lundi 12 décembre 2016

franceinfo : l'image de la voix radio... à la télé, quelle distinction ?

Rien ne va plus ! Vendredi dernier Le Figaro annonçait dans son édition en ligne : "Le SNJ, le SNJ-CGT et FO appellent les journalistes de la radio à cesser le travail jeudi 15 décembre pour exiger "le maintien de programmes radio dignes de ce nom et pour que la direction dévoile enfin le projet qu'elle tente de mettre en place à coups d'essais expérimentaux".











Sur son site, le Syndicat National des Journalistes (SNJ) de Radio France déclare : "Abandon des titres en matinale et en soirée, création d'un journal spécialement adapté à la télévision, à la demie de chaque heure, ce qui signifie la disparition d'un journal radio avec des reportages élaborés par la rédaction pour nos auditeurs. Duplex télé demandés à la dernière minute et non rémunérés. Voilà ce que la direction tente de mettre en place, à marche forcée, alors que les négociations sur le droit à l'image n'avancent pas."

Essayons de comprendre et d'avancer quelques hypothèses. Passés quelques jours après la création de la chaîne franceinfo le 1er septembre, les spectateurs ont pu lire en incrustation à droite de leur écran "simultané radio" et, entendre, "nous allons à la Maison de la radio pour les titres". Deux informations qui peuvent soit, laisser dubitatifs les spectateurs soit, ne leur faire aucun effet. En quoi un lieu, la Maison de la radio et la double diffusion Radio/TV apportent-ils un plus, une plus-value à l'information ? Si cette "cuisine interne" n'apporte rien aux spectateurs, elle permet à "ceux de la radio" d'exister, d'être reconnus et d'être partie prenante, à parité, d'un projet innovant.












À parité ? C'est sans doute là que le bât blesse ! Les journalistes de France Télévisions sont, de fait, "reconnus" à l'image, leur seule présence vaut pour cette reconnaissance. Les journalistes "radio" sont aussi à l'antenne mais leur spécificité radio ne peut se distinguer à l'écran. Et surtout pas qu'ils soient, ou non, à la Maison de la radio. Ils participent à une rédaction globale. Dans le projet, la métronomie du rappel des titres toutes les 10' singularise franceinfo radio, auquel il faut ajouter le 8:30, trente minutes avec un invité, interrogé par quatre journalistes : Fabienne Sintes, Jean-Michel Apathie, Guy Birenbaum et Gilles Bornstein. Session appelée, 8:30 Apathie (1). 

Le projet de diminuer la fréquence des rappels de titre et, celui sans doute, de ne plus identifier formellement le lieu de leur diffusion et de leurs journalistes radio, peut forcer l'inquiétude. Si les auditeurs de franceinfo à la radio et à la TV peuvent facilement assimiler ces changements, il n'en va sans doute pas de même pour les journalistes de la radio qui peuvent se sentir dépossédés, "minorés" et absorbés dans le magma télévisuel, sans plus aucune distinction de leur spécificité radio. À la demie de chaque heure, de nouveaux journaux "formatés TV" (3') ne permettraient plus aux journalistes radio des reportages de plus long format, comme ils avaient l'habitude de les réaliser.

Ce nouvel épisode de la Chaîne Publique d'Info (CPI) montre que c'est cette distinction-là qui est au cœur de ce qui incite les journalistes du SNJ à se mettre en grève. Sans doute, a-t-on un peu vite imaginé que radio et TV pourraient faire ensemble "instantanément", en brûlant des étapes qui ont à voir avec la culture de chaque entreprise, les savoirs-faire et l'expertise des uns (l'info en continu) vs les pratiques rodées de l'écran des autres. La "charge de la brigade légère" qu'a imposée aux équipes, Delphine Ernotte, Pdg de France Télévisions, pour créer cette CPI en moins de dix mois, a pâti de ne s'être, sans doute, attachée qu'aux aspects fonctionnels de cette création ex-nihilo ?














Mais surtout, comment faire l'impasse même sur l'histoire des deux médias, dont l'un, la TV, n'a jamais eu cesse que de prendre de très haut la radio et, par l'image, forcer le trait de sa mise en avant ? Des sociologues, qu'ils se recommandent ou non de Bourdieu (2), ont-ils eu l'occasion d'analyser ces situations nouvelles au sein d'un audiovisuel public ultra segmenté, après que Giscard, fossoyeur en chef, ait fait en 1974, "du passé (de l'ORTF) table rase". Monsieur Schwartz avait beau, dans son rapport en mars 2015, inciter les acteurs de l'audiovisuel public à se concerter, peut-être, fort de ce qu'il savait des égos de ces mêmes acteurs, aurait-il pu préconiser que les rapprochements qu'il appelait de ses vœux soient appuyés d'accompagnement des personnels à de nouvelles cultures d'entreprise ?
(À suivre)

Quand radio et TV travaillaient ensemble (ORTF), juillet 67




(1) La personnalisation lourde et médiatique de ce journaliste a eu un effet déplorable sur Arnaud Montebourg (révélé par Quotidien sur TMC) qui, lors de sa récente interview par le quatuor, a fait valoir être interrogé par trois personnes, reléguant sans doute l'anchorwoman, Fabienne Sintes, au rang de potiche ou de meneuse de jeu comme s'appelaient autrefois les voix féminines des radios privées qui lisaient à l'antenne les messages de pub. Montebourg est un mufle, la personne qui gère son agenda un/une imbécile pour avoir mis en avant le journaliste "tête de gondole" sans préciser que le candidat à l'élection présidentielle interviendrait dans la matinale de franceinfo... radio. Matinale coordonnée depuis septembre 2014 par Fabienne Sintes.

(2) "La distinction. Critique sociale du jugement", Pierre Bourdieu, Éditions de minuit,1979.

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