mardi 3 janvier 2012

Pivot à la radio… (2)

Dans mon billet du 17 décembre j'évoquais Bernard Pivot chroniqueur à la radio. Énigme ! J'ai voulu en savoir plus, j'ai cherché, j'ai trouvé. C'est Maurice Siegel, patron d'Europe N°1, de sa création jusqu'au milieu des années 70, qui m'en a donné la clef :

" Tous les matins, Bernard Pivot donnait un papier humoristique sur l'antenne d'Europe N°1. Comme ses prédécesseurs, Pompidou avait organisé un arbre de Noël à l'intention des enfants des écoles ; on distribuait des cadeaux et on offrait un spectacle de clowns et un goûter aux gosses. Le lendemain du jour de Noël 1971, Pivot fait sa chronique sur cette petite fête. À peine arrivé au bureau, Christiane, ma secrétaire, me signale que Denis Baudoin, le porte-parole de l'Élysée, m'a demandé de le rappeler d'urgence.
- Mon vieux, me dit-il, le président est furieux… Furieux comme je ne l'ai jamais vu ! Le papier de Pivot l'a mis hors de lui. Il veut que tu prennes immédiatement des sanctions.
Je proteste. Il n'en est pas question. D'abord, je veux lire le papier qui ne m'a nullement choqué à l'écoute. Je verrai ensuite ce qu'il me faudra braver pour calmer l'ire présidentielle. Je raccroche et convoque immédiatement Gorini et Leroy (1). Nous nous penchons sur le texte incriminé. Pivot, sur le ton le plus plaisant, reprochait au président de ne pas s'être déguisé en Père Noël pour distribuer les jouets aux enfants. Avec Gorini et Leroy nous nous regardons : il n'y avait pas de quoi fouetter un chat. La fin, peut-être, a blessé le président ?
" Au fond, disait Pivot, ce que je me permets de reprocher au président, c'est de ne pas avoir trouvé son style de Père Noël. Ou alors, c'est que lui-même ne croit plus au Père Noël. Un an après la mort du général de Gaulle, ce ne serait pas gentil…"
Nous retournons les deux phrases en tous sens. La dernière n'est pas très aimable à l'égard de Pompidou, mais elle l'est à l'égard du Général, son père spirituel. À la fin [de l'après-midi], Pompidou avait coupé court d'un geste familier de la main :
- Et puis on dit que Siegel a suffisamment d'autorité dans sa Maison. Qu'il règle donc le problème…
J'ai réglé le problème. Comme il fallait bien faire quelque chose, j'ai demandé à Bernard Pivot d'éviter de parler de Pompidou pendant un moment, le temps de se faire oublier. tant d'irritabilité pour un incident aussi mineur nous a surpris. Par la suite, nous avons compris que la maladie [du Président] était sûrement à l'origine de cette mauvaise humeur." (2)
 
Toute ressemblance…

(1) Deux responsables de la rédaction d'Europe n°1,
(2) Maurice Siegel, 40 ans ça suffit ! Dans les coulisses d'Europe 1, Plon, 1974.

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