lundi 27 mars 2017

Locales de Fip : un supplice chinois (avant fermeture)…

Samedi 16h30. Ici, extrême pointe nord-ouest du Finistère, un vent à décorner les bœufs, un soleil magnifique et une immense perplexité. Il y a quelques jours Fip a diffusé "The days of pearly spencer"- David MacWilliams. Ce blog reflète et le mouvement radiophonique et mon spleen. E la nave va…











Outre France Inter, France Musique et France Culture, que Roland Dhordain, (directeur de la radio à la Radio Télévision Française), a mis "dans le marbre" en 1963, j'ai la conviction formelle que toutes les autres radios de Radio France sont, depuis 1975, sur l'échiquier du territoire national, dans un mouvement perpétuel continu d'ouverture et de fermeture. Au gré des vents. Au bon vouloir d'une humeur, d'une inspiration, du fait du prince, d'une courte vue ou tout simplement d'une fantaisie. Ce genre de jeu d'échecs est joué par des dirigeants plus ou moins inspirés, plus ou moins concernés, plus ou moins engagés. Je considère alors que toutes les chaînes, Bleu, Info, Mouv', Fip, sans exception, sont potentiellement des variables d'ajustement. L'expression est terrible mais reflète une… terrible réalité. Ajustement politique, économique et social.


Sylvie Nicolet,
1ère journaliste de Radio Mayenne !











Ce mouvement incessant commence avec la création par Radio France en 1980, des trois locales expérimentales, Radio Mayenne, Melun FM et Fréquence NordAvant les lois de décentralisation du premier gouvernement Mauroy en 1982, la régionalisation est à la mode. La régionalisation décidée depuis… Paris. Jacqueline Baudrier, 1ère Pdg de Radio France (1975-1981), entend bien montrer qu'à l'aune des radios libres (Radio Verte commencera a émettre à Paris en 1977) la radio publique a une place à prendre. C'est, depuis Paris, que le maillage radiophonique du territoire sera décidé. Jusqu'à une formalisation "unitaire" des noms des locales en 1985 (0) et, en 2000, le "Plan bleu" de Jean-Marie Cavada (Pdg 1999-2006) qui créera et uniformisera les locales en "France Bleu…" et verra disparaître 5 locales de Fip (1). Jacobin quand tu nous tiens ! 



Ci-dessus tract contre "La casse de Radio 7" (la radio "Jeunes" de Radio France). Sur les dix Pdg qui ont dirigé, et dirigent la maison depuis 1975 (2), rares sont ceux qui n'ont pas "changé" les antennes : 
• Radio 7 (Paris) en France Info, 1987, (3)
• FIp (Reims) en Radio France Reims, 1988, (4),
• Radio France Toulouse en Le Mouv',1997,

Ces trois exemples concernent justement Info, Bleu, Le Mouv' et Fip Hervé Marchais, géographe passionné de radio (5), pourrait réaliser d'aussi belles cartes que celle ci-dessous, pour représenter, depuis 37 ans, les mouvements des chaînes. Mais qui voudrait le payer pour faire ce travail pourtant très utile d'un point de vue historique et mémoriel ? 
© H. Marchais














Aujourd'hui, Radio France a décidé que les départs à la retraite dans les locales de Fip (Bordeaux, Nantes, Strasbourg) ne seraient pas remplacés. Et que les antennes continueraient malgré tout jusqu'à… épuisement. C'est donc, comme le faisait remarquer un journaliste de Radio France, le "supplice chinois" assuré. À la rupture "franche" on propose une mort lente. Humainement, c'est devoir supporter "tenir l'antenne"…  en attendant. Insupportable. 

Situer ce contexte et décrire l'état des lieux, préalable à la situation des Fip locales, c'est montrer la concordance des temps et des pratiques qui, à leur tour, vont perturber les animatrices, les auditeurs et "écorner" la très bonne image de marque de la chaîne. Preuve, s'il en fallait une, que la "régionalisation radiophonique" est un leurre et que toutes les radios décentralisées sont dans des situations fragiles pour ne pas dire précaires.

Pour rédiger ce billet, je me suis entretenu avec plusieurs personnes qui, non seulement connaissent bien la chaîne, mais ce, depuis très longtemps. Si la création de France Inter Paris, Fip 514, en janvier 1971, à l'initiative de Roland Dhordain, Jean Garretto et Pierre Codou (6) est une volonté de créer un projet de chaîne de "service" (trafic, culture, pratique) et de programme musical ("60' de musique par heure"), les créations de toutes les antennes régionales sont le fait du "coup par coup". Sans aucun plan d'ensemble ni de développement à court, moyen ou long terme.
Dans le studio de FIP à Strasbourg / © David Marcellin














Aujourd'hui le directeur éditorial de Radio France, Frédéric Schlesinger, est convaincu que le modèle des locales a vécu. Que l'information culturelle "régionale" peut-être présente sur le programme national de Fip, par un décrochage journalier et, que d'autres villes que celles aujourd'hui concernées, pourraient bénéficier de ces décrochages culturels ! Pour l'instant le projet de fermeture des trois antennes régionales est acté. 

Pourtant, pour ces trois locales de Bordeaux (1972), Nantes (1974), Strasbourg (1978), plus que l'information culturelle diffusée sur les antennes il s'agit, sur la longue durée, de participer à un maillage culturel ténu avec des partenaires, des engagements mutuels, des labels. Fip fait rayonner sa très bonne image de marque. Les prescriptions de la chaîne apportent une plus-value aux créations culturelles de toutes disciplines. On peut dire qu'est à l'œuvre un partenariat de proximité. Vu d'ici. Pas de Paris. Mais à Paris "on" recentralise. Jacobin quand tu nous tiens !

Et pour l'auditeur, là, maintenant : ça s'entend pas et… ça s'entendra plus.



L'interview au Figaro d'Anne Sérode, directrice de la chaîne, suite au CCE de Radio France qui s'est tenu jeudi dernier à Paris.

Ce billet, comme l'intégralité de ceux publiés sur ce blog est protégé par la loi du copyright ©. Toute reproduction totale ou partielle de ces textes doit faire l'objet d'une demande écrite auprès de l'éditeur/auteur.

(0) Jusqu'en 1985, le nom de chaque "locale" ne fait référence à Radio France. En septembre 1985, première uniformisation par le nom de la station. Par exemple Radio Bretagne Ouest devient Radio France Bretagne Ouest,
(1) Dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 octobre 2000, 5 locales de FIP changent d'identité. Pour Marseille, Lille et Lyon, les émetteurs diffuseront Le Mouv'. Pour Nice et Metz, le programme de France Bleu.

(2) Après que l'ORTF ait été dissous en 1974 (août), Radio France est créé et est opérationnel au 1er janvier 1975. Jusqu'en 2017, les Pdg ont été : deux femmes, huit hommes. Cinq journalistes (dont Jacqueline Baudrier et Michèle Cotta), cinq non-journalistes (dont Mathieu Gallet, actuel Pdg),
(3) Sous la présidence de Roland Faure. Directeur : Jérôme Bellay,

(3) 1988 au profit de la nouvelle station locale Radio France Reims qui deviendra Radio France Reims Champagne, Radio France Champagne puis France Bleu Champagne,
(4) Blog "Le Transistor",
(5) Dhordain directeur de la radio à l'ORTF. Garretto et Codou, producteurs entre autres de "L'oreille en coin" à France Inter (1968-1990).

Dans cette story vous trouverez le recensement de tous les liens des billets que j'ai publiés sur Fip depuis juillet 2011.

5 commentaires:

  1. Oh Fañch, il n'y a pas de "loi du copyright" dans notre douce France ! Le copyright, c'est la législation anglo-saxonne, très éloignée de la protection du droit d'auteur à la française. Chez nous, les œuvres sont protégées sans démarche et sans avoir besoin de la préciser. Il vaut mieux dire : "contenu protégé par le droit d'auteur, merci de ne pas le reproduire sans autorisation". Même chose pour le ©, qui n'existe pas dans notre législation, même si c'est devenu une convention pour indiquer que le contenu est protégé. Désolé de pinailler, mais les français finissent par mieux connaître la législation américaine (via les fictions us) que la notre ;-)

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    1. Merci Cyrille, je m'en tenais surtout à ce que je vois dans l'édition ou la presse. Quant aux séries, très peu pour moi, no TV ! ;-)

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  2. Pour revenir aux fermetures de FIP, on peut regretter l'immense gachis et l'absence de perpsectives; un gachis car on a l'impression que face aux FIL qui ont évolué en radios locales avant de devenir "france bleu", les fip n'ont que tres peu évolué. Il peut paraitre indigne d'un service public de radiodiffusion de ne pas avoir la capacité de decentraliser ces fip en apportant les moyens de produire et d'editer des programmes locaux sans avoir à parler sur un fil musical national : la methode est surréaliste et délirante !

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    1. La décentralisation à Radio France est l'arnaque du siècle. Aucun des dix Pdg depuis 1975 n'a eu de réelle volonté d'expansion et d'autonomie locale. Paris décide de tout et on saupoudre quelques locales pour faire semblant. Le futur plan Macron/Schwartz "France Média" va non seulement fusionner Bleu/France3 mais créer une seule agence de presse centralisée (à la mode franceinfo). Quant aux FIP le projet c'est via la RNT (Lyon en 2018) depuis Paris et dans moins de 5 ans plus aucune information locale.The dream is over…

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  3. Je bois vos paroles; en matière d'arnaque, il suffit de regarder l’évolution des budgets des locales entre 98 et 2002. Par le plus grand des hasards, on s’aperçoit que tous les budgets des locales ont été drastiquement revus à la baisse. Dans un bilan qui exploite le bilan financier de plusieurs locales, on remarque que le budget de FB Mayenne qui etait de 5 millions dans les années 90 passe subitement à 3.5 millions en 2000 alors que les effectifs, pour cette même année passaient de 19 à 26 ! Même raisonnement pour Cherbourg, Clemront et Dordogne .... Curieusement, on remarque que le budget de la tête de reseau - radio bleu - augmente de façon furax ! Comment peut-on abandonner les FIP quand elles realisent 7 points en AC à Rennes & Nantes !?! Quant à Strasbourg, FIP est devant France BLEU ....

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