Claude Mettra |
La nuit, tous les chats sont gris et la radio illumine leurs moustaches. Il reste encore sur France Culture ces Nuits qui, sept jours sur sept, explorent le patrimoine radiophonique. Philippe Garbit, leur producteur et son équipe, redonnent vie à des trésors qui, sans l'invention de ces rediffusions (2) seraient restés sur les étagères de l'Institut National de l'Audiovisuel (Ina). Récemment ce fut donc au tour d'une très ancienne émission "La matinée des autres" (3) de revenir en ondes. Et quelle émission.
Explorant le patrimoine ethnologique, chaque mardi, "La matinée des autres" était un enchantement de culture savante. Aiguisant la curiosité, donnant toujours envie d'en savoir plus, de lire et de s'instruire. L'émission diffusée récemment dans les Nuits (et que vous pourrez réentendre ci-dessous) en est la parfaite illustration. Bien au-delà du tango on croise l'histoire, la géographie, la sociologie, l'économie et la psychologie des… personnages. Je l'ai déjà réécoutée deux fois et y ai appris beaucoup de choses sur les effets, par exemple, de l'invention du fil de fer sur l'évolution socio-économique de la pampa argentine et de ses gauchos.
Est-il besoin de dire que de nombreuses émissions de bla-bla, pas de talk, de bla-bla qui pullulent aujourd'hui sur France Culture n'apportent rien. Ni à la connaissance, ni à la culture, ni à la distraction. Elles comblent un "vide" et c'est ça qui est un comble ! Elles permettent à ceux-celles qui les font de croire qu'ils sont des médiateurs de culture, quand ils sont juste animateurs d'émissions d'invités qui n'en finissent plus de se succéder à l'antenne pour raconter ce que quelques jours plus tard, ou le jour même, ils raconteront ailleurs.
Il fut un temps où sur France Inter quelques animateurs facétieux et irrévérencieux se moquaient du ton, de l'emphase, de l'hermétisme et de l'entre-soi de la chaîne culturelle. Et même si Éric et Quentin dans Quotidien (4) moquent "méchamment" la chaîne, c'est plus une "image" qu'ils vilipendent qu'une réalité. Borzeix, en plus de treize ans de direction, avait su faire éclater les frontières de la culture et la rendre accessible à un public de plus en plus nombreux (5). La prétendue "modernité" de ses successeurs est juste un artifice, une illusion de communication, un manque absolu et tragique d'incarnation.
(1) Reconnaissons à Laure Adler d'avoir remis à l'antenne "La matinée des autres" (de 1999 à 2002) quand Patrice Géninet (1997-1999) l'avait supprimée,
(2) À l'initiative de Jean-Marie Borzeix, directeur de la chaîne 1984-1997, dès la rentrée 1984. Du lundi au vendredi minuit-6h, les samedi et dimanche 1h-7h. Producteurs initiaux : Jacques Fayet, Marc Floriot et Laurence Crémière. Avant le programme s'interrompait à minuit avec la "Marseillaise"… Autant dire qu'en trente-trois ans il y a eu de quoi s'instruire !
(3) Cette émission a démarré à la rentrée 1977 (octobre sûrement). Elle fût diffusée à l'origine le mardi de 9h07 à 10h45, soit 1h38 (sic), produite à ses débuts par Claude Mettra. Le directeur de la chaîne était Yves Jaigu (1975-1984). On peut en profiter pour constater qu'en vingt-trois ans (1975-1997), France Culture a été dirigé par 2 personnes, quand, depuis 20 ans, ce sont deux femmes et quatre hommes qui en ont eu la responsabilité. Notons que c'est une femme, Agathe Mella (qui dirigea aussi France Inter), qui en fut la première responsable de 1973 à 1975.
(4) Dans l'émission télévisée de Yann Barhès sur TMC,
(5) Le débat, n°95, "France Culture : une singularité française", Jean-Marie Borzeix, Gallimard, mai-août 1997.
Une émission plus récente, de Marion Thiba (1996), réalisation de Jean-Claude Loiseau
Je ne regrette qu'une chose sur les Nuits de France Culture : qu'on ne puisse pas les filtrer par thème ou mots-clés pour retrouver plus facilement les émissions susceptibles de nous intéresser... C'est une mine d'or mais dont l'accès peut paraître rebutant et si on ne vérifie pas ce qui a été diffusé régulièrement, la liste devient vite bien trop longue !
RépondreSupprimerUne remarque qui se destine plutôt à Monsieur-le-médiateur-de-Radio-France en fait... ;)
Céline
Bonjour Céline,
SupprimerNe pas rêver ! Ce qui intéresse Radio France ce sont les clics et les visites de sites ou de pages des chaînes. La consultation aisée, professionnelle et pertinente n'intéresse personne. Paraître, stimule la tutelle, les annonceurs et participe de la communication effrénée pour se vanter mais pas pour… pratiquer ! Désolation et perplexité animent ceux qui veulent aller plus loin que le flux audio !