vendredi 16 octobre 2020

Désincarner la radio…

Les séances d'audition à la Commission Culture de l'Assemblée Nationale ne sont pas faites pour les citoyens et encore moins pour les citoyens auditeurs de radio…  Des fois que ces derniers n'aient pas les bonnes dispositions pour ce faire rouler dans la farine ou, c'est selon, avaler les couleuvres. Ce 13 octobre, Madame Sibyle Veil, Pédégère de Radio France venait rendre compte du Contrat d'Objectifs et de Moyens (Com, 2015-2019) "feuille de route" qui lie Radio France à l'État. À la fois pour la dernière année d'exécution et pour l'ensemble des cinq années.

C'est faire trop d'honneur à 
Madame Veil cette illus des Shadoks












Il faut être député-e et avoir l'habitude des palabres interminables pour ici supporter d'entendre une Présidente qui lit (mal) ses notes, bafouille, hésite, bute sur les mots et donne l'impression d'avoir intégré l'entreprise publique en début de semaine. Elle aligne des phrases toutes faites mal faites sans aucune résonance ni empathie pour son sujet. Incapable de donner du rythme à son propos ni de permettre à l'auditeur de suivre le fil de sa pensée, a minima éparpillée a maxima incohérente. Madame Veil n'incarne rien et pire elle désincarne la radio publique en moins de temps qu'il lui aura fallu pour très fastidieusement enfoncer des portes ouvertes, débiter des chiffres, évoquer des émissions sans en laisser transparaître le moindre souffle ou l'inventivité, s'auto-féliciter de tous les miyons et les miyards (d'écoutes, de podcasts, d'audience) et n'avoir aucun mot pour sa gestion qui a entraîné la bagatelle de soixante-deux jours de grève à la fin de l'année dernière jusqu'au début de cette année.

De cette pantomime insupportable la représentation nationale s'est satisfaite sans que la moindre critique (ou à la marge) n'ait été formulée. je l'ai écrit de nombreuses fois ici, les député-es n'écoutent pas la radio. Ils écoutent France Bleu et France Info, la matinale d'Inter et basta ! Leurs avis et points de vue ne concernent jamais les contenus dans le fond mais juste dans les principes dont ils se satisfont ayant sans doute autre chose à faire pour exécuter leur propre mandat électoral que d'écouter les programmes des sept chaînes de Radio France !

De ce fait cette audition est une posture qui confère à l'imposture car, il y a lurette que le CSA se moque du tiers comme du quart de nommer une figure charismatique pour incarner et défendre la radio publique. Son plus grand désaveu : nommer Mathieu Gallet en février 2014 et le révoquer quatre ans plus tard. La nomination de Madame Veil n'est pas un choix pour prolonger l'histoire créative du média radio mais celui imposé par Bercy et l'Élysée d'un management de fer pour, de façon drastique , diminuer les budgets au point à terme de constater la nécessité de diminuer le nombre de chaînes, diminuer les formations musicales et diminuer tous les moyens de productions (studios, techniciens, réalisateurs,…).

J'ai perdu deux heures à écouter/voir une farce tragique qui donne une idée du désengagement de l'État pour développer ce service public audiovisuel. Le budget est respecté, la communication a saturé l'information, l'auto-satisfaction permanente a imposé de ne rien contredire ou contrarié et la nave va… Et derrière la façade majestueuse de la maison de la radio le bateau coule ou plutôt la radio de flux coule au bénéfice du Dieu-Podcast qui, activement après s'être superposé au flux, le dépassera pour un jour définitivement le remplacer.

Madame Veil peut fanfaronner et monter sur la table pour vendre la stratégie numérique de Radio France avec comme maître de ballet, Laurent Frisch, le directeur du Numérique. La mue est presque achevée. Les dinosaures vont bientôt quitter la piste et les auditeurs has been continuer à refuser le progrès. Alea jacta est !

Si vous avez, pendant le couvre-feu, deux heures à perdre, essayer ça !

lundi 12 octobre 2020

"Salut les copains"… et les copines

Eh oui, pour ce "Salut les copains" y'avait deux solutions : soit c'était pour vous saluer de retour, soit pour claquer la porte (à défaut de claquer la bise !). Eh ben ce sera les deux. Et moi d'entendre, à 650 km de là, le rire profond de Gilles Davidas, - ex-Radio France, réalisateur et producteur - amusé de cette intro toute en nuances. Les deux ? Je vous explique…

"Après l'Apocalypse à la maison de la radio"























Aux abords de l'été virus, tout donnait envie de claquer la porte. Après neuf ans de fidélité à ce blog et à la radio publique, j'en avais ma claque de la roucoule permanente du ban, de l'arrière-ban et du sous-ban (sic). L'emphase des dirigeants, des "autorités", des soutiens des dirigeants, des soutiens des autorités (les mêmes) et des flatteurs patentés ont fini par me désespérer, au point d'avoir déserté la radio en flux (1) m'en tenir à une écoute parcimonieuse en streaming. Car, en toile de fond, insidieuse, perverse et glauque, la crise de la radio publique est devenue invisible pour tout ceux (dirigeants, pouvoirs publics, auditeurs) qui préfèrent mettre la tête dans le sable et refusent de la relever pour constater "La fin de l'histoire…" (de la radio).

Acte I (en fait acte MMXXXII depuis l'arrivée de Gallet aux manettes en 2014).

Madame Veil, Pédégère de Radio France, dont on nous dit qu'elle a fait l'Ena, devait avoir piscine le jour qui consacrait le chapitre des institutions de la Vème République et, plus particulièrement celui concernant la création de la Maison de la Radio (inaugurée le 14 décembre 1963 par le Général de Gaulle). Elle aurait entendue, proche de l'incantation "À la radio fallait-il une maison ? " par le grand Charles, lyrique, forcément lyrique. À son lyrisme il ajoutait et déclinait les fonctions que devait remplir une radio moderne.

Le gadget de début d'été qu'a promu Madame Veil, à savoir la "déco" de la tour de la Maison de la radio avec ce slogan (bidon, forcément bidon) "Maison de la radio et de la musique" ressemblait a minima à un pléonasme a maxima à un foutage de gueule. Comment ne pas voir de façon grossière et superfétatoire un message lourdingue aux tutelles, aux sociétés d'artistes, aux gogos qui n'ayant rien à faire dans le XVIème (arrondissement de Paris) auront levé le nez en l'air et se seront pincés de lire une telle "vérité".

Je suggère à Madame Veil de tenter cet automne et cet hiver : "Maison de la radio et du sport", puis "…et de la culture", puis "…et du débat", "…et de l'information", "…et du rire" et, cerise sur le gâteau, "… et du podcast natif". À ce rythme elle pourra tenir jusqu'à l'été prochain ! C'est dire si la communication a envahi, investi, perverti la radio. L'important c'est de communiquer. Les programmes, les émissions, les productrices, les animateurs c'est le vernis qui rassure les tutelles et qui leur donne envie de continuer à raquer.

Pourtant un jour, député-e, ministre ou membre du Cabinet de Matignon ou de l'Élysée annonceront sans rire "Madame Veil vous faites si bien les podcasts en tout genre que vous ne devriez plus faire que ça et fermer les antennes !" Ce n'est pas une fiction, c'est juste de l'anticipation. On en reparlera !  (2)

Fip, à Lyon… autrefois !







Acte II honorer Fip à Paris et la déshabiller en Région…

Madame Ravache, directrice de Fip, s'apprête à souffler les 50 bougies de Fip, antenne géniale inventée par deux producteurs géniaux, Jean Garretto et Pierre Codou (et validée par Roland Dhordain, directeur de la radio à l'ORTF).  Quand, dans le même temps, elle soufflera un froid glacial sur les stations de Bordeaux, Nantes et Strasbourg pour suivre l'oracle de Frédéric Schlesinger (ex n°2, période Gallet) qui avait décidé de façon unilatérale et arbitraire de fermer ces radios qui portaient l'identité de leur région. Jack, son pote à Ravache, Pdg de Twitter, en fera aussi sûrement des caisses. Et l'on peut s'attendre à des témoignages ronflants comme celui du directeur du numérique de Radio France, Laurent Frisch, qui dernièrement sur Twitter se souvenait d'un titre entendu sur Fip en 1997 ! Ben voyons Léon ! Ça mange pas d'pain. Et ça fait "in", même si l'expression "in" est has been ! (3)

Acte III, la roucoule d'un canard dont c'est pas le genre !

En août, en plein désastre touristique, "Le Monde diplomatique" fait sa une sur France Inter. Neuf mois plus tôt, le journaliste David Garcia, m'a interviewé (lire : m'a fait parler) pour que je lui raconte comment j'avais vécu l'évolution de cette chaîne. Et nous avons encore échangé plusieurs fois après. Fort de mon expérience désastreuse avec Laurent Tello (journaliste au Monde), qui m'avait lui aussi soutiré la substantifique moelle de ma connaissance du sujet radio et, n'avait pas cru bon de me citer une seule fois dans son papier du Monde Magazine (Février 2017), j'avais prévenu Garcia. Ce dernier m'assurant de toujours citer ses sources !!

La bonne blague, non seulement le plumitif m'a ignoré mais nous a trompé sur la marchandise. Inter est survolé, la matinale surévaluée et ses deux journalistes Demorand/Salamé surexposés ! Depuis quand un journaliste écouterait-il la grille une journée entière de semaine, plus le samedi et le dimanche pour raconter l'Inter d'aujourd'hui sans omettre de décrire (un peu) l'Inter d'hier.

La chose sera réparée ce jour avec la parution de l'ouvrage de Denis Maréchal, historien, déjà auteur d'une somme sur RTL , "France Inter, une histoire de pouvoirs" (Ina Editions). Je vous en parle dès que je l'ai lu !

Acte IV, la boucle est bouclée

Et voilà que Radio France va décerner un prix au prochain Paris Podcast Festival. "Ce prix hors catégorie récompensera le podcast d’un créateur indépendant. "Il est une nouvelle illustration du fort engagement de Radio France pour la création et l’émergence de nouveaux talents dans l’univers du son en général et du podcast en particulier" (source : le Pod.fr). En effet comment ne pas alors se donner l'occasion de faire le paon, la roue et la figure tutélaire de l'inventeur du podcast que l'on revendique haut et fort partout ? Radio France sera bientôt à lui tout seul un Festival permanent de podcasts ! 

Acte V, centenaire !

Une des raisons qui me feront laisser en veille ce blog sera de guetter comment la Terre entière médiatique et audiovisuelle va se rouler en 2021 dans les commémos du centenaire de la radio. Chaque people nous jurera ses grands dieux que s'il n'est pas l'inventeur de la radio, l'inventeur du crochet, l'inventeur du journal parlé il s'en est fallu de très peu pour qu'il n'en soit pas. Les marchands de guimauve vont faire fortune, ceux des paillettes vont crouler sous l'or. Quant à Madame Veil dont il est légendaire qu'elle n'y connaît rien en radio, elle nous assurera certainement qu'il y a cent ans elle écoutait déjà Didier Varrod s'auto-promouvoir dans le poste !

(À suivre, peut-être !)

Et sur Arte Radio, "Transmissions"… une série prometteuse…

(1) Excepté l'excellent "Retour de plage" de Thierry Jousse et Laurent Valero, en quotidienne, juillet et août sur France Musique,

(2) Demain 17h15, Madame Veil sera entendu par la Commission Culture de l'Assemblée Nationale pour l'exécution du Contrat d'Objectiff et de Moyen (Com). Roucoule assurée, emphase et poudre aux yeux ! The show must go on…

(3) Les flashs info ont disparu de l'antenne, les chefs antenne devraient eux disparaitre en mars et fin décembre les animatrices en région s'éparpilleront dans la nature comme si de rien n'était… Du moment que le flux deviendra "chaîne nationale" en 2021… Sans l'âme ni l'esprit de leurs créateurs !