lundi 14 avril 2025

Paris-Roubaix 1981 : à quelques jours de l'élection présidentielle…

Quatorze jours séparent ce 12 avril 1981 du premier tour de l'élection présidentielle. Les deux principaux candidats sont sur le front. Valéry Giscard d'Estaing, président sortant (1974-1981), cinquante-cinq ans, François Mitterand, parti socialiste, soixante-cinq ans. L'un a l'accordéon en bandoulière, l'autre la rose au poing. Les amateurs de la petite reine sont ailleurs. À Paris, pour le départ du Paris-Roubaix, le long des routes pavées qui mènent à Roubaix, dans la trouée d'Arenberg, à l'arrivée. Yann Paranthoën et Claude Giovannetti, sont dans les starting-blocks pour enregistrer la fureur de cette route et course mythique. Bernard Hinault, le Blaireau, est concentré.

©AFP - STF/AFP










Donnez-vous l'occasion ce lundi pour réécouter l'épopée du Blaireau dans le Paris-Roubaix 1981. Une formidable victoire, un formidable documentaire de Yann Paranthoën et Claude Giovannetti. Documentaire qui obtint le Prix Italia la même année. En 2012, Marc Floriot, producteur de "La nuit rêvée d'Abou Diouf", présente d'une belle façon le reportage "Trois rubans pour cette course : un granitier (les pavés), un magnétique (bande du Nagra), un en caoutchouc (la chambre à air)".

Je me souviens parfaitement de ce dimanche du 12 avril 1981. Comme tous les dimanches nous faisions la tournée de notre quartier (hameau) du Finistère. Les vieux pensaient se régaler de chouchen (pas d'hydromel, sacrilège, mais d'un fameux mélange de cidre et de miel) et de lambig, les jeunes, soit cinq ou six de moins de trente cinq ans, nous pensions à l'élection à venir. Tous à gauche pour faire bonne mesure face aux vieux tous à droite. En fin de tournée on s'arrête chez D. pour voir l'arrivée du Paris-Roubaix. Et on fête la victoire du Blaireau.

Quinze jours plus tard, les jeunes, on vote Mitterrand, les vieux, Giscard. Le 10 mai à 20h, les vieux, déçus et inquiets, plongeront la tête dans leur soupe. Quant à nous, les jeunes, nous aurons pour quelques mois l'illusion du temps des cerises.

P.S. : J'ai visionné hier sur FTV le Paris-Roubaix 2025. Les images disent tout, les commentateurs… commentent tout ce qu'ils voient. Mais rien sur les autours. Ils commentent des images. L'image ne laisse aucune surprise.  Je regrette depuis des années de ne pas revoir le documentaire de Claude Lelouch sur le Tour de France que j'avais vu à l'âge de 14 ans, pour revoir son interprétation d'une course cycliste. Tandis que par les sons, Giovannetti et Parenthoën nous donnent des yeux, des images et permet à notre imaginaire d'être au plus haut.

samedi 12 avril 2025

François Maspero : d'escaliers en escaliers…

Le jour va bientôt pointer ce matin, il est 4h52. Il est si bon l'indicatif d'Alain Veinstein "Du jour au lendemain", il est si bon d'entendre que son invité François Maspero va refaire son voyage autour de la ligne B du RER… Un voyage à deux avec la photographe Anaïk Frantz. Veinstein a du mal à cacher sa complicité avec Maspero l'ancien producteur de radio sur France Culture. Quarante-sept minutes où Maspero, discret, taiseux, pudique en dit un peu plus de lui-même dans les quelques plis de ce voyage "sur place" et ailleurs…












J'ai vraiment rencontré François Maspero en juin 2001 quand, dans le studio 168 de France Culture, il est l’invité de Laurence Bloch. En deux heures trente, une nouvelle série du Vif du sujet reçoit «Des figures qui font lien entre un passé tout proche et un avenir possible, à l'écart des modes et du discours dominant ». Je demande à assister à l’émission. Enregistrée quelques jours auparavant, on m’installe dans le studio. Vide. Maspero parle. Avec mon aquarelle, je dessine ses mots. J’en fait un petit carnet de voyage. Je lui envoie. Nous nous rencontrons dans un café place de la Bastille. Une amitié s’installe. 

Réécouter ce poète, écrivain, traducteur, libraire c'est beaucoup d'émotions. D'émotions pour toute cette humanité qu'il révèle dans ses mots chuchotés, ses phrases sensibles et ce ton incomparable de douceur et d'engagement. Là, avec Veinstein qui le pousse à toujours plus se révéler, il fait tout ce qu'il peut pour ne pas tomber dans les griffes du chat, patelin et joueur. Entre ce chat et cette souris la complicité prend le dessus et l'on assiste à quelques rires sincères jusqu'à ce que Maspero en dise un peu plus, mais toujours avec autant de pudeur. 

Où l'on découvre qu'avec sa complice de toujours Marie-Dominique Arrighi, réalisatrice, ils ont fait pour France Culture un voyage d'hiver en Chine, pour une série d'été (1986), dont un épisode est disponible ici. Si on aime Maspero il convient de (re)lire "Les passagers du Roissy-Express" (Seuil) et surtout réécouter "La nuit spéciale" que lui avait consacrée Christine Goémé en juin 2015.

À la suite du sourire de son chat, François Maspero nous entraîne à gravir tranquillement les marches de son œuvre  littéraire et radiophonique.



vendredi 11 avril 2025

Audiovisuel public : quand ça veut pas… ça veut pas, mais alors pas du tout !

Avant hier soir, 9 avril, le Ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Mignola, informait : "En application de l’article 48 de la constitution, j’ai l’honneur de vous informer que le gouvernement retire de l’ordre du jour de la semaine du 7 avril, l’examen de la proposition de loi adoptée par le Sénat relative à la réforme de l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuel, (n° 118)."  A quoi jouent-ils ? Qui ? Le gouvernement ? La Commission des Affaires culturelles ? Le Président de la République (en dissolvant l'Assemblée nationale en juin dernier) ? La paralysie mondiale du Covid 19 ?













Depuis Franck Riester, l'inventeur du slogan bidon "Une BBC à la française", en pleine époque où la BBC dégraissait à tout va, ça patine grave dans la s'moule et ça s'enlise même de plus en plus profond. On n'en est plus à une question de planètes alignées. L'urgence revendiquée de la réforme ressemble plus à une incantation "divinatoire" pour ne pas dire Jupitérienne. Ou, en plus trivial, "Yakafocon". Il y a cinquante et un an, il avait fallu moins de 80 jours pour que le Parlement disperse façon puzzle l'ORTF (loi du 7 août 1974, application au 6 janvier 1975) sans que, dans le temps imparti, ça mobilise avec passion la représentation nationale. Mobilisation à la marge des "pro monopole" (PS, droite) vs les pro "anti monopole" (centristes, giscardiens).

"Il est certain que Valerie Giscard d’Estaing a joué un rôle prépondérant dans la conception d’une réforme qui avait pour lui un caractère hautement symbolique. Pour le nouveau pouvoir la suppression de l’Ortf, c’est la disparition d’un sigle liée au régime et la loi du 7 août 74 peut sans conteste être analysé comme la mise en application des principes du libéralisme, dont se réclame le nouveau président, libéralisme, économique, politique et idéologique." (1)

Le projet de réforme de Madame Dati, Ministre de la Culture, est donc reporté sine die… Autant dire aux calendes grecques, fin mai (fais ce qu'il te plaît) ou avant les vacances parlementaires… À moins que l'Assemblée ne soit à nouveau dissoute, que le nouveau gouvernement, que le (ou la) nouvelle Ministre de la Culture, que le Tour de France, que l'élection de Miss France, que les vendanges tardives, permettent aux Shadoks de continuer à pomper… de l'air ! 

(1) La suppression de l'ORTF en 1974. La réforme de la "délivrance". Sophie Bachmann. Vingtième Siècle. Revue d'histoire  Année 1988, pp. 63-72

jeudi 10 avril 2025

Sur les docks (9) : Au confort moderne…

Un grand hôtel. La plage. Les cabines. Confort moderne. Bonne cuisine. Vingt-cinq chambres. Pension depuis soixante cinq francs. Par jour. Et par personne. Tel n°18. Garage. Confort moderne ça voulait dire lavabo, bidet. C'est Albert Sagols, 85 ans qui décrit le Grand Hôtel de Banyuls-sur-Mer, un établissement touristique (deux étoiles).

 "confort moderne", Illustration Albert Sagols









Au menu, confortable le menu : hors d'œuvres variés, (saucisson, sardines à l'huile, olives, anchois, moules,…), un bon plat de poisson, de la viande garnie de légumes, du fromage à volonté et un bon dessert, ça faisait 10 francs tout compris et potage avant de commencer ! En face, en déjeunant ou en dînant, une plage avec un sable fin on aurait dit du velours.

Voilà un documentaire sensible sur un temps arrêté. Un temps des touristes fortunés, des congés payés (qui ne pouvaient pas encore se payer l'hôtel) et celui des années 60 où les classes moyennes vont, petit à petit, s'offrir quelques jours d'hôtel. Un temps avec une autre temporalité sociale. Un temps simple où la spéculation touristique n'était pas à l'ordre du jour.

Et puis Albert sort ses carnets de croquis… 

Producteur : Georges Morère, réalisation, Christine Robert. 17 février 2011.

mercredi 9 avril 2025

Sur les docks (8) : Jours de fête…

Tiens justement, un même thème pour toute une semaine de documentaires avec des producteurs tournant. Ces "Jours de fête" sont à la fois des productions originales et des reddifusions. Il semble bien que depuis 2009 (les années 2006-2008 ont disparu des archives de France Culture) ces rediffusions participent au programme et indiquent en creux le manque de moyens de production et le choix de ne pas chercher de nouveaux talents. Ce qui pour ces "Jours de fête" (il manque le cinquième épisode) nous donnera l'occasion de réécouter "Le cri du cochon", le formidable documentaire de Françoise Séloron de 1998… L'ensemble du programme de cette semaine du 26 au 30 avril 2010 est éclectique. Pour autant chaque épisode pouvait fort bien se concevoir sans s'obliger à les faire entrer dans un thème. Je m'interroge encore : "C'est quoi cette volonté (absolue nécessité ?) de vouloir mettre les cinq premiers jours de la semaine sous la même bannière ?". D'une certaine façon cela n'a-t-il pas encore poussé le bouchon plus loin en imposant dans LSD, depuis 2016, un seul thème/un seul producteur ? Au risque d'y perdre en diversité.

Françoise Séloron










Nous voilà donc à Douarnenez (Douarn' pour les intimes) avec le reporter Alexandre Heraud et Jean-Philippe Navarre à la réalisation. Dès les premières secondes d'écoute on sent le producteur prêt à participer à la fiesta, lire le carnaval, mieux lire encore "Les Gras". "Les Gras" institution douarneniste, à rebours des carnavals clinquants et friqués, à rebours d'une communication médiatique et plus encore à rebours du spectacle. Ici c'est le peuple qui se donne en spectacle pour lui-même ou plutôt qui, pendant cinq jours, va renverser les habitudes et sortir du cadre du quotidien mécanique. La meilleure analyse du "phénomène" appartient à Jean-Michel Le Boulanger, qui parle de "gens de peu" et donne envie de relire "Le carnaval de Romans" d'Emmanuel Le Roy-Ladurie et de l'écouter

Pour son deuxième épisode nous sommes à Poligny dans le Jura pour écouter le documentaire d'Olivier Chaumelle, producteur et d'Yvon Croizier, réalisateur : "La percée du vin jaune". Ici, "Il y a l'âme du vigneron". Chaumelle "Le vin jaune est une curiosité remarquable et une délicieuse curiosité". Toutes les ritournelles autour du vin ne vont pas manquer d'illustrer ce documentaire "Le vin d'Arbois, plus on en boit, plus on va droit !". Ce jour-là on allait percer le vin jaune, cuvée 2003. Bernard Badoz "Le Jura est un petit vignoble, refermé sur lui-même". Et ajoute "Tu sais lorsque ton père avait un tonneau de vin jaune à mettre en bouteille, j'étais contente car on était riche toute l'année." (27 avril 2010)

"Le cri du cochon" par Françoise Séloron et Véronique Vila (19 novembre 1998).

mardi 8 avril 2025

Sur les docks (7) : Pola oh Pola…

C'est ça la magie ! La magie de l'instantané quand c'était encore une surprise de pouvoir visualiser tout de suite ce qu'on venait de prendre en photo. Une surprise et non pas une habitude. Le Polaroïd appareil photo à tirage instantané allait flirter avec les années 60 et 70. Pas dans les classes populaires mais parmi les classes moyennes en quête de fantaisie et de jeu autour de l'image. Plus la peine, d'attendre ses tirages chez le photographe, de constater que cinq photos sur douze sont floues et que ça fait déjà un moment que les vacances sur la côte sont loins, très loins. Pola instantané ou la photo enchantée.

Polaroid 1000










L'histoire commence donc par une impatience enfantine… Un déclic pour l'inventeur, un déclic caractéristique sur l'appareil. Qui au-delà du cercle familial a beaucoup été utilisé par le cinéma. C'est la disponibilité - immédiate - de la couleur qui va très vite rendre le Pola indispensable et "dans le vent". C'est bien tout le processus qui crée l'événement. Déclic, photographier, attendre, voir sortir la photo qui s'imprime sous vos yeux avec ce son de glissement tout autant caractéristique. Le tout réduit dans un objet, un genre de cube, qui pourrait ressembler à un objet de magicien. Le son identifie l'objet même sans le voir et ça aussi c'est magique. Son, qui a beaucoup été utilisé dans des documents sonores pour suggérer une prise de photo.

Et pourquoi le nom a été raccourci ? On n'a jamais raccourci Kodak, ni Leica, ni Nikon ! Mais Pola ça claque. C'est un mot familier qui peut suggérer un prénom original. C'est un jeu de mot pour un jeu photo. C'est aussi "un petit plaisir simple" qui se partage et incite à raconter des histoires autour d'un "Pola". On dit un "Polaroid" et plus "une photo" ! Le Pola inscrit des tranches de vie, spontanées et ludiques, incite à les capter plus facilement qu'avec un appareil photo traditionnel. La spontanéité et l'immédiateté font la différence et posent le "Pola" comme un objet particulier aux fonctions particulières.

Mais c'est bien le "Pola" de Valérie Lemercier, dans Les Visiteurs, qui nous reste et restera à vie dans l'oreille !

Un documentaire de Céline Develay et Yvon Croizier du 23 avril 2010.

Du rêve… parlons-en !

Vous avez été quelques-uns à réagir à mon billet d'hier sur la part du rêve revendiquée par Pierre Wiehn, ex-directeur d'Inter. Alors parlons-en de ce rêve. Il est où ? Sur quelle chaîne ? Dans quel programme ? Dans les propos de quel Directeur-Directrice d'antenne ? Dans quel effet de manche de la Pédégère Sibyle Veil ? Presque nulle part. ou bien dans quelques niches dont il n'est jamais fait aucune promotion. L'actualité entrainant tout sur son passage et imposant l'éditorial partout, tout le temps.

Marcheurs et rêveurs de France Inter, 1976











Franchement Nagui et ses ronrons en boucle ça vous fait rêver ? Mathieu Noël et ses élucubrations à deux balles, Fabrice Drouelle et ses postures, Erner et sa suffisance, l'atonie de France Musique, la danseuse de Mouv' et toutes ces émissions qui s'écoutent parler, tous les jours en studio, fenêtres fermées sur le monde ? Qui se bouge partout en France ? Vers les autres. Qui peut seulement tenter de se rendre dans les territoires ultra-marins, en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte ? Qui va au contact, en prise avec le réel plutôt qu'au travers de conversations téléphoniques "vu de Paris" ?

Alors du rêve on n'en parle même pas. The dream is over. Sorry pour l'angliche mais j'aime le constat amer de John Lennon. L'époque est folle, dure, aliénante, misérable et tragique. Pour autant n'est-ce pas à la radio de tracer quelques pistes d'espoir, de rendre compte de témoignages de réussites (un peu plus que 10' par jour), de créer sur place des rencontres avec ceux non encore cloués au sol par l'infobésité, de donner une place à la joie, au rêve et au partage ?

Il faut vraiment tout remettre à plat, changer le management, changer la tyrannie du podcast au détriment des programmes, changer les discours de communication superfétatoires, changer les vedettes qui tournent en boucle sur elles-mêmes. Changer même le très bon titre de l'émission "Marche ou rêve" par celui de…

Marche et rêve !

À bon entendeur, salut ! 

lundi 7 avril 2025

On arrête tout, on réfléchit… et c'est pas triste !

En 1973, Gébé, dessinateur imagine ce slogan, soit un pas de côté mais genre un pas de géant ! Réfléchir ensemble avant d'aller dans le mur. Dans le mur on y est ! Et alors que ça patauge dans le marécage d'une loi audiovisuelle engluée dans les partis-pris, le verbiage et les sous-entendus, ne pourrait-on tout arrêter ? Qui arrêterait ? Pas ceux qui s'enferrent pour faire voter une loi mal embouchée qui fait tout ce qu'elle peut pour y échapper (trois coups pour rien depuis 2020). Pas ceux, résignés qui, depuis lurette, ont abdiqué face au visuel. Visuel qui lui-même s'est s'installé à la radio par la porte et par la fenêtre. Pas ceux qui vouent aux gémonies le service public et plus particulièrement le service public audiovisuel.

Gébé, l'An 01











Alors qui s'arrête ? Les auditeurs pardi ! Mais un arrêt brutal. Plus d'écoute, de rediffs ou de podcasts. Rien. Aucune chaîne du service public. Parce que les auditeurs on les entend jamais. On leur tisse des lauriers pour leur fidélité, leur assiduité, leurs écoutes plurielles mais quant à recueillir leurs avis, là vous pouvez toujours courir. Pas plus qu'on ne recueille l'avis des usagers de la Poste, de l'École, de l'Hôpital ou de la Justice. Sans nous, auditrices et auditeurs, la radio publique peut mettre la clef sous la porte. La grande porte de verre de la Maison de la radio à Paris qui héberge six des chaînes publiques (Inter, Culture, Musique, Info, Fip, Mouv'). Ici (ex France Bleu) répartie en 44 locales sur le territoire métropolitain,

Y'aurait bien une solution : faire grève, sans préavis. Une belle grève illimitée. On se réunirait dans les quartiers, les villages et autres îles de la Manche, de l'Atlantique et de la Méditerranée. On causerait. On dirait nos doléances. On les écrirait, les enregistrerait en audio et en vidéo. Et chats échaudés craignant l'eau froide, on confierait ça à de jeunes chercheurs et de moins jeunes pour en tirer le Manifeste des Auditrices et des Auditeurs. Bon, pour ça faudrait pas trop qu'on soit devenus des moutons, résignés face au rouleau compresseur de l'Éditorial, du numérique et du podcast. Faudrait p'tête aussi qu'enfin on arrête d'avaler des couleuvres. Et que bien égoïstement on se bricole dans son coin ses p'tits programmes au poil. Faudrait surtout qu'on s'affranchisse de ce geste qui rassure, qui accompagne nos moments de vie, ce geste machinal devenu essentiel : allumer la radio.

Et surtout, qu'on ouvre les yeux sur les conditions de plus en plus périlleuses d'exercice des métiers des professionnels de la profession. Qu'on arrête de croire que la fabrique de la radio serait une panacée quand, les managères de moins de cinquante ans, brisent la chaîne de production, les équipes de réalisation, inventent des moutons à cinq pattes et foutent les brebis galeuses à la porte. Le tout avec toujours moins de moyens et un développement exponentiel d'une armée mexicaine de cadres ! Avec la casse méthodique d'une radio de l'offre et de programmes pour une plateforme numérique à la demande. Avec l'abandon définitif d'une radio où le rêve, défini par Pierre Wiehn ancien Directeur d'Inter, avait toute sa place.

" Il y a un domaine dont on n'a pas parlé faute de temps, c'est le rêve. C'est toujours un peu bêta, mais il se trouve que l'auditeur est un créateur à sa manière. Il suffit de lui donner le cadre, la musique, le fond, le décor, appuyer sur un bouton ou deux et, à ce moment-là, il devient co-auteur. En attendant d'être l'auteur principalIl faudrait réellement faire en sorte que les Directions de programmes, établissent un lien fort à double entrée avec l'auditrice ou l'auditeur [auditeur/co-auteur, ndlr]. Il y avait une émission dans le temps à France Inter, "Marche ou rêve" (Claude Villers et Monique Desbarbat, ndlr] et je pense qu'il y avait du rêve. Et vous pouvez pas savoir les réactions qu'on avait à cette époque-là. Mais vous ne croyez pas que le rêve ce n'est pas une vertu d'avenir ? Vous croyez que ça ne permet pas de rassembler les gens ? Vous ne croyez pas que ça leur permet pas d'être au-dessus de leur condition ordinaire de consommateur ? Vous croyez que ce n'est pas possible ? Moi si." 
(Pierre Wiehn, rencontres et débats sur la création radiophonique, organisées par la Scam le 27 septembre 2016).

Alors, on commence quand à rêver ?



samedi 5 avril 2025

Surpris par la nuit, le zèbre, le cirque, Belleville , M. Malaussène et quelques ratons-laveurs…

D'abord… D'abord, il y a cet indicatif envoûtant… Aussi envoûtante la voix d'Alain Veinstein "Surpris par………… la nuit". Et le plaisir de découvrir un programme enveloppé du silence de la nuit. Les yeux fermés, l'ouïe en alerte et le sourire au coin de l'oreille. Cette nuit (il est 4h26), Philippe Garbit nous annonce "Une véritable enquête". Sur le Nox, le Berry, le Berry-Zèbre et le Zèbre. Un seul et même établissement niché à Belleville. Ce quartier parisien qui va se transformer sous nos yeux des années 50 au milieu des années quatre-vingt dix. Et c'est une véritable enquête que vont mener, pour France Culture, Christine Delorme, productrice et Anna Szmuc, réalisatrice.

Devanture du Zèbre








Aux Archives nationales, Christine Delorme égraine des nombres, 61,62, 63. Au 63, se tient le cinéma de quartier Le Nox, Boulevard de Belleville, dans le XIè arrondissement de Paris. Christiane Leproux, ancienne gérante du Berry, sera le fil rouge de ce documentaire. Avec une verve et une sincérité touchante. Devenu le Berry, le cinéma deviendra un cirque, plutôt que toutes les affreuses choses auxquelles il a échappé. Garage, supermarché, fast-food. C'est sûr on vient de pénétrer dans la troisième d'une autre époque. L'attachement d'un quartier pour son cinéma qui lui crée son identité propre. Sa clientèle fidèle comme celle de passage. Sa patronne, Christiane Leproux, figure locale en prise avec la population attentive et intuitive pour faire coller sa programmation aux choix de ses publics.

Delorme et Szmuc, vont dérouler méthodiquement l'écheveau de cette histoire sensible autour d'un lieu fédérateur, d'un lieu social en prise avec son quartier et en dehors des clous de ces lieux qui vendent des pop-corns et autres sodas glacés. À partir de 1984, la salle mute en "Théâtre et cinéma" pour tenter de concilier la baisse de fréquentation cinématographique par la diffusion de spectacles vivants. Et Suzanne-aux-yeux-bleus (Christiane Leproux) comme l'appelle Daniel Pennac, avec sa verve féconde ne se lasse pas de refaire le film de l'épopée Bellevilloise de son cinéma-théâtre-cirque. Par exemple en 1951, quand ils ont acheté le cinéma il y avait onze salles à Belleville. Le cinéma était le divertissement populaire par excellence.

Parmi les clients, Frédéric Mitterrand, Claude Lelouch, Enrico Macias,… Le Berry était le seul cinéma qui passait des films pour enfants. C'est comme ça que Nathalie Baye est venue voir la guerre des boutons avec sa fille. Et des enfants venaient même de banlieue en car ! D'autres belles histoires évoquent ce lieu avec Jacques Higelin par exemple… Où l'on mesure l'importance d'une histoire tissée de milles histoires qui donnent une âme, une empreinte, un parfum à une adresse qui bien plus qu'un numéro deviennent un point d'ancrage dans la ville. Un repère affectif. Un coin où il fait bon exister. 

Daniel Pennac dénoncera la destruction du lieu. Le propriétaire des murs veut vendre. Le zèbre indomptable est muré en 1994. Squatté, défendu par des associations, le lieu continue d'exister en connaissant de multiples péripéties. Il sera finalement racheté en 1999 et transformé en cabaret-cirque par un ancien clown, Francis Schoeller. Le Zèbre de Belleville rouvre ses portes en 2003.

Vous le savez, il y a les bons documentaires, celui-là est très bon. Fouillé, documenté et très bien raconté. Christine Delorme est décédée le 26 février 2020 à Paris après avoir produit de nombreux documentaires pour France Culture.

Un documentaire du 17 juin 2003.

vendredi 4 avril 2025

Ce mec est dingue : old dingue !

Le dingue c'est moi. Vieux (doux) dingue même ! Vous allez voir à quel point les détails me percutent l'oreille (en coin, of course…) Tout allait bien ce mardi matin 1er avril j'écoutais un documentaire des Nuits de France Culture, il était genre 5h du mat'… Oui je sais, c'est un peu tôt ! Mais pour une écoute optimale, dans le noir (et sous la couette) je me préparais à être tout ouïe…

Agnès Gribe avec Jean Amadou pour 
L'Oreille en coin du dimanche matin










Comme j'aurais aimé raconter cette "anecdote" à Yann Paranthoën et Claude Giovannetti, les auteurs du documentaire à l'écoute. Albane Penaranda, productrice des "Nuits de France Culture" poursuit la rediffusion des œuvres du "tailleur de sons" de l'île Grande (22). Cette nuit-là c'était "On Nagra/Part 2". Je me régale d'écouter Paula Jacques (productrice à France Inter, L'Oreille en coin) et Leila Djitli (idem) dans un faux dialogue exprimant, pour la première, les vertus de l'enregistreur Uher, la seconde celles du Nagra (dont elle garde en permanence un exemplaire avec elle)…

Et puis Paranthoën et Giovannetti s'intéressent au Nagra SN que les astronautes de l'expédition lunaire auraient emporté dans le vaisseau spatial en juillet 1969. En plusieurs courtes interventions (au réel de tenter de joindre tant qu'à faire Neil Armstrong dans l'Ohio !!!!!). À la façon Paranthoën sont enregistrées toutes les étapes et leur détail avant de livrer la conversation finale avec Armstrong. À deux reprises pour joindre les États-Unis, il faut passer par le standard de Radio France, qui, à cette époque, pour mettre en attente, bascule sur le programme musical de FIP, comme une voix le précise.

Voilà bientôt la chute. Savourez le récit ! Pour le dernier appel aux U.S. et, la conversation qui en suivra avec Armstrong, le standard de Radio France, bascule à nouveau sur FIP, deux secondes de zique et une animatrice prend le micro, immédiatement je reconnais une voix. Je mets sur pause. Comment reconnaître une voix (seize mots, 6 secondes) alors que FIP n'avait pas le charme de pousser sa diffusion jusqu'en Finistère ? Ce n'était pas Kriss (qui a fait quelques vacations), pas Simone Herault (à cause de sa voix "SNCF", très reconnaissable). Je réécoute. Ça se précise. Puis une troisième fois.

Là, c'est sûr, c'est Agnès Gribe, animatrice à L'Oreille en coin, sa voix je l'ai parfaitement à l'oreille. Agnès a, elle aussi, fait des vacations à FIP. Je n'ose pas appeler Agnès (1) pour une si futile interrogation. Je réécoute une quatrième fois (je peux pas me planter, j'ai une réputation à tenir) et là, pas d'erreur, c'est bien Agnès et sa voix grave si caractéristique ! Bingo ! 

Je précise qu'on était le vendredi 14 mai 1987 et qu'il était 15h20 (2)… Voilà donc ici avouée ma dinguerie. Mon oreille affûtée aux micros-détails et le plaisir absolu de les attraper au vol. Vraiment j'aurais aimé le raconter à Yann et à Claude… Grâce à cette façon de ne pas "estomper" le contexte, cela aura permis la présence furtive d'Agnès dans "On nagra"… 

(1) J'ai toutefois vérifié auprès du chef-opérateur du son de l'époque, Guy Senaux, qu'Agnès travaillait de temps en temps pour Fip !!!
(2) C'est annoncé comme tel dans le doc, sauf qu'il n'y a pas de vendredi 14 mai, le14 c'est un jeudi et le vendredi c'est le 15 ! ;-)

Nagra SN


jeudi 3 avril 2025

Sur les docks (6) : Estuaire de Gironde…

Là, à 60 km du phare de Cordouan comme à 60 km de Bordeaux… "Sur les îles de la Gironde on se défend contre le fleuve" constate Olivier Chaumelle producteur (Charlotte Roux, réalisatrice) de ce documentaire , "Estuaire de Gironde, l'archipel abandonné", sur France Culture. "Vauban s’était fait fort de verrouiller l’Estuaire de la Gironde, grâce au système suivant : la magnifique citadelle de Blaye sur la rive droite, Fort Médoc sur la rive gauche, et Fort Pâté au centre. Vauban est allé construire un fort à sa façon sur une île vaseuse de l’estuaire, pour le cas où les Anglais tenteraient une incursion…"

"Le verrou Vauban"








Que d'eau ! Que d'îles ! "Elles sont discrètes ces îles". Cazeau, Macau, Margaux, l’Île du Nord, l’Île Verte, Fort Pâté, l’Île Nouvelle, Bouchaud et Patiras, tout au Nord. Sur l'ensemble des îles ont habité jusqu'à mille personnes. Ces îles et leurs vignobles ont résisté à la crise du phylloxera au XIXè siècle qui a décimé le vignoble bordelais, grâce à l'inondation des terres et des vignes en hiver.

Vous découvrirez l'histoire de l'instituteur Jean Paris qui se croyant affecté à terre, découvrit qu'il était nommé à l'île Verte (65 habitants, 20 élèves). Des enfants dont la plupart n'avaient jamais été à terre. Quelle histoire ! L'île Verte c'était une propriété privée représentée par le régisseur. Les ouvriers agricoles d'origine Charantaise parlaient un patois qu'on appelait "Le gabaille". L'île Verte c'est la limite entre la langue d'oc et la langue d'oil. "Et les gabailles étaient d'oil".

"La première raison de fascination [pour ces îles] c'est le rapport à l'enfance, c'est Robinson Crusoé, on est dans un rapport très mystérieux, d'entrer dans des territoires oubliés et inconnus…" À cette fascination vous découvrirez son envers avec le récit de l'instituteur et de la petite fille brûlée qui, quarante-sept ans plus tard, tire encore les larmes du maître d'école.

Rediffusion du 17 juillet 2007 

mercredi 2 avril 2025

Sur les docks (5) : quand le bâtiment va…

Ils sont donc du pays : Laurent Loubet, producteur et maçon et Christine Diger, chargée de réalisation. Pour un documentaire de cœur et de pierres : "La pierre a du cœur puisqu'elle fait des murs". Alors on est vite au… cœur du sujet. Qui travaille, comment ? Tant de manutentions, si peu d'ouvrage. Jusqu'à ce que l'amour du métier fragilise l'amour tout court…







"On avait pas la même langue mais on parlait", jolie formule pour traduire le compagnonnage sur les chantiers quand les nationalités multiples installent la barrière de la langue. Et puis l'homme ajoute "Il faut être amoureux de ça". De ça ? Tout ce qui fait le métier sur le chantier, les gestes, les techniques, les efforts, la fatigue. Il précise "Pour moi [ce dévouement] n'a pas laissé beaucoup de place à la famille, ça a fini par craquer…" Cette lucidité est intéressante car inhabituelle "sur les chantiers". On parle peu du conjoint(e), des enfants, de la vie de famille sacrifiée à cause du travail pour gagner de l'argent plus que pour gagner sa vie.

Une bonne équipe, une bonne ambiance c'est 60% de la réussite. Les différents compagnons s'expriment avec leurs parcours, leurs aspirations, leur satisfaction de faire de la belle ouvrage et d'être reconnus comme tels. L'importance de la relation au travail. De dépoussiérer de vieux savoirs-faire précieux quand il n'existe plus personne pour le faire savoir. De faire des choses belles. Donc une petite entreprise de bâtiment qui a une éthique pour bâtir comme pour donner un sens à la vie de chacun des ouvriers employés. Assez rare pour être souligné.

"Le bâtiment aide à se construire, de poser des fondations… c'est une très bonne thérapie tous ces mots qui sont liés au bâtiment…"

Rediffusion du 26 mai 2009.

Poison d'avril… à l'Assemblée Nationale !

Comme j'avais hier fini de peindre la girafe, j'ai regardé un nouvel épisode de la série  "Commission des Affaires Culturelles" de l'Assemblée Nationale qui devait passer en revue la bagatelle de neuf-cent vingt amendements de la loi "Réforme de l'audiovisuel public et souveraineté audiovisuelle". Ça donne envie, non ? Ben y'a quand même des vedettes : la Ministre de la Culture, Madame Rachida Dati, Madame Sophie Taillé-Polian (Écologistes) Monsieur Emmanuel Grégoire (Socialistes) et quelques seconds rôles de très bonne facture… Si, si regardez le générique




Alors que c'est la quatrième fois, - quatrième fois - que le texte va tenter de passer la barre des votes en Assemblée plénière, un petit caillou est venu se mettre dans la chaussure de la représentation nationale. Un "incident" - que dis-je un séisme - a imposé à la Présidente de la Commission, Madame Fatiha Keloua Hachi, avant la reprise des travaux à 21h et après 3h43 de débats, de les suspendre, sans que l'on sache à cette heure s'ils reprendront à 10h ce matin.

Un "vif échange" entre la Ministre et une administratrice de l'Assemblée nationale, sur des modalités d'introduire un nouvel amendement (de dernière minute) présentée par Madame Dati que l'administratrice jugeait irrecevable a imposé à la Présidente de la Commission de juger que  "Les conditions ne sont pas réunies à ce stade pour poursuivre sereinement l’examen de la proposition de loi".

Ambiance ! Moi qui voulais après la girafe repeindre l'âne, je serai devant le nouvel épisode de la série à 10h et, s'il y a lieu, rédigerais l'ajout nécessaire à la bonne compréhension de la chose. Mais dans un premier temps, bien qu'il y a deux jours la nouvelle lune s'imposait, on peut dire que les planètes, elles, ne sont vraiment pas alignées. La holding tourne à la holdingue et ce n'est pas la première fois…

mardi 1 avril 2025

Sur les docks (4) : Québec, voyage en Abitibi

Alors voilà, je commence l'écoute de ce documentaire et tout de suite quelque chose cloche. Alexandre Heraud, entre dans le vif du sujet, dans le train pour la région d'Abitibi (Québec), sans avoir pris la peine de nous situer l'affaire. ¿ Que pasa ? J'appelle le producteur de France Culture. Ton documentaire au Québec commence par un voyage en train ,sans nous dire d'où tu pars ? Quoi me répond-il interloqué, mais si ? Ce doc il a plusieurs épisodes ? Oui, cinq. Cinq, ma doué (mon Dieu en langage autochtone breton), je te rappelle. Je fouille dans les archives disponibles de "Sur les docks" et ne trouve rien. Tu aurais les enregistrements de tout ça ? Bien sûr, je fouille mes cartons et je te les envoie. Merci Alex…










C'est sans doute une déformation mais je ne peux écouter un doc dont on a enlevé trois épisodes précédents et le suivant. Et vous allez voir ça change tout. Regrettons juste que l'équipe de "Sur les docks" de l'époque ait pu imaginer faire écouter ce doc sans le contextualiser. C'est un long voyage qu'entamait Heraud, tintin reporter, avec Yvon Croisier (réalisateur) et Éric Gérard (opérateur de son), en mars 2008. (1) Pour ce billet nous nous contenterons de l'épisode 4 "Je m'invente une famille". Et quelle famille ! Mais ne brûlons pas les étapes.

On s'installe avec Héraud dans le train qui, pendant 14 heures, les a fait voyager de Montréal à Senneterre. Un train que Claude Villers aurait adoré (peut-être l'a-t-il déjà pris) puisque chaque voyageur peut demander l'arrêt qu'il souhaite, même en dehors des gares (61 arrêts possibles). C'est valable aussi pour ceux qui, au bord des voies, peuvent arrêter le train sur un simple geste ! Un rêve non ? Ce train pour le far-west québécois fait dire à l'un des voyageurs : "Passé le premier million d'arbres vus, votre amour d'épinettes va peut-être réduire un peu". C'est dire qu'au paysage "monotone" à supporter il va bien falloir trouver de quoi occuper le voyage. Faire raconter le trappeur qui vient juste de monter dans le train est un moment à la fois fantastique et déroutant.

On découvrira que c'est le chemin de fer qui a fait s'installer les "colons" en Abitibi, quand les amérindiens, aux "origines" devaient eux y vivre . Ce pays-là n'a jamais fait partie de la Nouvelle-France. Créer ce chemin de fer national transcontinental (de la baie de Québec à celle de Winnipeg au Manitoba) a fait de l'Abitibi une terre promise, une terre de liberté disposant d'un grand territoire agricole et de nombreuses possibilités sur le plan forestier et hydraulique (et une mine d'or dans la région du lac Fortune)… Et puis le train passe La Tuque le pays de Félix Leclerc.


 








Arrivée de nuit, l'équipe va enfin faire connaissance avec les autochtones du bout du monde et, faire rimer Abitibi avec paradis, lieu refuge chaleureux. Et ce sera la rencontre avec Graziella Ouellet, et ses enfants, tous installés au pourtour du lac La Motte, les uns auprès des autres. On voudrait y être, on y est. Émus par autant de simplicité, d'amour familial et de symbiose avec la nature. Cette épisode complète bien sûr le panorama dressé par ce grand voyage au Québec, qui a pris le temps d'écouter, de comprendre, et de faire chanter les chanteurs et particulièrement Richard Desjardins

Allez, on va croiser les doigts pour que Les Nuits de France Culture, rediffuse les cinq épisodes de ce voyage qui fait un bien fou pour un bon souffle d'humanité, comprendre l'histoire récente du Québec, celle des Québécoises et des Québécois des villes et des campagnes, celle des référendums perdus pour le projet de souveraineté, celle d'une nature exceptionnelle qui risquait d'être rasée par l'industrie forestière. Vous pouvez toujours en attendant fredonner "Lindberg" de Charlebois comme pour vous préparer à partir en Nouvelle-France et dire à votre tour "Je me souviens."

(1) 1. Je me souviens, 2. Je m'accomode, 3. Je suis un policier, 4. Je m'invente une famille, 5. Je pars en forêt boréale. Eh oui c'était un temps où "Sur les docks" s'entendait du lundi au vendredi à 16h !

lundi 31 mars 2025

Plus fort que la fusion… la globalisation des audiovisuels publics !

Un homme avisé de la maison (ronde), qui a bien tourné, aujourd'hui loin de la radio, affirme que "la fusion ressemblerait plus à un faux-nez quand le véritable enjeu c'est la globalisation". Bien vu ! La fusion est une opération fonctionnelle. La globalisation touche à l'esprit et à la lettre de chacune des identités audiovisuelles publiques. Les penseurs de cette fusion sont juste des technocrates, des industriels, des comptables de la rationalisation au carré. Vouloir fusionner radio et TV alors que Giscard d'Estaing avait tout fait pour les dissoudre, avec sa loi du 7 août 1974 (1), c'est juste réinventer l'eau chaude avant d'administrer à chacun la douche froide. Ne rêvons pas, aucun risque de "reconstitution de ligue dissoute". Les managères de moins de cinquante ans qui revendiquent l'agilité vont surtout trancher dans le lard et infliger à chaque entité le régime maigre.











Dernier avatar de la holdingue : la DGMIC (Direction générale des médias et des industries culturelles au Ministère de la Culture) a adressé aux députés de la commission des Affaires culturelles une «étude d’impact» sur la réforme de l’audiovisuel public. A ce propos, la note affirme la capacité de France Médias à "créer à moyen terme de nouvelles filiales" (1)

  • "Concernant l’information, la constitution d’une filiale permettrait de « renforcer l’intégration du média global franceinfo » et d'approfondir les coopérations entre les composantes TV et radio," (2)
  • "S'agissant de la proximité, l’objectif serait de « réunir les ré‐ seaux France 3 et Ici » (ex-France Bleu) afin de répondre à "l’ambition de créer un média global de la proximité » qui implique « une ligne éditoriale coordonnée".(2)
Vous la voyez venir l'usine à gaz ? Non, pas celle qui siègeait quai de Passy (XVIè, Paris) en lieu et place de ce qui deviendra la Maison de la radio. Non, une méga usine à gaz, pilotée par un, une méga Pdg-ère. L'ORTF mais en beaucoup plus balèze. Une méta-organisation un peu comme une multi-nationale dans laquelle on se demande à quelles sauces seront mangés les créateurs de contenus.

La course effrénée vers les plateformes (celle de Radio France comme celle de France Télévisions) n'est-elle pas l'assaut final contre la radio hertzienne ? L'amalgame des audiovisuels publics n'est-il pas la meilleure façon de noyer le poisson ? Tout est dans tout et inversement. Qu'est ce qui dans ce magma, sonore et visuel, distinguera la radio ? Rien. Car très vite des images vont venir se coller aux sons, inéluctablement. Et à terme tout cela sera identifié sous la seule marque francemedia.fr. 

Anna Margueritat/Hans Lucas. AFP















Dans sa livraison de mercredi dernier, Télérama interroge l'écrivain italien Giuliano da Empoli. "Je crois que nos politiques et nos sociétés [font] la même chose avec les nouveaux prédateurs du numérique, ces jeunes gens qui semblent débarquer d’une autre planète avec leur sweat à capuche, parlent un langage qu’on ne comprend pas et paraissent maîtriser l’avenir. Ils nous expliquent qu’il ne faut surtout pas tenter de réguler leur industrie, parce qu’on n’y comprend rien. Ils ont l’air progressistes, leurs inventions sont épatantes,… On ne voit pas la part d’ombre qui les accompagne : le fait que ces mêmes inventions détruisent ce que nous avons en commun et transforment nos sociétés en gigantesque tour de Babel. Elles nous fragmentent et enferment chacun de nous dans une bulle de réalité totalement hermétique à celle de son voisin. " (3)


(1) France Médias ce serait donc : Radio France (sans franceinfo et ICI), France TV (sans franceinfo et ICI), Ina, France Info, ICI, soit 5 entités,
(2) Satellifacts, 26 mars 2025,
(3) Entretien par Olivier Pascal-Mousselard, Télérama n°3924,

jeudi 27 mars 2025

Sur les docks (3) : Baptême tzigane chez les Romanès…

Ça commence par chanter : Délia Moldovan avant de rencontrer Alexandre Romanes, chantait déjà. Ensemble ils ont fondé en 1994 le premier cirque tzigane d’Europe. Ce jour-là nous retrouvons le clan Romanès au nord de Paris, un matin, à l’heure où les enfants répètent le spectacle «Paradis Tzigane».









Délia ne se sent pas Roumaine, au risque d'avoir quitté la Roumanie (époque Ceaucescu) face au racisme envers les tziganes. Elle sentait qu'elle "allait mourir"… Se trouvant face à la Terre qu'elle imaginait à elle puisque "elle est à tout le monde"… Alexandre Romanès dit "Un cirque tzigane c'est terrible" quand il laisse à eux-mêmes les enfants pour répéter sans lui. "Le cirque Romanès c'est une trentaine de personnes. Le chapiteau à 300 places et on est trente à vivre sur ces 300 places et en Roumanie on en nourrit encore une bonne vingtaine !"

Jacques Blanc, directeur du Quartz de Brest, scène nationale, qui a souvent accueilli le Cirque Romanès, se sent un peu sur les marges de la famille, particulièrement quand il est le parrain d'Alexandra alors qu'il n'est pas tzigane lui-même. Et ça chante encore ! Puis la famille se rendant au baptême (catholique) de deux petits-enfants on apprend que le prénom d'un enfant n'est donné que quand on voit son visage, et pas avant la naissance comme c'est souvent le cas en France. La petite fille ressemblant à un soleil on l'appela Sorina (soleil en rom).

Le documentaire nous plonge dans une ambiance paisible, familiale, douce même. À l'image de la société tzigane où la famille et les enfants sont au cœur de leur vie. Laissant aux enfants beaucoup de liberté. Alexandre Romanès évoque l'évolution des modes de vie tzigane. Ceux qui ont fait le choix d'être sédentaires et qui se plient aux modes de vies occidentaux. Ceux qui sont restés en caravanes et qui se sont affranchis du système scolaire, de la réussite sociale, fiers de vivre à leur façon gitane. 

On l'entendra, sans détour, se dégage surtout de cette famille tzigane une grande humanité, simple et chaleureuse. Une immense fraternité qui télescope nos propres humanités repliées sur elles-mêmes. Une immense fraternité en chantant.

Un documentaire d'Irène Omélianenko, réalisation Nathalie Battus, prise de son Alain Joubert.

(À suivre)

Audiovisuels publics : une fusion avant la fusion…

Il y a trois ou quatre ans j'avais annoncé que dans quelques années, les noms des chaînes publiques de radio disparaitront au profit d'une seule marque Radio France. Mardi dernier, Madame Ernotte, Pdg de France Télévision annonçait : "Les logos de France 2, France 3, France 4 et France 5 disparaîtront de l'antenne à partir du 6 juin et seront remplacés par la "marque média unique" france.tv". Pourrions-nous douter que Radio France ne lui emboîte le pas dans un avenir très proche ?






Ce que la presse qualifie déjà de "petite révolution" en est une. Si pour un public de télévision l'identification à l'écran des chaînes qui diffusent un programme n'a peut-être plus d'importance (identifiable seulement par la télécommande), pas sûr que ce soit le cas pour la radio ?  Pour ce qui concerne une radio physique, un tuner, un autoradio ça risque sans doute de ne pas pouvoir se passer du nom des chaînes (qu'on abat) (1) ! Mais sur la plateforme Radio France oui. Laurent Frisch, Directeur du numérique, partage la même philosophie qu'Ernotte : une seule marque bien identifiée. 

Le principe des podcasts disponibles dans un grand magasin n'a pas tellement besoin de signifier le nom de la chaîne. C'est le sujet qui prime et peut importe la chaîne qui l'a produit du moment que Radio France peut en récolter les fruits. Comptons sur les gourous du numérique pour faire en sorte qu'il en soit ainsi à la radio. J'oubliais, Mme Ernotte a conclu pour la plateforme France Télévisions  : "Comment y intégrer du texte, de l'audio, des podcasts ? C'est la prochaine étape." Suivez mon regard… Une fusion des audiovisuels avant la fusion.

(1) Les chênes qu'on abat, André Malraux, 1971, 

mercredi 26 mars 2025

Sur les docks (2) : au village dans le Lot…

Je l'ai déjà écrit ! Ça vaudrait le coup de retourner dans tous ces lieux du "Pays d'ici" et "Sur les docks" voir un peu comment les choses ont bougé. En seize ans un exode accentué ou une extension pavillonnaire. Ici, à Douelle, un village du Lot on peut prendre les marques à un temps T, comprendre une ruralité ancrée dans ses rites et ses passages de témoin… et entendre le point de vue d'une jeunesse attachée à son terroir.

Douelle










Les vieux complètent le paysage… Les jeunes préparent la fête annuelle. Et quelques adultes se souviennent d'un passé d'autogestion pas si lointain et du slogan actif "Volem viure al païs" avec l'accent. Un témoin assure assure que l'attachement au village est toujours aussi fort même si beaucoup sont partis faire des études ou travailler ailleurs. Plusieurs activités de loisir ont disparu et le constat est imparable : "L'époque a changé"… Où l'on verra qu'un certain Aurélien Pradié (aujourd'hui député), 22 ans (en 2008), est élu pour son canton de Labastide-Murat en faisant sa tournée électorale… à mobylette ! 

(À suivre)

mardi 25 mars 2025

Sur les docks (1) : Camping du Perroquet…

Je vous dit tout. Quand j'ai cherché les archives du documentaire sur France Culture et de "Sur les docks" en particulier, j'en ai trouvé 711. Bigre ! Et me suis aussi dit que ce serait dommage de ne pas en remettre plusieurs en avant. L'émission a commencé en 2006 coordonnée par Pierre Chevalier. De 2009 à 2011, c'est Jean Lebrun (à contre-emploi) qui coordonne l'affaire. C'est lui qui annonce le doc que je vous présente ci-dessous. Je vais tenter, sans trop m'engager toutefois, plusieurs jours par semaine (sauf le lundi) de remettre en avant plusieurs de ces documentaires qui méritent de sortir de l'armoire…



Bray-Dunes a un petit goût de Front populaire… Et un vrai charme révèle Sandrine Rousseau. De caravanes à la bonne franquette au Camping du Perroquet. C’est un camping mythique. La classe ouvrière, certes résiduelle, de la région, s’y rend avec joie et dignité. Et voilà que le 7 septembre 2009 (une éternité), Olivier Chaumelle, producteur, plutôt habitué à l'étrange ou aux histoires cachées, s'est rendu au Camping de Bray-Dunes, accompagné de Nathalie Battus, réalisatrice. Il nous met vite dans l'ambiance des plages du Nord, de la Belgique toute proche, et de Dunkerque dont on peut "admirer" les fumées d'usine…

Et Chaumelle de poser la bonne question, dans cet environnement de "mobile-home" est-ce encore du camping ? En 2009, ce type d'hébergement de vacances n'a pas encore fait son revival des années 2020 et quelques clichés sympathiques s'accrochent aux lampions qui flottent au vent du nord. La belote, les rencontres à l'apéro, une bonne bière en Belgique et ses indispensables frites, les couchers de soleil et le long cordon dunaire qui mène "à l'étranger". Les habitués se fréquentent depuis des années avec leurs petites manies, leurs habitudes, et leur petit cocon de nature qu'ils ont fait à leur image.

Chaumelle d'en rajouter. Il s'interroge : "Le Perroquet, une utopie sociale ?" Hé ! hé ! Bien vu. Il y a sûrement un peu de ça. Dans une proximité conviviale où chacun peut, quand même, défendre sans bruit son petit carré (de verdure), son petit quant-à-soi, tout en cherchant la compagnie de ses semblables. Et voilà une bonne heure passée dans le calme, au rythme des congés payés même si ceux de 36 sont vraiment très très loin.

(À suivre)