mardi 26 mars 2013

Histoire d'un couple : musique/radio…

 






Depuis la rentrée sur France Musique, Vincent Théval se la joue "Label Pop". Ce producteur, ne se contentant, loin s'en faut, de "pousser" ses disques. Il sait, chaque semaine, extraire de l'océan de la "sono mondiale"  (labels indépendants ou majors), ce qui "mérite" d'être partagé avec ses auditeurs. Théval, comme Assayas ou Lenoir, défriche pour nous ce qui, dans quelques sentiers ombragés voire lumineux, serait resté inconnu à notre oreille coincée dans ses habitudes. 

Lundi dernier, Théval recevait Joseph Ghosn venu parler des musiques numériques. Mais, chose intéressante, plutôt que de nous vendre son livre, Ghosn a contextualisé l'évolution récente (une quinzaine d'années) des pratiques musicales, de diffusion, d'écoute, et d'achat. Parler d'emblée d'évolution du "statut" de la musique est non seulement intéressant mais indispensable pour prendre en compte les dites évolutions. "La pierre angulaire de la pratique musicale n'est-elle pas d'écouter la musique sans la posséder ?", s'interroge Ghosn. Cette constatation frappée au coin du bon sens nous renvoie de fait à nos pratiques personnelles qui peuvent être différenciées, multiples et tout à fait conjoncturelles. (1)

Dans son livre Ghosn constate que l'effet "pyramide" s'aplatit. Il y a dix ans on était dans un schéma classique - de l'artiste/maison de disque au consommateur -. Quand aujourd'hui on serait plutôt dans un système transversal - de l'artiste en direct vers son public, via You Tube, Sound Cloud, … -. Théval, producteur radio interpelle Ghosn sur la fonction historique du couple radio/musique, le média radio permettant de s'"approprier" la musique sans la posséder. Ghosn constatant que la radio est contrainte par les grilles, les programmes, les play-list quand internet permet un accès ouvert permanent (2).

Hier, la fonction de prescription de la radio pour inciter à acheter de la musique était primordiale. Aujourd'hui si elle reste prescriptrice la radio est en concurrence avec les plateformes de musique (Deezer, Spotify, …), les journaux, spécialisés ou non, les sites des maisons de disque, et les artistes indépendants qui se font connaître via internet. La radio "impose" ses choix, quand internet permet de disposer à l'impulsion de la musique "immatérielle" en flux continu.

Voilà bien ce qui est séduisant avec Théval quand il nous permet d'aller un peu plus loin que le seul plaisir de découvrir des nouveautés, en invitant, celles et ceux, qui s'intéressent aussi aux phénomènes de diffusion, et/ou de promotion de la musique, au moins aussi importants que la création elle-même. Phénomènes qui bousculent nos façons d'écouter, d'acheter ou pas, de "collectionner" des objets (vinyles, CD) ou d'alimenter des bibliothèques de mp3 immatériels, et de contempler, nostalgiques, nos vinyls qui n'ont pas vieilli.

Le défrichage de Théval pour ses auditeurs est aussi important que celui de Ghosn et, de tout ceux qui vont permettre une analyse, une critique, un accompagnement de la musique, omniprésente aujourd'hui dans la vie quotidienne, que ce soit dans la sphère de loisir comme dans celle du travail. Le couple radio/musique a sûrement de belles heures devant lui avant de disparaître, mais il est bon de suivre comment les autres médias numériques interviennent dans la danse.
(à suivre)

(1) Je ne pratique pas l'écoute via You Tube donc le phénomène Lana del Rey m'a "échappé" par ce canal. Dans son livre Ghosn consacre un chapitre à cette artiste. J'achète spontanément sur iTunes un morceau entendu à la radio, consulte Deezer et Spotify et achète des CD physiques quand je veux un peu "matérialiser" ma musique.
(2) Sauf quand les sites web des radios permettent des écoutes hors flux.
 

2 commentaires:

  1. C'est bien de revenir de temps à autre sur des émissions précédemment évoquées, ça me permet entre autres de me rendre compte que je n'ai pas écouté une seule fois cette émission de Théval (alors que le billet qui lui était consacré m'en donnait l'envie mais passe le temps....)
    A défaut de cette émission qu'il faut absolument que j'écoute, j'ai eu le plaisir de découvrir récemment une émission sur RFI nommmé "La bande passante". Je ne sais si c'est l'émission elle-même ou l'invité de ce jour-là (Tue-Loup), mais j'ai passé un excellent moment d'écoute.D'autant que le maître des lieux ne s'écoute pas parler mais écoute son invité ce qui est bien agréable.
    Il faut croire en tous cas que ce fut prescripteur puisque que ça m'a donné envie de voir et d'entendre ce groupe sur scène ce qui sera fait en ce 1er avril (non Fanch ce n'est pas un poisson)

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  2. PS: Je viens dévorer les six premiers chapitres de cet ouvrage réellement passionnant.L'auteur à la bonne idée d'étayer ses propos avec des exemples musicaux concrets accessibles grâce à de nombreuses références et des liens sur le net. Je vous recommande (entres autres) la visite du site du groupe "Animal Collective" ou du moins de son projet interactif "Transverse Temporal Gyrus" avec lequel on ne peut s'empêcher de rêver durant de longs moments....

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