jeudi 22 mars 2018

Demain Radio France… Les candidatures au poste de Pdg

Le CSA a publié hier les noms et les projets stratégiques des candidatures recevables pour le poste de Pdg de Radio France à pourvoir suite à la révocation par cet instance du Pdg Mathieu Gallet qui a quitté le groupe radiophonique public le 1er mars dernier. Il s'agit de Jérôme Batout, Bruno Delport, François Desnoyers, Guillaume Klossa, Christophe Tardieu et Sibyle Veil. Une femme, cinq hommes. Sibyle Veil est l'actuelle directrice générale déléguée aux opérations et aux finances de Radio France, depuis 2015. Ex-conseillère de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, elle est issue de la même promotion de l'ENA qu'Emmanuel Macron. 
Où sont les femmes ?


























Il y aura cinquante ans au mois de juin, alors que les braises de la révolte étudiante et ouvrière ne sont toujours pas éteintes, Roland Dhordain (1), "père" de la réforme de la radio publique en 1963 est appelé à la rescousse par le pouvoir pour diriger France Inter. 

En ces temps immémoriaux pour diriger et faire de la radio il faut :
- repérer et choisir des voix, des styles, des personnalités d'animatrices, d'animateurs pour créer des émissions qui participeront à identifier la chaîne et se distinguer de la concurrence privée (RTL, Europe n°1, RMC,),
- imaginer la diversité des contenus, les organiser en progression dynamique sur vingt-quatre heures, (on ne parle pas de pop-musique et de consommation avec la même voix, le même ton, le matin et le soir, la nuit et l'après-midi), 
- différencier la semaine et le rythme de la journée de travail, de celui du temps disponible du samedi et du dimanche,
- harmoniser des singularités, des différences, des égo,
- assurer techniquement ces émissions dans des studios équipés avec des équipes de réalisation pointues (réalisateur, ingénieur du son,…)
- disposer d'un maillage territorial d'antennes et d'émetteurs radio couvrant si possible l'ensemble du territoire métropolitain en différents types d'ondes (LO, OM, FM),
- organiser une grille de programmes pour fidéliser des auditeurs au point qu'ils n'aillent pas écouter la concurrence, 
- créer une couleur d'antenne.

Voilà ce qui attendait un directeur de chaîne et/ou directeur de programmes pour diriger une radio dans les années 60 (et ce jusqu'au début des années 2000).

À la lecture des cent-quatre-vingt-cinq pages des postulants on peut être tout à fait persuadé qu'on a changé d'ère. Les candidats, à l'exception d'un seul, décrivent le paysage complexe dans lequel, pour eux, la radio devrait/devra exister. En s'engouffrant dans le credo "hors tout numérique point de salut" ils se proposent de poursuivre cette révolution numérique, de l'amplifier et de ce fait, faire table rase d'un modèle jugé, ancien, obsolète, déconnecté d'un environnement ultra-connecté. Pour ces "jeunes gens" modernes les usines à gaz quoi de plus excitant. La vieille radio de papa beaucoup trop simpliste et simple a vécu. Créons de la complexité il en restera toujours quelque chose.

Je ne détaillerai pas ici les projets de chacun, mais plutôt comment le CSA n'aura pas beaucoup d'autres choix que de nommer Sibyle Veil au poste de Pdg. Ce Conseil, cet officine, a besoin de se faire oublier après les situations qu'a connu l'audiovisuel public ces derniers mois. Condamnation de Mathieu Gallet pour favoritisme quand il était Pdg de l'Ina. (Il a fait appel). Motion de défiance à l'encontre de Delphine Ernotte par les salariés de France Télévisions dont elle est la Pédégère depuis 2015. C'est le CSA qui avait nommé ces deux Pdg, attribution que remet en cause, entre autres, le Président de la République pour la nomination des Pdg de l'audiovisuel public et qui sera formalisée dans une nouvelle loi audiovisuelle attendue pour janvier 2019.



Le CSA a t-il intérêt à perturber le fonctionnement de Radio France, déstabilisé après le départ de son Pdg alors que les consultations des responsables publics s'organisent au Ministère de la Culture et dans des commissions idoines de l'Assemblée nationale ? Madame Veil est dans la ligne directe de celle engagée par Mathieu Gallet. Elle aura l'avantage d'être immédiatement opérationnelle et de reprendre tout de suite certains dossiers laissés en "stand by" du fait d'une situation exceptionnelle d'intérim. 

La période de "temporisation" due à l'élaboration de la nouvelle loi audiovisuelle permettrait-elle à un nouveau Pdg d'engager des réformes et/ou des projets qui pourraient être bloqués dans le cas d'une nouvelle organisation de l'audiovisuel public, du rapprochement possible avec France Télévisions, France Média Monde, l'Institut National de l'Audiovisuel et Arte ?

Pour ceux que l'on appelle des "sages" la sagesse prévaudra sûrement à leur décision. À moins qu'en l'absence de leur Président Olivier Schrameck, pour congé maladie, ces derniers engagent ce qui pourrait ressembler à un baroud d'honneur, pour affirmer leur indépendance et peser de tout leur poids pour, sans doute une dernière fois, avoir le "privilège" de nommer un Pdg de l'audiovisuel public. Le suspens ne durera plus très longtemps. "Le Conseil établira au plus tard le 4 avril 2018 la liste des candidats auditionnés. Les auditions auront lieu au cours de la semaine du 9 au 13 avril 2018 et le Conseil nommera la Présidente ou le Président de Radio France au plus tard le 14 avril 2018". 

Alea jacta est…

Ce matin, en direct de l'Assemblée nationale, M. Nicolas Curien, Président par intérim du Csa, confirme qu'outre la partie d'interaction non-publique entre le postulant à la fonction de Pdg et les membres du CSA, toutes les autres étapes sont publiques. De ce fait pour ce qui concerne la nomination de Mathieu Gallet, en février 2014, le CSA n'a pas respecté cette procédure en ne diffusant ni le projet stratégique du Pdg, ni la partie préalable de sa présentation orale au CSA.

(1) Nommé directeur de la radio à l'ORTF en 1967, a quitté sa fonction la même année pour diriger le Club Méditerranée jusqu'en juin 68.

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