mardi 4 avril 2017

Quelle place pour les auteurs radio ? 1/3

À la suite de mes billets sur le premier débat de la journée à la Scam du 27 septembre 2016, dont le thème était "Quelle place pour les auteurs ?", Etienne Noiseau, animateur du blog Syntone m'a demandé, sur Twitter, si je chroniquerais la 2ème table ronde ? Quelle reconnaissance, quel pouvoir, quelle responsabilité ! Je l'engage, au delà de la lecture de ce billet, comme j'engage mes lecteurs, à prendre le temps de regarder la vidéo ci-dessous. Je connais les cinq protagonistes autour de la "table ronde" et, quatre d'entre eux me connaissent. Le billet ci-dessous, comme les 1810 précédents, sera le fait de ma subjectivité pleine et entière, de mes écoutes, de mes souvenirs radiophoniques et de mon attachement à l'histoire de la radio.




Arnaud Contreras dit à propos de la notion d'auteur et de ce qu'il se revendique être : "Je suis profondément auteur. C'est un engagement. Ça part d'une l'écriture. D'une idée qu'on couche sur papier. Et on va essayer de trouver de la respiration à la radio pour diffuser cette idée vers les autres…" Contreras fait bien de distinguer "Ça dépend qui on a en face de nous ?" Et de donner des exemples parlant. Et surtout de préciser que "pour le métier d'auteur, la rémunération n'existe pas."

Pascale Clark, elle, distingue les auteurs qui interviennent aux "Programmes et sont intermittents" et les auteurs "à la Rédaction qui sont en CDI" (1). Christophe Deleu revient sur la distinction journaliste/auteur, et précise qu'il est "toujours intéressant de faire un saut dans l'histoire pour voir comment ça se passait avant pas pour le regretter mais pour s'interroger. Je pense qu'aujourd'hui le constat c'est que tout s'est rigidifié autour des statuts. Et quand la radio s'est créée ce n'était pas le cas ; les journalistes étaient aussi auteur de fictions."

Deleu de prendre ensuite l'exemple d'un directeur de la rédaction de l'"équivalent de France Inter avant guerre", qui "était critique radiophonique, Carlos Larronde, et auteur de fictions… Paul Deharme, qui était un grand auteur de fiction, était aussi directeur de RTL… Les journalistes sont aussi responsables, qui ont chassé l'écrivain qui était en eux." Deleu précise qu'on n'apprend plus aux étudiants à n'être que des journalistes de news et que lui-même au Cuej (Strasbourg) leur apprend le documentaire radio. 










Pochon, s'appuie sur l'étymologie du mot auteur, "s'autorise à"  pour expliquer sa propre démarche de création. "Un auteur est quelqu'un qui s'autorise à". Comme le mot "œuvre qui veut dire ouvrir. L'idée c'est à partir d'une œuvre singulière, un auteur qui prend des libertés, qui ne fait pas que répondre à un format, qui va essayer d'ouvrir des espaces,…" Pochon précise la démarche de Phaune radio et son choix d'exister à côté des autres diffusions radiophoniques. "À un moment si l'offre se réduit comme ça c'est qu'on nous fait croire qu'il n'y a plus que ça en fait. C'est juste pas vrai. Il faut juste se dire qu'autre chose est possible et conférer aux gens ce pouvoir-là. Arrêter de confisquer le désir des gens. De décider à leur place qu'is ont envie de regarder des humoristes sur Facebook…"

Reconnaissons à Pascale Clark de constater qu'il n'y a "plus de son. Plus de moyens pour le son sur les antennes publiques.À la question "ça coûte trop cher [la fabrique documentaire, ndlr] ? Contreras "À Radio France on ne parle pas d'argent, on parle de moyens. C'est mobiliser un certain nombre de techniciens sur un tournage. [C'est le mot employé par Arnaud]. Par exemple j'ai la possibilité d'embarquer sur un bateau pour un mois et demi. On me dit non car il va falloir embarquer un technicien. C'est [ça, ndlr] les moyens. Mais il y a des plans B. La maison de la radio c'est la Maison des Plans B. Des plans B, C, D… Et on arrive souvent en bonne intelligence à trouver une solution." Mais Contreras est formel 'On ne peut plus vivre du documentaire".

Mais Contreras pense que "ce sera mieux demain, même si aujourd'hui la rémunération d'un doc ou d'un grand reportage pour RFI est délirante vis à vis du travail investi. En revanche, les auteurs radio on commence à les retrouver dans des expositions à faire du design sonore, sur des sites internet, dans du spectacle vivantLes auteurs ne servent plus [seulement, ndlr] à la récréation sonore mais à la création sonore. Ils apportent des univers qui ne sont plus uniquement dans la voiture ou la cuisine. Je suis très optimiste pour la vie des auteurs sonores et la vie des auteurs radio."











Floriane Pochon explique qu'hors-cadre, comprendre hors-cadre de la radio publique, différentes expériences radiophoniques ou soniques menées par Phaune Radio montrent que "l'écoute et le son deviennent des agents de transformation du monde et du coup on récupère aussi des pouvoirs d'action dessus." [J'imagine que Floriane veut parler de pouvoir d'action sur l'écoute des auditeurs, ndlr]. Marie Richeux "Une grande force d'auteur qu'on a c'est de dire qu'est-ce qu'on fait avec les moyens dont on dispose. Et ça il faut être capable de le défendre."

Deleu : "J'ai peur qu'aujourd'hui la fonction de recherche d'émissions nouvelles du service public [le tâtonnement expérimental, ndlr] ne se fasse plus. Qu'il n'y ait plus ce temps de réflexion, d'ouverture. Il ne faudrait pas que ces auteurs [nouveaux, ndlr] pensent qu'ils n'ont pas leur place sur le service public. On a un paysage foisonnant qui est en train de s'éclater complètement. Et Mermet, Clark ont migré du service public."

Clark : "On a plus besoin de studio [pour faire Boxsons, ndlr]. C'est nous qui allons vers les gens. Il faudrait ouvrir les portes et les fenêtres de ces antennes qui restent très claquemurées." Contreras "On sort de moins en moins des studios mais on peut encore sortir. Grâce aux bourses Scam, très clairement. Ce n'est plus la radio qui finance ces longs déplacements d'auteur." 

Richeux "La question financière est essentielle et tant qu'on ne l'aura pas réglée par des questions de transparence on ne pourra pas agir. Il faut accepter la déprise [donner le micro aux jeunes et à d'autres]. Cette déprise touche à l'organisation de Radio France. Il y a une grille, tu as une émission d'une heure tu es payée pour. Est-ce qu'on ne peut pas bouger ça ? Si le gâteau est trop petit pour trop de demandes partageons le gâteau. S'il faut faire tourner la parole, est-ce qu'il ne faut pas que je ne sois pas là tout le temps ? [cinq jours par semaine, ndlr]" 














Deleu : "Jamais les charges de Radio France n'ont été aussi précises que dans le texte de 1986. Et que dans ce texte figurent "documentaire, fiction et création radiophonique". Pourquoi n'y a-t-il plus aucun magazine d'information sur France Bleu. Ils faisaient remonter des sons des territoires et ils ont tous disparu en 15 ans". Deleu reprend la proposition de Loïc Chusseaux (Jet FM) sur un Centre National de la Radio qui "pourrait être un guichet pour financer la création radiophonique des radios associatives". Il rappelle aussi que "les Belges font ça depuis longtemps avec le Fonds d'Aide à la Création Radiophonique. Par une taxe prélevée sur les recettes publicitaires des radios privées".

Avenir de la radio
Contreras arrive à se projeter dans "la magie de la radio". Il regrette que dans le rapport (Livre blanc) il n'y ait pas les radios privées. Et de citer deux exemples avec Radio Nova et RMC. Richeux "En tant qu'auditrice je serai optimiste sur le podcast. J'ai envie d'écouter. Il y a une place dans ma vie pour ça". Clark "Ce collectif (Boxsons) draine tellement de personnes qu'on espère que ce sera contagieux". Pochon "J'aimerais bien qu'on fasse de la radio ensemble [entre tous les participants de la table ronde, ndlr]. Deleu espère que "dans 25 ans le plan RNT soit en place".

Questions de la salle 
Alexandre Heraud (ex-producteur à Radio France) "J'ai fait un rêve ou des cauchemars parce qu je ne suis plus à Radio France. Le reve plutot que de voir cet éparpillement de l'offre qui arrive, ne pourrait-on imaginer un lieu qui soit une véritable plate-forme de podcasts dans toute sa diversité". Floriane Pochon répond "La Scam, Netflix de la création sonore". Et évoque une expérience qui s'appelle le garage Podcast à Boston.. Pascale Clark parle de "mettre des moyens en commun et de fédérer des choses". Marie Richeux "Pour des lieux techniques partagés en les mutualisant, mais l'atomisation [des structures de création/diffusion, ndlr) ne me fait pas peur.

Joël Ronez (ex-directeur des Nouveaux Médias à Radio France) "On devrait se poser la question "a quoi sert la radio ? Pourquoi ne demande t-on pas à Radio France de faire de la production déléguée, mais de la vraie production déléguée ? Sylvie Andreu (ex productrice à France culture) pense que la première table ronde aurait du écouter la deuxième et qu'il serait bon de tout recommencer."

Demain, mes réactions et mon point de vue



Floriane Pochon, (Phaune Radio), Arnaud Contreras (France Culture, Radio France Internationale), Marie Richeux, (France Culture), Laurence Garcia (France Inter), Pascale Clark (BoxSons), 
Christophe Deleu (professeur, Centre Universitaire d'Enseignement du Journalisme, auteur radio) 

(1) Le lecteur passionné se reportera au billet sur une "anecdote" qui opposa P. Bouteiller, directeur de France Inter, et l'ensemble des producteurs de la chaine, un certain 11 novembre 1989,

Note de l'éditeur
Soyons clair, pour la retranscription ici de cette deuxième table ronde, j'ai passé beaucoup de temps (5h). Écoute, choix des paroles à mettre en avant, retranscription. C'est un travail fastidieux. Non rémunéré et que quelques lecteurs, chercheurs et confrères auront sans doute du plaisir à lire. La moindre des choses serait que pour les reprises écrites les auteurs aient la correction minimum de me citer. Pas pour ma gloire mais pour le respect minimum du travail accompli. Personne n'a fait ce travail, pourtant nécessaire. La qualité des intervenants et de leur propos en valaient la peine. Pour autant, ce ne sont pas les articles les plus passionnants à "écrire", car ils impliquent un temps passé qu'aucune rédaction accepterait de rémunérer aujourd'hui.

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