Donc le matin vous croquez vos biscottes, vous vous barbez devant la glace ou vous roucoulez sous la douche, mais, mais, mais, vous écoutez la radio (1). Et le matin il y a une petite musique lancinante, dite aussi "chronique", qui cadence les matinales sur les chaînes de radio (2). Elles sont multiples, variées et asticotent les méninges au point de frôler l'overdose. Passées neuf heures qu'en reste t-il dans nos cerveaux sursollicités par l'empilement gargantuesque des infos du matin ?
Prenons un exemple. Audrey Pulvar anime sur France Inter le 6-7. Dans cette émission elle s'est réservée une case où chaque jour elle livre un billet d'environ trois minutes. Et comment fait-on pour s'imprégner des idées, des points de vue défendus par la journaliste sans être obligé de s'arrêter pour écouter quand on est dans les situations décrites ci-dessus ? Comment peut-on une fois la chronique passée y repenser ? Le rouleau compresseur de l'info, qui ne s'arrête jamais faisant son office de compresseur, venant perturber, saturer ce qu'on a décidé d'approfondir en y réfléchissant ? On éteint la radio ? Presque impensable ! On prend des notes ? Pas toujours facile ! On y pense puis on oublie ? Alors "la chronique ça sert à quoi ? ". Et vous aurez remarqué qu'aucun journaliste dans les pages "radio" des quotidiens ou des magazines ne l'a jamais posée à qui de droit.
Le syndrome "chronique" est bien engagé. Son formatage et son cadencement aussi. C'est une façon de "distraire" l'attention tout en la sollicitant. On frôle la schizophrénie ! C'est une façon d'employer au cours d'une même émission des tas de "pigistes" au statut très précaire. Et je ne parle pas des chroniques humoristiques : les pas drôles du tout, les prétentieuses qui se haussent du col, les prétentieuses pas drôles et autres carrément déplacées. Chaque chroniqueur se sentant au cours de ses trois minutes un peu "le roi du monde !"
Audrey Pulvar pour sa chronique du
24 novembre 2011 a eu la bonne idée d'en mettre le texte sur le site de son émission. Heureuse initiative ! On la lit, on l'imprime, on la relit, on la diffuse ? Et après ? On imprime celle du lendemain, puis celle du chroniqueur de France Info, celle de la chroniqueuse de France Culture, celle du chroniqueur du Mouv', d'RTL, d'Europe 1, d'RMC,… ? Au secours fuyons !
Alors à quoi sert une chronique si, à peine entendue, on ne peut y repenser sereinement ? À quoi sert-elle si aussitôt elle est, de fait, oubliée ? La multiplicité aiguë de ces formats très courts imposés plusieurs fois par heure et par jour, ressemble à du gavage. Ou pourrait donner l'impression que l'animateur principal de l'émission s'en sert pour, lui-même, en faire un peu moins (d'émission). Ce qui devait être une virgule, un focus ou l'avis d'un spécialiste est devenu un principe prégnant pour ne pas dire une posture… imposée. La fluidité des émissions s'en ressent et perturbe une écoute attentive ou soutenue, un peu comme le matin, hagard devant son toaster, où il faut remplacer toutes les trente secondes, vaille que vaille, une tartine par une autre.
(1) Ou alors vous "piétinez" dans les bouchons et vous écoutez encore plus la radio (pour calmer vos nerfs),
(2) autres que les débiteuses de musique animées par des duo, trio niaiseux,
(3) pour éviter sans doute comme à la télé que l'auditeur ne s'ennuie et change de chaîne.