samedi 30 novembre 2019

Paroles, Paroles (Part II, les salariés de Radio France)

En écrivant le titre de ce billet, il me semblait bien l'avoir déjà utilisé. Et pour cause, il y a six mois, le 5 juin, pour la grand-messe des cadors. Ça tombe bien. Je voulais justement montrer en quoi la parole des salariés (entendue depuis le début de semaine en AG) s'opposait à 180° à celle du staff ! Et surtout montrer le fossé, l'abime qui séparent les protagonistes. Pour faire rapide : "autrefois" dirigeants et salariés de Radio France parlaient la même langue radio et étaient sur la même longueur d'ondes.
Aujourd'hui une palanquée de technocrates, marketeurs, roucouleurs, numériqueurs tentent de gérer une entreprise publique avec des outils, des façons, des process dont le sujet principal, la radio, est absolument accessoire. Leur méthode -barbare- s'appuie sur trois principes assumés : la méconnaissance absolue du média (ou de n'importe quelle entreprise qu'ils gèrent), la certitude qu'ils sont les maîtres du jeu, le refus du dialogue avec les professionnels de la profession. Bon j'aurais bien écrit co-gestion si ce mot n'était pas plombé par l'histoire !!!!


AG de grève, studio 104 de Radio France, 29 novembre 2019

Ces dirigeants, forts de leurs théories ingurgitées dans leurs écoles de caste : Ena, Hec, Science-Po, se posent toujours en héros, en sauveurs, en redresseurs (de torts) en écrasant d'emblée ceux qu'ils vont devoir manager. Ce mépris, cette suffisance, cette morgue que les salariés subissent en "silence", les managères de moins de cinquante ans se les prennent en boomerang quand la souffrance devenue insupportable n'a plus d'autre issue (de secours) que de s'exprimer en AG de grève. 

Et là, à bien écouter toutes ces catégories de personnel, on est touché de leur façons de dire. Avec des mots simples, souvent émus, leurs témoignages de bon sens et de vécus quotidiens montrent à quel point leurs dirigeants se sont volontairement coupés de ces réalités-là, n'ont jamais su (ni voulu) ni les écouter ni prendre la mesure de leurs conditions de travail. Dans un média de paroles, leurs voix sont étouffées, j'oserai dire bâillonnées. Nombre d'entre eux vont vers les autres, tendent le micro, écoutent, rapprochent. Mais à eux tous qui leur tend le micro ? Qui les écoutent ? Qui les rapprochent ? (1)

Le projet stratégique - technocratique et marquétique- de Sibyle Veil, Pédégère de Radio France, est érigé devant les salariés comme le mur à franchir pour pouvoir prétendre en être de ce nouveau monde, eldorado, que dis-je Éden de l'"audio numérique". Franchir ce mur c'est "au mieux", au pire, renoncer à son propre background, sa mémoire, ses acquis techniques, ses savoirs-faire pour enfiler la chasuble de la nouvelle religion du média-global, lui-même en attente d'être coulé dans le grand bain visuel.

Pour enfoncer le clou et comprendre l'écart qui s'est creusé entre les dirigeants de Radio France et ses salariés : vous regarderez les vidéos des AG depuis lundi, vous écouterez le premier podcast, natif forcément natif, de "Radio Dedans Dehors" (R2D), le témoignage de Rébecca. Vous lirez la "Tribune des producteurs" de Radio France et celle des journalistes de la Maison ronde. Après ça vous ne pourrez pas dire "On ne savait pas !"…

Et en bonus le témoignage de Muriel Chedotal, animatrice Fip à Bordeaux



Devant le Ministère de la Culture, 29 novembre 2019


















(1) La Maison ronde est maintenant cadenassée et sectorisée tant sa circulation segmentée par zones impénétrables (sans le "bon" badge) a cassé le principe même de fluidité et de contacts entre chaînes, entre lieux collectifs, entre humains tout simplement, 

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