lundi 18 avril 2016

Le pouvoir d'être disponible… à l'écoute

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Jeudi dernier, France Inter a diffusé 5h de live du Printemps de Bourges, prenant l'antenne de 20h à 1h du matin. Daniel Colling, créateur du Festival de Bourges, il y a 40 ans, le méritait bien. France Inter est dans son rôle et surtout dans son histoire pour avoir été et, être présent sur de nombreux festivals de musique et de chanson. Il y a 40 ans justement, je me souviens de Claude Villers, sur place, en live dans "Pas de Panique" ou "Marche ou rêve". 

En même temps, je continue à me demander pourquoi, l'une ou l'autre des chaînes de Radio France, ne prend pas l'antenne 5h consécutives à République (Place de, Paris) ? Pas pour faire du "magazine d'actu en direct de la Place Tahrir", mais pour commencer à contextualiser, élargir, développer, compiler, archiver. Y revenir chaque jour pour, sur la longue traine, composer le/les documentaires patrimoniaux qui feront référence. Un genre de "work in progress" quotidien comme s'y essaye à tâtons Radio Debout ? 

Combien faudra-t-il de sociologues, d'économistes, de philosophes pour dire que ce mouvement va plus loin qu'une simple contestation étudiante ? Combien parmi ceux-ci, les mêmes et d'autres, se bousculeront dans les studios des Matinales, dans un, cinq, dix ans et, gloseront, à perdre haleine, sur le "Mouvement des 1000 mars" ? Qui sera là pour demander à Radio France pourquoi elle n'a assuré que le "service minimum" ?

À partir de là, j'ai commencé à essayer de faire fonctionner ma mémoire pour disposer d'informations précises. Quand la radio, et plus précisément France Culture, a-t-elle quitté les studios et produit des émissions sur des événements internationaux et/ou nationaux qui dépassaient l'actualité immédiate (1). J'avais besoin d'interroger des acteurs, et j'ai volontairement souhaité revenir "très" longtemps en arrière. Plus précisément entre les années 1984 et 1997, époque où Jean-Marie Borzeix était directeur de la chaîne.


J.M. Borzeix
















Un peu surpris par ma recherche, Borzeix a très vite évoqué de très grands sujets d'histoire (Chute du mur de Berlin, Ceaucescu, la Pologne,…) pour lesquels la chaîne était allée sur place. Il me rappela aussi que le "Pays d'ici" pouvait à de nombreuses occasions, toute l'année, être sur les lieux de grands ou plus petits événements culturels et/ou sociaux (2). Mais, et c'est ce qui va faire le sel de cet échange, Jean-Marie Borzeix, me fit remarquer que la chaîne pouvait aussi se rendre dans des lieux où il ne se passait "rien". Et de me citer deux producteurs, Jean Couturier et Irène Omélianenko, qui dans une roulotte recueillaient "la parole qui passe".

Raconter des histoires, c'est tirer sur un fil. Il ne me restait plus qu'a recueillir le témoignage d'Irène… Elle n'avait bien sûr rien oublié de cette roulotte. Et petit à petit, avec sa mémoire et ses fiches reconstitua ces moments là. L'idée "un peu folle" était de Jean Couturier et Irène avait accompagné le projet, validé par le directeur de la chaîne. En 1993, pour le "24 heures du livre du Mans", Couturier et Omélianenko installent dans un jardin de la ville, la fameuse roulotte. Avec une table, quelques chaises et deux micros. Irène approche quelques personnes et petit à petit "les gens" viennent parler car "ici, on raconte sa vie". 

"Nous enregistrions tout. Nous n'avions en tête ni format pré-établi, ni aucun "conducteur". La parole était très libre. Je me souviens presque de tout ceux qui sont passés. C'était magnifique. Ça s'appelait "La roulotte du Mans, la roulotte de l'Amour" et c'était diffusé dans la grille d'été." Et Irène de me détailler les différentes émissions (3). Irène se souvient bien de l'esprit tant de liberté (d'être là) que de la parole libre, puis elle lâche "Nous avions le pouvoir d'être disponible". Je sais tout de suite qu'elle veut dire : "d'être disponible à l'écoute". Je viens d'entendre ce que je voulais. J'évoque alors "La roulotte à la République".

La République et ses nuages… debout 47 mars 2016 ©Davidas
















Jean-Marie Borzeix a eu la bonne mémoire. En prenant le contrepied de ma demande et, se souvenant de la "roulotte" (de ses producteurs et le souvenir ému de Jean Couturier), il m'aura permis d'entendre comment la chaîne se donnait elle-même la liberté d'une production "aléatoire", "inattendue", "ouverte". Il m'aura permis de me demander : 


"Pourquoi ne pas avoir ressorti la roulotte pour aller à la République 
(Place de, Paris), disponible à l'écoute de la #NuitDebout ?

Dans l'esprit de la roulotte, avec une table, deux micros, attrapant "le passant qui passe", pourquoi c'est une autre radio qui fait ça aujourd'hui ? Qui a peur ? De quoi ? De qui ?  Qu'est-ce qui ferait donc si peur ?  La parole ? La parole sur la chaîne de la parole ? Ou la parole, en germe d'un changement radical, comme le furent 68, Lipp, Plogoff, les printemps arabes ou les "Occupy" de par le monde ?
(À suivre)

(1) Vous aurez compris que je m'intéresse aux archives des émissions de programme, pas aux émissions d'info,
(2) "Le Pays d'ici", du mardi au vendredi, Coordination Laurence Bloch, producteurs tournants, 1984-1997,
(3) "Récits de vie ordinaire - 30 juillet 1993", "Roulotte du Mans, roulotte de l'amour - 3 août 1994", "Mon père ce héros - 1 janvier 1994", "Ici on raconte sa déraison -18 juillet 1996)

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