Voix là. Vous entrez en émission et ne pourrait-on pas dire, quelquefois, qu'on entre en émission comme on entre en religion ? Vous avez mis tous les atouts de votre côté. Les conditions sont optimum. Vos oreilles sont tendues à l'extrême. Vous pourriez fermer les yeux. Vous les fermez même. Laissant, pour la douceur, la lampe allumée. Il est 17h02, l'indicatif démarre. Vous souriez. Le producteur va jouer sa petite musique. Il n'y a plus une minute à perdre. Écouter et rien d'autre.
Voix ci. Ce jour-là il y avait deux invités. Le "générique", dit aussi l'annonce, est un peu plus long. Le producteur fait de son mieux pour dire les mots "étrangers" qui laissent immédiatement supposer un bon transport de l'esprit si on aime cet "étranger"-là, qui, on le verra, n'en est pas un. Fin d'annonce. Chanson. Que l'attente est longue. Le suspens est bien entretenu. Il faut mériter ces invités qui ne peuvent s'installer sans un minimum de désir de la part de ces auditeurs prêts à tout arrêter pour un moment de grâce, complices des mots, bouleversés par la voix.
L'invitée commence à répondre à la première affirmation en constatant qu'elle n'a pas dit bonjour aux auditeurs. Son "Buongiorno", mêlé d'un rire franc électrise sa parole. Cette attention à dire bonjour, cette délicatesse détonne avec le cirque habituel de la comédie des médias. Malhabile (ignorant même) dans cette langue chantante on sussurre, timide, "Buongiorno Simonetta". Son bonjour n'est presque rien, minuscule, vite évaporé mais pourtant c'est tout. C'est tout ce qui va entraîner l'écoute vers la joie. C'est l'accroche qui illumine, différencie, électrise l'écoute. Parlez, parlez, Simonetta, riez, dites vos doutes et vos certitudes et entrainez-nous dans votre bal, où la valse de vos sentiments n'a toujours pas épuisé l'orchestre et ses prétendants aux "soli".
Ça joue, se joue. Tantôt joue contre joue. Tantôt à distance, au bord de la rupture, du gouffre. Tantôt dans la plus grande solitude sur un parquet où il n'y a plus que le souvenir de la trace de vos pas. Étreintes évanouies. Voilà le transport. Voix là qui bouleverse et chavire.
Et puis qui rit à la radio aujourd'hui, pour le plaisir, pour la fraîcheur, pour la légèreté ? Cet effet stéréo : écouter la voix/écouter le rire c'est vouloir ne rien perdre de ce qui passe dans la voix. C'est décupler une fonction d'écoute en l'absence de signes extérieurs visibles comme une image ou un visage. C'est tenter de comprendre et d'imaginer sans voir. Et c'est merveilleux au point d'écouter autant la façon de dire que ce qui est dit !
De l'histoire qu'avait à nous raconter Simonetta Greggio ce jour-là (1), je n'ai fait qu'écouter sa voix, ses accents, ses rires et quelques "blancs" lumineux ici plus parlants que des silences.
Voix là, c'est dit, et ne peux mieux dire pour l'instant. Magari !
Simonetta Greggio sera, demain lundi, l'invitée de Christophe Bourseiller,
à 8h15 sur France Musique…
(1) Que j'avais déjà lue.