lundi 23 janvier 2012

Où vers la nuit…

nous pourrions nous plonger… (1)

Les deux héros (sic)
L'affaire n'est pas si simple ! Le 29 août 2011, Alexandre Heraud - "transfuge" de France Culture - rejoignait le Capitaine Lebrun sur France Inter (2), pour créer et co-animer avec Tania de Montaigne une nouvelle émission (3)… La presse radio (4) s'empressait d'écrire sur le sujet des banalités, des poncifs et autres caricatures qui ont dû beaucoup chagriner José Artur qui après 40 ans de Pop Club se demandait comment on pouvait comparer avec une émission qui avait tout juste quatre semaines. La question récurrente est toujours la même : les journalistes qui parlent de radio l'écoutent-ils en dehors des émissions qu'ils chroniquent ?

Pour écrire ce billet j'ai du commencer par "oublier" que j'avais très longtemps écouté Alexandre Heraud à Cuba ou sous d'autres tropiques, au Vif du sujet et sur les Docks (5). Heraud a fait un tour de chauffe sur Inter l'été dernier avec ses Ultramarine où il était tout à fait à son affaire. J'ai écouté la première d' "Ouvert la nuit" et quelques suivantes pour "rentrer dans l'émission" et essayer de comprendre les enchaînements. J'étais dubitatif, c'est le moins qu'on puisse dire. J'entendais un fouillis sympathique mais un fouillis quand même. J'ai laissé décanter, pris quelques chemins de traverse et y suis revenu en début d'année.


Déroulement : l'émission démarre dans un léger brouhaha qu'on pourrait appeler "ambiance de bar", Tania présente le sommaire de l'émission, chroniqueuses et chroniqueurs font dire quelques mots à leurs invités… On reste un peu perplexe ! Sûrement trop habitués à entendre d'abord un générique on pourrait croire que l'émission a démarré avant le "flash" de 21h. Il n'en est rien. Cette idée originale qui bouscule un peu les rites on la doit à Jerôme Chelius, le réalisateur, qui a d'abord voulu installer l'ambiance et envoyer ensuite l'indicatif. Pourquoi pas ? Pendant que celui-ci démarre Tania et Alexandre entrent en studio pour recevoir leurs premiers invités. S'ensuivra une heure assez tonique, avec de nombreux sujets, quelques pauses musicales et un conducteur très serré (6). Pas beaucoup le temps pour l'auditeur de souffler entre les sujets et de prendre un peu de recul ! Cela tient au rythme bien sûr qui nécessite d'être très concentré. Si on fait autre chose en même temps on perd le fil.

Le début de la deuxième heure (7) reste tonique jusqu'à ce qu'Alexandre Heraud quitte le studio pour accueillir son invité sur canapé et installe (enfin) un autre tempo. À la réflexion je me suis demandé si le réalisateur n'avait pas voulu, pour réaliser cette émission, proposer un plateau de télévision (Ce soir ou jamais) ? Invités multiples, superposition de la parole, joutes verbales. Particulièrement parce que si on n'y prête pas une attention soutenue les voix des chroniqueurs se "confondent" avec celles des invités. À la différence de la télévision on ne dispose d'aucun repère visuel et la multiplicité des intervenants n'aide pas à un repère auditif immédiat. Peut-être conviendrait-il de redire plus souvent qui prend la parole ?

Ce n'est pas la première fois qu'une "bande" se retrouve autour de plusieurs micros à la radio. L'exercice voudrait qu'on n'oublie pas l'auditeur à qui il faut savoir redire qui s'exprime. Cela peut être fastidieux pour l'animateur mais très utile pour celui qui écoute. Quant aux chroniqueurs ils doivent aussi redire le nom de leurs invités, particulièrement quand ceux-ci prennent à nouveau la parole après un long temps où ils ne se sont pas exprimés. Le choix éditorial de proposer des intervenants multiples implique une rigueur d'animation qui peut difficilement trouver sa place si l'on souhaite une ambiance débridée. Dans son Pop Club aussi très débridé, José Artur était le seul intervieweur, c'était beaucoup plus facile.


Venons-en au canapé ! Heraud n'est jamais aussi à l'aise que lorsqu'il est dans l'intime d'une conversation duelle. Il valorise son invité, le laisse parler, le taquine et en lisant des extraits de son livre rend apaisante la fin de l'émission. On est entré dans la nuit et on s'en rend compte enfin ! Pour l'heure et demie qui a précédé, à la différence d'un Ruquier-batteleur, Heraud ne prend jamais une posture de chef de bande. Il laisse Tania et les chroniqueurs s'intercaler sans s'imposer. Ce principe "ouvert" nécessite des mois de "rodage" et implique des complicités exceptionnelles. Celles-ci s'installeront-elles ? Laissera t-on suffisamment de temps à l'émission pour trouver ses marques (de fabrique) ? N'y aurait-il pas lieu de diminuer le nombre de sujets et surtout le nombre d'intervenants à parler ensemble ?

Autant de questions qui, quand les réponses seront connues, permettront peut-être d'installer un grand rendez-vous du soir sur la longue durée.

"Vous dire" (8) :  Réaliser une quotidienne de deux heures, cinq jours consécutifs est un travail de titan. Le mental est totalement bloqué sur un seul "sujet". Il faut chaque jour se renouveler (et dormir un peu la nuit), se donner le temps de se regarder pédaler… et accepter de remettre sur le métier ce qu'on croyait être un bel ordonnancement.
(à suivre des deux oreilles, on en reparle dans un mois)

(1) Les nuits sont longues en hiver, ce billet l'est aussi,
(2) Ex France Culture, qui lui anime depuis février 2011 "La marche de l'histoire", du lundi au vendredi, 13h30,
(3) Ouvert la nuit, de 21h à 23 heures du lundi au vendredi,
(4) Laquelle ?
(5) et même accompagné sa petite équipe (Olivier Beurotte/son, Yvon Croizier/réalisateur) sur l'île Molène en Finistère au début des années 2000, pour un Vif du Sujet,

(6) le réalisateur ne doit pas chômer, un œil sur la console son, un oeil sur le studio, une oreille sur le retour, une oreille pour ses co-équipiers au son, et le troisième œil pour les multiples écrans qui complètent les équipements son. Quant à la troisième oreille on ne sait pas où elle se cache. Un vrai chef d'orchestre qui "supporte" les solistes qui en oublient quelquefois de suivre leur conducteur…

(7) Après un flash d'info très court, 
(8) Formule de Laurence Bloch qui concluait ainsi ses émissions de France Culture, aujourd'hui directrice des programmes d'Inter.

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