En partenariat avec
Jusque fin juin 2018, chaque lundi je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.
1. Il y a cinquante ans l'été courrait jusqu'en septembre…
La rentrée des classes cette année-là s'échelonne du 15 (un vendredi) au 18 septembre (un lundi). Les vacances scolaires avaient commencé le 24 juin… L'enfance et l'adolescence s'éparpillent en colo, en camps de jeunes et autres centres aérés. Les adultes qui peuvent s'offrir des vacances se répartissent en deux camps rédhibitoirement opposés : les juilletistes et les aoûtiens. Chacun persuadé d'appartenir à une caste bien identifiée. La classe populaire se pâme en juillet quand les classes moyennes et supérieures s'affirment en août.
Avant les moissons et les vendanges, un "événement" conditionne et mobilise les Français. Le Tour de France, inventé en 1903, a un tel impact sociétal qu'Antoine Blondin, écrivain et chroniqueur sportif pour le quotidien L'Équipe, écrira "Le Général de Gaulle dirige la France onze mois sur douze, en juillet c'est Jacques Goddet" (1). En 1967, lors de sa cinquante-quatrième édition, le 13 juillet au cours de la treizième étape l'histoire retiendra la mort de l'anglais Tom Simpson due tant aux conditions d'ascension en montagne qu'à l'absorption d'amphétamines. La télévision retransmettra les images filmées en direct. Les "forçats de la route", par cet accident mortel, commenceront à faire éclater le mythe du héros pur et courageux.
Le 23 juillet, pour une dernière arrivée au Parc des Princes (Paris), c'est Roger Pingeon (France) qui endossera le maillot jaune de vainqueur. Donc, si l'on s'en tient à l'analyse de Blondin, De Gaulle aurait toute liberté pour se sentir en "vacances". Le Général a entamé depuis ce 23 juillet, un voyage officiel au Québec (2). Il visitera l'exposition universelle qui a ouvert ses portes le 27 avril à Montréal. Le 24 juillet, au balcon de l'Hôtel de Ville de Montréal, alors qu'aucun discours n'est prévu, de Gaulle conclut celui-ci d'un "Vive Montréal, Vive le Québec…, Vive le Québec libre…, Vive le Canada français et Vive la France". Ce "Vive le Québec libre" outre, qu'il choque et déstabilise Lester B. Pearson, Premier Ministre du Canada, inquiète la diplomatie internationale sur l'ingérence de de Gaulle dans un pays libre et souverain.
Les lundis de l'histoire, France Culture (en intégralité ici pendant 1 mois)
De Gaulle, donneur de leçons "des droits des peuples à disposer d'eux-mêmes ou à l'autodétermination" (3) doit faire sourire jaune les autonomismes en germe au Pays Basque (nord), en Corse ou en Bretagne. Les Québécois exultent, les Canadiens se renfrognent et la chanson québécoise va exploser en France avec Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois.
Pourtant à moins de 1200 km du Québec, à Detroit (Michigan) éclatent dans la nuit du 23 juillet de très grosses émeutes raciales. Martin-Luther King, leader du Mouvement des droits civiques aux États-Unis, écrira le 1er août dans le New-York Times : "Dans le cas présent, les émeutes ne sont pas un phénomène mais un mélange imbriqué de tendances diverses" (4).
Détroit, juillet 1967 |
(1) Le Général de Gaulle président de la République française a été réélu en décembre 1965 au suffrage universel direct, au deuxième tour après avoir été mis en ballotage au 1er tour par M. François Mitterrand, candidat unique de la gauche. Jacques Goddet sera directeur du Tour de 1936 à 1987,
(2) Voyage aller en mer sur le croiseur "Colbert" pour lui éviter d'atterrir à Ottawa, capitale fédérale du Canada et par-là, montrer son engagement moral et politique pour "La belle province",
(3) Droit international,
(4) In Cairn, voir aussi l'article de Judith Perrignon dans le Monde Magazine du 25 août 2017 "Detroit, la mémoire à vif". Dans le film "Motown, la véritable histoire" (2002) on voit quelques images. Cette nuit-là les "Funk brothers" enregistraient pour Motown et certains d'entre eux témoignent.
Ajout du 7 septembre 2017
Céline Loriou, future historienne, me signale : "À partir de la rentrée 1967, les auditeurs français pouvaient écouter (France Culture, le lundi) une série sur la décolonisation, "Les Dossiers de l'histoire". L'émission avait été créée l'année précédente et couvrait l'histoire contemporaine de manière plus large avant de décider de se recentrer sur la décolonisation. Tous les pays sont passés à la loupe : Inde, Indochine, Maroc, Congo... Ah non pas tous, rien sur l'Algérie. Avec les événements de 1968, plusieurs émissions semblent avoir été annulées ou au moins reportées, difficile de savoir donc si une émission sur l'Algérie était prévue ou si elle a eu lieu."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire