lundi 11 mai 2020

La nuit mise au jour…

Juin 2013 : avec la fin de la grille d'hiver, Philippe Val, directeur d'Inter décide brutalement de renvoyer les nuits au jour. Comprendre : les émissions en direct c'est fini ! Serge Le Vaillant est prié maintenant d'aller dormir, Sous les étoiles exactement. L'histoire même des Nuits de France Inter qui affirmaient la continuité absolue du 24h/24 est à classer par pertes sans profits. Depuis 1957 et la création de "Route de nuit" de Roland Dhordain, la radio publique avait donné aux nuits la couleur de ceux qui travaillent, des insomniaques et des artistes, des couche très tard et des lève encore plus tôt.
Moustaki, Jean-Louis Foulquier, Studio de nuit, France inter, 1975

















Que pouvait-on attendre d'un Philippe Val qui, sans scrupule, a jeté aux orties l'incarnation même de la radio publique généraliste qui vivait avec nous nuit et jour sans aucune discontinuité, avec une présence physique au micro pour être en phase avec l'air du temps ? Et malgré l'empire du numérique qui gommerait la temporalité, la nuit n'est pas le jour et inversement. Mais oui, que pouvait-on attendre d'un amuseur public déguisé en directeur de radio choisi par un Président de la République (Sarkozy) qui avait une seule idée en tête casser l'indépendance et l'ADN de France Inter (1) ?

La nuit c'est une autre dimension. Sonore, philosophique, temporelle. Et jean-Luc Hees, Val, Laurence Bloch, Mathieu Gallet (2) ont renoncé a reconnaître ses trois attributs à la radio de service public. Renoncer et même abdiquer. Abdiquer devant les tutelles qui répétaient en boucle le mot "économies". Abdiquer devant les auditeurs désemparés, trahis, floués par la promesse qu'ils croyaient s'appliquer ad vitam aeternam du 24/24. Abdiquer même devant l'histoire de la radio. de la part de Hees et Bloch, professionnels de la profession, cela s'appelle un renoncement. Et bien pire un reniement.

Ces quatre-là ont-ils seulement pensé les effets de leur décision inique ? Sur la mission de service public, sur la création sonore, sur la diversité (des écritures, des voix, des formats propres à la nuit). Que nenni ils ont en deux coups de cuillère à pot sabrer là où il n'y avait pas de sondages, pas de mesures d'écoute, là où ça pourrait passer inaperçu (sic). Quelle rigolade (jaune) ! Quelle farce (amère) ! Quel désavœu pour leur gestion. On n'oubliera pas. Et malgré toutes les roucoules (et leurs reculades) ils resteront dans l'histoire comme les fossoyeurs du "service de nuit". Cette notion de service essentielle que Roland Dhordain, papa de France Inter, avait porté au plus haut (2)

Si j'écris ça aujourd'hui c'est parce que le champ immense laissé en friche par France Inter pourrait bien être réinvesti (re-labourer) par des plateformes qui ne reproduiraient pas la grossière erreur de cette chaîne de mettre à l'antenne des rediffusions. Mais s'engouffreraient dans un créneau temporel où il conviendra d'être avec la nuit dans la nuit et d'accompagner le flot des travailleur-euses, insomniaques et autres oiseaux de nuit qui n'ont toujours pas fait le deuil de la création sonore qui a animé France Inter pendant cinquante-six ans.

L'époque d'après qui commence est propice à tous les renouveaux…

(1) Sarkozy avait proposé la direction de Radio France à Val qui avait décliné en suggérant le nom de jean-Luc Hees qui a accepté…
(2) Respectivement Pdg de Radio France (2007-2014), Adjointe de Philippe Val (jusqu'en août 2014 où elle deviendra directrice d'Inter), Pdg de 2014 à 2018, révoqué par le CSA,
(3) Jusqu'à la diffusion permanente du guidage automobile sur Fip 514 (Janvier 1971) qui durera quelques années sur Fip jusqu'à ce qu'il soit abandonné. C'est là encore un autre "fondamental" qui disparaît des programmes…

Reportage de la télévision française, 8 février 1971, sur "Route de nuit", 

lundi 4 mai 2020

Inter au plus haut des cieux…

Il y a quelques jours, le 29 avril précisément, Madame Bloch, directrice de France Inter, publiait sur son fil Twitter un tableau éloquent où, par millions, les choux, les raves et les navets… ! Qui ça intéresse ces chiffres qui succèdent à d'autres chiffres, qui eux mêmes en suivaient d'autres ! Toujours plus, toujours mieux ! Toujours in (comme dirait Frédéric Martel sur France Culture qui cause angliche en tout' occas')… À qui peut bien servir cette communication total marketing ? Aux auditeurs ? Aux tutelles ? Aux annonceurs ? À la présidence de Radio France ? À son ego ? Tentative de réponses circonstanciées…

Désolé, la conversion image a échoué












Quel auditeur croisant son voisin de palier, de bureau ou de résidence éructerait-il "T'as su que France Inter a atteint le miyard ?" L'autre "Le miyard de quoi ?" "Ben, d'écoutes en lignes, pov' pom', cumulées avec les fréquences cognitives des enceintes connectées, c'te blague ?" L'autre "J'en parlerai à mon c'h'val !". Superfétatoire. Prétentieux. Inutile. Donc pour le twittus vulgarus ça sert à rien d'essayer de lui faire croire qu'il fait partie d'une communauté trop-d'la-boule-qu'-on-est-numéro-1-au-top-50 ! Dépit. Rideau.

Aux tutelles ? Mais vous savez, c'est qu'elles croulent sous les chiffres les tutelles ! Ceux de la Présidence de Radio France, de la Direction de la Communication, de la Direction du Numérique (divin, forcément divin le numérique), du Service de presse de la chaîne, des re-tweets des collègues directeurs et directrices de la Directrice. Et je ne compte pas la bouchère, le crémier, le coiffeur et + si affinités ! Alors les tutelles y'a que les chiffres en moins qui les intéressent. Moins de zéros au budget de Radio France, moins de personnel, moins de moyens techniques (investissements), moins de tout. Suffisent juste quelques figures pour parader dans Elle.

Aux annonceurs ? Eux la roucoule ils connaissent par cœur. Biberonnés par le mage Séguela, celui qui à 50 ans roulait (encore) en Solex, ils rient sous cape. Quant à la Présidence de Radio France elle vit environnée de compteurs qui, comme autrefois les horloges dans les salles de rédac', diffusent en temps réel les chiffres de l'hertzien, du podcast, du moindre tweet, de FB, d'Insta. Ça fait lurette que les compteurs ont remplacé les conteurs de France Inter… La bonne formule est Je compte sur toi, je compte sur vous !


Jean Yanne, à gauche "Quand j'entends le mot culture
je sors mon transistor…" (à droite J.Martin)
















Et puis, demain mardi, "Une journée manifeste sur France Inter"… Oh la la, c'est du sérieux là, ça va manifester pour la… Culture ? Avec un grand C. Alors Macron toute la journée ? Macron ? Ben oui il doit pas intervenir pour indiquer comment l'État va soutenir la Culture ? Ah mais ça n'a rien à voir ! Ah bon ? C'est juste un concours de circonstance ! Alors disons que Sire Constance fait bien les choses, hein ? Ouais et y'aura plein d'artisses qui viendront témoigner toute la journée à l'antenne. Et des intermittents aussi ? Des inter quoi ?

Alors si dans quelques semaines l'État post Covid-19 s'interrogeait sur le nombre de chaînes à garder pour le service public audiovisuel, France Inter n'aura pas à rougir (sic) de tous les efforts accomplis pour mériter le titre de radio d'État. Et France Culture ? Ah ben oui c'est vrai ils font dans la Culture eux aussi. Avec ce coup-là ils risquent d'être inter… dits ! Interdits ? Oui, stupéfaits quoi, abasourdis, circonspects !…
(À suivre)