dimanche 18 mars 2012

Chancel inattendu…

Laurentin et Chancel. Photos : Sébastien Durand


Décembre. Rappelle-toi Chancel il ne pleuvait pas sans cesse sur Brest ce jour-là ! Le festival Longueur d'Ondes (1) qui aime les rencontres et les croisements a proposé à Emmanuel Laurentin (2) d'interviewer l'intervieweur aux six mille huit cent vingt-six Radioscopies. Je devais y être ! J'étais à deux cent mètres. Je venais d'écouter l'infatigable homme de médias à la Librairie Dialogues. Je savais que ce ne serait pas pareil mais je n'y suis pas allé. En me le reprochant bien sûr. Aucune excuse. Acte manqué.

J'attendais avec impatience que l'Ouvroir de Finistérités Potentielles (Oufipo) publie le son de cette rencontre au Quartz le vendredi 2 décembre. C'est fait déjà depuis un moment mais la lettre qui en parlait n'est jamais arrivée jusque dans ma boîte… Avant de vous plonger dans l'écoute de ce moment d'anthologie vous aurez sûrement envie de regarder ce que recèle cet ouvroir aux multiples trésors. 

En écoutant le son de cette interview, j'imagine bien Emmanuel Laurentin, stimulé et dopé par la rencontre du bonhomme de Bigorre. L'homme qu'a vu l'homme qu'a vu Chancel ! Emmanuel heureux de lâcher un moment l'Histoire pour en faire raconter quelques-unes au journaliste pour qui tout commença en Indochine… Tel un sprinter du Tour de France, Chancel démarre tête baissée aux premières questions d'un Laurentin qui va mener la danse. Et quelle danse ! À la question " Est-ce que vous avez reçu ce don à la naissance ?" on sent l'empreinte du Radioscopeur. Chancel n'y voit aucune malice et se délecte de sa réponse. Il enfile les perles et Laurentin se lisse la moustache (qu'il n'a pas !). Les deux compères sont en affaire. Qui est dupe ? On ne sait pas. Le public est aux anges comme il l'avait été avec José Artur interviewé par Thomas Baumgartner (3) quelques années plus tôt. 

"Est-ce que vous trouvez que les choses sont venues naturellement à vous ?", là c'est du Chancelisme ou du Chanceleur pur jus, où alors on n'a jamais écouté à 17h sur Inter les fragments de la comédie humaine des années 60 finissantes (4) aux 90 de la fin du siècle. Laurentin, en un peu plus d'une heure a tressé un florilège des questions que Chancel avait lui même posées à ses milliers d'invités. En prenant bien soin de ne jamais poser la question fétiche "Et Dieu dans tout ça ?" que Chancel se défend bien sûr de n'avoir jamais posée. Quel bon moment de festival. Savoureux et sincère. Quel bon moment de radio ça ferait ! Merci à Longueur d'Ondes d'inventer de si belles rencontres et aux femmes et hommes de radio de "jouer" le jeu de la mémoire vivante. J'attends quelques jours et profite d'une nuit d'insomnie pour réécouter le "ténor".

(1) 9ème festival, du 1er au 4 décembre 2011. Exceptionnellement le prochain aura lieu en février 2013,
(2) producteur à France Culture, La fabrique de l'Histoire, du lundi au vendredi, 9h,
(3) Mythologie de poche de la radio, décembre 2009,
(4) 5 octobre 1968, premier invité Roger Vadim (un de ses amis), pour ne pas trop plonger dans l'inconnu.

5 commentaires:

  1. Grâce en partie à vous (vous m'avez communiquez une précieuse adresse de club) j'ai réécouté un grand nombre de Radioscopie (j'ai assisté "de l'autre coté de la vitre" à l'une d'entre elles, celle du peintre Edouard Mac Avoy... Et bien sûr comme une foule de gens, j'ai plus ou moins écouté cette émission. J'ai en outre assisté à un Grand Echiquier. Déjà alors je ne comprenais pas l'aura dont était entouré Chancel que je trouve un piètre interviewer, Laurentin est d'une autre qualité tout simplement parce qu'il a un degré de culture bien supérieur à Chancel. A réentendre les interviews des écrivains il est patent qu'il a très rarement lu les livre de ces derniers ou alors seulement celui qui vient de sortir, comme dans la radioscopie de Pierre Boulle. Ce qui l'oblige à se cantonner dans des questions générales assez oiseuses. Je pense que Chancel est le type même de la fausse valeur que la radio et la télévision a pu promouvoir (vous me direz qu'il y a bien pire). Mais cette prosternation devant Chancel m'agace alors que de grands professionnels comme Jean Lebrun, Roger Dadoun, Pierre Descargue, Roger Vrigny sont ignorés pour certains. La nostalgie n'est pas toujours bonne conseillère (mais votre blog d'une totale originalité est indispensable).

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    1. Merci de votre prompte contribution. Pendant longtemps j'ai écouté les réponses aux questions de Chancel, pas ses questions. Il faut réécouter la Radioscopie avec Ferré, il est pas à la noce l'intervieweur ! Mon billet concerne surtout le "show" au Quartz de Brest. Réécouter les Radioscopies ce n'est pas pour moi de la nostalg', c'est un angle de retour sur l'histoire récente. Reiser par exemple, là Chancel m'a agréablement surpris !

      Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une prosternation mais bien plutôt d'un hommage décalé. Un clin d'œeil original grâce à la "patte" de Laurentin.

      À la liste des producteurs que vous citez il faut ajouter les productrices Ladoues (G), Kriss, David (K), Jacques (P). Et encore Gérard Sire et quelques autres comme Mermet jusqu'en 1989…

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    2. Qu'importe le temps écoulé depuis qu'ils ont été écrits, les mots existent à l'instant où on les lit -magie du livre- et cela seul compte. C'est un peu comme la radio qu'on a la chance de faire revivre grâce aux différents systèmes d'enregistrement -magie du son. Pour en revenir à vos mots -car c'est d'eux dont il est question- je les trouve bien sévères pour notre ami Chancel, lequel, à ma connaissance ne s'est jamais présenté comme un puits de savoir mais comme un homme qui lit -car il lit- et qui sait écouter. Vous lui concèderez bien qu'il a toujours eu ce talent d'orienter l'auditeur avant tout vers les réponses de ses invités au lieu de se gargariser de ses propres mots, coupant la parole comme c'est la mode aujourd’hui chez beaucoup de "stars" du micro qui ne doivent généralement leur notoriété qu'à leur grande gueule, leur cabotinage et leur sens de la posture -laquelle se retrouve sur les affiches publicitaires de leurs chaînes, voire leur omni-présence sur les antennes de télé ! Chancel a toujours été un homme qui savait -et Dieu merci- sait encore partager ses passions et ses enthousiasmes soit par la voix, soit par la plume. Merci à Emmanuel Laurentin de l'avoir encore récemment invité, merci à Radio Fañch de le convier régulièrement dans son billet.

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  2. Merci Alapetite, merci Fanch de m'avoir fait passer un très bon dimanche soir, car j'ai réécouté, grâce à vous, l'émission "Les Traverses du temps" de France Musique du lundi 24 octobre 2011 avec Jacques Chancel comme invité. J'en avais gardé un très beau souvenir lors de sa diffusion, il n'y a pas six mois. Une nouvelle écoute a renouvelé mon plaisir d'entendre cet homme de 83 ans évoquer avec passion et lucidité ses rencontres avec les musiciens.
    Les "Radioscopies" créaient un climat, une sorte de temps suspendu (un peu comme le fait Alain Veinstein sur France Culture, qu'on aime ou n'aime pas d'ailleurs), une ambiance qui suscitait une écoute attentive de la part de l'auditeur : qu'allait donc bien pouvoir répondre l'invité à une question aussi vague – ou "oiseuse", si vous voulez, Alapetite – c'était justement ça l'intérêt, comme vous le dites Fanch. Et parfois l'on admirait la qualité de la "réponse" d'un grand esprit (Romain Gary, très intéressant, par exemple), lequel était, d'une certaine manière, libre de développer son discours vu la généralité de la question. La technique d'interview avait-elle ce but ? Il y a des gens qui jouent les "idiots" et qui n'en sont pas...
    Enfin, on fait du judo, on monte à cheval, etc, dans sa catégorie. Ceux que vous appelez "de grands professionnels comme Jean Lebrun, Roger Dadoun, Pierre Descargue, Roger Vrigny" (merci de nous rappeler ces noms amis !) avaient leurs qualités (qu'on peut aussi discuter) correspondant au public restreint qui les écoutait (capable de les écouter ? cf Roger Dadoun au Panorama de France Culture). Jacques Chancel était, lui, un généraliste s'adressant "au plus grand nombre", pour reprendre l'expression de la présentation ci-dessous. C'est en tous les cas une voix très attachante qui fait mémoire et patrimoine.

    "Les Traverses du temps" 24 octobre 2011 Jacques Chancel
    http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/traverses-temps/emission.php?e_id=100000060&d_id=425004836&arch=1

    "Pas facile de trouver une date pour inviter Jacques Chancel ! Infatigable, il est toujours par monts et par vaux. Mais les Traverses du Temps se devaient de rendre hommage à celui qui a su porter la musique, la littérature et les arts au plus grand nombre et surtout à ceux qui n’y avaient pas accès du tout. Grâce à « Radioscopie » et, plus tard, à la télévision grâce au « Grand Echiquier « il a ouvert tout grand les portes de la musique de concert à plus d’un d’entre nous. C’est cette aventure qu’il racontera au micro de France Musique lors de cette émission"

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  3. A la manière de ... ou comment Emmanuel Laurentin glisse sa voix dans les questions de Chancel pour nous faire découvrir aussi Jacques; Un Jacques Chancel plus intime donc, livrant des bouts de sa vie, égrenant quelques anecdotes glanées au fil de ses rencontres, ironique, rieur, heureux d'être là, face à Emmanuel et au public. Je vous suis très reconnaissante, Fanch, de m'avoir offert la possibilité de cette écoute enregistrée il y a quelques mois à Brest. Depuis, Pierre Schoendoerffer, cité par Jacques Chancel, s'en est allé.

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