À 10h05, mercredi 23 avril sur ICI Breizh Izel, (en Basse-Bretagne, précisément) Toto nous chantait "Tenez la ligne" (Hold the line). À qui s'adressent donc les Californiens en groupe dès la fin des années 70 ? À Cécile Pigalle, Directrice du réseau, à Yann Chouquet, nouveau Directeur des Programmes ? Et qui sait, peut-être aux auditeurs qui, au nombre de presque un demi-million, ont depuis un an été voir ailleurs ? Sans doute France Bleu sonnait-il trop Radio France ? À moins que ce ne soit une stratégie à moyen terme pour que le réseau vole de ses propres ailes ? Qui sait ?

Dans un communiqué récent, la CGT-Radio France (Confédération Générale du Travail) s'alarmait de ces événements successifs qui mettent en péril le réseau local de Radio France. Est-il besoin de rappeler que dès le début des années 80, Radio France et sa Pédégère Jacqueline Baudrier incitèrent à la création des trois premières locales : Radio-Mayenne (départementale), Melun-FM (ville), Fréquence Nord (Région) ? Développement progressif sur tout le territoire métropolitain (1) jusqu'à ce que l'ultra jacobin, Jean-Marie Cavada, Pdg (1999-2005) impose la marque "France Bleu" à l'ensemble du réseau en 2000. Le début affirmé de l'uniformisation ?
La marque ICI mettra plus de temps à s'imposer qu'autrefois M&M's reniant Treets. ICI dépersonnalise l'appartenance à la société Radio France et cache à coup sûr une couleuvre qu'on voudrait faire avaler aux auditeurs, si tenté qu'on ne se prépare pas à la faire avaler à Radio France elle-même ? La standardisation du réseau est devenue une manie : "La «refonte du projet éditorial» menée depuis septembre n'est que le dernier avatar de ce parcours chaotique : elle impose des grilles semblables pour toutes les locales, qui nient leur spécificité et leur territoire." précise la CGT.
La dépersonnalisation, le "tous pareil sur tout le territoire" n'a plus rien à voir avec le projet d'origine qui s'appuyait sur les identités locales. "De la «radio en conserve» standardisée et interchangeable, sans âme et sans personnalité, faite pour diminuer les coúts de production et le nombre d'animateur trices et de technicien•ne•s. Comment peut-on sérieusement imaginer maintenir le lien affectif si précieux avec nos auditeur-trice-s par des micros de quelques secondes entre deux disques ? Rien d'étonnant dans ces conditions qu'ils désertent ici pour écouter ailleurs !" s'insurge la CGT.
En 1982, sur RBO (Radio Bretagne Ouest) à Quimper, René Abjean (2) son premier Directeur avait inventé une radio qui n'avait sûrement rien à voir ni avec Radio Mayenne ni avec Radio Armorique (Rennes). Oui "notre radio" parlait de chez nous, du lundi au dimanche, avec pour toute interruption nationale, le journal de 8h, 13h et 19h de France Inter (3).

Mais ce changement d'identité ressemble malheureusement trop à celui de sociétés privées qui engloutissent des fortunes dans ce processus. Radio France, à sa seule charge, aura dépensé 6 millions d'euros (2,2 pour 2024 et 3,8 pour 2025). Avec cet argent combien d'emplois, combien de reportages, combien de documentaires ? La marque France Bleu aura donc duré à peine vingt-quatre ans (2000-2024). Bien identifiée, et ce particulièrement par les auditrices et les auditeurs, il faudra beaucoup de temps à ces derniers pour se résoudre au changement de nom, tellement simpliste que l'insérer dans une phrase dilue l'impact utile à la reconnaissance de la marque.
Ce petit jeu managérial ne rime à rien, à moins qu'il ne devienne pertinent de s'affranchir d'une marque qui pourrait bien "voler de ses propres ailes" dans le cadre de la future holding (appelée aussi SDM, Serpent de Mer). En effet dans cette holding, Ici et France Info seraient filialisées sous la bannière France Médias. Une belle usine à gaz en perspective… Sur le terrain même de la Maison de la radio, avant qu'elle ne soit érigée, existait une usine à gaz qui produisait… du gaz ! Celle bientôt appelée France Médias produira des lourdeurs de gestion, l'abandon des singularités des partenaires (Radio France, France Télévisions, Ina) et un retour abracadabrantesque à l'HORTF (Holding de Radio et Télévision Française)…
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Suite du communiqué CGT |
(1) Sur ce blog (bientôt pillé par l'IA) vous trouverez un feuilleton sur les locales, écrit par Gérard Couderc en 24 épisodes en 2015, (2) Compositeur français né en 1937. En 1977, il fonde à Brest avec Pierre-Yves Moign, le Centre Breton d’Art Populaire et préside de 1979 à 1981 l’Association Culturelle de Brest, créée pour gérer le Palais des Arts et de la Culture (source Wikipedia),
(3) C'est un vieux souvenir, peut-être n'y avait-il pas le journal de 8h ?