Nagra IV |
Le son a t-il besoin d'une installation pour être à sa mesure ? C'est la question que je me pose après mon passage au Manoir de Kernod en Mellac (1) où, depuis avril, les visiteurs peuvent commencer à rentrer dans la démarche de Yann Paranthoën, l'inseigneur du son par excellence, qui a fait bénéficier Radio France de sa patte d'orfèvre radiophonique… Je ne sais pas ce qu'il aurait pensé lui-même de ces conditions d'écoute mises en scène, inconfortables voire incongrues. Un exemple : était-il besoin d'être redondant avec le Questionnaire pour Lesconil en installant trois échelles surmontées chacune d'un siège qui voudraient suggérer le poste de surveillance des plages ? Le tout dans une pièce de manoir du XVème siècle qui n'en est sans doute pas encore revenue. Et les fûts d'huile, capitonnés, dans lesquels il faut se glisser verticalement pour entendre du son qui n'aurait eu besoin d'aucun accessoire pour être bien entendu. J'étais venu pour le son pas pour un décor plaqué. Pour le son que je pouvais entendre à la radio, pas pour du son réinstallé de façon artificielle.
Yann Paranthoën il me semble tendait au dépouillement et à l'épure. Cette exposition (c'est ici le bon mot mais est-ce la bonne façon de faire entendre du son ?) ne remet pas le son dans son contexte pour que l'ouïe et l'ouïe seule puisse être sollicitée. Le parti pris de Kernod est d'en faire beaucoup, et beaucoup trop autour du son. Comme si déjà l'auditeur n'existait plus, n'était plus capable de "juste entendre" et qu'il avait fallu lui mettre autour du son tout un tas d'artifices pour intéresser son écoute. C'est un parti pris artistique où le son et ses conditions d'écoute (quelque fois désastreuses) sont en arrière-plan : un comble. Comme si le son devenait le faire-valoir d'autres disciplines artistiques alors que l'accroche est bien sur Yann Paranthoën dont tout l'art consistait à faire du son une expression à part entière.
Je n'avais qu'une hâte en quittant Kernod m'installer dans un fauteuil, casque sur les oreilles et dans le noir gravir les marches du Phare des Roches Douvres, partager avec les gardiens un peu de leur journée de travail. C'est ça Yann Paranthoën, si on sait écouter, on est avec lui… tout de suite dedans !
(1) Finistère. Exposition jusqu'au 6 novembre, et Là-bas si j'y suis
Pas vu... Si vous avez raison (et je le crois bien volontiers), c'est bien triste. Ceci dit on peut "installer" le travail de Yann. Cela demande de la rigueur et une réelle connaissance de son travail. L'an dernier, à Périscopages (aux Champs Libres à Rennes), nous avons tenté une expérience, avec Emmanuel Guibert, Marc Pichelin (éditeur du Phare) et Claude Giovannetti. On espère la prolonger...
RépondreSupprimerBonsoir, merci pour votre commentaire et surtout faites signe si ce prolongement existe car il va falloir vite faire oublier ces "fragments d'un désastre".
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