Jacques Mailhot |
Alors que Patrick Burgel est décédé cette semaine, j'ai demandé à Jacques Mailhot, son complice de "L'Oreille en coin" (1) d'évoquer son souvenir, et celui d'une émission de radio qui a fait les bonnes heures de tellement de dimanches matin.
Radio Fañch : "L'Oreille en coin du dimanche matin" c'était quoi pour vous ?
Jacques Mailhot : Déjà quand j'y suis arrivé en 1976, c'était devenu un rendez-vous incontournable de la radio, de l'actualité et de l'information. Je connaissais Maurice Horgues et Pierre Saka et l'émulsion a pris très vite. J'avais déjà travaillé pour les radios régionales de France3 (2) en Rhône-Alpes et en Auvergne. Garretto & Codou avaient un sens de la pédagogie ! Ils nous apprenaient à faire de la radio et à bien en faire. Leur seule consigne était que nos textes soient équitables pour les différents partis et ténors politiques de l'époque. Ils nous tiraient vers le haut. Au début on leur lisait nos billets et si vraiment ils avaient quelque chose à redire cela ne concernait jamais le fond ou l'esprit. Ils nous demandaient, si c'était le cas, de revoir notre copie, d'être plus drôles ou plus pertinents. C'est sur la qualité qu'ils poussaient loin leurs interventions, jamais sur la teneur des propos. Les six premiers mois où je suis arrivé, on se réunissait le vendredi. Et on lisait chacun notre tour nos textes. Une fois la confiance installée, on leur annonçait seulement le sujet de notre texte humoristique.
R.F. : Quelle a été votre complicité avec Patrick Burgel ?
J.M. : Avec Horgues on écrivait des textes et Burgel improvisait au débotté. Époustouflant ! Ayant pris connaissance de nos textes, quelquefois juste 30 secondes avant de prendre l'antenne ! C'était un collaborateur complice. Avec Horgues ils avaient inventé un procédé de "traduction simultanée". Si un ministre rentrait d'URSS, Burgel traduisait en "russe de cuisine", ou en "japonais de cuisine" ou même en "portugais… de cuisine" (3). Il jargonnait et tout le monde comprenait. Burgel avait une palette infinie d'imitations (150 minimum) mais aussi de création. Il excellait dans beaucoup de choses. C'était vraiment un homme de radio. Il a commis une grave erreur en claquant la porte de la radio quand il a commencé à la télévision. Il s'emportait facilement. Avec Horgues et Saka on était gêné, on a essayé de le retenir, mais on a pas pu. On était consterné, c'était un complice, un copain.
R.F. Pensez-vous qu'aujourd'hui une émission ait remplacé "L'Oreille en coin du dimanche matin" ?
J.M. : Garretto et Codou ont ouvert la voie, des voies mais Il n'y a jamais eu d'émission équivalente. Il a existé, il existe, des ersatz, des copies, mais sans la qualité de ce que nous faisions ENSEMBLE. Notre ensemble c'était les producteurs, Garretto & Codou, les techniciens du son et de la mise en onde, et les sept musiciens souvent multi-instrumentistes. Cette qualité tenait beaucoup à la méticulosité de Garretto. Celle aussi d'un Yann Paranthoën, ingénieur du son exceptionnel. Mais les trois autres aussi, Senaux, Camprasse et Rémiot. Chacun avait ses couleurs, ses façons et aussi ses micros (4). C'était une école exceptionnelle. Ce qui n'était pas du tout le cas sur les "périphériques" (5). Quand nous avons migré sur Europe 1, en 1990, nous sommes passés de la Rolls à la voiture de "M.Tout le Monde".
R.F. : N'êtes-vous pas un peu dépité du peu de cas que fait la radio, et France Inter en particulier, de la disparition de Burgel !
J.M. C'était déjà le cas pour Horgues et Saka. La radio publique a généré de nombreux talents et elle a fini par les oublier. Nous étions une toute petite poignée à l'enterrement de Jacqueline Baudrier (6). Par contre pour Max Meynier (RTL) c'était la grande foule. La radio perd la mémoire et c'est très triste.
Je remercie chaleureusement Jacques Mailhot d'avoir eu la gentillesse de bien vouloir répondre à mes questions alors que son ami venait de décéder. J'espère que ce billet, à sa façon, permettra d'honorer sa mémoire.
(1) L'oreille en coin, émission(s) de Jean Garretto et Pierre Codou, 1968-1990, en trois "séquences" distinctes : le samedi après-midi (14h-18h), le dimanche matin (10h-12h), le dimanche après-midi (14h-19h), ce qui fera dire à Garetto :"L'Oreille en coin, une radio dans la radio". Voir aussi biblio-radio,
(2) Le réseau France Bleu aujourd'hui,
(3) Burgel savait trouver les consonances et arranger les mots pour, qu'à la fois on les comprenne et, qu'ils aient l'air d'être de la langue évoquée,
(4) Et Jacques Mailhot de citer les marques : Neuman, Schoeps et de l'attention et du soin que portaient les ingénieurs du son à leur métier. (Et moi de lui dire que je suis abasourdi qu'il se souvienne des marques de micro, !)
(5) RTL, RMC, Europe 1
(6) Journaliste, première présidente de Radio-France en 1975, ayant fait toute sa carrière sur la radio publique, RTF, Paris-Inter et France Inter, décédée en 2009,
(7) Dont l'émission populaire, conviviale et participative : "Les routiers sont sympas" avait fait lesquelles heures de la station et des routiers qui devaient garder l'œil ouvert sur leur route de nuit !
Quelle tristesse, le départ de Patrick Burgel.J’ai eu le privilège d’apprécier son immense talent à l’époque ou je bossai pour une grande boite française. Nous avions invité Patrick Burgel et son pianiste lors d’une soirée des cadres commerciaux. Il nous a déroulé un spectacle d’imitateur de talent, puis il nous a demandé de lui donner un quotidien de notre choix. On lui a passé le Figaro. Puis il nous a demandé de choisir une chanson. Nous avons sélectionné «les petites femmes de Pigale» de Serge Lama.
RépondreSupprimerEt là, l’expérience a été impressionnante. Patrick Burgel a improvisé une chanson cadencée par son pianiste, avec toutes les rimes au bon endroit, en nous récitant l’actualité tout en feuilletant le figaro, au rythme des «petites femmes de Pigale» avec, cerise sur le gâteau, la voix de Serge Lama.
Je puis vous assurer que nous avons tous été époustouflés par un tel art.
Pour ceux qui ne connaissent pas Patrick Burgel, il était l’acteur qui a joué le Duc de Pouille, père de Valérie Lemercier dans le film «Les visiteurs» de Jean-Marie Poiré...