vendredi 7 août 2015

Les radios régionales…24/24





















Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert

24. Et maintenant ?
Au terme de ce "feuilleton" sur les radios régionales du service public, on aimerait conclure… On aimerait aussi ne pas avoir à conclure, préférant espérer pour l'avenir l'émergence d'une vraie dynamique régionale où l'on ne se contenterait pas de multiplier les stations locales du service public. Quoique, à bien y regarder, avec les 44 locales actuelles de France Bleu, on soit encore loin du compte et des objectifs envisagés dans le passé (1)

Ne soyons pas injustes : le réseau des locales publiques a le mérite d'exister ; mais l'on se prend à souhaiter parfois qu'il retrouve un peu du brillant, de l'originalité et de l'éclectisme qu'il connût à ses débuts, tant au cours des années 30 que lors des années 80. Qu'il retrouve aussi de cette audace qui lui permettait naguère d'offrir documentaires élaborés et fictions : c'était la mission des Ateliers de Création Radiophoniques Décentralisés (2). Consacrées à la production et à l'expression des auteurs, musiciens, comédiens et artistes régionaux, ces structures étaient devenues peu à peu le deuxième
pôle de création de Radio France, après France Culture. Leur anémie actuelle ne manque pas d'inquiéter.

On s'interroge ! Depuis une quinzaine d'années, ce réseau pensé pour refléter la diversité culturelle et géographique de la France, tend obstinément à produire une seule et même radio au programme articulé sur une grille de plus en plus uniforme. Muni d'un récepteur RDS (3) calé sur la fréquence de France Bleu, le voyageur ne se rend même plus compte qu'il passe du Berry en Limousin ou de Picardie en Normandie… Plus fort encore : avec un rien de malchance il entendra plusieurs fois en quelques heures les mêmes musiques et les mêmes chroniques. On devrait se méfier : les sirènes de la recentralisation sont aussi séduisantes que celle de la privatisation pour certains de nos gouvernants ; il suffirait de peu pour que sous couvert d'économie et de redéploiement des moyens, on se retrouve un beau matin avec un programme "décentralisé" unique, émaillé de quelques décrochages pour l'information locale !

Impossible diront certains ! Pourtant, la fermeture récente des micro-locales (4) de Tulle, du Havre, d'Evreux, de la Roche-sur-Yon, de Toulon, ou la situation incertaine des FIP régionaux, ont de quoi faire réfléchir. L'histoire de la radiodiffusion française dont nous avons tenté de nourrir ces chroniques, est là pour nous rappeler l'inconstance du politique… "Ainsi avait-on vu, pendant le tiers de siècle qui courut de la Libération à 1982, les radios régionales et locales, auparavant si vivantes, disparaître pour la plupart ou se rabougrir."(5)

Mais à Grenoble alors ? A Grenoble où nous établissions notre point de vue ? Le poste de la Radiodiffusion des Alpes est aujourd'hui France Bleu Isère où pour se souvenir du passé on expose encore la cloche des origines en racontant au visiteur une belle histoire…

La bibliographie est ici.

Si vous avez manqué le début

(1) Claude Lemoine à FR3 évoquait 70 stations en 1978 ; en 1980 on parlait d'une radio par département…
(2) Créés en 1985 par Jean-Noël Jeanneney et Didier Béraud, au nombre de 4, à Bordeaux, Nice, Strasbourg et Nantes,
(3) Radio Data System qui permet notamment l'écoute en continu d'une station (ou d'un réseau) quel que soit le lieu où l'on se trouve,
(4) Petites stations rattachées à une "locale mère" avec une équipe réduite assurant un court programme en décrochage,
(5) Jean-Noël Jeanneney, Echec à Panurge. Paris : Seuil, 1986. Page 15.

© Gérard Coudert/Radio Fañch

2 commentaires:

  1. Merci pour ce passionnant récit qui mériterait d'être développé sous forme d'ouvrage.
    Quelques remarques et questions, cependant :
    – Vous nous avez enseigné que les locales des années 80 ont été installées dans le but de contrer l'offensive des radios privées nées de la libéralisation des ondes. Comment leur rapport a-t-il évolué ? Il y a quelques années, les France Bleu étaient très agressives envers les associatives, notamment dans le domaine des partenariats événementiels pour lesquels elles exigeaient une exclusivité, privant parfois les associatives d'opportunités financières. Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui, mais dans les campagnes publicitaires des France Bleu, on perçoit encore cette volonté hégémonique.
    – Je ressors un peu déçu de ne pas en savoir plus du fond, c'est-à-dire des contenus, du "brillant, de l'originalité et de l'éclectisme", des "documentaires élaborés et fictions"... J'attendais beaucoup d'en savoir davantage sur les Ateliers de Création Radiophonique Décentralisés.

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  2. Gérard Coudert7 août 2015 à 14:31

    Merci Etienne pour vos appréciations et surtout pour votre exigeante curiosité : cette histoire mériterait en effet d"être développée mais bien que Radio Fañch m'ait largement ouvert ses portes, l'exercice en chroniques limitées dans le temps ne permettait guère d'entrer dans le détail. J'ai souhaité donner des repères historiques et quelques clefs de l'évolution des locales espérant susciter de la gourmandise et des questions ! Je ne doute pas que Fañch accepte un jour ou l'autre de nous permettre d'approfondir le sujet...
    En attendant, oui, vous avez raison : l'une des missions du service public selon la loi de 1982 était bien tout en répondant à la concurrence du privé, de favoriser d'une part l'émergence des radios associatives - et des associatives uniquement, celles dont le but n'était pas commercial - , d'autre part de trouver des modes de collaboration avec elles. Ici ou là, quelques belles initiatives locales ont été prises avec succès. J'ai personnellement eu l'occasion de produire certaines séries en partenariat avec des associations... Mais de toute évidence il y a toujours eu de la part de du secteur public une méfiance chronique pour qui n'était pas du sérail ! Volonté hégémonique, dites-vous... Moi j'appelle cela une résurgence monopolistique !
    Oui, nous aurions pu aller plus loin sur le fond, les contenus et l'éditorial d'aujourd'hui : nous aurions alors été fort critique, mais ce n'était pas l'objet de cette approche. Quant aux Ateliers de Création Radiophonique qui, comme vous l'avez remarqué si vous écoutez France Bleu, ne délivrent plus vraiment les "pépites" radio (oui, eux aussi ont été affublés de ce qualificatif) d'une certaine époque, je vous suggère de mener grand tapage pour obtenir de Radio France qu'on en ressorte quelques séries ou au moins qu'on les répertorie et qu'on les propose en podcast sur sur le site de la Maison ! Mais se souviendra-t-on seulement de l'endroit où on les a archivées ?

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