samedi 30 novembre 2019

Paroles, Paroles (Part II, les salariés de Radio France)

En écrivant le titre de ce billet, il me semblait bien l'avoir déjà utilisé. Et pour cause, il y a six mois, le 5 juin, pour la grand-messe des cadors. Ça tombe bien. Je voulais justement montrer en quoi la parole des salariés (entendue depuis le début de semaine en AG) s'opposait à 180° à celle du staff ! Et surtout montrer le fossé, l'abime qui séparent les protagonistes. Pour faire rapide : "autrefois" dirigeants et salariés de Radio France parlaient la même langue radio et étaient sur la même longueur d'ondes.
Aujourd'hui une palanquée de technocrates, marketeurs, roucouleurs, numériqueurs tentent de gérer une entreprise publique avec des outils, des façons, des process dont le sujet principal, la radio, est absolument accessoire. Leur méthode -barbare- s'appuie sur trois principes assumés : la méconnaissance absolue du média (ou de n'importe quelle entreprise qu'ils gèrent), la certitude qu'ils sont les maîtres du jeu, le refus du dialogue avec les professionnels de la profession. Bon j'aurais bien écrit co-gestion si ce mot n'était pas plombé par l'histoire !!!!


AG de grève, studio 104 de Radio France, 29 novembre 2019

Ces dirigeants, forts de leurs théories ingurgitées dans leurs écoles de caste : Ena, Hec, Science-Po, se posent toujours en héros, en sauveurs, en redresseurs (de torts) en écrasant d'emblée ceux qu'ils vont devoir manager. Ce mépris, cette suffisance, cette morgue que les salariés subissent en "silence", les managères de moins de cinquante ans se les prennent en boomerang quand la souffrance devenue insupportable n'a plus d'autre issue (de secours) que de s'exprimer en AG de grève. 

Et là, à bien écouter toutes ces catégories de personnel, on est touché de leur façons de dire. Avec des mots simples, souvent émus, leurs témoignages de bon sens et de vécus quotidiens montrent à quel point leurs dirigeants se sont volontairement coupés de ces réalités-là, n'ont jamais su (ni voulu) ni les écouter ni prendre la mesure de leurs conditions de travail. Dans un média de paroles, leurs voix sont étouffées, j'oserai dire bâillonnées. Nombre d'entre eux vont vers les autres, tendent le micro, écoutent, rapprochent. Mais à eux tous qui leur tend le micro ? Qui les écoutent ? Qui les rapprochent ? (1)

Le projet stratégique - technocratique et marquétique- de Sibyle Veil, Pédégère de Radio France, est érigé devant les salariés comme le mur à franchir pour pouvoir prétendre en être de ce nouveau monde, eldorado, que dis-je Éden de l'"audio numérique". Franchir ce mur c'est "au mieux", au pire, renoncer à son propre background, sa mémoire, ses acquis techniques, ses savoirs-faire pour enfiler la chasuble de la nouvelle religion du média-global, lui-même en attente d'être coulé dans le grand bain visuel.

Pour enfoncer le clou et comprendre l'écart qui s'est creusé entre les dirigeants de Radio France et ses salariés : vous regarderez les vidéos des AG depuis lundi, vous écouterez le premier podcast, natif forcément natif, de "Radio Dedans Dehors" (R2D), le témoignage de Rébecca. Vous lirez la "Tribune des producteurs" de Radio France et celle des journalistes de la Maison ronde. Après ça vous ne pourrez pas dire "On ne savait pas !"…

Et en bonus le témoignage de Muriel Chedotal, animatrice Fip à Bordeaux



Devant le Ministère de la Culture, 29 novembre 2019


















(1) La Maison ronde est maintenant cadenassée et sectorisée tant sa circulation segmentée par zones impénétrables (sans le "bon" badge) a cassé le principe même de fluidité et de contacts entre chaînes, entre lieux collectifs, entre humains tout simplement, 

vendredi 29 novembre 2019

C'est la lutte "finale"… pour la radio publique !

Ce titre a du sens et ce n'est pas juste la reprise des quatre premiers mots d'un chant révolutionnaire. C'est un cri d'alarme car si les salariés n'obtiennent pas satisfaction la grande machine à broyer aura rayé de la carte la radio telle que nous la connaissons aujourd'hui avec ses chaînes, ses programmes, ses émissions, ses savoirs-faire et sa particularité absolue du son sans l'image ! L'audio de l'audiovisuel.


Groupons-nous et demain…
Pas facile d'aller à Panam' pour le reste de la… France ! Pas facile pour les auditeurs de prendre toute la mesure du désastre (annoncé), des réalités professionnelles de tous ceux qui œuvrent pour la radio, du double discours de la direction : la roucoule pour les médias, les tutelles, le gouvernement, l'inflexibilité d'une position dure et anti-sociale qui, pour la Pédégère, consiste à dire que son projet n'est pas discutable et qu'il est, sans aucune autre alternative, engagé coûte que coûte. On pourrait, de sinistre mémoire, entendre "Marche ou crève". Ce "projet stratégique" voulant envoyer à la casse 299 salariés. La casse morale. La rupture avec une histoire professionnelle. Le constat amer d'être déclassé, has been !

Pour que les auditeurs soient solidaires et actifs il leur faudrait une radio pirate H24, une radio Riposte qui donnerait à entendre tous les anonymes qui ont tant à dire pour raconter leur engagement et leur réalité professionnelle. Facile à dire ! C'est beaucoup d'énergie et beaucoup d'investissement pour ceux qui s'investissent souvent sans compter leurs heures… sup' ! D'ores et déjà chacun devrait écouter les AG de grèveHier, peut-être plus encore que les trois premiers jours, on sent la tension, les nerfs à vif, l'émotion à fleur de peau. Une parole parmi d'autres :

"J’aimerais revenir sur la tribune qui doit paraître dans Le Monde, signée par des productrices et des producteurs de France Culture, France Inter, France Musique et Fip. Ce texte dit que la contestation qui anime cette Maison en ce moment n’est pas un refus du numérique. La deuxième chose qui me semble très importante, puisque c’est un texte qui s’adresse aux auditeurs et aux lecteurs du Monde, entre autres, c’est de manifester une grande inquiétude vis à vis d’un projet de société où le service public est particulièrement maltraité : l’école, l’hôpital, l’audiovisuel et ça c’est très important puisque ça permet de donner à cette grève une connotation qui n’est pas du tout corporatiste. Donc, je voulais juste dire que j’espère que tout le monde aura accès au texte, d’une part, et qu’il sera ouvert à la signature de tous : techniciens, journalistes, attachés de production, réalisateurs, qu’ils soient grévistes ou non, pour que ce texte-là est un peu de poids." (Rébecca)

Tout est dit ! Avec cette parole simple, pleine de bon sens et de conviction, on sent poindre autant une criante lucidité qu'une certaine détresse vis à vis de l'état dans lequel le Gouvernement est en train d'enfoncer l'audiovisuel comme les autres services publics. C'est fort qu'une Maison tout entière, dépassant les corporatismes se mobilise pour sa survie et affirme sa volonté de ne pas plier aux incantations marketing libérales d'un projet qui n'a d'autre but que de réduire avant de le saborder, le média de proximité et de connivence qu'est la radio.

Oui c'est la lutte finale si chacun, professionnels et auditeurs, ne veulent pas, demain, déchanter !

Témoignage d'une animatrice de Fip


Radio Dedans Dehors (Épisode 2)



C'est déjà demain !

jeudi 28 novembre 2019

Des voix… celles qu'on entend jamais à la radio !

Mais celle de Sibyle Veil, Pédégère de Radio France, j'en peux plus de l'entendre ainsi que sa chansonnette (sa scie), sa roucoule, pour vanter les mérites des équipes de radio, des orchestres, des "opérations exceptionnelles de nos équipes dans les territoires, et bla, bla, bla et bla, bla, bla !" Sibyle Veil chante faux, très faux. Et ce n'est plus tenable de l'entendre d'une oreille annoncer ses remerciements aux chaînes qui réalisent de si bons résultats et de l'autre son refus absolu d'écouter et d'associer les salariés aux projets de réorganisation de Radio France. Cette méthode de management, du même tonneau que celle de Gallet, ne fonctionne qu'à la com' : pour enfumer les auditeurs dans le monde merveilleux de la Radio France (1) et pour montrer le zèle de la Pédégère et son allégeance aux tutelles et au gouvernement.


Par contre j'ai été ému et touché d'entendre des voix qu'on entend jamais à la radio. Ces voix qui sont derrière les voix de radio. Et qui, dans l'ombre, participent de sa fabrique. Comme j'avais pu les entendre aux AG de grève de 2015, j'ai pu depuis lundi les écouter aux AG de 13 h à la maison de la radio (2). Beaucoup de femmes prennent la parole avec lucidité, engagement, bon sens et une véritable passion pour leur métier. Une passion et une lassitude face au déni absolu de Veil et des responsables qui avec un "plan stratégique" et une réorganisation oublient juste de les écouter.

Voilà bien le paradoxe des paradoxes. La radio média de l'écoute n'est pas capable d'écouter ceux qui la font avec l'idée forte du service public chevillée au corps. Mais chevillée pour combien de temps encore quand chacun peut se sentir déclassé, méprisé, abandonné, précaire ? Depuis les débuts du numérique à Radio France, fin des années 90, les personnels se sont adaptés et se sont engagés pour être en phase avec l'évolution des techniques et des usages. Malgré cela, ce que Gallet n'a pas su faire Veil le reprend sans état d'âme, avec morgue et dédain pour l'audiovisuel public qu'elle ne connaît pas ou qu'elle connaît d'une façon technocratique et marketing, autant dire à mille lieux de l'idée d'un service public… universel ! 

Le personnel a beaucoup de choses à dire sur sa souffrance mais aussi sur sa passion de la radio. On voudrait les écouter à la radio au "Téléphone sonne" dans le "Grand entretien" de la matinale d'Inter, dans "La marche de l'histoire" (Inter) dans "Le temps du débat" (Culture), dans "Soft Power" (Culture), dans "L'instant M" (Inter), dans "Grand bien vous fasse" (Inter), etc, etc. Mais faut pas rêver, la radio annonce vouloir faire vivre la proximité, la solidarité, l'engagement citoyen, toutes choses qu'elle refuse à ses employés. La radio serait donc au palmarès de l'écoute mais avec des comportements contraires aux valeurs qu'elle prône, défend et diffuse à l'antenne. Cette double attitude ne pourra plus durer très longtemps quand les auditeurs auront ouvert les oreilles et découvert la supercherie.

La direction de Radio France fait tout pour que le mouvement de grève et de "ras le bol" ne s'entende pas, pourtant les auditeurs doivent savoir. Guettons les publications de R2D (Radio Dedans Dehors) et appelons de nos vœux une nouvelle "Radio debout" pour donner la parole à tous celles et ceux qui ne la prennent jamais.




Tribune des producteurs de Radio France (à paraître dans Le Monde)…

(1) Enterrée 36 pieds sous terre la consultation citoyenne bidon ! Qui aurait cru que les auditeurs pourraient être acteurs de la radio publique ? Qui ?
(2) Retransmises en direct sur FB et réécoutables en différé, 

mardi 26 novembre 2019

Pas de casse de la radio publique ou… vous vous cassez Macron, Riester, Veil !

En avril 2015, un sinistre individu avait cru bon fanfaronner plus haut que le plus haut des mégaphones qui appelait un autre sinistre individu, Mathieu Gallet, à ne pas s'engager dans le sinistre programmé de l'audiovisuel public… Publier en CD ce qu'il appelait la "playlist de grève" au-delà de l'outrage au droit de grève, du mépris pour le personnel (celui de l'ombre qui met en avant ceux qui sont au micro) relevait du déni absolu de ce qui fait la radio ! Y'a pas que la musique dans la vie M. Varrod. Hier je me suis fendu d'un tweet à Sibyle Veil, Pédégère de Radio France, au cas où cette personne imagine que les auditeurs aient la mémoire courte !



De la grève… et des plages (musicales) à Radio France !
Alors la roucoule de telle ou tel pour s'esbaudir d'un programme musical de substitution on s'en bat grave le coquillard ! En écoutant ces programmes, sur l'une ou l'autre des chaînes de Radio France, c'est l'occasion unique de penser qu'il n'y a pas que ceux qui donnent de la voix (au micro) qui font la radio et que cette chaîne de compétences et de savoirs-faire est de moins en moins souvent mise en avant. Les désannonces hebdomadaires de plusieurs émissions de France Inter ne remplacent pas la reconnaissance du travail quotidien des réalisatrices, des attachées de production, des ingénieuses du son (1) et de toutes les petites mains qui butinent pour enrichir chacune des émissions élaborées, voire ciselées dans certains cas (2).

Chacun des 15 millions des auditeurs des chaînes devrait écrire à la médiatrice de Radio France pour soutenir les grévistes et/ou le service public audiovisuel de la radio. Comme le faisait remarquer hier sur Twitter, Michèle Bedos, ex-réalisatrice à Radio France, la position d'Augustin Trapenard de soutenir les appels à la grève, est assez rare pour être signalée… Oui tous les producteurs-productrices devraient suivre cet exemple. Sans ceux qui font la radio ils ne sont plus rien. Et ça, c'est pas de la fiction.








Et comme Macron, Riester et Veil ne connaissent RIEN à la radio et sa fabrique ils peuvent avec un cynisme absolu, à grand renfort de LQR, nous faire accroire que le développement de la radio continuera une fois la purge de 299 salariés (on notera l'effet marketing de ce chiffre sordide) aura été menée à bien, à mal. La mascarade et la parade sémantique n'ont que trop duré. Une grève dure et longue pénaliserait financièrement les salariés et les précaires mais nous auditeurs saurions aussi mettre en place une cagnotte et commencer à l'abonder avec les 1€ de ristourne sur la CAP (Contribution à l'Audiovisuel Public)) proposée par le Ministre du Budget. Ironie, mépris et morgue, ce gouvernement n'aura cessé de casser les services publics et de casser les principes même de la solidarité et du "Vivre ensemble" que la radio est à même de promouvoir.

Il va bien falloir que Veil, Frisch et l'armée mexicaine de cadres de Radio France prennent conscience qu'à trop avoir méprisé et écrasé la dignité des acteurs de la radio publique ils vont se prendre en pleine poire un boomerang qui fera beaucoup plus mal que les messages de soutien d'un producteur courageux de France Inter !

Faudrait voir à ne pas nous les casser… (les radios publiques) !




(1) Ces métiers existent aussi au masculin,
(2) Et ceux qui ont la perfidie de ne pas entendre de différence avec le programme de Fip n'écoutent jamais cette radio animée par des… animatrices qui sélectionnent des infos culturelles (à défaut des infos routières remisées au placard). Fin juin 2020, la directrice de la chaîne supprimera les flashs infos, et les trois antennes locales de Bordeaux, Nantes, Strasbourg,

lundi 25 novembre 2019

La société du… podcast !

Bon là j'ai pas trop le temps de vous raconter comment on fabrique une mythologie et puis y'en a d'autres qui l'ont fait beaucoup mieux que je ne pourrais le faire (1). Seulement Barthes pourra pas nous raconter celle du podcast. Dommage. Faisons simple : il n'y a aucune raison que cet "outil technique" n'existe pas, mais il n'y a aucune raison non plus qu'il fasse accroire qu'il est l'avenir de la radio ou l'avenir de l'audio ! Revue de détail de la "Société du podcast"…



J'ai failli tomber à la renverse quand j'ai lu dans Télérama "Les podcasteurs murmurent à l’oreille des auditeurs, à la différence de la radio qui s’adresse à une masse indéterminée. Parler de soi pour raconter le monde à travers ses propres yeux, c’est très courageux. Le podcast est un média engagé." (2). Je rappellerai à l'auteure de ces lignes et à celui ou celle dont elle reprend les mots, que nombre de productrices ou d'animateurs disent toujours visualiser une personne en particulier pour s'adresser aux auditeurs (3). D'autre part les études de Radio France et/ou de Médiamétrie montrent que les auditeurs ne sont pas des "masses indéterminées" et que l'on connaît assez finement les auditeurs, leurs âges, leurs CSP, leurs lieux d'habitation (urbain, rural), leur fréquences d'écoute et… plus si affinités.


Pour valoriser le podcast commencer par dénigrer la radio, c'est pas joli-joli mais surtout c'est pathétique quand la démonstration s'appuie sur une assertion infondée. Il en va de même pour l'affirmation au lance-flamme "Le podcast est un média engagé." Ben voyons Léon ! Et la radio un média dégagé ? Quelle farce ! Devrais-je citer les radios engagées et les émissions engagées qui existent encore à la radio publique (même si elles sont de plus en plus rares) ?




Plutôt que de considérer le "podcast" comme une entité unique ne peut-on, d'ores et déjà, admettre que le podcast est protéiforme comme l'est la radio ? Et le podcast, comme la radio ou n'importe quel média, a tout intérêt à essayer d'intéresser "le plus grand nombre" dépassant les cercles des communautés d'intérêt, de genres ou de niches. Au milieu de la décennie qui n'a pas applaudi le succès de Serial (4) ? Et pourquoi la question lancinante et récurrente de l'auditorat et du modèle économique revient-elle à chaque colloque, festival et autres séminaires tendances ?


Si ce support audio est dans l'air du temps, s'il peut se bricoler "freelance" dans la cabane au fond du jardin, s'il s'en crée à une allure effrénée, s'il attise les convoitises et a ses promoteurs du "slow", s'il dispose déjà de catalogues de "recettes", et de recommandationsil a bientôt plus d'agrégateurs que de studios et il y a donc urgence a créer un agrégateur… d'agrégateurs ! Mais ce phénomène sociétal (rien moins) pose la question cruciale du temps de cerveau disponible dont un être humain peut disposer journellement pour, en plus de tout le reste, prendre le temps d'écouter, une, deux, voire peut-être trois heures de podcasts par jour. Et quand bien même le ferait-il, l'émiettement de l'auditoire se creusant chaque jour un peu plus verra l'offre galoper et se développer de façon exponentielle (le mot est faible) ? Et si jamais l'individu écoute, en plusla radio, quel temps moyen accorde-t-il à son sommeil ?




Open bar à Radio France

Le groupe public ne voulant pas être en reste du "podcast natif" a créé une véritable nurserie et les équipes numériques de Laurent Frisch sont à flux tendu pour produire le sous-genre, si tenté que le podcast soit lui-même un genre ! Bien entendu Frisch "peut sauter sur sa chaise en disant le podcast, le podcast, le podcast" (5), mais pourquoi les contenus de TOUS ces podcasts natifs ne trouvent-ils pas leur place dans les programmes des chaînes généralistes de Radio France ? La nuit sur France Inter ? Le jour sur France Culture ? Et puis ces créations comment sont-elles financées ? Quelles co-producteurs ? C'est quoi l'entourloupe… sémantique ? N'est-ce- pas une façon adroite et détournée de s'affranchir des cahiers des charges, des obligations sociales et d'un modus operandi qui a fait ses preuves depuis la création de la radio ?

À force de vendre les podcasts des émissions avant que leur contenus soient diffusés à l'antenne il pourrait bien y avoir à terme un effet boomerang… inattendu. S'il n'y a plus que LE podcast pour assurer l'avenir de la radio, l'audio la représentation nationale (j'entends Mathieu Gallet se gargariser de ces deux mots) pourrait, par la voix d'une députée ou d'un sénateur perfide, suggérer que Radio France se transforme en "Studio Podcast Expert" (6)… largue ses sept chaînes, leurs programmes, et son armée mexicaine de cadres (et les professionnels de la profession, malheureusement). Comme ça il y aurait H24 la même chose que ce qui existe aujourd'hui en flux mais ce serait délinéarisé, sponsorisé (en ouverture de chaque podcast), co-produit et vendable à "l'étranger" francophone. "Que d'économies" se gausseraient alors les tutelles (7) !


Sofi Jeannin et le Chœur de Radio France
dans l'Auditorium de la Masion de la radio.
 Photo : C. Abramowitz / RF















Soyez sans crainte à Radio France ce n'est pas de ce blog confidentiel, modeste et génial" que leur viendra la suggestion. Je ne crois pas connaître quelque autorité qui perdrait son temps à lire ma prose pro service public. Toutefois, plutôt que de passer votre temps à roucouler vous feriez bien de mettre un peu de doutes dans vos certitudes et d'en rabattre sur votre arrogance de premier de la classe. Le gouvernement libéral de M. Macron se fiche du tiers comme du quart de vos réussites gonflées à la médiamétrique. La fin de la radio publique est programmée et chaque jour vos démonstrations de satisfecit l'incitent un peu plus dans la ligne qu'il s'est fixée : dissoudre la radio dans la TV.

(1) Roland Barthes "Mythologies", Le Seuil, 1957,

(2) Télérama, Carole Lefrançois, 21 octobre 2019. J'ai écrit à cette journaliste (mail, 23/10) pour lui demander qui était l'auteur de ces propos incroyables qu'elle cite en chapeau de son article, elle ne m'a jamais répondu,
(3) C'était aussi le cas de Claude Dominique, 

(4) "Serial" est un podcast (États-Unis) de journalisme d'investigation, diffusé en épisodes hebdomadaires, à la manière d'un feuilleton radiophonique en 2014En décembre de la même année, chaque épisode avait été téléchargé en moyenne 3 400 000 fois. (source Wikipédia)

(5) cf De Gaulle "L'Europe, l'Europe, l'Europe…",
(6) On joue un peu avec l'acronyme et ça fait "SPÉ", comme Spécialisé ou Spécialiste, tu vois l'genre. Dans le projet de Sibyle Veil, Pédégère de Radio France, il est bien prévu un "Studio Radio France" prestataire de service pour le privé !

(7) Avec les économies réalisées on peut financer et développer par exemple… les quatre formations musicales de Radio France,

dimanche 24 novembre 2019

Le bon plaisir de la radio… des îles (12)

L'autre matin, au réveil j'ai d'abord réécouté un documentaire diffusé dans "Les nuits de France Culture". Vous devriez essayer plutôt que de commencer par ingérer des matinales aux mêmes refrains (avec des gouzi-gouzi dedans pour tenter la diversion) et aux accents d'infos toujours sur le même ton ! Ça lasse tandis qu'écouter une histoire ça délasse ! CQFD !





Philippe Garbit, un des producteurs des Nuits a eu la bonne idée de rediffuser un "documentaire d'été" de 1980 (Période Yves Jaigu) sur l'île de Bréhat. Quatrième volet d'une série de cinq. 1980 : c'est tellement vieux (sic). Mais si on aime les îles, la Bretagne et qu'on veut bien tordre le cou aux charretées de stéréotypes sur ces sujets, il fait bon d'entendre raconter la vie ordinaire (1). 

Seulement voilà je suis incorrigible et s'il ya cinq épisodes je veux absolument les écouter surtout s'il s'agit de choses qui correspondent à mon propre ordinaire. J'ai des amis hauts-placés. Je veux dire hauts-placés sur la carte de France. En Côtes-d'Armor précisément. Géographes, je sais pouvoir compter sur eux pour avoir gardé au fond de la vieille malle d'un oncle Terre-Neuva quelques K7 qu'ils auront sûrement numérisées.

Si fait, l'affaire se fait. Et j'ai pu alors goûter aux joies de la micro-histoire, de l'ethnologie et de quelques bonnes tranches de socio. Le tout sans que les producteurs se sentent obligés de prendre un mégaphone pour annoncer leur production.

Un régal. Bon dimanche à tous et à chacun (message pour les Pikez ;-)



(1) Ben ouais, Erik Orsenna n'est pas encore passé par là (ou alors il l'a fait sans bruit)…

jeudi 21 novembre 2019

Depuis un quart d'heure y'avait l'audio… et paf, y'a un gars qu'arrive et il réinvente l'audio, cash ! Étonnant, non ?

Des fois sur Twitter on s'marre trop ! Y'en a ils doivent être de Cavaillon ! Ils ont le melon en permanence. Toi humble quand tu croises un inventeur tu l'admires toussa, toussa. Par exemple moi j'ai échangé par courrier avec l'inventeur de "L'Oreille en coin", Jean Garretto, j'étais pas peu fier. Un p'tit génie c'gars-là avec son pote Codou (Pierre). Mais alors que ça fait à peine plus de six mois que Sibyle Veil nous matraque à l'audio, matin, midi et soir, voilà qu'y'a un gars i' sort du bois et paf, il réinvente l'audio. Elle va faire la gueule Sibyle, son invention est à peine brevetée. C'est moche. Et l'gars vous l'auriez lu sur Twitter il jubile.












Alors attention c'est pas n'importe quel gars hein ! La réinvention y connaît. L'invention on sait pas. Mais la réinvention on pourrait presque dire que c'est lui qui l'a inventée. Tiens par exemple, en mai 2018 il est nommé vice-Pdg d'Europe 1 eh ben que croyez-vous qu'il fit aussi sec. Eh ben justement il proclama haut et fort qu'il allait réinventer Europe 1. Moi j'croyais que pour réinventer il fallait connaître l'invention initiale. Ben non maintenant tu peux réinventer ce que tu veux sans rien connaître à rien. 

Pour lui par exemple réinventer Europe 1 c'est aller chercher à la TV un bateleur qui fait des photos pour animer la matinale. Balèze le mec ! Dix mois après, accident industriel, la radio a perdu des dizaines de milliers d'auditeurs… Et le taulier-major le vire. Au concours Lépine de la réinvention ça commence mal pour… Ah ben mais j'vous ai même pas donné le nom du réinventeur : Laurent Guimier que c'est. Vous situez le personnage ? Il avait autrefois, sur ordre de Hollande, réinventé la TV avec France Télévisions pour mettre de la radio France Info dans une France Info TV ! Fortiche ! Bilan : taux d'écoute TV confidentiel ! 

Hier matin sur Twitter il nous informe qu'il va à une réunion où "La presse, l’image et l’audio se réinventent en mobilité... et c’est maintenant qu’on s’y attaque." Balèze j'vous dis ! Un seigneur. Que dis-je un winner ! C'est une réunion de réinventeurs sans doute ? Quatre heures après il sort de réunion et paf vous savez quoi ? Ben il a eu le temps de réinventer l'audio ! En quatre heures chrono ! Quarante-quatre heures de moins que La Redoute ! Comme ça tout seul de ses petites mains agiles. Balèze j'vous dis, super balèze. Mais c'est surtout pour Sibyle que c'est moche, non ? Va falloir qu'elle ajoute "réinventé" à chaque fois qu'elle dit audio. Pas facile en cette période de pré-grève !









Bon, y'aurait bien une solution. Sibyle, elle nomme Guimier à l'audio. Ben non pas à l'audio réinventé, à l'audio tout court. Ça s'ra à Guimier de faire ses preuves et de réinventer de l'audio partout ; Audio France, Audio Inter, Audio Musique. Mais attention l'audio vient après le numérique, hein ! C'est Frisch le chef. Guimier il est sous-directeur de l'audio. Pas d'impair, sacrebleu. Sinon vite fait, sur sa lancée, ça s'trouve l'Guimier, en moins d'deux, y vous réinvente la radio analogique et en moins de temps que pour constater qu'Aliagas à la matinale d'Europe 1 c'était archi-nul ! Et quid du numérique alors ? Ah non, on change pas de trajectoire toutes les cinq minutes. Ça suffit, la tutelle va s'y perdre !

En clair : les inventeurs inventent, les réinventeurs n’inventent rien ! Si Guimier n’existait pas il faudrait le ré-inventer. Si ! Si !

mercredi 20 novembre 2019

Miyards, miyons, mi-figue, mi-raisin… à Radio France !

Ce matin sur Twitter, vers six heures, Laurent Frisch, Directeur du Numérique à Radio France, y a été de ses deux miyards (1). Dans moins de deux heures (il est 6h30 quand j'écris ce billet), Sibyle Veil la Pédégère du groupe jonglera de ses miyons de France Inter et de ses sept chaînes (2). Miyards, miyons de quoi danser la carioca sur le toit de la Maison de la radio. Seulement voilà, ni Frisch, ni Veil n'ont le charme de Dione Warwick et de Jean-Christophe Averty qui l'a filmée et a rangé sa caméra pour toujours (3). Mais au fait ça sert à quoi la course à l'échalote avec RTL (4) ? 




Les millions d'auditeurs enlèvent des millions sonnants et trébuchants au budget de Radio France que la tutelle rogne avec délice. Les milliards de clics imposent de mettre tout le talbin sur le numérique. Frisch est le roi du pétrole, Veil la déesse du show-bizness et… du chaud et froid surtout.

Diminuer les moyens, diminuer les studios, diminuer le personnel, diminuer les extérieurs, diminuer le terrain, diminuer le chœur, diminuer l'esprit, diminuer la lettre, diminuer l'offre (5), diminuer les producteurs, diminuer les ingés-sons, diminuer les réalisateurs, diminuer les voix, diminuer la proximité, diminuer les émetteurs, diminuer la radio, diminuer l'inattendu, diminuer l'époque…

(1) "2 milliards d’écoutes numériques. Pour la 1ere fois, le nombre de sons à Radio France écoutés en ligne sous toutes ses formes a dépassé 2 milliards sur une année civile. C'était hier, le 19/11/19."
(2) "Bravo et merci aux équipes de Radio France pour ces nouvelles très bonnes audiences. L’offre du service public fait une nouvelle fois la différence. L’engagement et le cœur que vous mettez à faire la radio se voient !" (source Twitter),

(3) Pour l'émission "Ni-figue, ni raisin", 1ère chaîne, 12 octobre 1964,
(4) Europe 1 est au septième dessous,
(5) Augmenter la demande, contraire aux fondamentaux de la radio publique moderne.

mardi 19 novembre 2019

Kriss, quelque chose d'ancré… à vie

Oui, cette date, le 19 novembre 2009 faisait s'écrouler un lien très fort que nous avions avec la radio, une complicité, des secrets, des sourires, des fous-rires et des heures et des heures d'écoute avec la Kriss. La notre et celle de chacun qui avions tissé quelquefois depuis 40 ans une longue histoire intime et douce. Une histoire humaine assez rare à la radio. Une histoire d'émotions. Une histoire sensible, très sensible. 

Kriss



















Kriss ne reconnaîtrait rien du France Inter d'aujourd'hui et surtout qui voudrait lui confier trois heures "en roue libre" les dimanches après-midi, qui voudrait qu'elle se déplace pour tirer tant de portraits sensibles, qui voudrait qu'elle soit si inventive et toujours sur la brèche de ne pas se contenter d'enfiler des mots les uns derrière les autres. Qui ? Personne ? Dès 1969, Jean Garretto et Pierre Codou ("L'Oreille en coin") lui ont fait confiance pour "tenter des choses", expérimenter, chercher alors qu'avec Emmanuel Den son partenaire, ils ne savaient rien de la radio.

Kriss a bouleversé les formats, les codes, la grammaire radiophonique, la bienséance et les ronds de jambe. Elle a acidulé l'antenne, l'a rendue pétillante, joyeuse, heureuse. Magique. Kriss nous a donné beaucoup de bonheur et a laissé un vide immense. Elle est au firmament de la radio, sur un petit nuage, sur son petit nuage et quand on tend l'oreille très fort il se peut qu'on entende, le cœur battant : "auditeurs de mon cœur, auditrices de ma vie"…

Salut Kriss !

Les billets sur Kriss
https://radiofanch.blogspot.com/2011/12/studio-125-kriss.html
https://radiofanch.blogspot.com/2012/09/pentimento.html
https://radiofanch.blogspot.com/2012/08/kriss-dit-l.html
https://radiofanch.blogspot.com/2017/02/kriss-pas-la-pas-loin.html (le long entretien avec Chantal Pelletier, son amie, lors du Festival Longueur d'Ondes 2017)
https://radiofanch.blogspot.com/2014/07/la-sagesse-dune-femme-de-radio.html
https://radiofanch.blogspot.com/2014/11/kriss-portrait-sensible-un-inventaire.html
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lundi 18 novembre 2019

Reformer la radio et la TV d'État… L'esprit et la lettre (du projet stratégique de Radio France)

D'emblée je vous fait remarquer que ne travaillant pas dans une boite de com hip' j'ai volontairement omis de mettre un accent sur le "e" de reformer, quand la boîte de com' qui a fait la dernière campagne d'Europe 1 incite les consommateurs à "Eucouter" cette radio-là, refusant par idéologie de camembert d'accentuer une majuscule… Tristesse absolue ! En ce qui me concerne je vais évoquer la reformation d'un audiovisuel d'État quand dès 1981 quelques socialistes non convertis au libéralisme s'étaient employés à "casser le monopole" ! O tempora, o mores… (Attention exceptionnel long billet)




Ce qui préside (c'est le cas de le dire) à la future loi audiovisuelle ce ne sont ni les convictions absolues d'un président jupitérien, pas plus que celles d'un ministre idéologue (1). Si l'on avait demandé à Macron, quelques jours avant son élection (mai 2017), ce qu'il écoutait à la radio il aurait sans doute bafouillé quelque chose ayant à voir avec l'émission "patrimoniale" du dimanche soir de France Inter, peut-être un couplet nostalgique sur Pierre Bellemare ou, d'évidence "France Info"… De quoi immédiatement constater qu'il ne connaît rien à la radio, à son histoire et à sa fabrique !

Pendant sa campagne son conseiller "Culture et Médias", Sébastien Veil (2), lui a peut-être suggéré de donner un grand coup de pied dans la fourmilière de l'audiovisuel public, source d'économies potentielles et de contrôle éditorial serré. Deux leitmotiv pour le libéral Macron qui est convaincu par le marché et désespéré des notions même de service public !

Le plus surprenant avant l'élaboration de cette loi (2018-2019), son vote (2020), son application (2021) c'est le zèle mirobolant des deux Pédègères de France télévisions et de Radio France. L'une décrète la fin de France 4 et de France Ô, l'autre s'engouffre dans le rapprochement de France Bleu et de France 3 (3). Mieux que de bons petits soldats aux ordres…


Le nouveau chic radio














L'esprit et la lettre
À l'esprit et à la lettre de cette loi je m'attacherai d'abord à l'esprit qui anime le projet stratégique de Radio France défendu par Sibyle Veil. "Petit" poisson-pilote de la future loi de destruction massive de l'audiovisuel public.

Veil, qui n'a aucune culture radio, établit très inspirée, en moins d'un an depuis sa désignation par le CSA, un "Projet stratégique 2019-2022" (élaboré sans doute par l'armée mexicaine de cadres sise à Radio France) dont le leit-motiv principal est la réduction drastique des effectifs par la baguette magique des "départs (in)volontaires" et une orientation technique et éditoriale vers le numérique-roi. Inspiré par qui ce projet stratégique ? Quelques fonctionnaires aussi zélés de Bercy (Finances) et de la rue de Valois (Culture) et par ceux-là mêmes qui sont absolument convaincus que la radio a vécu et que pour rester tendance, il faut changer les techniques, changer le vocabulaire (et la grammaire) et désacraliser les mots sacrés, ringardiser celui de radio pour mettre sur le temple celui d'audio qui va stimuler la jeunesse, les youtubeurs, les podcasteurs et autres numériqueurs de tout poil !


Claude Villers
















Avant la radio c'était "simple". Trop simple ! Une anecdote : en août 1973, Claude Villers, animateur de radio à France Inter, coule des jours heureux de vacances en Normandie. Isolé du monde, quand le boucher du village au cours de sa tournée campagnarde l'informe qu'il doit rappeler d'urgence l'ORTF à Paris (et le directeur de France Inter, Pierre Wiehn). Wiehn compte sur lui pour une émission de rentrée. Adieu vacances, bons repas sous les pommiers et flâneries intellectuelles, Claude fait ses valises et pendant trois semaines peaufinera la première de "Pas de panique" sa nouvelle émission (20h-22h) co-produite avec Patrice Blanc-Francard et réalisée par Olivier Nanteau.

Simple : une idée, une écriture, des bouts d'essais, une ligne éditoriale, des inserts (reportages, interviews), des disques, un studio, une équipe de réalisation (ingé-son, techniciens, réal,…), un conducteur (déroulé minuté des deux heures d'émission) et "roulez jeunesse". Sur ces bases la radio publique a créé et développé des savoirs-faire, un art radiophonique, une mémoire collective et une image de marque assez exceptionnelle. Mais ça c'était avant ! C'est fini. Il faut tout changer pour que tout change.

Un monarque, un idéologue, des petits soldats zélés, des opportunistes de carrière ont décidé, sans jamais entonner l'Internationale, de faire "table rase du passé", d'invoquer la modernité luxuriante, de détourner vers le numérique toutes les ressources attribuées à la radio publique et, pour montrer leur ultra bonne volonté au gouvernement, de dégraisser le mammouth des scories d'un autre âge.

Dans ce plan, qui casse volontairement l'humain et l'humanité d'une radio proche des Français l'auditeur est sous informé ! Aucune émission de France Inter (L'Instant M, La marche de l'histoire, La matinale), de France Culture (La matinale, Le temps du débat, La grande table) ou de France Info tenteront d'expliquer aux auditeurs qu'il faut changer la donne, pourquoi et comment ? Cet auditeur pourra toujours écouter ses émissions favorites, les podcaster, les programmer dans une plateforme inédite (qui se fait attendre malgré les annonces tonitruantes de Sibyle Veil) et bénéficier de plein de "services associés", vidéos, podcasts natifs, etc etc.


Laurent Frisch 

















L'auditeur ne revendiquera pas dans la rue et ceux que la mue du service public affecte au premier chef, ses salariés se sentiront, de fait, bien seuls, trouvant ces auditeurs-là bien ingrats quand pendant des années ils leur ont fabriqué une radio qui a pu atteindre des chiffres d'audience spectaculaires ! (4). Pour tous ceux qui ne sont pas au micro et dont on veut bouleverser les métiers (ingé-sons, réalisateurs, collaborateurs spécialisés) la fin est cruelle. Du simple on fuit vers le complexe et du complexe vers l'usine à gaz. Une idée, une écriture, une réalisation audio, une diffusion antenne c'est fini ! Il faut tout un attirail d'images fixes, de vidéos, de nouveaux formats qui imposent la complexité, la lourdeur de projets, la lourdeur des circuits de décision et l'imprimatur absolue du numérique. Lire : l'imprimatur du vice-roi de Radio-France, Laurent Frisch, directeur du Numérique et de la… Production (précédent poste à France Télévisions).

Ces façons sourdes et insidieuses de dénaturer l'esprit de la radio, inaugurées par Gallet, ignare absolu de la chose radiophonique qui, si on l'avait laissé faire aurait fait de la Maison de la radio un lieu d'happening permanent : pour les créateurs de mode, les parades des assemblées générales des sociétés du CAC 40, des spectacles-événements pour happy-few et soirées de galas pour délégations étrangères de passage par Paris ! Tout ça sur le dos de la radio ! Sans scrupule et sans hésitation. Exit la radio qu'on vous dit !

Veil qui pour exister doit bien s'accrocher à un mantra tendance, a décidé qu'à radio il fallait substituer audio et qu'avec ce mot magique Radio France allait pouvoir ratisser large ; la co-production (de podcasts d'ores et déjà) et d'émissions après-demain, un studio ouvert aux prestations de services audio et revers de la médaille, cette audio-là sera très vite noyé dans l'eau du bain visuel programmé pour le grand soir de la holding "France Médias".

 Jean-Paul Sartrele 21 octobre 1970,
devant les usines Renault à Billancourt,

















On l'a vu, on vient de déshabiller Fip de ces locales. Demain la fusion Bleu/3 sera effective et désastreuse pour la radio. Les "départs (in)volontaires" (environ 300) vont faire roucouler la tutelle et désespérer Billancourt (5), si tenté que Billancourt écoute encore la radio. La radio n’est plus le cœur de métier de Radio France.” confie Catherine Hamaide (CGT Radio France) à Télérama. "Cœur de métier" nous rappelle tristement ces flambantes années 80 et leurs flambeurs qui voyaient quelques marchands de saucissons se diversifier dans les turbines et les fabricants de turbines investir… l'aquaculture pour, dix ans plus tard, "revenir, dare-dare, à leur cœur de métier".

Gageons que dans moins de cinq ans quelques farfelu-e-s se piquent de réinventer la radio… analogique. Pour le fun. Mais il sera trop tard, la radio publique, média en tant que tel, sera morte, absorbée - corps et âme - par la TV, je voulais dire par la vidéo. D'jack Dorsey, patron de Twitter aura érigé à San Francisco une statue musicale à Fip et quelques nostalgiques de la belle ouvrage feront tout les ans, autour de la Maison de la radio, un pèlerinage à l'image de l'opération Jéricho en 1968.

N.B. : Devoir quitter l'entreprise c'est quoi (6) ? Se sentir, être déclassé ? Son métier au rebut ? C'est s'imposer de renier l'histoire même de la radio et de ses savoirs-faire ? C'est se sentir obligé de changer de religion, d'invoquer le Dieu Numérique tout puissant et avoir honte d'être athée ? C'est gommer une expérience professionnelle ? C'est se sentir étranger dans sa propre Maison ? C'est comprendre que malgré les incantations. citoyennes, écologiques, de parité, de proximité, du "Vivre ensemble" c'est plutôt "faites ce que je vous dis mais ne faites pas ce que je fais" ! Et ces salarié-e-s-là à qui vont-ils confier leur tristesse, leur désarroi ou leurs difficultés ? Dans quelle émission de radio publique : Les Pieds sur terre, LSD ou Interception ? CQFD !

L'émetteur radio d'Allouis















(1) Quand il était député (UMP) Franck Riester aujourd'hui Ministre de la Culture avait l'idéologie de faire "une BBC à la française", pas pour une dynamique du service public mais plutôt pour mettre en œuvre la "grande saignée" qui permettrait de ne voir qu'"une seule tête" (celle d'une Pédégère ou d'un Pdg) et de rogner sur l'autonomie des entités publiques inventées en 1974 (loi du 7 août) à la fin du monopole de l'ORTF,
(2) Époux de Sibyle Veil, Pédégère de Radio France,
(3) Une idée évoquée souvent par Franck Riester sur les bancs de l'Assemblée Nationale et au cours des auditions des Pdg de Radio France lors des commissions "Culture et Communication",

(4) Jusqu'où les audiences revendiquées par l'institut Médiamétrie sont-elles fiables ?
(5) Vous irez voir sur le Web la définition de cette expression de la fin des années 60…
(6) 27 postes seraient supprimés à la direction de la documentation dont 17 documentalistes et 4 postes à la doc d'actu !!!