lundi 15 mai 2017

Les chaînes… qu'on abat

Bon, là c'est samedi. Pas décidé de me laisser abattre parce que les roucouleurs roucoulent. Paraît que la messe (catho) va sauter dimanche matin sur France 2. Tain, même France Culture n'a jamais réussi ça. Cahier des charges et tout l'fourbi, bibi ! Là c'est grande cause nationale. La passation de pouvoir des prez. Un dimanche ? Un dimanche. N'est-ce-pas la meilleure façon de faire d'une pierre trois coups pour changer d'ère ? Virer les vieilles badernes socialistes. Dégager la messe. Faire du dimanche un jour comme les autres. C'est ça la modernité, mec. Décomplexée. Démythifiée. Macronée.

1997, L'Harmattan


















Flashback grave. En 74, Pompidou casse sa pipe. Giscard a la barre (acka). Il hait l'ORTF (1). Cette fourmilière de rouges, de syndicalistes, de cocos et plus si affinités. Élu le 19 mai il ne lui faudra que 79 jours pour réduire en miettes l'Office, et créer sept sociétés indépendantes qui surmutiplieront les "frais de gestion" (2). Mais le procès de cette gabegie économique n'a jamais été fait à Giscard, ex-ministre de l'économie, pas plus qu'à la palanquée d'administrateurs serviles, aux ordres, aveuglés par le libéralisme tonitruant et tendance.

Macron élu, il pourrait mettre moins de 79 jours à "refaire" l'ORTF tout en défaisant doublons, triplons… Et quelques chaînes (radio et tv) qui voudraient bien rester dans le paysage mais qui risquent grave de passer à la trappe. Gaullien, Macron pourrait envoyer "Un quarteron de chaînes à la retraite…". Le Canard titrera "Les chaînes qu'on abat(3). Fier comme Artaban, Macron plastronnera. Pensez donc, De Gaulle, Malraux, de quoi faire le faraud ! Mais là, ce ne sont plus des supputations. Lisez plutôt :

• "Nous renforcerons le secteur public de l’audiovisuel pour qu’il réponde aux attentes de tous les Français et accélère sa transformation numérique, en concentrant les moyens sur des chaînes moins nombreuses mais pleinement dédiées à leur mission de service public."
• "Nous rapprochons les sociétés audiovisuelles publiques" pour une plus grande efficacité et une meilleure adéquation entre le périmètre des chaînes et leurs missions de service public. Leurs conseils d’administration seront plus indépendants et plus ouverts dans sa composition. Ils seront chargés de designer les dirigeants, après appel public à candidatures." (4)

À cela ajoutons "Nous ferons évoluer l’organisation, le fonctionnement et la gouvernance des médias de service public." (4) Et de refaire surface le serpent de mer et ce mantra psalmodié depuis plusieurs années par la droite dans une réforme de l'audiovisuel public et sa proposition d'installer une "Une BBC à la française". Mais aussi d'enlever au CSA son pouvoir de nomination des Pdg de l'audiovisuel public. Un minimum pour une autorité qui aura fait le black-out sur le projet stratégique de l'actuel Pdg de Radio France. La morgue de son Président, Olivier Schrameck, dans cette posture aura eu aussi raison de l'abandon de cette prérogative dont le CSA n'aura pas su être digne. 


"Concernant l'audiovisuel public, le nouveau président s'attachera à réécrire le cahier des charges et à clarifier les missions de service public. Une importante réforme vise ainsi la gouvernance des entreprises audiovisuelles du secteur, jugée « dysfonctionnelle »" (5) 

C'est clair. Pas sûr dans ces conditions que tout soit "En Marche" pour les retransmissions du Tour de France et autres événements mobilisateurs de l'été. Sous la plage, les pavés. Ajoutons à cela le gros orage qui couve sur France Bleu et qui pourrait bien se propager jusque sur France 3. 

Quelques averses récentes illustrent ce propos. 
- "Qui a piraté France Bleu ?",
- "France Bleu/France 3 : ce n'est pas un "partenariat", c'est une subordination",
- "Déséquilibrer le réseau France Bleu, c’est le condamner à disparaître",
- "France Bleu : alerte rouge sur l’antenne".

Nous ne tarderons plus à mesurer les effets de la politique audiovisuelle de Macron. À la différence de 1974, où "nous" n'avions pas vu venir grand chose, là le terrain est balisé, les mines sont posées, les tireurs d'élite sont sur les toits, et les "ordonnances" au garde à vous. Macron, la tornade blanche qui désacralise tout, est à l'œuvre. Out le dimanche, la messe et les chapelles. Ces chapelles audiovisuelles publiques, brebis égarées dans un P.A.F. pléthorique. Ce n'est qu'un début… (6)
(À suivre)

  
(1) Office de Radio et Télévision Française qui, en 64, a succédé à la RTF, mais que les Barons gaullistes, pompidoliens et giscardiens veulent mettre à genoux,
(2) Et passeront par perte et profit le "Service de la Recherche" de Pierre Schaeffer, 
(3) Pour saluer Malraux : "Les chênes qu'on abat", Gallimard, 1971,

(4) Extrait du programme "En Marche", section Culture,
(5) Propos de Marc Schwartz cités dans Stratégies, 11 mai 2017. Schwartz est responsable culture et médias du mouvement d'Emmanuel Macron, conseiller-référendaire à la Cour des comptes, médiateur du Livre et auteur de rapports sur France Télévisions comme sur les plateformes de streaming.

(6) Lire l'article de Charles Enderlin dans le Monde diplomatique sur l'audiovisuel public en Israël,

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