lundi 20 janvier 2025

Radio France : ça gaze elle ?

Même si on est samedi (18 janvier), même si à 8h30 il fait encore nuit, il est agréable de se retrouver devant cette page blanche de blog. Pourquoi donc ? Ben juste parce que la communication de Radio France nous donne une nouvelle fois l'occasion de se taper le cul par terre. Pas moins. En 1984, Lizzy Mercier Descloux chantait "Mais où sont passées les gazelles ?", en 2025 on en a retrouvé une en plein Paris, sur les bords de Seine, blottie dans un bel immeuble circulaire d'Henry Bernard (1963). Les zoologistes sont formels la bestiole a cinquante ans. Rare ! Les plus zélés affirment même qu'elle ne fait pas son âge. C'est dire si les ondes radiophoniques lui ont été favorables…

Pub in Le Monde,
17 janvier 2025












Aux origines les plus lointaines que l'on puisse remonter, genre 1975, jamais personne n'a osé imaginer que la radio publique puisse être symbolisée par un animal sauvage. Par la représentation graphique et stylisée des belles tournures de sa Maison, si, mais un animal ? Sauvage qui plus est ? Bigre, le choix se serait révélé cornélien et personne n'a tenté de s'y engouffrer. Eh bien figurez-vous qu'en 2025 les petits génies du staff com' de Radio France ont, en conclave (c'est tendance), extrait de leurs brillants cerveaux que la meilleure représentation des sept radios publiques serait la gazelle. L'histoire ne dit pas s'ils ont confié cette mission stratégique à Lia, leur meilleure copine à l'intelligence artificielle éprouvée (1).

Jeudi dernier, à l'occasion de ses vœux la Présidente de Radio France, Sibyle Veil, en parfait mimétisme avec la bestiole, a gazouillé fort (ben oui les gazelles gazouillent, vous ne le saviez pas ?) pour, d'envolées lyriques en envolées lyriques, empiler, stratifier, cumuler toutes les bonnes choses que la gazelle avait sur ses frêles épaules portées en 2024. Les sondages dithyrambiques, les chaînes stratosphériques (en terme d'audience) (2) et, les vedettes magnifiques (toujours les mêmes ND, LS, SD, PC, LF,…). Et, reprenant le message subliminé (sic) de la campagne de presse, agile, elle tressa la couronne que la gazelle ne portait pas encore sur ces cornes (3).

Depuis dix ans, et l'arrivée des managères de moins de cinquante ans aux commandes de la radio publique (4), la pavane est la posture la plus utilisée par ces personnages déconnectées de la radiophonie. Jeudi dernier Veil, au-delà de ses gazouillis charmants, s'est pavanée au point de chausser des tennis (euh c'est p'tête des snickers ?) de la marque aux trois bandes. Encore quelques années et la Pédégère tentera le moonwalk quand la radio sera définitivement passée à l'audio et au DAB+. 

Cerise sur le gâteau ou plutôt "fève dans la galette", ce jeudi-là ce fût aussi l'occasion de partager la galette des rois (mais où sont passées les reines ?). Celles ou ceux croquant la fève se sont vus remettre une paire de pompes (snickers ?) aux trois bandes, siglée d'une gazelle. Alors là autant dire qu'on est dans un groupe de com' et qu'il y aura celles et ceux qui en ont (des pompes de gazelles) et celles et ceux qui n'en sont pas. Et même qui n'en seront jamais. 

Il devient alors assez probable que Veil, dans la foulée, invente une cérémonie annuelle "Les Gazelles d'or", statuettes en toc qui risquent d'être remises toujours aux mêmes ( ND, LS, SD, PC, LF,…)

(1) En tout petit, et à droite du visuel presse, à la verticale est inscrit "Cette gazelle a été générée avec une IA avant d'être travaillée par notre illustrateur". Pourqioi en si petit ? Radio France aurait-elle honte d'avoir succombé aux vertiges de l'IA ?
(2) Mouv' toujours absente des résultats. C'est peut-être une bestiole aussi ? Une taupe ?
(3) "Agile, dynamique et captivante, Radio France bat cette année encore tous les records. Avouez, elle ne fait vraiment pas ses 50 ans !"
(4) Mathieu Gallet (2014-2018), Sibyle Veil (2018-)

lundi 13 janvier 2025

Radio France : les quatre mousquetaires… c'est pas du cinéma !

Il est assez peu probable que Sibyle Veil, Pédégère de Radio France ait dans quelques jours pour ses vœux au personnel, quelques mots pour celles et ceux qui, depuis cinquante ans à Radio France, ont fait la radio. Celles et ceux dans l'ombre qui humblement ont participé aux réussites du service public, jour après jour sans monter sur les toits (1). Parmi ceux-là le 31décembre, Joseph Rémiot, 96 ans, chef opérateur du son (ingénieur du son), est décédé. Avec trois de ses comparses, Yann Paranthoën, Edouard Camprasse et Guy Senaux il avait, à son poste et en régie aux côtés de Jean Garretto et Pierre Codou producteurs, fait les belles heures de L'Oreille en coin (1968-1990).

Kriss, productrice de son émission.
Jean Garretto, ici réalisateur.
Joseph Remiot, chef opérateur de son.
Serge Libert, opérateur. 














Camprasse et Paranthoën sont décédés, Senaux est en pleine forme et court le monde appareil photo en bandoulière. La photo ci-dessus en dit long sur la fabrique de la radio. L'attention aiguë des quatre professionnels quelques heures avant la diffusion en direct, autour du conducteur de l'émission de Kriss. Garretto et Codou ne s'étaient pas trompés à choisir leurs chefs opérateurs de son. C'était le cas bien sûr pour Yann Paranthoën. Les quatre mousquetaires, Rémiot, Camprasse, Paranthoën, Senaux, opèrent chacun leur tour, toutes les quatre semaines au début des années 70 au studio 125. À l'époque ils sont à pied d'œuvre dès le mercredi pour L'Oreille en coin, soit 13 heures de programmes du samedi 14h au dimanche 19h (2). Jamais une telle expérience radiophonique n'a été renouvelée à la radio publique. 

Pierre Bouteiller (1934-2017), producteur, qui n'avait pas apprécié que Garretto, directeur d'Inter, déplace son rendez-vous matutinal de 9h, n'a pas manqué de se "venger" une fois devenu à son tour Directeur d'Inter (1989-1994). Il refuse que Jean Garretto (Codou est décédé en 1980), continue tout le week-end L'Oreille en coin, ne lui accordant que le dimanche matin. Garretto refuse et, après la dernière de juillet 1990, ira tenter sur Europe 1 "Persona grata" avec humoristes et chansonniers, le dimanche matin.

"La radio dans la radio" restera une aventure extraordinaire d'inventions, de laboratoire et de tentatives radiophoniques. Joseph Rémiot n'avait pas manqué en 2012, au studio106, de venir rendre hommage à Jean Garretto qui était décédé le 14 septembre 2012.

Joseph Rémiot s'entretient avec Patrice Blanc-Francard 
de profil, à l'arrière plan Jean-Luc Hees, Pdg de Radio France





















(1) Jean-Christophe Averty, homme de radio et de télé, est monté sur les toits de la Maison de la radio, pour dans les années 60 (ORTF) filmer Dione Warwick, chanter "Walk on by"…
(2) Samedi après-midi, dimanche matin, dimanche après-midi. La seule émission sur France Inter où était annoncée dans le générique de fin : "Réalisation technique…" et suivaient les noms de l’équipe technique…

Au 106, hommage à Jean Garretto,





















Sur cette photo, apparaissent  Blanc-Francard, Jean-Noël Jeanneney (Pdg de 1982-1986), Katia David, Michèle Gallou, Paula Jacques, Janine Marc-Pezet, Gilles Davidas et dans la foule… ma pomme ! Et aussi plusieurs femmes et hommes à avoir participé à l'Oreille en coin et à Fip…

mardi 7 janvier 2025

De RBO à ICI… la valse des étiquettes !

Est-ce bon signe quand une marque change aussi souvent de nom et de logo ? Revue de détail…









Aux origines (1982)… À Quimper, l'autonomie et la direction éditoriale. Directeur : René Abjean et puis les "évolutions" en cascade… Quelqu'un s'est rappelé qu'il fallait rassembler sous la bannière Radio France


Et le jacobin Jean-Marie Cavada (Pdg de Radio France, 1999-2005) inventa la ligne bleue des locales (et pas seulement dans les Vosges la ligne bleue !)









Puis on dégoupilla le logo de Radio France… Et toutes les antennes se mirent au diapason !



Puis on vira le titre, on vira le logo, histoire ICI de nous faire avaler la couleuvre, rien ne va changer sauf qu'en l'absence de marque Radio France il y a du souci à se faire !!!!!
















Ici, nous sommes las, très las de ces mascarades qui masquent… a minima l'intégration dans France Télévisions, a maxima dans France Médias (fusion des audiovisuels publics)…



lundi 6 janvier 2025

La FA, la si, la sol…

Se remettre devant la page blanche ce dimanche 5 janvier n'est pas de la plus grande joie. Rien ne va vraiment… Alors qu'elle fête ses cinquante ans ce lundi 6 janvier, je dirai "Radio France, morne plaine…". la Filière Audio-visuelle plastronne et FIP s'embourbe dans une saturation pesante d'auto-promo et de partenariats. Que faire ? Attendre les vœux superfétatoires de Sibyle Veil, pédégère de Radio France ? Guetter les votes à l'Assemblée nationale pour la création de la holding des audiovisuels publics ? S'aplatir de désespoir devant ICI quand on était déjà circonspect là, sur France Bleu ? Et puis la promo survitaminée d'un Hyper Festival quand on pouvait attendre une Hyper Mobilisation pour Mayotte. The dream is over…

6 janvier 1975, Jacqueline Baudrier, Pdg de Radio France
parle aux auditeurs. 
À sa droite : Yves Jaigu (France Culture), J. B., 
à sa gauche : Pierre Wiehn (France Inter)
 












Jacqueline Baudrier, Pierre Wiehn et Yves Jaigu étaient sûrs d'entrer dans l'histoire de la radio. Quelques semaines plus tard ce sera au tour de Louis Dandrel (France Musique) de faire partie du quatuor car il ne faut pas oublier la Direction de Fip confiée à Jean Garretto (dans les faits le binôme avec Pierre Codou fonctionne toujours). L'autonomie totale de la radio dans une belle Maison de la Radio qui ne se paye pas d'images pour exister. Ces années 70 certainement celles de l'âge d'or de la radio…

LaFA
La FAtidique ? La FA, SI, FA, SI, LA, SI, RÉ ? La FAbuleuse ? Mi-novembre, France Télévisions, TF1, M6 et quelques autres créaient La Filière Audiovisuelle… Moi innocent je croyais que l'audio visuel c'était l'audio et le visuel. L'audio la radio, le visuel la TV. Ben il semble bien que j'ai tord. L'audiovisuel ce sont les images animées et le son qui va avec. La radio en est exclue. On comprend mieux pourquoi la radio publique ne fait pas partie du conglomérat. "Diffuseurs, producteurs et sociétés d'auteurs s'unissent au sein d'une nouvelle association, La filière audiovisuelle (LaFA), dans l'objectif de préserver la chaîne de création de valeur fragilisée par les transformations structurelles du secteur. "(1) Paradoxe, les pouvoirs publics parlent d'audiovisuel public qui intègre radios et télés publiques. Pas de pot pour Veil et Frisch qui ont tant fait pour muter la radio en audio et multiplier les vidéos. Audio-France ne sera pas de la fête !














FIP
J'écoute cette chaîne plus de quatre heures par jour et bien plus au mois de décembre dernier et je suis effaré par la tournure que prennent les choses. Surpromotion de l'autopromo, sur-annonces des vedettes de la chaîne. Pour les deux heures de Laurent Garnier, une fois par mois, Deep Search (titre tendance et trop cool), on a le droit à des annonces plusieurs fois par jour une semaine avant et au moins autant les quelques jours qui suivent sa prestation. Et que dire des Fip Tape (in English of course), des Live à Fip, de Certains l'aiment Fip et autres Trans Fip Express, on sature de ces annonces qui saturent les annonces des animatrices.

J'écoute aussi Fip pour les histoires que tissent les animatrices. Mais les dites-histoires se comptent désormais sur les doigts d'une main et de moins en moins d'animatrices s'y essayent. La consigne : faire court et simple ? Simple pourquoi pas, mais de là à faire simpliste ou pire simplet il y a une marge, non ? La poésie ou la littérature que deux ou trois animatrices savent encore tourner et retourner dans leurs inserts se réduisent comme peau de chagrin. Au point que la machine à promo nous donne envie de fuir. On reprochait à Lucien Morisse, directeur des programmes d'Europe n°1 dans les années 60, de matraquer, jusqu'à 8 fois/jour, les disques qu'il fallait donner envie aux auditeurs d'acheter. On en est plus très loin pour ce qui concerne l'animation de Fip, même si son directeur Ruddy Aboab ne manquera pas de s'en défendre !!!

Ce 5 janvier 2025, Fip a cinquante-quatre ans, mais a perdu l'esprit qui l'animait aux origines.











ICI… pas là
La fusion de France Bleu et France 3, préfiguration habile de la holding (et de la fusion en suivant) des audiovisuels publics ressemble à un maquillage, un faux-nez ou à un rideau de fumée, au choix ! Après l'assignation en référé que l'ensemble des syndicats de Radio France avaient porté devant la justice pour contester la nouvelle marque ICI, et que cette assignation ait été levée par les syndicats il en a résulté les choses suivantes :

"Un accord de méthode doit fixer les principes d’un dialogue social rigoureux, tout autant qu’efficace et loyal, permettant de préserver les conditions de travail au service des salariés. Les élus membres des CSE avaient pris la décision unanime de lancer cette assignation en justice, en conscience et en mesurant parfaitement les risques en lien avec un report éventuel de la marque ; ils n’avaient pas d’autre choix. Ils regrettent cependant le temps et l’énergie perdus. Si le dialogue social avait été à la hauteur, le bras de fer judiciaire aurait été évité." (2)


(1) Le Monde, Aude Dassonville, 13 novembre 2024,
(2) CFDT Radio France, CGT Radio France, FO Radio France, SNJ Radio France, Sud Radio France, Unsa Radio France,

mardi 17 décembre 2024

Thierry Jousse : les mains dans le vinyle, les oreilles dans les sillons…

Thierry Jousse qui depuis neuf ans anime sur France Musique "Retour de plage" l'été sur France Musique vient de commettre une somme sur plus de deux-cent-cinquante pochettes de 33 tours (LP) dont il documente avec grande érudition le graphisme ainsi que bien sûr le contenu musical. Comme il le dit dans sa préface il "a établi un récit entrelacé dans un choix subjectif qui n'est pas un panthéon…". 

Édition E/P/A et Radio France










Jousse précise "Le plus important est la ligne ou la courbe que cette liste dessine dans son ensemble. Cette histoire n'est pas seulement musicale, elle est visuelle. À leurs façons [ces vinyles] de légende ne sont pas seulement des objets de collection, ils peuplent, plus que jamais notre imaginaire et notre présent". CQFD !

Commençons par une jolie fleur de nostalgie, de tristesse dit Thierry Jousse, avec "In the wee small hours" de Sinatra. Juste se laisser porter. Julie London interprète elle dans une "éternelle pureté" pour ne pas dire dépouillement un "Cry me a river" de David Hamilton. Mais pouvait-on faire moins pour une pochette aussi dépouillée !!!! Par contre celle du Elvis (sans titre) de 1956, avec son lettrage vert et rose a permis une formidable reprise pour le "London calling" des Clash qui fêtait ces quarante-cinq ans ce samedi 14 décembre. Apparaît Mina que Jousse n'oublie jamais dans ses retours de plage, je découvre "Il cielo in una stanza", complètement d'époque (pochette cheap !), complètement rital, de quoi nous plonger dans l'insouciance d'une époque révolue.

Même époque, passé le chanel, en 64, les Ronettes et leur mentor Phil Spector qui avec "Be my baby" affolent le hit-parade français. Mais il faudrait un livre entier à Jousse pour nous détailler les pépites du maestro Burt Bacharah qui avec Dionne Warwick claque l'incontournable "Don't make me over" dont on se gardera bien d'évoquer la version en français. À la différence de nombreuses personnes de ma génération (et de rock-critics) je n'accroche pas du tout au "Pet sounds" des Beach boys ! Mais par contre je vénère et la pochette et son contenu du "Sgt. Pepper's lonely heart club band" des Beatles (1967).









L'art de Jousse est de nous emmener là où nous n'irions pas spontanément (à défaut de culture et de promotion). Le plaisir de (re)découvrir Bobbie Gentry. J'ai aussitôt téléchargé (via ma plateforme préférée) son deuxième LP "The delta sweete". Je ne peux pas passer à côté du "Cheap thrills" de Janis Joplin and Big brother and the holding company pour la zique bien sûr mais aussi pour la pochette de Robert Crumb, le dessinateur de la free-press aux États-Unis. Et un incontournable d'Hendrix "Electric Ladyland" (1978) et son si bien électrifié "All along the watchtower" de Robert Zimmerman lui-même.

Je n'aurai pas assez d'un billet pour brosser un panorama exhaustif du travail de Thierry Jousse. Vous vous contenterez ici d'un inventaire à la Prévert :  Dusty Springfield, Crosby, Still and Nash, Johnny Cash, King Crimson, Yes (Oh Yes !), Antonio Carlos Jobim, Minnie Riperton, Marvin Gaye, The Allman Brother's band, Roxy music, Lou Reed, Curtis Mayfield, Terry Callier, Pink Ployd, Bob Marley, Frank Zappa, Manu Dibango, Stevie Wonder, Joni Mitchell, Carole King, Peter Gabriel, The Clash, Kate Bush… et plus si affinités !

Maintenant il ne reste plus qu'à lire chaque notice. La trêve des confiseurs n'y suffira pas. Sincère bravo et félicitations à Thierry Jousse dont il est agréable de croiser les univers musicaux. Avec ce livre il a de quoi faire une quotidienne sur France Musique ! Et commencer à préparer un tome II !

lundi 16 décembre 2024

Une nuit dans Le Monde…

Lecteur assidu depuis quelques décennies du quotidien Le Monde, je pouvais bien perturber ma nuit de samedi à dimanche pour la passer au… journal. Avec, au cœur du dispositif, les témoins indispensables Pierre-Henti Teitgen, Hubert Beuve-Mery, co-fondateur, Jacques Fauvet, Bernard Lauzanne, Laurent Greilsamer, Pierre Viansson-Ponté, Jean-Marie Colombani,… Et quelques historiens qui ont retracé par le menu, des origines (18 décembre 1944) jusqu'en 2003, l'aventure singulière et passionnante du quotidien de l'avenue des Italiens à Paris…

Hubert Beuve-Méry au siège du journal "Le Monde" ©Getty -
Gilbert Uzan / Gamma-Rapho










Albane Penaranda, productrice des Nuits de France Culture, avait pour l'occasion (les 80 ans du Monde, le 18 décembre prochain) concocté un programme d'archives qui, sur plusieurs décennies déroule la vie mouvementée d'un quotidien, qui, dit de référence, allait passer plusieurs fois très près de la cessation de parution. La nuit commence en beauté avec "L'Histoire en direct" de Patrice Gélinet. 

19 décembre 1944 : la naissance du Monde (1ère diffusion 5 décembre 1994)
Ah les bons lundis consacrés à l'histoire sur France Culture. Le matin avec "Les lundis de l'histoire", en soirée avec deux soirs par mois "L'Histoire en direct", dont un soir consacré au documentaire sur le sujet qui sera débattu le lundi suivant. Et ce 5 décembre 94, le documentaire est à la hauteur du sujet. Avec méthode et pédagogie Gélinet fait raconter aux acteurs les débuts d'un quotidien qui va s'imposer dans la presse française. J'ai beau connaître l'histoire du journal, je n'en perds pas une miette et me régale d'une écoute attentive et aiguë. Et puis là on parle d'un journal papier de deux pages, mais d'un journal papier comme celui que je lis chaque jour.

Il est agréable d'entendre désannoncer "à la documentation Rebecca Denantes, au mixage Guy Senaux et à la réalisation Christine Bernard Sugy".

Les lundis de l'Histoire : Les années fondatrices d'Hubert Beuve-Méry et du Monde 
(1ère diffusion : 8 octobre 1990)
En presque une heure trente, Philippe Levillain, historien, entouré de Jean-Noël Jeanneney, historien, Marc Lazar, professeur émérite à Sciences Po, Laurent Greilsamer journaliste et écrivain, Jacques Noblécourt et Bernard Lauzanne, journaliste, directeur de la rédaction du "Monde" va retisser l'histoire du journal, de ses difficultés, de ses succès et de la personnalité janséniste de son directeur-fondateur, Hubert Beuve-Méry. Et aussi ce qui distingue le journal des autres titres de la presse parisienne.

Un jour au singulier - Bernard Lauzanne (1ère diffusion : 11 décembre1994)
Qu'ils étaient doux ces dimanches passés en compagnie de Geneviève Ladouès qui, avec délicatesse et attention, nous faisait passer une heure un quart en compagnie d'un invité qui nous racontait son "jour au singulier". Ce 11 décembre 1994 c'est avec Bernard Lauzanne qui deviendra Directeur de la Rédaction, que nous allons l'entendre évoquer ce 5 juillet 1945 et sa rencontre avec Beuve-Mery. Un témoin précieux pour raconter les débuts du journal et ce sur quoi il s'est fondé. Ladouès a l'art d'accompagner ses invités et de leur faire parler du singulier qui a pu marquer un jour de leur vie.

Le siège du "Monde" rue des Italiens en 1952
©Getty - Keystone-France / Gamma-Rapho














Paradoxes - Jacques Fauvet (1ère diffusion : 26 janvier 1971)

Nouveau directeur du journal depuis 1969 après le départ de Beuve-Mery, Fauvet confie à Alain Bosquet "Je ne me considère pas comme le sommet de la pyramide, je me place dans l’immeuble lui-même, à tous les étages, depuis le sous-sol jusqu’au dernier étage". C'est un autre ton que celui de Beuve, c'est aussi une autre époque, post-68 et d'autres enjeux de presse.


Parti pris - André Fontaine (1ère diffusion : 24 octobre 1975)

"En 1975, c'est encore en qualité de rédacteur en chef du journal fondé par Hubert Beuve-Méry qu'il répond aux questions de Jacques Paugam dans l'émission "Parti Pris". En disant croire davantage à l'honnêteté qu'à l'objectivité, il expose notamment sa conception du métier de journaliste. André Fontaine aborde l'éthique à laquelle les rédacteurs du Monde sont formés depuis toujours."


Tout arrive - La face cachée du Monde (1ère diffusion : 27 février 2003)

Et Pierre Péan, journaliste et écrivain, d'entrer en scène avec fracas. "En 2003, Philippe Cohen et Pierre Péan publient La face cachée du Monde. Un livre dans lequel ils attaquent violemment ceux qui dirigent Le Monde  - Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et Alain Minc - coupables à leurs yeux d'avoir perdu de vue, et même complètement trahi, l'éthique sur laquelle Hubert Beuve-Méry avait fondé Le Monde ; une éthique trahie par la ligne éditoriale suivie depuis leur direction et, plus grave, trahie par une dérive vers des cercles de politique, d'affaires et d'argent dans laquelle ils auraient entraîné le journal." Extrait de la présentation de l'émission.


Et si chères lectrices et lecteurs vous souhaitiez entendre une voix féminine reportez- vous à mon billet de 2022, qui raconte le parcours d'Yvonne Baby, première femme directrice de service (culturel) du Monde depuis 1971…


Yvonne Baby et Orson Welles © Le Monde


lundi 2 décembre 2024

Les Nuits de France Culture : un calendrier de l'avant !

Toutes les nuits, toute l'année, Albane Penaranda, productrice, nous incite à ouvrir les petites cases de ses nuits si souvent magnétiques, même si depuis la rentrée nous avons encore perdu deux heures de rediffusion du patrimoine radiophonique qu'entretient France Culture depuis janvier 1985. C'est souvent un régal, un pas de côté pour mesurer une autre temporalité, s'extraire de l'info qui est devenue la marque de fabrique d'une chaîne qui se FranceIntérise. Je l'ai écrit ici plusieurs fois : un indicatif, une voix, un générique et l'on est transporté dans le tourbillon de la vie, pour citer Jeanne Moreau… Pour la première fois depuis la création de ce blog en juillet 2011, j'ai laissé passer un mois entier sans écrire. Le tourbillon de la vie était ailleurs…










Mais mon tourbillon radiophonique ne s'est pas interrompu… la nuit. J'ai virevolté avec Maspero et Lacoste en Corrèze, me suis régalé avec cinq épisodes sur Montréal, (cinq Nuits magnétiques de février 1978) et ces derniers jours en virée aux Halles (ex-Baltard) avec Josette Colin, le 19 juin 1997. Josette, réalisatrice, qui "pour une fois" passe à la production et, micro en main, revisite l'histoire même de ce grand marché bruyant et odorant en plein Paris jusqu'en1969. Si on ne sent pas les odeurs on les devine car la productrice sait les suggérer subtilement. En faisant raconter les acteurs singuliers qui ont vécu leurs nuits et leurs petits jours dans l'ambiance effrénée du déballage, de l'achat et de la vente et surtout dans cette ambiance "festive" que le vocabulaire particulier des Halles raconte si bien.

À presque trente ans du départ des Halles pour Rungis, il est surprenant d'entendre la mémoire intacte de ses nombreux acteurs et leur mémoire croustillante et imagée. On est dans les Halles, on visualise les étals, les bistrots, les corporations de bouchers, une faune incroyable accrochée à ses savoirs-faire, ses combines, ses habitudes et ses rituels. Un monde à part et vivant pour ne pas dire souvent joyeux malgré la rudesse et l'intensité des tâches à accomplir. Josette Colin, fondue dans le paysage, nous donne à entendre un "lieu de mémoire" d'humanités et de fraternités de "bons vivants" comme à l'abri des contingences d'un monde déjà bousculé et fragile. 

Un documentaire à archiver. Merci Josette !