vendredi 9 août 2013

Silence radio (à la TV)…







Pour nous et ceux qui aiment la radio, que s'annonce un documentaire qui s'intitule "Silence radio" et l'on tend immédiatement l'oreille… Sauf qu'ici c'est les yeux qu'il faut écarquiller en prenant bien soin de se pincer. La télévision qui parle de radio c'est a peu près aussi rare que les météorologues évoquant le soleil en Bretagne. France3 Picardie a co-produit un film qui tourne autour d'une radio locale, "Radio Puisaleine" (1). Et ce documentaire n'a rien moins obtenu que le Fipa d'or 2013, dans la catégorie documentaire de création (2). J'ai visionné ce film avant sa diffusion nationale (3). Plutôt que de vous donner d'abord mon avis, j'ai préféré publier ce matin l'interview de Valéry Rosier, son réalisateur.

Radio Fañch : La radio a t-elle été un prétexte pour parler des gens simples ?
Valéry Rosier : Cela tient à deux projets et à deux envies. Parler de la chanson française [Rozier est belge] et la mettre en valeur. Évoquer une radio picarde tenue par une vie associative locale forte. Avec des bénévoles acharnés parmi lesquels des personnes âgées tissent du lien social. C'est un lien des bénévoles entre eux et un lien avec les auditeurs. C'est aussi un lien avec le propre passé des gens, leur enfance et, pour cela, la musique réaliste, l'accordéon jouent un rôle très important.

R.F. : Pourquoi vous être intéressé à la radio et pas à la TV ou à l'amicale des joueurs de boules ?
V.R. : La radio est un média qui va disparaître à cause d'internet. J'ai voulu témoigner d'un média qui bientôt pourrait ne plus être là. La radio est un média intelligent quand la TV hypnôtise. La radio permet de faire autre chose en même temps et d'avoir un rapport critique et plus actif vis à vis de ce qui s'entend. Je voulais mettre en avant la magie de ce média. Un média qui permet "simplement" de faire du local avec de petits moyens, des bénévoles. On peut se former et très vite être actif.

R.F. : Vous aimez la radio, quelle est votre pratique de ce média ?
V.R. : Adolescent, la radio m'a aidé à m'endormir. Grâce à des voix rassurantes, une présence humaine et peut-être de désangoisser. Aujourd'hui je me déplace aussi beaucoup en voiture et donc j'écoute beaucoup la radio et je podcaste. Au ton formaté de la TV je préfère la liberté de ton de la radio, j'ai l'impression d'y entendre la vie. La radio est plus libre, plus humaine, plus proche de nous. J'écoute les radios locales belges, Radio 21 (aujourd'hui Pure FM, groupe public belge RTBF), Fun radio, Europe1, France Inter, Studio Bruxelles. Je cherche à écouter beaucoup de chansons françaises et fait des blind-test avec mes amis en écoutant Nostalgie. La chanson française est conviviale, elle donne toujours envie de chanter seul ou avec d'autres.


 


R.F. : Votre titre et vos images de "Silence radio" suggèrent qu'en l'absence de sa station préférée, l'auditeur ne va pas "écouter ailleurs" ?
V.R. : Au quotidien je ne crois pas que ce soit le cas, ils écoutent d'autres radios mais ils ont des rendez-vous réguliers avec "Radio Puisaleine". La radio amène de la vie et de la présence. L'absence de radio c'est un silence supplémentaire pour les personnes seules. Dans le mot même de silence il y a une évocation de la solitude. Pour certains le premier geste du matin c'est d'ouvrir la radio, le dernier de la fermer avant de s'endormir. La programmation musicale de Puisaleine ce sont des chansons que plus aucune autre radio ne passe. France Bleu avait autrefois ces types de programmes "accordéon et chansons anciennes", mais ça n'existe plus. Les auditeurs ont une relation amicale et même familiale avec leur radio. Ils appellent souvent aussi bien pour dire leur mécontentement que leur satisfaction. Certains animateurs sont des stars reconnues dans les lieux de la vie quotidienne locale.

R.F. : L'auditoire semble très ciblé, cela a t-il été votre choix de mettre en avant les célibataires, veufs et autre âmes seules ?
V.R. : Oui c'est un choix, j'ai dû cibler mais ça c'est presque fait tout seul. J'ai d'abord animé des émissions de radio sur Puisaleine pour trouver mes protagonistes. Je demandais aux auditeurs de raconter des souvenirs que leur suggérait une chanson. Je les ai ensuite rappelés. Les gens seuls sont venus à moi.
 
R.F. : Quels retours avez-vous eus de la population et/ou des auditeurs de radio Puisaleine ?
V.R. : Nous avons présenté le film en mars et l'accueil a été enthousiaste. Il y avait une vraie fierté à être reconnu pour la mise en valeur du travail des animateurs comme la mise en valeur des auditeurs. Ce film a demandé trois ans de travail avec les auditeurs. C'était une écriture conjointe de leur propre vie, une mise à nu et en même temps une grande confiance vis-à-vis de ma démarche. Je me devais d'avoir une grande sincérité vis-à-vis des protagonistes comme des spectateurs. Pour les scènes cocasses, burlesques ou rigolotes les protagonistes savaient que ça ferait partie du montage final. Il était très important pour moi qu'ils soient sûrs de cette sincérité. Voyez cette dame, Annie, qui en écoutant "Les roses blanches" évoque la perte de son fils, j'avais envie de mettre en valeur son énergie. Elle a 75 ans, "une peau du sud" (par contraste avec le nord de la France). Sa sincérité à se faire voir, et la mienne à la filmer ont fonctionné.

R.F. : Vous n'auriez pas trouvé en Belgique le même type de radio locale ?
V.R. : Si, il y en a. Mais mon père habitant dans la région de diffusion de Radio Puisaleine, je l'écoute depuis longtemps.

R.F. : Avec le Fipa d'or vous avez obtenu une très belle récompense. C'est important d'être reconnu par ses pairs ?
V.R. : Bien sûr, mais pourtant à l'origine c'était pas gagné. Il a fallu convaincre, car se présenter avec comme sujet "Des histoires très tristes avec des personnes âgées qui vivent à la campagne et qui écoutent d'anciennes chansons" ça ne fait sauter personne au plafond.

Merci à Valéry Rosier d'avoir un moment interrompu ses vacances au soleil pour, au téléphone, répondre à mes questions.

Ici demain matin, 9h, mon avis sur ce documentaire… 

(1) À Carlepont dans l'Oise,
(2) Ainsi que le prix Télérama du documentaire étranger,
(3) France 3, samedi 10 août à 0h00 (lire nuit de vendredi à samedi). Une coproduction Perspective Films, Need Productions et France 3 Picardie.
 

4 commentaires:

  1. "la radio est un média qui va disparaitre à cause d'internet" dit-il. Il oublie qu'elle a déjà disparu avec l'arrivée du cinéma, de la télévision, du lecteur mp3. Il oublie aussi que les grandes radios périphériques ont fermé avec l'arrivée de la FM... LA RADIO EST IMMORTELLE !

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  2. Merci à l'auteur de "La radio est immortelle " de bien vouloir signer !

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  3. "la radio est immortelle" c'est signé Livo.

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  4. L'enregistrement est d'ores et déjà programmé... merci Fañch.
    Ah au fait, j'allais oublier. La radio ne disparaîtra jamais. L'internet et les mp3 n'ont pas eu la peau du cd et en plus le vynil repointe son nez de façon bien plus que seulement anecdotique. On répare et remet en vente de grosses machines analogiques, magnétos, amplis, platines à disques et à cassettes et vous savez quoi ? Elles possèdent une prise USB ! Parlons simple: les gens aiment la radio, elle subira forcément une forme d'évolution pas toujours de notre goût mais c'est à nous auditeurs d'exiger ce qu'on veut entendre. Bien sûr qu'elle sera interractive mais après tout il était logique qu'elle se marie avec le numérique puisque dès les années vingt (je dis bien les années vingt) le téléphone faisait irruption dans des programmes c'est à dire en fait presque dans les débuts de la radiodiffusion. A nous de prendre le tournant tout en imposant notre vision chaque fois que c'est possible. Et plus que jamais nous avons les moyens de nous exprimer, rien n'est perdu, le fait même que des blogs comme celui-ci existent prouve qu'il y a une immense attente, une incontournable demande de radio.

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