à voir. Quelques vieilles barbes aux yeux cernés n'en finissaient plus de danser d'un pied sur l'autre. Un faux jeune râpait (le fromage) et une crispée, au tee-shirt  "I love Jackjauni, essayait en vain de sourire.

Pour ajouter au kitch (et à l'absurde) on avait, en arrière-plan de la Pythie, installé en stuc et strass ce qui pouvait ressembler à un poste de radio fin XXème, d'où on avait fait sortir, en boucle, quelques bribes sonores où l'on croyait distinguer une foule en délire hurlant "Banco, banco, banco…" Dans le ciel d'un azur de chromo passait et repassait sans cesse un aéroplane qui tirait une longue banderole où l'on pouvait lire "Après la méthode Coué éprouvée, testez l'XXL qui donne des ailes" !

Dans cet équivalent de péplum il fallait bien un Judas… Il était là, le huitième élément, obséquieux, servile et légèrement niais. Prêt à toutes les compromissions pour revenir en grâce. Sorti par la porte, il comptait bien revenir par la… porte. La grande cette fois-ci. Ne se ménageant en rien, en bon laquais, il ne manquait jamais d'offrir à quelques puissants de passage, cirage et brosse à reluire en kit. On l'aurait bien vu dans quelques épisodes de "Plus belle la vie", figurant le ravi de la crèche prêt à tout pour enfoncer les… portes ouvertes. 

Cet Apocalypse digne de la plus grande supercherie intellectuelle et morale participait de la fin d'un monde. Un monde radiophonique que poètes et autres saltimbanques avaient sublimé, remplacés par des calculettes, des 0 et des 1 et la morgue glaciale d'un progrès qui d'un moment à l'autre pouvait vaciller. Qui d'un moment à l'autre vacillait…

La suite demain : "Sous le tapis…" (II)

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