lundi 29 janvier 2018

68 : et si tout avait commencé avant… chez Saviem à Caen, à Nanterre chez les étudiants (22/43)

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Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.

20 janvier 68, Saviem à Caen
















21. Saviem à Caen, étudiants à Nanterre
"Les journées du 25 et du 26 janvier à Caen préfigurent Mai 68 par la massivité de la grève ouvrière, par l’extension rapide d’une entreprise à l’autre, par la dureté des formes de lutte, par la mobilisation des facs et lycées, par une solidarité significative de commerçants, artisans et paysans locaux.

Le 26 janvier à 18 heures, 7000 personnes répondent à l’appel des syndicats et partis de gauche qui ont mis en place un fort service d’ordre. Celui-ci se trouve rapidement débordé par des centaines de jeunes, essentiellement de la Saviem. A 19h30, les nombreux gardes mobiles noient la place sous les grenades lacrymogènes et chargent. Environ 3000 ouvriers sortent des barres de fer et autres ustensiles ; l’affrontement est extrêmement violent. Il s’agit d’une véritable émeute dont les forces de l’ordre ne viennent à bout que vers cinq heures du matin au prix de 200 blessés significatifs (dont 36 des forces de l’ordre).

Dès le lendemain, les manifestants interpelés sont jugés en flagrant délit. Tous sont des ouvriers comme d’ailleurs tous ceux qui ont été arrêtés depuis le début de la lutte. Cinq peines de prison ferme. Loin de casser le mouvement, cette répression l’élargit parmi tous les salariés du secteur. La Radiotechnique, la SMN, Moulinex débraient à leur tour.
Le 30 janvier, Caen compte 15000 grévistes et la combativité durcit de jour en jour. Le 2 février, toutes les sanctions sont levées, toutes les poursuites arrêtées, des augmentations de salaire accordées (3 à 4% selon les entreprises) (1).

Le vendredi 26 janvier à Nanterre, "Une manifestation déclenchée par quelques militants anarchistes étudiants de sociologie (contre un éventuel renvoi de D. Cohn-Bendit suite à l'interpellation du ministre et pour protester contre les listes noires et la procédure disciplinaire engagée contre un étudiant de Nanterre inculpé de trafic de stupéfiant) débouche sur une véritable émeute en raison de l'intervention de la police sur le campus. Communiqué transmis à l'AFP, des représentants des départements de géographie, lettres modernes, anglais, espagnol de Nanterre qui "pensent pouvoir condamner, au nom de tous les étudiants de bonne foi, les menées provocatrices d'un petit nombre" (2)

Pendant ce temps, à 7h sur France Culture, on peut écouter chaque matin "Le réveil musculaire" de Robert Raynaud. De quoi vous proposer une bonne mise en jambes avant de vous plonger dans les archives écrites proposées et d'imaginer que "sans en avoir l'air" 68 prend tournure.



(1) in Midi insoumis, populaire et citoyen,
(2) Chronologie des événements à Nanterre en 1967-1968, Rachel Mazuy, Danièle Le Cornu. Matériaux pour l'histoire de notre temps, Année 1988 pp. 133-135, fait partie d'un numéro thématique : Mai-68 : Les mouvements étudiants en France et dans le monde,

vendredi 26 janvier 2018

67/68 : une autre révolution culturelle… La poésie de Mac Orlan à la radio (21/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.



Vous savez quoi ? Le lundi 29 janvier 1968 à 23h40, sur France Culture, un poète parle de poésie (1). Ce poète c'est Pierre Mac Orlan (1882-1970). Et mieux encore, Mac Orlan évoque en introduction de son propos Paul Gilson, poète lui aussi, mais qui fût surtout… homme de radio. Un poète homme de radio ? On se pince grave (2). Ah ah ah, j'imagine aujourd'hui le CSA confier des responsabilités radiophoniques à un poète (3). La poésie a foutu le camp de partout et, de la radio, n'en parlons même pas. Il n'y avait bien qu'Alain Veinstein, en 1978, pour confier à des poètes, des acteurs de théâtre, des émissions de radio pour ses Nuits magnétiques de France Culture.

En 1968, la poésie est dans la rue disait Ferré. La poésie est dans les Shadoks (4). La poésie de Gilson allait bien au-delà de la versification. Gilson a fait beaucoup pour la création radiophonique et a marqué durablement de son empreinte une idée de la radio moderne. Une radio qui ne se contentait d'appeler au micro des animateurs-vedettes de télé bankable pour débiter des sornettes et de la promo culturelle comme on vend des saucisses dans les supermarchés. Le talk a envahi les antennes et la création est devenue absolument marginale. Les trois émissions présentées ci-dessous donnent un autre ton à l'histoire même de la radio qui ne se contentait pas de suivre l'événement mais bien plutôt de le créer. Et surtout d'oser bousculer la facilité.

En exclusivité et intégralité jusque fin février







(1) "Le livre de chevet", France Culture, 23h40-minuit, 
(2) en 1946 il devient directeur des services artistiques de la Radiodiffusion française, poste qu'il occupera jusqu'à sa mort en 1963,
(3) Visiblement en 2014 le CSA préfère les manageures de moins de 50 ans,
(4) Série quotidienne "loufoque" animée et créée par Jacques Rouxel, initiée par le Service de la Recherche de l'ORTF (dirigé par Pierre Schaeffer), diffusée sur la 1ère chaîne de télévision à partir du 29 avril 1968,


jeudi 25 janvier 2018

Affaire Gallet : les mots pour le dire, l'écrire et le juger…

"Au regard des hautes responsabilités qui lui avaient été confiées à la tête de l’INA au moment des faits, de la parfaite conscience qu’il avait alors de ses agissements délictueux […], le tout au regard de sa formation universitaire et de sa brillante carrière passée, il convient de condamner Mathieu Gallet à un an d’emprisonnement [avec sursis]." (1)

Les montres molles - Dali






















Passée la sentence pour laquelle Gallet a fait appel, les gloseurs de tout poil ergotent sur la sévérité de la peine ou sur l'innocence du coupable. À partir de l'adage, - cité par le tribunal lui-même - "nul n'est censé ignoré la loi", on peut imaginer que cette "jurisprudence"-là pourrait inciter les "sages" du CSA à ne pas tergiverser lors de leur prochaine assemblée plénière le 31 janvier prochain qui devrait statuer sur le sort du Pdg. Après l'avoir entendu le 29.

Quant au Président du CSA, Olivier Schrameck, perpétuellement campé dans la toge de l'homme de loi rigoureux, intègre et indépendant, nous ne doutons pas un seul instant qu'il saura remettre les pendules à l'heure, même si le maître des horloges - Emmanuel Macron - est impatient qu'on passe aux choses sérieuses à savoir le "big-bang audiovisuel" qui, de ce passé-là et de quelques autres, veut faire table rase.

Gallet, campé lui-même dans ses certitudes a été contraint de reporter ses vœux à Radio France au 1er février. Il paraît que ça porte malheur ! Encore une vieille superstition qui arrange ceux qui voudraient bien, au lieu de le voir camper jusqu'en mai 2019 à la Maison de la radio, le voir décamper au plus vite. Wait and see comme on dira bientôt à la radio au média global.

(1) Cité par Jérôme Lefilliâtre, in Libération, "Affaire Gallet : ce que contient le jugement du tribunal", 23 janvier 2018,

mercredi 24 janvier 2018

"Ils vont tuer la radio"… précision et rectificatif

Lundi 22 janvier sur son site, Libération a publié notre tribune (1) "Ils vont tuer la radio" qui posait les bases de la mue de la radio "vendue" au tout numérique et au média global. Malgré notre relecture une "coquille" nous a échappé. 



Voici l'extrait publié : "Anti-écologiques, parce que la disparition de la radio hertzienne au profit de la Radio numérique terrestre impose de puiser des métaux rares dans la lithosphère pour fabriquer ordinateurs et téléphones cellulaires."

Nous voulions dire : "Anti-écologiques, parce que la disparition de la radio hertzienne au profit d'une diffusion intégralement 3G impose de puiser des métaux rares dans la lithosphère pour fabriquer ordinateurs et téléphones cellulaires."

Nous avons demandé, dès hier, à Libération de bien vouloir corriger la phrase que plusieurs d'entre vous, chers lecteurs, n'ont pas manqué de nous signaler. Nous vous présentons bien sûr nos excuses pour cette faute d'inattention. Heureusement vous avez été nombreux à nous dire votre satisfaction pour ce texte qui se voulait être une alerte sur une opération programmée de sabordage du média radio dans sa forme originelle.

Je profite de ce billet pour faire une remarque sur la RNT. Dans une interview du 22 janvier au Figaro, M. Guimier, dit n°2 de Radio France, dit "Tout projet de transformation mérite une vision, des moyens et du temps". Belle rhétorique qui contredit l'absence totale de vision du Pdg de Radio France, Mathieu Gallet, qui au tout début de son mandat était favorable aux thèses du "Bureau de la radio", structure informelle, qui réunissait les plus grands responsables de radio privée (RTL, Europe 1, Next radio, NRJ) anti-RNT.

Gallet se croyant sans doute tout-puissant "oubliait" juste qu'il n'avait pas la main pour décider si le groupe Radio France s'engagerait ou pas dans cette technologie de diffusion. La décision revenant au gouvernement. Gouvernements qui successivement depuis 10 ans n'ont jamais décidé d'y engager la radio publique. Donc les effets d'annonce en forme d'oracle de M. Guimier nous laissent froids. Par contre que ce soit un message subliminal à la tutelle et au Président de la République est cousu de fil blanc. CQFD.

(1) Signée Francine Leduc et moi-même

lundi 22 janvier 2018

68 : et si tout avait commencé avant… Madame Inter féministe ? (21/43)

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Chaque lundi, jusque fin juin 2018, je vous raconte, ici, les prémices de ce qui a pu présider aux "événements" de mai 1968. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, les témoignages de quelques témoins précieux et… mes propres souvenirs.

Annick Beauchamp





















20. Madame Inter féministe ?
À la rentrée 66, Roland Dhordain, directeur de la radio à l'ORTF, propose à Annick Beauchamp (Madame Inter) d'être le relai des auditrices auprès de la chaîne et d'animer trois heures consécutives d'antenne (14-17) dans une émission qui a pour titre "Enfin seule". Dhordain devance d'un an l'arrivée de Ménie Grégoire sur RTL qui donnera la parole aux femmes et "commencera" à libérer les deux… la parole et la femme (1)

Dans la vidéo ci-dessous vous constaterez qu'à 18 mois du printemps 68, Dhordain et Annick Beauchamp figent la femme dans une représentation traditionnelle, féminine, classique et surtout qui est très loin de s'interroger sur la position de l'homme, son pouvoir et sa domination.




Puis ci-dessous une émission radiophonique de France Inter "Madame Inter" (19 janvier 1968 - 14h/16h) avec, ce jour-là, la fondatrice du Mouvement Français pour le Planning Familial et un fonctionnaire de l'INSEE qui parle de l'aspect démographique du problème de la contraception. Petit à petit et par petites touches, la radio d'État, va commencer à aborder, en dehors des infos, les problèmes de société.



(1) Il anticipe de 4 ans l'émission "Aujourd'hui madame" sur la deuxième chaîne couleur de l'ORTF,

vendredi 19 janvier 2018

67/68 : une autre révolution culturelle… Le temps d'une chanson (20/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.

Avec Coluche
Le 16 janvier 1968, Claude Chebel dans son émission "Faites comme chez vous" sur France Inter (1) reçoit Bruno Coquatrix ou plutôt se rend à l'Olympia pour que l'homme du music-hall se raconte et raconte la chanson française. M. Spectacle n'est pas avare en anecdotes et imagine l'avenir du music-hall avec beaucoup de lucidité et de perspicacité. À l'antenne les disques sont lancés avec un peu de désinvolture. Ce sont déjà les chansons qui "marchent" qui sont extraites des 33t des artistes et dont les airs sont déjà installés. Pas de découverte de chansons en face B.

J'ai titré "Le temps d'une chanson" car ce temps semble "à côté", alors que "dehors" on commence à sentir les premiers soubresauts de 68. Tout semble aller pour le mieux et Coquatrix de revendiquer plus de temps libre pour que chacun puisse prendre plus de temps pour se distraire. Coquatrix est loin de se douter que la jeunesse est mûre pour passer à l'acte et ne pas se contenter des états d'âme des Bécaud, Aznavour, Mathieu, Adamo et autres chanteurs à succès. Cette archive est intéressante pour dresser un état des lieux de la chanson et recueillir le témoignage du programmateur du "temple" qu'est l'Olympia.

En exclusivité et intégralité jusqu'au 31 janvier




(1) Du lundi au vendredi, 20h20-22h,

mardi 16 janvier 2018

Affaire Gallet : l'étau se resserre…














En 1984, Marguerite D. "sublime, forcément sublime" court jusque sur les bords de la Vologne (88) pour s’imprégner de l’affaire "Gregory Villemin". Plus modeste, ce lundi 15 janvier 2018, je file à Créteil où la Seine, elle, n’a pas daigné couler. Dans les différents transports en commun utilisés pour me rendre d’une banlieue à l’autre : Melun, Villeneuve Saint-Georges, Créteil Pompadour, j’ai un peu de mal à distinguer le caractère de chacune. Quant aux repères visuels pour me rendre au Tribunal de Grande Instance (TGI), à part les tours d’immeuble qui se ressemblent à quelques hauteurs près, il me plaît de héler le chaland qui passe pour trouver mon chemin.

Le bâtiment dans lequel je suis déjà venu m’est décrit comme très haut en forme de croix. De croix ? De Lorraine ? Cheminant entre quelques arbustes qui se demandent toujours ce qu’ils font là, maudissant l’urbaniste bétonneur qui en pleine euphorie des trente glorieuses les a saupoudrés par hasard, j'ai très vite peur de tourner en rond. Ce TGI qui ne ressemble pas à l’édifice de Colombey-les-deux-églises donne immédiatement envie de déjuger l’architecte qui a du hésiter entre la rigueur glaciale soviétique pré-Eltsine et l’emphase post-moderne d’une représentation rigide de la justice, froide et sentencieuse. Rez-de-chaussée recyclable opportunément en l’an 3000 en "Palais des glaces" ou en musée des désastres.

En ce lieu sordide, nous sommes quelques pèlerins venus écouter le délibéré concernant Mathieu Gallet, actuel Président de Radio France, pour une affaire de favoritisme quand il était Pdg de l’Ina. Le même qui, sur de son fait, a déclaré au Monde le 15 décembre dernier, "Mon mandat [à la tête de Radio France] court jusqu'en mai 2019 et je resterai pleinement investi jusque là" . Quelque assurance ! Quelle superbe ! Quelle morgue ! Dans l’éventualité d’une condamnation on peut compter sur le Président du CSA, Olivier Schrameck, pour continuer à mettre la tête dans le sable "le législateur n’ayant pas prévu ce cas de figure" (1).

On pouffe ! La mauvaise farce que joue Schrameck montre ce qu’est devenue la gestion (appelée aussi en langage technocrate gouvernance) des entreprises publiques, les carences de responsabilité de leurs dirigeants et de l'autorité censée les réguler. Mieux, que le dit-législateur n’ait pas prévu le cas de figure possible de condamnation des Pdg de l’audiovisuel public est visiblement une carence de l'État. Schrameck marche sur des œufs mais, tel l’ours pataud, finira bien par les écraser.

Nous voilà donc sur le banc du public attendant le verdict. Vers 13h50 il tombe "un an de prison avec sursis simple, 20 000 € d’amende, et 10 000 pour Anticor, partie civile." Verdict rendu en l’absence du prévenu qui, avec agilité (son mot préféré de l’année) a préféré aller voir ailleurs. Ce que je lis dans la presse dans les heures qui suivent m'atterre. Les journalistes constatent que le délai minima de l'appel, 12 mois, coïncidera avec l'époque du renouvellement du Pdg de Radio France où la poursuite du mandat de Mathieu Gallet si celui-ci était candidat à sa propre succession. Ben voyons !

Ce qui pourrait vouloir dire que dans le cas d'une condamnation il pourrait quand même être candidat ? Que big-bang établi il pourrait toujours être appelé à des responsabilités dans un nouvel audiovisuel public ? Mais pourquoi ne pas envisager que dans le cas d'une condamnation il ne pourrait plus exercer de fonctions dans l'audiovisuel public ? Pourquoi s'intéresser à sa succession quand le plus important concerne la poursuite de son mandat entaché d'une condamnation fut-elle renvoyée en appel ? Pourquoi ne pas s'intéresser à l'image de marque de Radio France affaiblie par une telle publicité ? Pourquoi ne pas interroger la dignité de l'homme qui vaille que vaille s'accroche à son poste sans analyser les conséquences désastreuses que cela peut avoir pour toute la Maison de la Radio et son personnel ? Pourquoi traiter ce jugement comme un épiphénomène dans une carrière qui pourrait vaciller ? 

Autant de questions que chaque citoyen est en droit de se poser et auxquelles le conseil d'administration de Radio France aujourd'hui et la plénière du CSA demain répondront peut-être. Et que fait ou que fera le Ministère de la Culture ? Sinon pas sûr que l'Élysée n'en profite pour trancher et y mette son grain de sel ou de poivre. C'est selon. "Superbe, forcément superbe"

Ajout de 10h15, 
Passés les enfilages de perles sur un 2ème mandat, le Monde révèle que pour la Ministre de la Culture "le maintien de Mathieu Gallet à la tête de Radio France n'est pas "acceptable""…

(1) Comme il l’a déclaré en décembre au micro de Nicolas Demorand dans la matinale de France Inter,

lundi 15 janvier 2018

68 : et si tout avait commencé avant… Les mutineries de 1917 (20/43)

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20. Retour sur les mutineries de 1917
Avec un petit décalage temporel une grande émission "Les lundis de l'histoire" (1966-2014) animée ici par un grand historien, Jacques Le Goff, revient sur le cinquantenaire des mutineries de la Grande Guerre (1914-1918). Toujours intéressant d'entendre les analyses d'un événement historique à l'occasion de son cinquantenaire alors que dans quelques mois nous commémorerons son… centenaire.

Sans jingle, sans inserts musicaux, on entrait dans l'histoire et pas seulement l'historique. Très érudite l'émission a participé à l'image de marque et d'excellence de France Culture. Il ne s'agissait pas d'être dans le tam-tam et l'événement mais bien plutôt de donner à comprendre avec différents points de vue comment, contextualisé, un fait historique avait pu trouver ses origines et influencer son époque. Réentendre cette émission nous permet de réécouter le ton de Le Goff, paisible (et quelque fois chantant) et sa mesure pondérée. Et comme le dit Le Goff en introduction de cette émission "Chacun sait que l'histoire n'a pas révélé tous ses secrets…" Une bonne introduction à la réflexion sur un drame qui va bientôt faire beaucoup de bruit…

En exclusivité et intégralité jusque fin janvier

vendredi 12 janvier 2018

67/68 : une autre révolution culturelle… La femme et le monde moderne (19/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.


Dès le 12 janvier 1968, France Culture propose à ses auditeurs une longue série de trente-trois émissions hebdomadaires dont le seul titre nous interroge "La femme et le monde moderne". Pour cette première émission, Yvonne Pellé-Douël (1), maître-assistant de philosophie, intervient sur le titre de l'émission "Une approche ambiguë". D'entrée Pellé-Douël évoque la répartition des tâches domestiques au sein d'un foyer et précise "combien nous sommes tous, et concernés et conditionnés, dès que nous parlons de la situation de la femme… et chaque fois que nous rencontrerons l'étiquette "nature féminine" nous nous demanderons s'il ne s'agit pas plutôt d'un effet de culture et, entre autre, de l'éducation que nous avons reçue. Et nous verrons que derrière les comportements traditionnels se profilent souvent des privilèges

En l'interrogeant Pellé-Drouël affirme "En 1968, la femme est l'égale de l'homme. En voilà une question !" En nous révélant que cette série d'émissions est en préparation depuis un an, on voit mieux que le mouvement de société autour de la femme est engagé depuis le milieu des années 60 et, quelques mois avant la création du Mouvement de Libération des Femmes (MLF, 1970), va imposer aux hommes et aux femmes de reconsidérer leurs pensées, leurs attitudes vis à vis du "deuxième sexe" (2). 

La deuxième émission pose en préambule un principe déterminant "Je souhaiterai parvenir à tordre le cou à certaines évidences. C'est toujours, ou presque toujours, à partir d'évidences savamment exploitées et déformées, qu'ont été constituées au cours du temps ces images de la femme qui nous imprègnent aujourd'hui encore. Entendons par images ces pensées largement répandues qui concernent le rôle de la femme, sa vocation et sa personnalité profonde…" affirme Pellé-Drouël.

Voilà une excellente occasion de prendre le pouls de la société -machiste- de 1968 et de remettre en perspective les attentes et les espoirs des femmes à "changer la vie" (et le regard des hommes). Et de se poser ensuite la question "en 50 ans qu'est-ce qui a changé ?"… J'essayerai d'ici fin juin de publier d'autres épisodes de ctte longue série.

(1) "Ëtre femme", 1967, Le Seuil,
(2) "Le deuxième sexe", Simone de Beauvoir, Gallimard, 1949,

En exclusivité et intégralité jusque fin janvier

1ère émission : la femme et le monde moderne"



2ème émission : "Images de la femme : des mythes et des hommes"


lundi 8 janvier 2018

68 : et si tout avait commencé… En janvier, un certain Cohn-Bendit (19/43)

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Le Livre blanc…





















19. Le ministre, la piscine et l'apprenti révolutionnaire…
Il y a cinquante ans, jour pour jour, le lundi 8 janvier 1968, le Ministre de la Jeunesse et des Sports du gouvernement de Georges Pompidou, François Missoffe, va "plonger dans la piscine" ou plutôt prendre un bain de jeunesse… sexuelle auquel visiblement il ne s'attendait pas. Son "Livre blanc de la jeunesse" publié depuis le mois précédent commencera par faire quelques vagues à Nanterre (92)…

Daniel Cohn-Bendit, étudiant (1) : "Monsieur le ministre, j’ai lu votre Livre blanc sur la jeunesse. En trois cents pages, il n’y a pas un seul mot sur les problèmes sexuels des jeunes." Après quelques répliques assez sèches de part et d’autre, le ministre s’échauffe : "— Avec la tête que vous avez, vous connaissez sûrement des problèmes de cet ordre. Je ne saurais trop vous conseiller de plonger dans la piscine. — Voilà une réponse digne des Jeunesses hitlériennes " (2). Ce bref "dialogue" au bord d’une piscine est resté dans la mémoire collective comme un des signes annonciateurs de Mai 1968. Tout concourut, il est vrai, à assurer à l’épisode une certaine postérité : le cadre, l’université de Nanterre le 8 janvier 1968, l’un des protagonistes qui se nommait Daniel Cohn-Bendit et enfin le sujet de l’altercation, la sexualité juvénile, qui ne pouvait que rencontrer un certain succès alors que s’imposait l’idée que Mai 1968 avait d’abord été une révolution des mœurs. (3)

Le décor est planté. Extrait de l'introduction du Livre blanc. "Certes les conflits de générations ont toujours existé et se sont presque toujours résolus sans conduire à des situations révolutionnaires (sic), celles-ci étant plutôt le résultat de conflits économiques dans lesquels les partis antagonistes se recrutaient parmi toutes les générations. Mais les problèmes économiques et sociaux qui se posent à l'humanité en ce derniers tiers du XXème siècle peuvent précisément donner aux vieux conflits psychologique une teinte particulièrement dramatique et une force explosive (re-sic) (page 12). "Explosive", en effet ! L'auteur de l'introduction ne croyait sans doute pas si bien dire !



Si Cohn-Bendit pointe bien la très grosse faille de l'état des lieux de la jeunesse française, il est intéressant, avec cinquante ans de recul, de se replonger dans sa lecture. Comme si l'ensemble des contributions avait permis d'évaluer en creux l'aspect insurrectionnel qui ne tardera plus à se manifester dans les mois à venir. Un extrait de la conclusion "On conçoit que la contestation des jeunes porte sur les structures morales, sociales, culturelles, etc. qui semblent caractéristiques du monde des adultes, et que le désir de s'émanciper des tutelles se manifeste dans l'originalité des manières d'être ou des manières de penser, parfois même dans des projets de transformation de l'ordre établi (sic), perçu comme anachronique, et appelant, sur le plan social par exemple, la nécessité d'un progrès général. (page 280)" CQFD.

Par contre sur la radio d'État (ORTF), France Inter, pas un mot dans les journaux du 8 ou du 9. On prendra la peine d'écouter le journal ci-dessous qui décrit bien la collusion du pouvoir et de l'information par un média public !

Merci à Céline Loriou pour son aide et l'accès au "Livre Blanc de la jeunesse" qui m'aura permis de rédiger ce billet… en connaissance de cause !

En exclusivité et intégralité jusqu'au 31 janvier




1) Besse Laurent, "Un ministre et les jeunes : François Missoffe, 1966-1968", Histoire@Politique, vol. 4, no. 1, 2008, pp. 11-11., consultable sur cairn.info,
2) Le "dialogue" est rapporté dans Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération, Tome 1. Les années de rêve , Paris, Seuil, 1987, p. 401, cité in Besse Laurent, "Un ministre et les jeunes : François Missoffe...", op.cit. 
3) Besse Laurent, "Un ministre et les jeunes : François Missoffe...", op. cit.

vendredi 5 janvier 2018

67/68 : une autre révolution culturelle… Le cinéma (18/42)

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Ici, le vendredi, jusque fin juin 2018, en complément du feuilleton "société" publié chaque lundi, je vous raconte, quelques faits marquant de "la vie culturelle" de l'époque. À travers les livres, les films, les disques qui ont marqué la révolution culturelle qui couve. Avec des archives audio radio en exclusivité, les sources de la presse nationale et régionale, et… mes propres souvenirs.


Nous le verrons lundi prochain, à Nanterre la cocotte-minute commence à siffler du côté des étudiants. Sentant sans doute le vent se lever, Michel Polac consacre une demi-heure du "Masque et la plume" du 7 janvier 1968 à solliciter, sur place à Nanterre, les étudiants pour les faire réagir sur les sorties de film de la fin de l'année 1967. Lesdits-étudiants, des hommes, s'expriment mais ne dialoguent pas vraiment avec les professionnels de la critique - des hommes - qui sont dans l'entre-soi de leur univers cinématographique. Quelles ont pu être les intentions de Polac et le saura-t-on jamais ? Le débat est élitiste et favorise des jeunes d'un bon niveau culturel habitués à la prise de parole et à l'analyse.

La deuxième partie du Masque est intéressante car elle permet avec l'invité, l'écrivain Roger Boussinot (1), de dresser un état des lieux du cinéma français à la fin des années 70 alors que la "Nouvelle vague" n'est pas encore retombée. Si le cinéma populaire est évoqué on peut regretter l'absence de critiques professionnels pour défendre ce type de cinéma mais surtout pour en donner une définition, montrer son impact sur le public et en analyser sa fonction. 

(1) "Le Cinéma est mort. Vive le Cinéma !", 

En intégralité et en exclusivité jusque fin janvier