mardi 29 mai 2018

29 mai 1968 : De Gaulle "disparu", Pierre Mendès-France prend la parole…

Alors que l'étau se resserre sur le gouvernement et son pouvoir, le 29 mai 1968, le Général de Gaulle " disparaît " subitement, ce qui semble donner raison à ceux qui annoncent depuis plusieurs jours la chute du pouvoir gaullien et gaulliste. Pierre Mendès France (Président du Conseil 1954-1955) fait cette déclaration qui répond à la conférence de presse de François Mitterrand de la veille.

Pierre-Mendes France (1907-1982)

















"La journée nous a apporté toute une série de nouvelles ou d'incertitudes. Nous ne savons plus très bien aujourd'hui où en est le régime. Nous ne connaissons pas ses intentions, ses décisions. Nous ne savons pas encore s'il y a un gouvernement, si, à brève échéance, le régime tout entier n'aura pas reconnu son échec et s'il en aura retenu des conclusions.

Dans ces conditions, la longue conversation de travail que j'ai eue avec les dirigeants de la Fédération devait tenir compte de toutes ces incertitudes, et nous avons donc exploré les différentes hypothèses, les différentes situations politiques dans lesquelles nous pouvons nous trouver et chercher quelles pouvaient être nos décisions face à ces différentes hypothèses. Nous avons constaté sans surprise que, quels que soient les événements qui se produiront au cours des prochaines heures ou des prochains jours, en définitive notre réponse en toute hypothèse conduit toujours à la revendication de la constitution d'un gouvernement de transition que M. François Mitterrand dans sa déclaration d'hier a appelé un gouvernement provisoire. Nous avons constaté que c'était une solution que l'opposition de gauche devait mettre en avant et que c'était une solution applicable à toutes les hypothèses qui pourraient se produire au cours des prochains jours.

Nous avons tous compris que le gouvernement de transition à constituer demain devra ménager, à travers les décombres institutionnels, politiques, universitaires, sociaux, économiques, un travail efficace pour garantir les chances des nécessaires réformes dont nous ressentons tous le besoin.Quand nous parlons de gouvernement de transition, il est important que nous soyons tous bien d'accord sur ce que devra faire ce gouvernement pour éviter que la crise présente ne se prolonge au détriment du pays tout entier et c'est là-dessus que nous avons travaillé très sérieusement en allant au fond de tous les problèmes et de tous les obstacles à surmonter. C'est là-dessus que nous avons travaillé avec les représentants de la Fédération.


© Serge Hambourg, PMF en 1967
















Il est évident qu'un tel gouvernement n'aurait aucun sens s'il ne méritait et n'obtenait pas la confiance de tous les hommes, de toutes les forces, qui, au cours des dernières semaines, ont manifesté leur opposition au régime actuel et leur volonté de reconstruction du pays. Les forces vives des usines et des universités ont fait éclater au grand jour à quel point la politique suivie par le gouvernement encore en place était contraire aux aspirations et aux besoins du pays. Elles doivent toutes être réunies demain pour reconstruire, et elles doivent le faire, comme l'a dit M. Mitterrand, sans exclusive et sans dosage. Tout ce qui divise, tout ce qui oppose les forces du mouvement et du progrès les unes aux autres est blâmable et néfaste pour l'avenir.

Mais le problème essentiel n'est pas celui des hommes. Ce qui compte aujourd'hui, c'est un accord complet, précis, sur ce que fera, le jour venu, le gouvernement de transition. Ce ne sera pas un gouvernement neutre, mais un gouvernement du mouvement, il aura à préparer la suite, la mise sur pied d'un nouveau régime de vie, l'acheminement rapide vers une société plus juste, socialiste. Je peux dire tout de même que j'ai été touché que M. Mitterrand mette mon nom en avant dans sa déclaration d'hier. Mon concours a toujours été, et serait toujours acquis, aux hommes de gauche pour la réalisation des convictions que j'ai défendues inlassablement. Je ne refuserais donc pas les responsabilités qui pourraient m'être confiées par la gauche tout entière réunie.

Mais dans l'intervalle, par la force des choses, il aura à faire face à un problème aigu qui se pose aujourd'hui et il aura à prendre des mesures immédiates. C'est de cela aussi que nous avons parlé et c'est là-dessus que nous continuerons à le faire pour réaliser un accord précis et complet. Je le crois indispensable pour la probité même et pour les chances de succès du gouvernement de transition dont il s'agit. Je crois que nous ne nous dissimulons pas les difficultés. Nous faisons le genre d'effort qu'attendent de nous les grévistes dans les usines, les jeunes partout à travers le pays et les chômeurs." (Source L'internaute)


Vous pouvez retrouver ici et là mes deux longues séries hebdomadaires sur mai 68 démarrées en septembre 2017 avec le partenariat de l'Institut National de l'Audiovisuel.

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