"Cuisiner ses racines c'est savourer une langue inconnue" voilà comment Renée Elkaim-Bollinger introduit (il y a dix-huit ans déjà) cet épisode "De bouche à oreille" (quel titre !)… Deuxième et dernière émission d'une série sur la recherche de ses racines à travers la cuisine, que "Les nuits de France Culture", produites par Albane Penaranda, nous a donné à réécouter le 11 février dernier. Quel régal ! Quelles saveurs que Viviane Chocas nous donne à goûter (1). Sur le bout de la langue comme sur le bout du… hongrois.
Galouchka |
Alors, en pleine nuit, on se croirait à midi les dimanches d'autrefois. C'est la magie des "Nuits de France Culture" qui jouent en permanence avec notre mémoire et nous trimballent du passé au présent et retour. Retrouver Renée Elkaïm-Bollinger c'est se rappeler tous ces dimanches où avant de passer à table nous écoutions religieusement cette jolie demie-heure dédiée au palais. Une demie-heure ronde et joyeuse. Où l'on y entre et où sans avoir encore rien avalé on se lèche déjà les babines.
Viviane Chocas joue avec la musique de la langue et ses "voyelles-paprika" comme ses consonnes "galouchka". Mais aussi qu'y a-t-il dans la langue, que cache-t-elle ? Avec ses accents graves au goût de noix, ou ses accents aigus à l'amertume du concombre ? Cette "fée" Viviane de sa belle voix nous transporte en cuisine et on se demande si on ne préfère pas l'écouter plutôt que de goûter, tant elle tourne si bien sa langue dans sa bouche. Sa langue française comme, fille d'émigrés hongrois, la hongroise qu'elle a apprise.
"Ça me prend en ventre, je mange rouge et, au-dessus du pubis, je sens mes veines, ma peau, mes muscles qui se resserrent en bourse. Mon vagin palpite, quelque chose se creuse, je mange rouge et je ne peux empêcher mes paupières de se fermer sur ces bouchées pesantes, quand les graisses s’étiolent en quelques tours de langue pour laisser ronronner la saveurs, du fruit, de la farine et du saindoux. Je mange rouge et ce sont les syllabes, les mots que je broie, je les tords, je les masse, je les mâche et je les macère, je les étouffe et je les libère, je mange rouge et je n’ai plus à parler à guetter les signes et les vocables, leur transparence. Je mange rouge et je ne suis plus qu’une langue orange, rappeuse, une langue fine, déliée, amoureuse, une langue chantante et doucereuse, une langue vivante et déjà tout mon palais se couvre de poudre rouge." (1)
(1) Quelques extraits de son livre "Bazar Magyar" (éd. Héloïse d' Ormesson, 2006) sont lus au cours de l'émission,
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire