mardi 31 mai 2016

L'An 02 : Késaco ?



Ben c'est la suite de l'An 01, banane ! Oui, d'accord mais c'est quoi l'An 01 alors ? Ah ben ça c'est une longue histoire… Elle a mûri dans de fertiles cerveaux quelques semaines après mai 68 et a été dessiné par GéBé, un dessinateur inspiré (1) en phase avec le changement guetté sous les pavés. "Sous les pavés la plage " comme "ils" disaient !

Ce qui se passe depuis le 31 mars 2016, je l'ai surtitré "l'An 02" dans mes billets consacrés à "l'animation de la République (Place de, Paris)", via l'excellente Radio-Debout, animée elle-même par une poignée de dignes descendants des utopistes du joli mai (2). Car, intuition ou esprit de suite, il me semblait bien que c'était parti pour attaquer le tome 2, de ces aventures restées un peu en suspens… Et dont Erri de Luca dit "Ce furent des années de cuivre, le meilleur conducteur de cette énergie électrique de transformation" (3)  

C'est la danse de Saint-Guy du Prez la semaine dernière qui m'a donné envie d'enfoncer le clou et, de continuer à réfuter ses assertions pseudo-historiques comme quoi, on ne pourrait comparer #NuitDebout à mai 68. Mes chers auditeurs, appâtés par une telle présentation vous devriez tout droit foncer vers "l'Association", le nouvel éditeur de "l'An 01" qui propose une version très enrichie de la création de GéBé, avec le DVD du film de Doillon.



Outre le slogan "On arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste", l'armée mexicaine des conseillers de Hollande, Valls et autres Macron, figés dans leurs postures régaliennes, serait inspirée "Faire un pas de côté". Ce leit-motiv institué par GéBé pour son histoire qui finira bien par devenir prémonitoire et qu'on appellera "L'an 02"…
(À suivre)



(1) Publié en 1970 dans "Politique hebdo" (5 planches) puis dans "Charlie Mensuel" et dans "Charlie hebdo" en intégralité à partir du 7 juin 1971. Les textes seront enrichis par les lecteurs (source Wikipédia),
(2) "Le joli mai" c'est le titre d'un film de Chris Marker… "L'an 01" a aussi donné lieu à un film au titre éponyme, réalisé par Jacques Doillon, avec le concours d'Alain Resnais & Jean Rouch,
(3) in "Variante de parabole" dans le recueil "Le plus et le moins", Gallimard, 2016,

dimanche 29 mai 2016

"On the road again"… avec Jean Yanne et Bob Dylan






















Nan, j'suis pas sur la route là, mais dans ma tête j'y suis (j'y reste). Ça a commencé dimanche dernier quand Louise (Forestier), Robert (Charlebois), "Lindberghet "ma Sophie a moué" sont venus me percuter le cerveau. J'avais plus qu'à la chanter en boucle, cette canson de mon enfance. Pas si bien qu'les Kébécois, mais avec la même ferveur. Right ? Là pour ce dimanche j'avais prévu de vous parler de Jean Yanne, et puis y'a Dylan qui dès hier soir s'est imposé (sur Arte).

"No direction home" du Marty ! Autant dire the best (1). Oui je l'appelle Marty parce qu'on se fréquente depuis presque 40 ans dans les cinés. D'ac ? Ceci posé, j'commence par vous parler du Yanne. Et le téléscopage, radioscopage avec le Bob (Zimmerman) j'en fais mon affaire !



Jean Yanne reviens, on est devenus (trop) cons
"C'est ben vrai ça" comme aurait dit la mère Denis ! L'Ina publie ces jours-ci un film de Fabrice Gardel, Edward Beucler et Christine Bernardet (2). Dans ce film, truffé d'archives, on prend la mesure du Jean Yanne très avant gardiste dans la société française figée (post cinquante-huitarde). Et oui c'est le début de la Vème République ! On reçoit (revoit), en boomerang, à l'image de la valse que le gouvernement actuel joue, le petit père du peuple, j'ai nommé "Pompidou", premier ministre de sa Majesté De Gaulle, venu faire à la TV un sermon, à l'heure sans doute du dîner, aux masses laborieuses agglutinées devant une TV presque toujours en grève en ce mois de mai 1968.

Voilà l'homélie, dans une tragi-comédie, gros plan en N&B (versus TV) : "Des groupes d'enragés, nous vous en avons montré quelque-uns (sic), se proposent de généraliser le désordre, avec le but avoué de détruire la nation et les bases mêmes de notre société libre…" Rideau ! Et on s'demande ou Valls va chercher ses lamento ? Ce film sera l'occasion, fugace, de revoir un Gérard Sire, alter égo et compère d'un duo sans aucun moderato.

Image du film "No direction home"
















Dylan, le film de nos années
Allez on va pas s'gêner, télescopons, téléscopons il en restera toujours quelque chose ! "Nos années" c'est Annie Ernaux, c'est raccord avec "No direction home". Dans le film de Scorcese, l'autour est au moins aussi important que le sujet. Et l'on prend bien la mesure de cette société française, à l'époque figée, engoncée, enfermée dans un passé (la deuxième guerre mondiale) qui ne passe pas, mais qui, pourtant ne va pas tarder à trépasser.

Cinq ans avant 68, le 28 août 1963, à Washington à l'occasion de "La marche pour l'emploi et la liberté" (3), Martin Luther King, au-delà de son discours vibrant, "donne la parole" à Dylan. Nous on devra se contenter du sous-titrage par Hugues Auffray. Les États-Unis sont en avance, ou plutôt les États-Unis sont dans leur temps. "The times they are a changing". On a aucune patience. Le train finira bien par passer.

Le germe de ce changement est partout comme aujourd'hui sur les Places. Y'a que les aveugles pour ne rien voir. Dylan passe en 64, sans état d'âme, de sa guitare folk à la guitare électrique. Aujourd'hui en France on retrouve la mécanique "folk" de la parole. Et même la mécanique de la radio -amateur, libre, vivante- qui s'en fait l'écho… pur (4). Out les rézo zozio, les prêcheurs de la com', le cathéchisme des médias, la grande arnaque de ceux qui pensent pour soi, les gourous en solex, et l'absence de sens dans les stations service…

Go ! Je reprends mon blues de "Lindbergh", j'embarque "Ma Sophie à moué" dans mon road-movie. J'ai la radio à fond. Ce matin j'ai crié "Banzzaï" (5), à cause de Nathalie Piolé qui trémousse les dimanches matins de France Musique (6). P… arrêtez tout et plongez-vous dans "No direction home"… Le chemin est ouvert. Zyva camarade, le vieux monde est derrière toi ! "The times they are a changing"


(1) Sorry pour l'angliche, mais to day c'est comme ça ! ah ah ah !
(2) Plus sur le DVD : 9 sketches décapants et 7 chansons dont la Complainte de l'affreux Siné,
(3) "March on Washington for Jobs and Freedom" ,

(4) Radio Debout,
(5) "Aline" c'est has been ! (merci pour la rime, Fañch), 
(6) Euh Nathalie, tu verras sur la pastille du 45t "Lindbergh" ya le"Jazz libre du Québec", faudrait en mettre un coup (de Lindbergh, of course) dans un prochain Banzzaï, OK ?

mercredi 25 mai 2016

François Hollande à France Culture : la parole désenchantée…

©Olivier Helle - Radio France

















Évacué le très affligeant passage d'antenne du matinalier de France Culture à Emmanuel Laurentin (1), hier matin à 8h59, nous nous apprêtions à écouter "La voix de la France", à défaut sûrement d'avoir depuis quatre ans suivi "La voie de la France". Pour parler de cet entretien du Président de la République avec Laurentin, je croiserai deux écoutes, celle de la radio et celle de l'histoire, au filtre de la politique menée depuis 2012 par François Hollande.

Alors qu'autrefois les programmes de France Culture se terminaient quotidiennement par "La Marseillaise", La Fabrique de l'Histoire n'a pas dérogé à son indicatif en fanfare. Et Laurentin à son "chapeau", bien troussé. L'heure est solennelle, on pourrait même dire grave. Grave parce que la gravité même de l'État de la France nous incite à une écoute aiguë de la parole présidentielle pour ne pas nous faire rouler dans la farine de la com' politique, pour ne pas dire de la com' de campagne.



(Clin d'œil au jingle de France Inter de "La Marche de L'histoire", Jean Lebrun)

Sûr de sa stature, Hollande n'aura pas l'ombre d'un doute pour affirmer dès le début de l'émission "Président, nous ne faisons pas que rappeler l'histoire, nous la faisons". C'est "bien dit" ! Ça manque juste, dans la voix et dans le geste, de grandeur ou de charisme. C'est une phrase. Sa résonance avec l'action est beaucoup trop plate, trop lisse, trop convenue. Désincarnée (2).



Et sur ce registre des phrases prononcées reprenons celle-ci "Je m'attends à l'inattendu". Ça on peut juste en douter, ne serait-ce qu'au vu des événements qui bouleversent la France de façon "visible et audible", depuis le mois de mars. Faire l'histoire et la commenter en même temps comporte des risques. Hollande n'échappe pas à ce paradoxe et fait passer son assertion pour une posture. La même que celle de Gaulle qui avec "gouverner c'est prévoir" n'avait rien prévu de mai 68, ni de son effet de traîne au-delà de la contestation estudiantine qu'il croyait juste être une circonstance générationnelle.

"Ma connaissance historique m'a permis de bien analyser ce qui se passait"
Si les travaux de recherche servent l'action politique comme le soutient François Hollande (18'20"), comment se fait-il que toutes les analyses des chercheurs, sociologues, philosophes, économistes, déployées, depuis deux mois, sur les Places de Nuit Debout n'ont eu aucun effet sur la politique d'un gouvernement qui s'enferme et s'enferre avec la "Loi travail" ? 

Il y aurait donc deux "histoires" ? Celle du monde et celle de la France ? La grande et la petite ? Celle intemporelle et celle du quotidien ? Ce quotidien-là, dont Hollande fait fi, et de l'histoire et de la recherche. Cette histoire immédiate méprisée au titre de l'aveuglement et de la surdité. Le Président est malade et refuse de se soigner. Sa contagion a fini par gagner la France. 


Mai 68, ©Claude Dityvon



















Réenchanter la France !
Quand Laurentin demande au Président comment la France pourrait être réenchantée, Hollande joue l'esquive. "L'idée de la France" lui donne l'occasion d'une figure de rhétorique, de parler des "autres" à l'étranger, du monde alentour mais pas des Français… désenchantés. On n'est plus dans l'histoire, on est dans la politique politicienne exacerbée par une campagne présidentielle à venir. La France enchanterait tellement le monde que les Français ne sauraient même pas à quel point ils devraient l'être… enchantés. Rhétorique, méthode Coué, enfilage de perles et, voilà que l'"historien" s'efface devant le politicard cynique et calculateur.

"Une stratégie portée par une minorité"
Pour s'en convaincre, écoutons bien Hollande qui refuse absolument de comparer "des conflits, des occupations, des blocages" avec mai 68 : "nous ne sommes pas du tout dans cette circonstance". Et Hollande de re-fabriquer l'histoire, d'en re-faire une tambouille même et, aussitôt, d'en vanter sa nouvelle recette : "Mai 68 est beaucoup plus en lien avec Juin 36". Tiens donc ! Voilà bien l'accommodement idéal ! Façon Hollande, sauce géométrie variable. Juin 36 merveilleux : ça m'enchante, c'est le Front Populaire. Mars 16, au titre de l'histoire immédiate, c'est pas grand chose… Ça me dessert : circulez y'a pas d'histoire !

Place de la République, Paris ©Gilles Davidas

















À convoquer Churchill, Clemenceau, De Gaulle, Hollande pense sans doute que l'histoire lui saura gré de ses atermoiements ou de ses renoncements. Les Français, ici et maintenant, sont dans le mur et, sa parole, même radiodiffusée est inaudible. C'est un exercice de style. Un gadget de communication. Hollande est depuis mai 2012 dans l'histoire. Il y est entré par la grande porte, il en ressortira par la petite, avant que ne soient jugés ses reniements au socialisme. Et ça, devant l'histoire, ça laissera beaucoup plus de trace qu'une heure de rhétorique à France Culture. 

L'entretien précédent de François Hollande avec Emmanuel Laurentin le 6 mars 2012.

(1) Producteur de "La Fabrique de l'histoire", France Culture, du lundi au vendredi, 9h05,
(2) Et je n'ai pas regardé l'émission en vidéo. Ça sert à ça l'écoute, bien mieux que toutes les mimiques d'un visage !
(3) Dans la droite ligne des De Gaulle, Pompidou, Peyrrefitte, Marcelin, Malraux qui nommaient mai 68 "les événements", mot fourre-tout qui permet de se défausser et de réfuter la réalité !




L'entretien d'Emmanuel Laurentin avec le médiateur de Radio France (2 juin 2016)

mardi 24 mai 2016

Pour quelques dollars de plus…

La Rochelle

















Dimanche matin, j'ai rendez-vous à La Rochelle avec un des lecteurs de ce blog. Un lecteur que je ne connais, ni d'Eve ni d'Adam, mais qui, fidèle, lit ici les aventures rocambolesques de la radio. Lui-même passionné, auditeur d'Inter principalement (et un peu de France Culture) depuis la fin des années 80. Il est vraiment intéressant de rencontrer quelqu'un aussi précis, attaché à des détails qui font le sel de "nos" radios et de nos mémoires affectives.

On échange nos souvenirs, on recadre des dates, des titres d'émission, des horaires. Soit l'écriture de l'encyclopédie de poche de la radio… !!!! Et on croise quelques infos périphériques qui nous permettent de tenir le fil de l'histoire. Conversant de concert nous ne refîmes ni le monde ni même la radio publique que l'on aime tant. Mais au détour d'un chemin mémoriel, Jean-Baptiste de citer "Culture Club" (Maurice Achard, France Inter, saison 1988-1989, 21h30/23h) et son formidable indicatif dont nous avons oublié le nom (1) ! "Culture club" une émission de culture rock pour les jeunes de 15 à 45 ans, voulue par Eve Ruggieri, l'éphémère directrice de la chaîne, (1988-1989).

La Rochelle, est définitivement synonyme de Foulquier. Le bar "Le Crystal", les after des "Franco" et tout l'fourbi ! Il va bien falloir un jour créer (à la Rochelle ?) un festival des auditeurs qui raconteraient des histoires de radio. Une bouteille à la mer… vient d'être jetée.





Pendant que nous papotions ce dimanche, voilà qu'intervient dans une courte séance de "Médias Le Mag" sur France 5… Mathieu Gallet, Pdg de Radio France pour évoquer le départ de… Pascale Clark ! Si Gallet vient à l'antenne à chaque fois qu'il y a un départ - volontaire ou forcé - va falloir créer une chaîne d'info en continu (sic). Gallet n'a pas été invité pour ça, on se demande alors bien pourquoi Thomas Hugues, le présentateur, l'interroge sur ce non-événement. Ce dernier s'attache depuis 299 épisodes à montrer, voire à fustiger, les effets de la sur-médiatisation d'événements dérisoires quand, lui-même, finit par s'engouffrer dans cette posture ridicule.

Julien Bellver, son chroniqueur, en ne mettant pas seulement la D.J. déchue en avant, a eu beau, (pour essayer de faire "bonne mesure"), citer aussi les "départs" de Théval (Vincent) et Josse (Vincent), on constate que celui-ci ne daigne pas citer France Musique, la chaîne qui les emploie. Cet "entre soi" caractéristique montre, s'il en est encore besoin, le mépris de nombreux journalistes média pour la radio. Et ce n'est pas parce que quelques vedettes radiophoniques sont venues sur le plateau de "Médias Le Mag" qu'il faudrait conclure que la radio y a eu toute sa place. CQFD.

Par contre ni Bellver, ni Hugues n'ont repris dans le propos de Gallet, le fait que ce dernier signale qu'au cours du conflit de 2015 à Radio France, il a été mis "en garde à vue" (2). On se pince là ! Plutôt que de courir et gloser autour du nom de la future chaîne d'info ou d'interroger Gallet sur les programmes, alors qu'il a délégué cette fonction à Frédéric Schlesinger, directeur éditorial, Hugues et Bellver auraient mieux fait de parler radio, de Radio Numérique Terrestre (RNT) ou de "production radiophonique". Faut pas rêver ! Les deux journalistes n'ont pas de culture radio et Gallet aurait enfilé, mieux que les perles, les ellipses pour, surtout, ne rien dire ! 

Cette émission qui souvent fouille ses sujets, ne fouille rien sur la radio, se contentant de rester à la surface et d'entretenir le buzz sur du creux. E la nave va ! 

(1) Que grâce à Gilles D., nous pouvons réécouter ci-dessous !
(2) "Ces contrats [de conseil] font déjà l’objet d’une enquête préliminaire sur des soupçons de "favoritisme" ouverte par le parquet de Créteil à la suite d’un signalement du ministère de la culture, dans laquelle Mathieu Gallet a été entendu et placé en garde à vue." (Mathilde Mathieu, "Mathieu Gallet à l'Ina", Médiapart, 23 mai 2016)

jeudi 19 mai 2016

Longtemps, longtemps, longtemps, après que les voix ont disparu…

















J'essaye hier matin de joindre un correspondant à Radio France via le standard. Je demande Madame Gaillard. Répondeur. Je retente en demandant une autre personne dans le même service. La standardiste cherche et m'annonce "Non, il n'y a qu'Anne Gaillard dans ce service". Je reconnais la voix de Sophie et lui dis "Euh, je pense qu'Anne Gaillard a depuis longtemps quitté la Maison…" Fou rire assuré de Sophie (29 ans de maison).

Anne Gaillard était dans les années 70 animatrice sur France Inter d'une émission "Inter-Femmes" sur la consommation et la défense des consommateurs (1975-1978). Avec une voix de charpie, elle bousculait, sans tact, et souvent avec véhémence, les industriels ou les représentants des entreprises incriminés pour des malfaçons ou des publicités mensongères. Pierre Wiehn, directeur de la chaîne à l'époque, a eu du fil à retordre avec cette animatrice qui poussa une fois ses esclandres jusqu'à quitter l'antenne.

Au-delà de la voix, Sophie associe, comme quelques anciens de la Maison, le nom de "Gaillard" à Anne. Longtemps, longtemps, longtemps…

mardi 17 mai 2016

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle… (non je n'ai pas oublié)





À l'appel du 18 juin, Pascale Clark a décidé de ramasser ses petites affaires et de prendre la tangente. Aude Dassonville (Télérama) a obtenu en exclusivité l'annonce de cette décision par l'intéressée elle-même. Comme hors-mercato serait t-on tenté de dire ? L'ex D.J. de France Inter prend donc ses cliques et ses claques pour aller se faire voir ailleurs. En lisant l'interview, j'ai passé un très long moment à rire (jaune) : "N’être qu’en studio a ses limites, surtout en ce moment ; il entretient une bulle artificielle, déconnectée de l’extérieur, et donc de la réalité." CQFD. Autant de lucidité - à retardement - laisse pantois. 

Clark reconnaît donc avoir passé "des" décennies en dehors du réel, quand le ban et l'arrière-ban lui tressaient des couronnes de laurier bien vert, pour sa façon éblouissante, époustouflante, que dis-je ébouriffante, de "faire l'actu". Comme quoi, un jour ou l'autre, le masque tombe et la parade ne cache plus ses faux-nez. Les états d'âme de Clark sont pathétiques pour ne pas dire tragiques. Son numéro de cirque à l'antenne, en mars 2015, montrait, s'il était besoin de s'en convaincre, la très haute estime que l'animatrice avait d'elle-même au point de mépriser ses auditeurs, son contrat de travail et sa propre éthique journalistique.

Pour tout ce que lui a apporté le service public, on aurait pu imaginer que Clark nous offre une sortie avec un peu plus de panache. Le panache c'est se tourner, avec brio, vers les autres. La seule posture de Clark est d'être, définitivement, tournée vers elle-même. Posture absolument incompatible avec le principe de base que la radio publique, depuis sa genèse, se doit d'être au service des auditeurs et non pas à celui de ses médiateurs. À bon entendeur, salut !

lundi 16 mai 2016

Un parfum de bonheur… le Front populaire


















Le 7 mai sur Radio Libertaire, Didier Daeninckx, écrivain, a évoqué son nouveau livre "Un parfum de bonheur" (Gallimard, 2016). Une histoire écrite à partir d'une sélection de 80 photos (sur un total de 1500) prises par France Demay, un ouvrier qualifié dans la mécanique de précision, qui de 1934 à 1939 a suivi un groupe de copains-copines. Ceux-là qui, fini le boulot, se réalisaient dans la découverte du sport. Sport mis en valeur, entre autres, par la Fédération Sportive et Gymnique du travail (FSGT), née de la toute jeune fusion entre les associations sportives communiste et socialiste.

Et d'accrocher cette histoire à Ginette Tiercelin renforce l'émotion. Ginette va pouvoir témoigner (en 1986) et raconter son Front Populaire à Daenincks. Faire revivre ce passé qui a ébloui la vie, à défaut de la changer sur la longue durée. Ginette a le sens de la formule "D'abord il faut que je vous dise que l'Histoire, selon moi, elle se sent à l'étroit avec les dates et les parenthèses qui les enferment. Les grands événements ils éclatent comme des orages."

Et Ginette qui raconte. C''est tellement vécu, c'est tellement sensible qu'on est avec elle dans ce Paris d'avant, du temps des fortifs que chantait Damia, et de la banlieue du Pré-Saint-Gervais qu'on appelait sûrement pas banlieue à ce moment-là ! Il fallait avoir un sens aigu de la langue chez les prolos pour appeler un pastis un "prolétaire". 

Daeninckx a trouvé avec Ginette, une perle de conteuse, qui raconte avec toute sa mémoire l'histoire vécue et vibrante. Elle enfile les perles et on l'imagine dans sa cuisine, trop heureuse de revivre ça ! Et de rappeler celle, magique, de Marie Marving, sportive de talent, refusée par les organisateurs du Tour de France. Machisme et virilité obligent.



Ce livre de Daeninckx se lit d'un trait. On a la chair de poule quand on pense que des choses pouvaient se faire sur la simple bonne volonté, l'envie, l'allant et l'enthousiasme. Se faire sans protocole, sans dossier, sans autorisations multiples et variées. Daeninckx
fait (re)vivre une autre image du sport et l'aspiration très forte à l'unité du Front populaire. L'écrivain montre à l'appui du témoignage de Ginette le plaisir du "faire ensemble", du militantisme. Et cette totale aspiration au bonheur… quotidien.

France Demay a suivi de 34 à 39 le même groupe de copains-copines. Ses photos montrent la libération des corps, l'irruption de la liberté et de la mixité. Corps mélangés dans un jeu de sport prétexte aussi au jeu de l'amour. À l'époque on passe de l'idéologie sportive du baron Coubertin qui promeut l'individuel et le masculin, au collectif, au jeu pour le jeu, femmes et hommes ensemble ou en équipes adverses. Sans qu'il y ait besoin, portées comme une fin en soi, de compétitions prestigieuses.

On lira avec un bon sourire l'anecdote d'un Prévert en soutane et de la pièce "Suivez le druide" du groupe… Octobre. La joie est palpable comme l'a chantée Trenet. Tout est prétexte à mettre en œuvre le slogan "À nous la vie !". Et Ginette de dire à Daeninckx "Partout où on allait courir on respirait comme un parfum de fraternité !" Et en ces temps de "Loi Travail" de la honte, "La semaine des deux dimanches", rappelée par Ginette, donne bien l'idée de la libération du servage au travail et d'une nouvelle liberté chèrement acquise.

Je rêve de rencontrer Daeninckx pour entendre la voix de Ginette, pour prolonger le voyage avec elle, pour revoir sa maison. La petite histoire qu'il nous conte sublime la grande. Forge un duo humble et franc. Fixe la valeur du mot populaire au plus haut de son sens et de son histoire. Bouleverse l'humanisme et l'humanité qui ont donné ce "Parfum de bonheur" qu'on ne demande qu'à respirer demain matin ou demain soir, sur la place. Debout !

dimanche 15 mai 2016

Brunch #32…














Un autre homme, une autre chance
Le p'tit Antoine qu'a grandi. S'rait fier son papa ! Et nous on s'console pas du génie du papa disparu (trop tôt). Si Jean Yanne revient, c'est un peu Gérard qui rapplique alors ? Zyva ! Et tapis dans l'ombre attendons le bouc d'Antoine, ça va être quek chose !

Cet oiseau là, sans cage
L'Émily nous scotche grave… au cœur.


(Et pis y'a pas derrière le sur-faiseur de gloire, surfait, d'Inter qui nous casse les bonbons)

Radioscoop hé
Sinon j'me suis cassé la plume à vous raconter 117 Radioscopie c'est pas pour que ça reste… moisi !

Fip dans le mille
La plus belle chose que j'ai entendu cette semaine… "All or Nothing" (feat. Tanya Morgan & Lorine Chia) par Guts "Eternal". Bon, Nathalie Piolé, tu nous passes ça vite fé à Banzzaï sur France Musique ?

Voilà c'est tout pour un DimancheDebout ! You…

vendredi 13 mai 2016

Fip à cœur, au cœur…

Le 11 mai c'était la nuit "Bob Marley"



















Bon, c'est selon, mais au bout d'un moment la coupe est pleine, la marmite bout, et le fleuve déborde. Les matinales des radios publiques se ressemblent toutes. Même timing, mêmes invités, mêmes rythmiques de la chronique… pathétique. ¡ Ya basta ! Ça suffit ! Rideau. On en peut plus de la parlotte, de l'enfilage de perles, de la rhétorique à 2 balles. Silence, la queue du chat balance. L'antidote : Fip. Et un grand vent de légèreté vous assaille. Vous vide le crâne des scories et vous donne envie de chanter, de fredonner ou de siffler. Il était temps, marmottan.

La magie opère. Des enchaînements au p'tit poil. Des trouvailles. Des standards. Et, suprême foie de volaille, on se surprend encore à être, toujours, définitivement surpris. Conquis même. Quel bonheur. Quelle paix intérieure. Quel repos des méninges. Conquis même si, le 11 mai à 8h06, ça "commence" par Ten CC ("I'm not in love"). Inattendu sur Fip mais tellement… bienvenu. Pour les souvenirs, le chamboule-tout (mémoriel) et un brin de nostalg' au cœur.

Mais voilà, j'ai cru lire ici ou là que Fip aurait changé ! Bigre et on ne m'aurait rien dit ? J'ai eu beau chercher (sur le bon coincoin), j'ai pas trouvé un algorythme de poche qui me permettrait d'analyser la programmation, son évolution vers des "choses" plus populaires (sic), plus vulgaires (re-sic) et que la magie du passé se serait effacée. Bigre de bigre, Fip a eu 45 ans aux fraises et elle ne s'est pas aspergée de naphtaline le 7 janvier 1971 (le lendemain de sa première) pour rester dans la ligne. Quelle ligne, on se l'demande ? Garretto et Codou les fondateurs n'enfermaient rien. Et Fip a toujours joué l'ouverture… d'esprit. 




Hier matin de 9h13 à 9h50, j'ai craqué. Shazamé. Et acheté trois titres sur ma "plateforme" préférée (1). Ça me coûte une fortune d'écouter Fip, mais j'adore ça ! J'ai pas vraiment changé de façon. Autrefois je notais les titres que Le Black diffusait à l'antenne (Inter) et je filais chez le disquaire en bus, à cheval ou en voiture. Je ramenais une ou deux galettes, sur ma platine (Thorenz, manuelle) posais le bijou et savourais jusqu'à la lie, ah là là. Comme un roi !

Donc en clair Fip a peut-être changé mais j'ai toujours plaisir n'importe quand en journée à l'écouter (2). Je swingue, je claque des doigts, je tweete mes émois. Et patati et patata. Viva la mouuuuussica. 

Emily Loizeau "L'autre bout du monde"















(1) "River" Liz Wright, "Bom Senso" Tim Maia et "Pegue Pra Ela" Criolo. Bon "Wish you were here" (Pink Floyd) j' l'avais déjà, caramba !
(2) Je n'écoute ni Jazz à Fip, ni les thématiques. Mais les Nuits Spé, si !

jeudi 12 mai 2016

L'An 02, jeudi 73 mars 2016 : Rouge dans la brume…

©Gilles Davidas
©Gilles Davidas
Gérard Mordillat, ©Radiodebout


Radio-Debout, "On air" : Gérard Mordillat, écrivain ("Rouge dans la brume") et plus si affinités…  dit avec ses tripes "la stratégie de V. vs H., arrange V. qui a tout intérêt à ce que H. tombe. Attention quand même ça risque de valser avant… L'élection présidentielle est un leurre. À #NuitDebout la parole est libre et le collectif fait peur aux médias. Il faut que l'intelligence du peuple se mette en œuvre. Les jeunes gens acquièrent une conscience politique. Ils constatent qu'ils peuvent penser le monde autrement. Le capitalisme n'est pas le stade ultime de l'humanité. 

La convergence est très importante, ça ne se décrète pas. Il faut que ça vienne. C'est comme la grève générale, ça s'organise et c'est difficile pour les salariés de s'y engager. Ça mijote et je trouve ça très enthousiasmant. C'est quelque chose qui vous réchauffe le cœur. Il n'y a pas de neutralité scientifique. Ici les identités sont multiples. Et ça, ça n'appartient pas aux critères habituels de la représentation politique.

On se dit "C'est possible on peut le faire". On n'est pas impuissant devant la répression policière. On est dans un processus de guerre civile. À la tête du gouvernement il y a des sourds des aveugles et des muets. Les représentants du gouvernement sont nos ennemis. Après l'indignation, l'insurrection. Ne plus jamais voter pour un candidat socialiste. Je ne crois pas au système électoral tel qu'il est maintenant.

Refonder la République est vital. La voix des citoyens vaut maintenant pour rien, puisqu'avec le 49.3 on bafoue la démocratie.… On est dans un système post-républicain. Désormais les manifestations ne sont pas revendicatives, mais vont servir à modifier le pays dans lequel nous sommes !

C'est la jeunesse qui va amener les parents derrière eux."

Mordillat au micro. © GillesDavidas
















©RadioDebout, work in progress

mercredi 11 mai 2016

Jacques Chancel : Le Radioscopeur… radioscopé

Chancel, 2011






















Avant de clore le long feuilleton des 117 "Radioscopie" de Chancel, j'aimerais, mes chers auditeurs, vous faire part de quelques remarques (indépendantes des commentaires) que j'ai reçues de la part de mes petits camarades… de route (dont certains sont d'ailleurs des compagnons !)

Fañch qu'est-ce que tu nous radotes tous les jours avec Chancel ?
N'importe quel critique de n'importe quelle thématique reçoit les œuvres complètes de Baudelaire dans La Pléiade et peut entreprendre d'en rendre compte, à sa guise, en un peu plus de 140 signes. Idem pour l'œuvre complète de Scorcese ou de Tarantino. Mais pourquoi devrais-je me contenter, en un seul billet bien torché, d'en résumer l'affaire ! Eh bien non. J'ai trouvé, original, de me mettre en situation d'écoute attentive, chaque jour à 17h et de rendre compte, à chaud, de chacun des sets que l'Ina nous proposait à la réécoute.

En son temps, j'ai écouté de nombreuses Radioscopie (1)… en faisant autre chose et jamais absolument concentré. Alors que là je n'ai fait qu'écouter ou presque. Au titre des remarques bienveillantes de mes amis, j'ai entendu que j'étais trop sévère, qu'il fallait tenir compte de l'époque, que "ç'était comme ça" ! Ben voyons, Léon ! Entendu aussi moult avis définitifs allant jusqu'à refuser d'écouter "un homme du passé".


Delphine Seyrig




















Je suis parti à l'écoute avec le seul a-priori suivant : je croyais bien me souvenir que certaines questions étaient, a-minima déplacées, a-maxima réactionnaires. Mais j'avais décidé de jouer le jeu et je l'ai joué. Il est bon de rappeler comment Dhordain (2) et Chancel se sont mis d'accord pour créer "Radioscopie". On est à quelques mois des "événements" de 68, Dhordain fait une refonte totale de la grille d'Inter. Il connaît le journaliste Chancel qui, à Saigon était correspondant de guerre, animait pour Radio France (c'était son nom) une émission de radio et qui, ensuite fut rédacteur à Paris Jour.

Avant de créer sa propre émission Chancel était "petite main" pour Annick Beauchamp (Madame Inter) qui animait les longs après-midi de France Inter (14-17h). Chancel et Dhordain se mettent d'accord. Le concept innovant sera 1h d'entretien en "vis à vis rapproché" avec un invité unique… à l'heure du thé ! Et c'est parti, le 7 octobre, avec comme premier invité "Roger Vadim".

L'écoute assidue de ces Radioscopie m'a permis de comprendre la mécanique Chancel elle se résume à cinq modèles/marqueurs de base :
1) Prestige
2) Renommée
3) Gloire
4) Réussite
5) Succès (médiatique et/ou professionnelle)


Jeanne Moreau






















À partir de ces cinq entrées Chancel va construire des entretiens pour confirmer ou infirmer "ce qu'on dit" de telle ou tel invité-e. L'animateur fait (sans le revendiquer) du people avant l'heure. Il confronte chacun de ses interlocuteurs à l'époque dans laquelle il se trouve, tout en valorisant le "c'était mieux avant" et sondant le "ça sera mieux après ?". J'ai eu l'occasion d'écrire, à plusieurs reprises, que la posture la plus récurrente chez Chancel est la réaction. Et son corolaire "l'ordre établi". L'ordre politique (de droite), l'ordre social (la bourgeoisie et le mérite), l'ordre religieux (catholique), l'ordre culturel (modèles en vogue), l'ordre dominant (le pouvoir sous toutes ses formes). 

Dans ces carcans, difficile pour les invités de supporter des questions qui confinent souvent au binaire "Si vous n'aviez pas été riche, vous auriez pu être pauvre ?". "Si vous n'étiez pas si bien né, vous auriez pu survivre ?" "Si vous n'aviez pas eu tous ces diplômes vous auriez pu faire la carrière que vous avez embrassée ?" J'en passe, des meilleures et surtout des bien pires.

Mais le plus difficile à supporter concerne ses a-priori d'homme (né en 1928) qui ne peut absolument pas imaginer l'autonomie, et encore moins l'égalité femme-homme. Ses questions aux femmes sont empreintes de machisme, pour ne pas dire de sexisme. Il faut que la femme interviewée soit très reconnue pour que lui-même lui reconnaisse ses qualités intrinsèques. Vous trouverez au long de ces 117 billets (3) foison d'exemples de questions, ou de points de vue, qui laissent pantois pour ne pas dire affligés (4). 


Marguerite Yourcenar






















Chancel n'aura rien anticipé de la cause des femmes et encore moins de leurs combats. Sa Radioscopie avec Delphine Seyrig est pitoyable. C'est le naufrage total de l'homme, aveugle, suffisant et dominant. Son attitude permettra de comprendre le poids social de l'homme, les institutions qui le modélisent et le valorisent dans son statut. De comprendre que l'animateur-vedette n'a eu aucune intuition, aucune empathie pour un mouvement inéluctable d'égalité. Il aura reproduit (sans jamais se remettre en question) les modèles qui l'ont fabriqué et qu'il a vénéré, voire perpétué. Dans cette "nouvelle société" il aura été un homme du passé et certainement pas un homme d'avenir, tel qu'il se croyait être.

Ces "Radioscopie" pourront dire beaucoup des époques auxquelles elles ont été enregistrées. Elles donneront quelques éclairages sur les personnages qui auront marqué (ou pas) leur époque. Elles montreront comment certains événements ne passeront jamais la rampe de l'histoire et comment certains, de façon inattendue, en deviendront des marqueurs. Le bel icône Chancel a de beaux jours devant lui. On ne sacrifie pas une idole sur l'autel médiatique. Particulièrement quand celle-ci participe à "reproduire l'espèce", vaille que vaille, le doigt sur la couture du pantalon. 

À bon écouteur, salut ! 

(1) Environ 3400 diffusées sur France Inter entre 1968 et 1990 à 17h, du lundi au vendredi,
(2) Directeur de la radio au sein de l'ORTF et donc de France Inter,
(3) 116 effectivement, car je me suis refusé à écouter et chroniquer la Radioscopie de "Bokassa", opération scandaleuse de propagande giscardienne,

(4) Dans sa grille d'été 2015, France Inter a rediffusé pendant deux mois, 5 fois par semaine différentes Radioscopie. Dans celle avec Romy Schneider du 13 mars 1970 il dit à l'actrice "Vous êtes une bonne épouse ? Qu'est-ce-que c'est une bonne épouse ? Ça s'apprend le métier d'épouse ?" Schneider, génée, a beau rire, elle lui répond " Ne me posez pas des questions comme ça". Chancel est ici au sommet de la condescendance et du machisme. CQFD.