lundi 20 février 2023

Peur sur la chaîne… (France Culture) !

Des fois, au risque de me répéter, je regrette le temps où, tel l'auditeur lambda, j'écoutais la radio, où je me réjouissais ou, quelque fois navré, je finissais par tourner le bouton. Ma relation d'écriture depuis douze ans avec ce média m'impose de ne pas laisser passer le désastre insidieux qui envahit toutes les chaînes de Radio France, définitivement désespérés la Régie (Billancourt), le personnel de cette société (1) et les auditeurs (ou de nombreux auditeurs) amateurs de la "belle ouvrage". Libération dans un article, vendredi dernier (2) rend compte de l'enquête qui a permis l'écoute de 174 personnes dont les résultats sont, a minima édifiants, a maxima révoltants.

Y'a le feu ! 31 octobre 2014. Maison de la radio.


Et dans ce maelström, Libé révèle que Madame Treiner est toujours salariée de Radio France. On se pince. La dignité ne fait pas partie de la…culture de l'ex-directrice. Quant au personnel, il a pu, en quatre sessions identiques de présentation, prendre connaissance des résultats de l'enquête. Le feuilleton de Jean Yanne, en 1977, sur France Inter "L'apocalypse est pour demain" (3) se titrerait "L'Apocalypse, ici et maintenant (à France Culture)".

Quelques citations du rapport d'enquête reprises par Libé :
- À la fin, «80 % des personnes interrogées n’ont plus confiance dans la directrice et une partie de la direction», estime le cabinet Alcens. Et dans les mêmes proportions reconnaissent «éprouver un sentiment de peur» ou «de résignation» à France Culture. 

- Les enquêteurs ont aussi relevé que 31 des 146 personnes interrogées encore en poste à France Culture manifestent des troubles psychosociaux (troubles du sommeil, troubles anxieux, physiologiques, troubles de l’alimentation). Plusieurs salariés ou ex-salariés de la chaîne attribuent également leur prise d’anxiolytiques et d’antidépresseurs aux problématiques liées à leur travail.

- La direction de Radio France, elle, a «écouté mais n’a pas entendu», selon le cabinet Alcens.

Au risque de ne rien comprendre au droit du travail, la Présidence ne pourra s'exonérer de ne pas avoir pris les dispositions nécessaires et légales face à la situation qui, en interne, s'envenimait à bas bruit.

Et dans un article de Télérama (4) 
- C’est un management par la peur qui a fini par faire système », a résumé le consultant, précisant avoir rarement vu une telle situation, où plus de « 80 % des salariés reconnaissent éprouver un sentiment de peur », et où l’écrasante majorité d’entre eux « n’aurait pas ou plus confiance dans la direction ». 

- Les chiffres égrenés devant les employés surprennent : 31 d’entre eux ont affirmé souffrir de « troubles physiologiques », « de troubles du sommeil », « de burn out »…

Help !


Quant à l'Arcom…
Que doit-il se passer de plus grave à Radio France pour que l'autorité de régulation lève le petit doigt ? Une échauffourée sur C8 mettant en cause un animateur à l'encontre d'un élu de la République et la chaîne de TV écope d'une amende de 3,5 millions d'euros. À la TV c'est grave, à la radio ça passe crème. No comprendo !

Rappelons qu'à l'audition de la Présidente de Radio France sur l'exécution du COM (Contrat d'Objectif et de Moyens), le 7 octobre 2022, l'Arcom avait juste signalé quelques avis "négatifs" (5). Et qu'en décembre de la même année, elle reconduisait Sibyle Veil au poste de Présidente, à compter d'avril 2023, pour une période cinq ans. Dans la partie publique de l'audition, le 19 décembre, aucune question des sages concernant France Culture. Et, quand bien même dans sa partie à huis-clos la très grave situation managériale aurait été évoquée, l'usager, l'auditeur d'un service public, comme les tutelles sont laissés dans une ignorance intolérable. Ce "deux poids, deux mesures" entre TV et radio, relativise gravement l'impartialité de l'Autorité de régulation et interroge sur sa fonction de vigilance quand des dysfonctionnements perturbent le personnel dans ses pratiques de travail allant jusqu'à affecter sa santé, morale et physique.

Bien plus que nommer un remplaçant-e à la Directrice de France Culture, il va s'agir de revoir de fond en comble le management, l'éditorial, la production (et pas seulement juste aux desiderata du Directeur du Numérique et de la Production, Laurent Frisch) et réinstaller un climat de confiance absolu pour que chacun puisse participer à la création radiophonique sans l'épée de Damoclès de la tyrannie managériale.

(1) Les médias s'appliquent à dire le Groupe alors que Radio France est une Société Anonyme détenue par l'État français (depuis le 6 janvier 1975),
(2) "Mauvaises ondes. A France Culture, un rapport accablant contre le management de Sandrine Treiner", Adrien Franque, Libération, 17 février 2023,

(3) 65 épisodes disponibles sur madelen (abonnés),
(4) "France Culture : une enquête interne accablante pour la direction", Laurence Le Saux,

François Rousseaux, avec Elise Racque et Lucas Armati, Télérama, 16 mars 2023,


(5) Totalement sourde à l'article de Libération (21 sept 2022), qui entraînera la décision de confier une enquête à un cabinet d'audit externe,

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