jeudi 6 juin 2024

ORTF : 74 année cata…strophique ! 9/10

Moins de trois mois avant la fin de l’Office, le personnel de l’ORTF négocie pour savoir à quelle sauce il va être mangé et dans quelle société il va pouvoir poursuivre son métier ? Combien d’années faudra-t-il à France Médias pour ré-harmoniser statuts, savoirs-faire et spécialités ? Faire et défaire, ce sont des milliers d’heures en jeu avec des coûts phénoménaux que le pouvoir se refuse à chiffrer.

Photo © Michel ARTAULT
Gamma-Rapho
via Getty Images























Novembre

(Les chiffres en début de paragraphe correspondent à leur date de publication dans Le Monde)


30. “Tandis que le programme minimum est appliqué après l'intervention des forces de l'ordre, le fossé s'élargit entre la présidence de l'ORTF et les syndicats. Les nouvelles sociétés, qui se débattent dès maintenant dans les problèmes budgétaires, s'apprêtent à recueillir un personnel usé par les grèves, désenchanté par le mépris dans lequel on l'a tenu depuis le vote de la loi. Ces dernières semaines de l'Office sont marquées de nombreux soubresauts. Mais, face à une présidence murée dans son silence, les syndicats semblent parfois divisés. Ils cherchent encore une tactique susceptible de répliquer à la politique gouvernementale, une politique dont l'ORTF ressent les conséquences de façon dramatique... Lourde hypothèque pour les nouvelles sociétés, qui hériteront de l'Office défunt plus de blessures que de raisons d’espérer.”


Cela ressemble à “Pendant les travaux, le magasin reste ouvert”. Ce bouleversement absolu de transformation a de quoi mettre les professionnels K.O. et de les impliquer dans un changement de société (c’est le cas de le dire) dont ils sont loin de maîtriser les codes, les enjeux et la pérennité. Il en ira de même pour France Médias si la holding puis la fusion sont actées par la loi. La radio et son personnel a de quoi s’inquiéter pour sa reconnaissance et sa visibilité face à la télévision qui, grâce à l’image, a pu imposer sa domination auprès du public.























Décembre

(Les chiffres en début de paragraphe correspondent à leur date de publication dans Le Monde)


5. “Les femmes journalistes n'ont pas de chance. Elles n'étaient que quatre-vingt-seize à travailler pour l'ORTF (sur mille quatre-vingts statutaires) ; quarante d'entre elles sont menacées de licenciement : elles ont décidé d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur une preuve aussi flagrante de misogynie. Les journalistes en grève ont donc résolu en assemblée générale de faire une démarche auprès de Mme Françoise Giroud, secrétaire d'État à la condition féminine, pour protester contre cet aspect de la répartition dans les nouvelles sociétés.”


Si c’est juste pour les femmes journalistes dont il faudra attendre encore longtemps pour qu’elles présentent un journal, c’est un peu moins le cas d’animatrices d’émissions à Fip et à France Inter, de productrices à France Culture.


14. “France-Culture va perdre la moitié de ses auditeurs. C'est une conséquence imprévue de la réorganisation de la radiotélévision. Et déjà, Radio-France connaît ses premières incertitudes : "Tout le monde s'alarme des difficultés budgétaires des sociétés de télévision, alors que la situation de la radio n'est pas meilleure, loin de là." La part de la redevance qui revient à la société est très éloignée de ce qu'attendaient ses responsables. En effet les frais fixes sont très élevés : Radio-France a deux mille deux cent quinze employés à sa charge, des moyens techniques, et l'immeuble de la Maison de la radio... Le seul poste compressible est celui de la production, conclusion d'une certaine ironie, quand on se souvient que la "philosophie" de la réforme se réclamait de la qualité des programmes.


Oups ! Il y avait une philosophie de la réforme (1974), tiens donc ? Personne n’a osé en 2024 associé le mot philosophie à celui de la holding et de la fusion des audiovisuels publics. Car jusqu’à preuve du contraire, les mots “renforcer”, “ensemble”, “plus forts” sont des mots passe-partout, des rengaines faciles qui sont loin de porter une philosophie. La seule “philosophie” du Gouvernement et des tutelles c’est “moins de masse salariale” (que vont devenir les armées mexicaines de cadres à Radio France et France Télévisions ?) et, comme en 1974, “Le seul poste compressible [sera] celui de la production.” Cette évidence échappe absolument à la représentation nationale qui, par sa loi, aura cassé la diversité des voix, des angles et des créations audio et visuelles.


(Suite et fin, demain)

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