vendredi 31 juillet 2015

Les radios régionales… 20/24





















Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert


20. Branle-bas de combat 80/82
A l'avant-veille de l'accession de la gauche au pouvoir en France, dès 1980, une sorte de frénésie s'empare des états-majors politiques et des staffs de la radiodiffusion. Chacun y va de son projet, rêve de radio et se place sur l'échiquier audiovisuel. On sait bien que la promesse de libéralisation (libération ?) des ondes annoncée par le candidat socialiste est inévitable et que de fait, le monopole de l'audiovisuel n'y survivra pas… D'autant moins qu'il semble bien improbable que l'on puisse désormais endiguer la déferlantes des radios libres.

En Europe, les Radios Libres (dites radios pirates sous Giscard) ont un lointain passé ; en Angleterre d'abord, avec Radio Caroline en 1964, puis en Italie où l'annonce par Radio Alice en 1976 de la mort d'un militant provoque une journée d'émeute à Bologne… Des centaines de stations voient le jour à partir de 1977 (1), d'abord militantes puis de plus en plus exclusivement musicales. La France où l'on s'équipe illégalement d'émetteurs italiens, n'est pas en reste : au début des années 80, pirates ou libres, comme on le voudra, associatives, communautaires, politiques, syndicales ou simplement musicales, les radios fleurissent sur la bande FM (2).

Dans ce contexte, Radio France dont l'audience faiblit depuis quelques années et qui prévoit une rude concurrence à venir dans les régions, avance ses pions. Ainsi sa Pdg Jacqueline Baudrier (3)inspirée notamment par Daniel Hamelin, va créer en 1980 trois stations de conception nouvelle en "province" : Radio Mayenne (Laval) de dimension départementale, Fréquence Nord à Lille pour une expérimentation sur une agglomération et Melun FM, dite radio de proximité. Succès immédiat, surtout pour les deux premières : Melun FM dont le dimensionnement semble difficile à trouver devient un an plus tard Radio France Seine-et-Marne puis Radio France Melun pour finalement fusionner en 2006 avec La City Radio de Paris (4). 

Ceci dit, l'histoire rabâchée à l'envie de ces trois premières "décentralisées" pourrait faire oublier l'avènement rapide en 1982 sous la présidence de Michèle Cotta, de celles de Châteauroux, Guéret, Périgueux, Avignon, Amiens, Belfort et Quimper5. Ce qui, sans constituer encore un réseau remarquable, représente un capital précieux, alors que le sort des radios de FR3 (il y en a 20…) qui vont tomber dans l'escarcelle de Radio France au matin du 1er janvier 1983 n'est pas encore scellé. Mais n'y avait-il pas alors comme un secret désir de voir disparaître corps et biens ces radios locales historiques ?

Mardi prochain : "FR3, le quai de l'oubli"… 


(1) A la fin 1975, la Cour constitutionnelle italienne avait émis un jugement remettant en cause le monopole d’Etat sur la radiodiffusion…
(2) En 1981, 1600 autorisations d'émettre sont accordées aux seules radios associatives…
(3) Nommée en janvier 75, Jacqueline Baudrier assure 3 mandats successifs jusqu'en septembre 81,
(4) Actuellement France Bleu 107.1 … En fait, une radio parisienne qui prend le relais des locales lorsqu'elles n'émettent plus, à la mi-journée ou la nuit ! Ce qu'on appelle élégamment la "tête de réseau",

(5) Radio France Berry Sud, RF Creuse, RF Périgord, RF Vaucluse, RF Picardie, RF Belfort, RF Bretagne Ouest.

© Gérard Coudert/Radio Fañch

jeudi 30 juillet 2015

Allegro Fipissimo…























Est-ce que tu connais beaucoup de filles de Radio France qui mettent des framboises sur les tomates… ?

Ce joli titre m’a été soufflé à l’oreille alors que j’étais en migration saisonnière vers des contrées de soleil ardent. Et ceci n’ayant pas de rapport avec cela, il est plutôt agréable d’apprendre, de façon décalée, les jolis chiffres d’audience de Fip. De façon décalée car à la différence des autres chaînes qui tapent le tambour dès le 16 (juillet) pour dire toute leur satisfaction, Fip se la joue modeste. À Bordeaux (1) et Strasbourg (4,9% +0,1), l’audience progresse. Quant à Nantes (5,3% +0,6) et Paris (2,4%) l’audience serait historique . 

Mais que n’est-il besoin de connaître ces chiffres pour savourer le plaisir d’être à l’écoute de programmes musicaux qui plusieurs fois par jour nous interpellent, nous rappellent ou nous sollicitent à fredonner voire à chanter quelques chansons en français, en anglais, en italien ou en espagnol. Depuis plus de quarante-quatre ans la chaîne joue le slogan inventé par les fondateurs Garretto & Codou "Fip c’est 60’ de musique par heure". Même si les informations "locales" viennent ponctuer un programme avec ce qu’il faut de découvertes culturelles et/ou musicales.

Que n’est-il besoin de brandir ces chiffres ? Pour la tutelle ? Pour le Csa ? Dhordain (2) avait-il demandé à Garretto et Codou de faire de l’audience ? D’un jour doubler Inter, Musique ou Culture ? Une nouvelle chaîne prenait sa place dans le "paysage radiophonique" (3) et pourquoi aurait-il fallu que celle-ci soit immédiatement "mise dans le même sac" que ses trois aînées ? Programme original et particulier pour lequel les pratiques peuvent et doivent se différencier d’écoutes plus "traditionnelles" de la radio. 

Si ces résultats peuvent à juste titre stimuler les programmateurs et les animatrices ils ne devraient pas être utilisés par la direction de Fip et celle de Radio France comme les seuls critères de "bonne santé radiophonique". L’identité de Fip est tellement typée et indispensable à ses auditeurs qu’il conviendrait au-delà du qualificatif de "pépite" de l’inscrire définitivement au patrimoine de la radio publique plutôt que de la contraindre à une mécanique marketing qui manque absolument de distinction. 

(1) 3,4% stable et Arcachon 5,7%,
(2) Directeur de la radio à l’Ortf à l'époque de la création de Fip,
(3) Initialement en Ondes Moyennes à Paris (514 O.M.), puis en FM dans les régions.

Les radios régionales… 19/24















Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert


19. FR3, c'est aussi la radio ! 1980
Il temps de faire le point ! Dans l'agitation qui préside à l'évolution de l'audiovisuel au tournant des années 80, on en oublierait presque ce qui existe et ce qui fonctionne encore, contre vents et marées… 

En 1980, FR3 compte 20 stations radio, la plupart héritières des postes des années 30, quelques autres ouvertes par la suite, au cours des mutations de la radiodiffusion jusqu'à l'Ortf : Lyon, Marseille, Toulouse créées en 1925, Besançon, Bordeaux (1926), Lille, Amiens, Grenoble, Limoges, Rennes (1927). Montpellier (avec plus tard ses deux satellites en décrochage à Nîmes et Perpignan), Strasbourg (1930) qui compte en fait 2 antennes, l'une francophone et l'autre, Radio Elsass mittelwelle, en alsacien, Nantes (la station date d’après-guerre : dans les années 30, on "prenaitRennes en Pays nantais), Clermont-Ferrand (1944), Nancy (1944), Bastia, Dijon (1965), Caen (1976) avec une station satellite à Cherbourg, Rouen, Orléans - la dernière station créée par FR3 en 1980 - avec ses satellites à Bourges et Tours.

Toutes ces stations ont repris du poil de la bête sous FR3 ; cette Société créée lors de l'éclatement de l'Ortf en 1974 eut en effet quelques velléités de développement pour ses radios, surtout à la veille de leur cession (1) ! On ne dira jamais assez que sans ce sursaut, les radios régionales du service public, oubliées de l'histoire radiophonique alors qu'elles en étaient à l'origine, seraient peut-être passées à la trappe lors des grandes manoeuvres de Radio France entre 1980 et 1983. Malgré le cadre réduit du décrochage systématique sur les émetteurs de France Inter (2), malgré des programmes qui n'excédent pas 3 ou 4 heures par jour, on renforce les équipes qui reprennent à leur compte les objectifs
culturels et de régionalisme qui avaient présidé à l'essor des postes des années 30...

Toutes n'auront peut-être pas le même dynamisme : on vérifiera ainsi que le développement d'une radio dépend largement du contexte local et de la façon dont elle s'y insère. Ainsi, Grenoble et sa région, avec sa Maison de la culture, ses formations musicales permanentes, son Centre Dramatique national dirigé par Lavaudant, ses ballets (Félix Blaska puis Jean-Claude Galotta) ses nombreux festivals (3), vont sans aucun doute favoriser le développement et la survie de Radio Alpes-Grenoble. La station aura su (comme d'autres) s'insérer dans le tissu régional : "…une radio déjà bien intégrée à la
vie locale et intéressée à la culture régionale" écrit Claude Collin (4). De là et de cet acharnement à coller à la réalité du pays, sortiront quelques émissions saluées par la presse, comme "Patrimoine 80" dont Télérama dit un jour : "… Alpes-Grenoble provoque, dans un style étonnamment dynamique, la mémoire collective des Dauphinois…" (5)

Non ! Décidément, on ne faisait pas à FR3 de la "radio de papa" comme cela fut longtemps reproché à ses collaborateurs… Mais peut-être avait-on su alors prendre le meilleur de ce qu'avaient laissé les anciens…


Demain : "Branle-bas de combat 80/82"… 

(1) Il faut bien noter que la cession des radios de FR3 à Radio France ne se fera pas, personnel compris, avant le 1er janvier 1983 par accord entre les deux sociétés,
(2) Y compris après 1975 avec l'arrivée la MF,
(3) Court-métrage, film d'humour à Chamrousse, cinéma fantastique à Avoriaz, film d'animation à Annecy…
(4) Claude COLLIN, Radios locales et culture régionale : la grande désillusion. Mediapouvoirs. 1986, n°3, pp 34-48
(5) Télérama, du 12 mars 1980.



© Gérard Coudert/Radio Fañch

mercredi 29 juillet 2015

Les radios régionales.… 18/24





















Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert


18. FIP : deuxième époque
Né en 1971 avec la création de Fip 514, le réseau de Fip s'est développé avec l'ouverture de 9 stations jusqu'en 1978. Mais déjà, le phénomène des radios libres a gagné l'hexagone ; dans le contexte d'une concurrence inattendue, ou à laquelle on ne voulait pas croire, on se rend compte que Fip n'est pas une réponse suffisante. Emerge alors à Radio France une nouvelle stratégie, avec l'expérience des radios locales que l'on implante pour commencer en 1980 à Laval, à Lille et à Melun. Stratégie offensive : on parle déjà d'une une station dans chaque département1

D'évidence, on ne peut pas tout faire ! Pour des raisons d'ordre économique et d'autres liées à la gestion des fréquences, Radio France va discrètement mettre un terme à l'expansion du réseau Fip. Le développement des Radios locales telles que les imaginent Jacqueline Baudrier en 1980 et ses successeurs, bouscule celui des Fip dont on dit à voix basse qu'ils sont, si ce n'était leur excellent programme musical, en concurrence avec les nouvelles stations. C'est évidemment exagéré mais cette rivalité va jusqu'à créer ici ou là quelques conflits d'influence sur la couverture d'événements locaux ou leur parrainage.

Deux stratégies se contrarient, la première née sous un monopole protecteur, la seconde s'adaptant à un paysage audiovisuel nouveau, et bénéficiant d'avancées techniques non négligeables (RDS, informatisation, allégement des procédures de production…). A partir de 1980, Radio France répond au foisonnement des radios privées et consacre une grande part de son énergie au renforcement du réseau régional. La dernière implantation Fip selon la stratégie initiale est celle de Nice en 1982. Tours, en 1985, ressortit à une autre politique : plutôt que de fermer ce satellite de la station ex-FR3 d'Orléans, on le transforme en un "Fip Plus" (2) dans l'attente de l'ouverture de Radio France Tours (3)Même situation en Normandie, à Cherbourg, où l'on crée un "Fip Plus" en 86 qui préfigure Radio France Cotentin de 1987… Situation particulière encore à Reims d'où Fip disparaît dès 1988 au profit de la nouvelle station locale Radio France Reims (4)

En 14 ans, Fip a développé 12 stations hors Paris (20 fréquences en FM et 2 émetteurs OM), pour cesser de croître en 86. On l'a vu, le déploiement en réseau des Radios Locales de "plein exercice" (5) suit une logique qui va au-delà des objectifs dévolus à Fip. Avec le "Plan Bleu" (6) en 2000, et sous le prétexte d'une audience parfois trop faible, 5 de ces stations ferment définitivement… Ne restent aujourd'hui avec le Fip parisien que Bordeaux, Nantes et Strasbourg et… Et le goût amer d'un abominable gâchis…

Demain : "FR3, c'est aussi la radio"… 

(1) Projet utopique de l'époque de René Marchand, irréalisable financièrement et ne tenant aucun compte de la réalité socioculturelle de nos régions… La loi de juillet 82 n'en parle d'ailleurs pas…
(2) C'est un Fip dont le programme est renforcé par des flashs et des journaux d'informations locales, une revue de presse, un magazine…
(3) Radio France Tours ouvre en 1988,
(4) Pour devenir plus tard Radio France Reims Champagne, Radio France Champagne puis France Bleu Champagne,
(5) Expression interne qui désigne des programmes de 13 à 18 heures par jour,
(6) A l'initiative du PDG JM Cavada, le Plan Bleu réunit en réseau les locales de Radio France sous le nom de France Bleu, y intégrant la station Radio Bleue (destinée à Paris aux personnes d'un certain âge). C'est l'occasion d'une uniformisation des programmes et d'une extension des zones d'écoute par l'utilisation d'émetteurs jusque là réservés notamment à certaines stations FIP…

© Gérard Coudert/Radio Fañch

mardi 28 juillet 2015

Les radios régionales… 17/24

























Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert


17. Lutte fratricide… 
Fin 1980, Pierre Croissiaux responsable des radios régionales de FR3, annonce : “Nous avons la preuve que nous sommes très écoutés. Notre taux d’écoute se situe actuellement aux alentours de 14%” (1). Ce n'est pas faux ! Un peu partout, la presse écrite se fait l'écho d'une situation que l'on feignait d'ignorer à Paris et que l'on oubliera allègrement plus tard : depuis le début des années 70, attirant une nouvelle génération de journalistes, d'animateurs et de saltimbanques en tous genres, la radio régionale de FR3 ne se porte pas si mal qu'on le croit (2)… Certes, la concurrence est rude : celle
des périphériques, celle des radios libres ; mais là où elle existe encore, malgré ses programmes modestes, ses auditeurs la fréquentent volontiers y trouvant à la fois divertissement et information vivante sur la vie culturelle.

Dans les sphères parisiennes, et sous la pression des personnels régionaux, on commence enfin à se poser la question de l'avenir de ces radios abandonnées à leur triste sort depuis les années 50. Il est vrai que l'on sent venir une révolution radicale du PAF. Claude Lemoine, directeur des régions de FR3, annonce en 1978 que "si une fréquence régulière était attribuée à FR3, 70 stations régionales pourraient immédiatement voir le jour". C'est du même coup une reconnaissance de l'existant ; et il ajoute : "On pourrait créer des stations à vocation départementale, voire urbaine… manière de répondre au besoin de régionalisation par un service public de qualité qui éviterait de tomber dans l’anarchie des radios dites libres" (3).

Les années suivantes jusqu'en 1981, vont être marquées par des initiatives diverses, notamment par des opérations temporaires. FR3 Radio envoie ses stations prendre l'air en été dans des studios provisoires : Carcassonne, La Grande Motte, la côte atlantique… ou encore par des opérations d'envergure comme "La péniche de FR3" qui consiste à sillonner tout un été certains fleuves et canaux pour pénétrer dans le quotidien des communes riveraines… De même "Ecoutez le pays parler", émission itinérante à la découverte de villages et de leurs traditions…

Radio France n'est pas en reste et multiplie ses "Radios Vacances" (*) ou des stations saisonnières comme à Val d'Isère en 1980, à quoi FR3 répond immédiatement par la création de FR3 Radio Mont-Blanc que l'on installe en hiver au coeur de Chamonix, sous la responsabilité de FR3 Alpes-Grenoble

N'empêche… Ce qui ressort de cette agitation nouvelle (et presque soudaine) c'est une impression de gâchis : vaine lutte fratricide entre Radio France et FR3 qui ne produit finalement que de la confusion. On attend, en la redoutant de part et d'autre, une décision politique. C'est alors que Jean-Philippe Lecat (4), ministre de la Culture et de la Communication qui s'est déjà illustré en 73 et 74 dans la préparation de la réforme de l'Ortf, annonce la mise en place pour 1980, d’un réseau autonome de radios, qui devrait rendre compte de l’actualité régionale et locale, donner la parole aux associations et aux municipalités dans des créneaux absolument libres (5) ! A sa façon, Georges Fillioud en 1982 (6) lui donnera (presque) raison…

(*) Note de l'éditeur : à ma connaissance les Radios Vacances, initiées par Garretto et Codou l'ont été sous l'égide de l'Ortf, et n'ont pas existé en tant que telles au-delà de 1967. Le lecteur passionné trouvera quelques infos supplémentaires ici.

Demain : "Fip, deuxième époque"… 

(1) Le Quotidien, 6 novembre 1980, “FR3 Radio à la croisée des chemins” par Renaud Rousset,
(2) Avec beaucoup d'amusement, on constata qu'un sondage effectué en 1984 accordait une notoriété plus importante à FR3 Alpes Grenoble (qui n'existait plus) qu'à Radio France Isère créée en 1983 !
(3) On sent bien tout de même son opposition à l'abandon du monopole…

(4) Philippe Lecat est ministre de la Culture et de la Communication. Il s'est déjà illustré en 73 et 74 dans la préparation de la réforme de l'Ortf…
(5) La Radio, Patrice Cavelier et Olivier Morel-Maroger, PUF 2008,
(6) Georges Fillioud, ministre de la communication : loi du 29 juillet 1982 sur la communication.

© Gérard Coudert/Radio Fañch

lundi 27 juillet 2015

Le poids des maux, le choc des fiascos…

La Maison de la radio… "vue de haut". H. Beraud/RF 

















Dans une société moderne où la communication surplombe tout, dans une entreprise de média où la communication circule très mal, la totale discrétion, pendant sa mission,du médiateur Dominique-Jean Chertier, nommé par Fleur Pellerin en avril, est plutôt de bonne augure. C'est après plusieurs semaines d'écoute que Chertier a remis son rapport lors du dernier Conseil d'Administration du 23 juillet à la Maison de la radio. Comme les journalistes aiment l'écrire "nous avons pu nous procurer le document" (7 pages) dont vous trouverez les principales recommandations ci-dessous.

"Un corps social en forte tension"
Si le médiateur relève cet état de forte tension, moi-même dès le 24 mars, au 6ème jour de grève, assistant à la quatrième assemblée générale du personnel, je rendais compte à quelques uns de la tension énorme qui se lâchait dans les prises de parole des femmes qui témoignaient de nombreuses années de souffrance. Dans l'Auditorium quelques jours plus tôt il avait fallu toute l'arrogance du Pdg Mathieu Gallet pour définitivement cristalliser toute la colère du personnel retenue depuis de nombreux mois. 

"Les causes et les formes du long conflit"
• Présentation inattendue d'une situation financière dégradée,
• La précarité comme mode de gestion,
• Attitudes managériales dans certains secteurs de l'entreprise pour le moins contestables,
• Grande lassitude dû à un chantier de rénovation long, complexe et perturbateur,
• Plan stratégique inspiré par des études effectuées par des cabinets extérieurs,
• Relations de confiance dégradées entre les partenaires sociaux, mais au-delà entre les membres du personnel et les membres de la direction, 
• Utilisation de la précarité comme un véritable mode de gestion du personnel,

"Recommandations pour le cour terme"
          Aux personnels et leurs représentants
            • Si la confiance ne se décrète pas, pour autant les personnels doivent savoir dépasser le sentiment d'agression qu'ils ont assez largement et de façon sincère éprouvé,
          • Dommageable que ces personnels ne regardent le futur de l'entreprise que comme une dégradation inéluctable d'un passé dont ils tirent une fierté légitime,
          À la direction et les pouvoirs publics
          • Le Plan de départs volontaires comporte certains risques et inconvénients et ne doit être décidé qu'à la suite d'un ciblage très précis des secteurs et des populations concernées,
          • Envisager tout autre moyens pour parvenir au retour à l'équilibre des finances de l'entreprise,
          Aux pouvoirs publics
          • L'ambition de la création artistique, culturelle et musicale du pays devra être traduite dans le Contrat d'Objectifs et de Moyens (Com),

"Recommandations sur la durée"
• Planification plus précise des travaux du chantier de réhabilitation,
• Engager un vaste chantier de modernisation sociale,
• Organiser une information régulière de l'ensemble du personnel sur la situation financière de l'entreprise,
• Définir sans tarder un organigramme de direction et un fonctionnement de celle-ci faisant une part plus importante aux responsables d'antenne, (c'est moi qui souligne en rouge)
• Construire un mode d'organisation et de fonctionnement qui dépasse les débats entre verticalisation et transversalité et progresser vers une structure matricielle (?) qui associe activités opérationnelles et responsabilités fonctionnelles, responsabilités programmatiques et direction des moyens (1).

En conclusion "Le médiateur considère que Radio France aurait dû pouvoir faire l'économie d'un conflit qui, par sa durée exceptionnelle a gravement affecté les relations entre les différentes parties prenantes, notamment à l'intérieur de l'entreprise. Pour autant, ce long épisode conflictuel a mis utilement en évidence des dysfonctionnements graves et récurrents de la maison."

J'espère que M. Schrameck, Président du Csa, aura interrompu si c'est le cas, ses vacances toutes affaires cessantes, pour lire ce qui apparaît comme un discrédit supplémentaire de Mathieu Gallet et de sa gouvernance. Se repose la sempiternelle question "Quel plan stratégique Mathieu Gallet a bien pu présenter au Csa pour être élu à l'unanimité ? Quand on lit sa totale incapacité à gérer Radio France on regrette amèrement l'absence de transparence et l'opacité de la procédure

Jusqu'à quand va-t-on confirmer Mathieu Gallet dans ses fonctions dont on retiendra qu'il a été l'incitateur du plus long conflit social de la radio publique depuis 1968 ?

(1) Une explication de texte s'imposerait,… s'imposera !

vendredi 24 juillet 2015

Ni fait ni affaire… (avec ou sans plan)

Philippe Caloni, journaliste et homme de radio, anchorman de la matinale de France Inter avec Gérard Courchelle au milieu des années 80 savait sourire du jargon carcéral qu'employait la radio pour définir ses cadres de travail : des chaînes, des grilles (de programmes), des cellules (de montage)… 


Patrick Balkany


















Le jargon qui vaudrait aujourd'hui serait celui du bizness : business plan, plan d'affaires, BBZ (Budget base Zéro) et autres acronymes stimulants. Stimulants pour un Pdg de Radio France, Mathieu Gallet, qui a défaut d'être capable après 15 mois de proposer un "plan stratégique" jargonne pour essayer de faire passer l'"impassable" voire l'impensable. Et voilà qu'arrive… Patrick Balkany. Véritable chevalier blanc et défenseur acharné, c'est bien connu, des dépenses publiques, ce zélé député a déposé hier à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à la "privatisation de l'audiovisuel public". Rien moins.

Vite qu'on en appelle à la barre Giscard qui verra ainsi son grand-œuvre d'éclatement de l'ORTF s'achever en apothéose par la disparition définitive d'un foyer de gauchistes, trotskystes, et autres anarchistes pouvant atteindre à la sécurité de l'État (de siège) audiovisuel. Balkany enfonce le clou : "Par ailleurs, le manque d’objectivité et la partialité évidente de certains programmes diffusés sur ces chaînes publiques nous amènent à nous interroger sur le respect du devoir d'honnêteté, d'indépendance, de pluralisme de l'information et de l'expression pluraliste des courants de pensée, que le législateur avait également confié au secteur public, qui tend parfois à oublier ce devoir d’information objective au profit d’une information partisane."

On remarquera que pour balayer d'un revers de loi l'audiovisuel public Balkany se sert de la TV pour fusiller la radio : "En effet, la très grande diversité et qualité des programmes proposés sur les chaînes privées du câble et de la Télévision numérique terrestre (TNT) permettent de remettre en cause le maintien d’un audiovisuel public dépendant, au moins financièrement, de l’État. Ces chaînes privées très diverses permettent de répondre aux missions de « création » et de « production d’œuvres originales », « d’élargissement de l’offre des programmes et de développement de nouvelles techniques de production et de diffusion » que le législateur avait confié à l’audiovisuel public."

Et à la fin de l'envoi [il] touche
"Au regard de ces éléments et tirant toutes les conséquences de cette situation, cette proposition de loi vise à la privatisation des groupes généralistes de l’audiovisuel public que sont France Télévisions et Radio France, en excluant de cette privatisation les entités spécialisées ou au statut particulier que sont Arte France, France Média Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA)."

Allez tout ça va alimenter les gazettes pendant tout l'été. À bon entendeur salut !


Les radios régionales … 16/24



Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert


16. Un beau matin de 1975 !
Or donc, un beau matin, le 1er janvier 1975, les personnels de la télévision, de la radio, des émetteurs, des archives, de la recherche, de la production, se retrouvèrent dans sept sociétés distinctes (1). Un peu sonné, bien que majoritairement favorable et surtout curieux d'un nouvel essor, le petit peuple des radios régionales attendit la suite, qui ne vint pas ! 

La grande Histoire retiendra que le législateur sagace avait osé un rapprochement qui allait de presque de soi : dans France Régions 3, il y a régions. Dans radios régionales aussi, alors… La petite histoire retiendra quant à elle qu'une première version de la loi - fort heureusement non divulguée - ne disait rien à propos de ces radios (acte manqué ou tentative d'avortement ?) et que vite fait bien fait, un correcteur avisé s'empressa d'ajouter une note marginale aux fins de refiler le bébé à qui l'avait fait : FR3 ! Ni vu, ni connu… 

Plus sérieusement, et pour ceux qui voudraient voir là une incohérence du législateur, on se souviendra de la loi de juillet 72 portant réforme sur l'Ortf ! N'avait-on pas en quelque sorte préparé le berceau en créant la "régie" de la 3ème chaîne et en lui confiant la gestion des radios régionales (2) ? Notez qu'il n'y avait pas de scandale intellectuel à concevoir une société qui s'occupât à la fois de télévision et de radio ; c'est le cas en Suisse avec la RTS, en Belgique avec la RTBF, au Royaume-Uni avec la BBC créée en 1922… ou encore au Canada avec la Société Radio Canada (CBC en anglais) fondée en 1936. Mais il y a toujours eu en France, et il y a encore quelques esprits méfiants prompts à redouter que la manne budgétaire ne favorise plus la télévision que la radio.

Une suite qui ne vint pas, disions-nous… C'est être un peu sévère ! La douzaine de stations héritées de l'Ortf (3) se trouve du jour au lendemain gratifiée d'une nouvelle identité qui a le mérite d'attirer l'attention : "FR3, c'est aussi la radio…" Pour la première fois de son existence, la radio régionale va bénéficier d'un slogan et d'un brin de publicité qui passera même à la Télé ! Ambiance morose cependant, mêlée d'espoirs entretenus par quelques opérations fédératrices (bien que vaguement colonisatrices !) : on voit Gérard Klein débarquer à Lyon pour animer de sa fougue certaines tranches, puis Daniel Hamelin qui produit une astucieuse émission itinérante à travers les régions, "La péniche de FR3 Radio"…

Mais de créations, point… Si ce n'est à Caen avec le démarrage de FR3 Basse-Normandie en 1976 puis à Orléans en 1980 ; avec la toute nouvelle station de télévision FR3 Centre créée pour des raisons éminemment politiques, s'ouvrent FR3 Radio Centre et ses deux bureaux de Tours et de Bourges. Mais le fonctionnement est toujours le même : décrochage quelques rares heures par jour sur les fréquences de France Inter, pour un journal et un semblant de programme.

Mardi prochain : "Lutte fratricide"… 

(1) Le démantèlement de l'Ortf se traduit par la création de 7 sociétés ou Etablissements nouveaux : Radio France, Télévision française 1, Antenne 2, France Régions 3, Télédiffusion de France, Société française de production, Institut national de l'audiovisuel.
(2) Voir Episode 12 : "L'Ortf, un colosse aux pieds d'argile".
(3) Strasbourg, Bordeaux, Dijon, Besançon, Rennes, Nantes, Limoges, Nancy, Lille, Clermont, Lyon, Grenoble,Toulouse.

© Gérard Coudert/Radio Fañch

jeudi 23 juillet 2015

Simple comme un coup de fil…

© Eric Chaverou
Le Pdg de Radio France, Mathieu Gallet, prend vraiment les auditeurs pour des billes. Et aussi par effet redondant l'ensemble du personnel de Radio France. Il s'imagine sans doute que les auditeurs gogos, pour être sûrs de ne rien savoir sur la suite du conflit social de printemps (1), se contentent d'écouter la radio sans lire aucun journal, sans écouter les radios privées, sans lire aucun communiqué sur tel ou tel site d'infos. Suffisant et "fort" de sa superbe - qui craquelle - il continue à plastronner et à se répandre en communication désastreuse. Jugez-en. Jeudi 16 juillet Gallet répond à une interview sur le site du Monde.fr. (2)

À la question d'Alexis Delcambre : "Vos relations avec la ministre de la culture, Fleur Pellerin, restent délicates. Pourquoi cette animosité ? Gallet répond : "Je n’ai pas revu la ministre depuis la fin de la grève. Je suis étonné de ce manque de communication. Au-delà de nos relations personnelles, nous n’avons à ma connaissance aucun différend et partageons le même point de vue pour un service public fidèle à ses valeurs et moderne dans son organisation.". Méthode Coué augmentée de l'enfilage de perles (de culture) et vous avez là le summum du foutage de gueule. 

Il semble bien que Fleur Pellerin n'ait pas du tout apprécié le propos "ingénu" du Pdg. Ce qu'elle ne manqua pas de faire savoir à l'intéressé ce mercredi 22 juillet, sise dans les studios même de France Culture au cours de la matinale.



Le 7 avril déjà au micro de Patrick Cohen sur France Inter la Ministre avait fait passer ses messages. Cette fois-ci Gallet a beau être derrière la vitre en régie, Pellerin annonce : "Je suis à la disposition de Mathieu Gallet pour évoquer des sujets de gouvernance, de stratégie d'entreprise. La méthode est simple, il suffit de prendre son téléphone et d'appeler mon secrétariat et de prendre rendez-vous". Il faut avoir une sacré dose de morgue pour accepter de se faire tancer dans "sa" propre Maison. L'image de la communication de Gallet part en lambeaux et on se demande une fois de plus à quoi peut bien servir Denis Pingaud le conseiller en communication recruté à grands frais.

Mardi 21 juillet lors d'un Comité Central d'Entreprise (CCE) Gallet avait paru intransigeant sur sa proposition d'un plan de départ volontaire de 350 personnes, quand les syndicats faisaient valoir qu'il fallait envisager d'autres alternatives. Celle entre autre qui permettrait un retour à l'équilibre en 2018 sans plan de départ. Le Ministère de la Culture s'est dit lui-même ouvert à un plan alternatif. Et un deuxième coup de pied de l'âne pour Gallet qui n'en peut mais…

Question de Delcambre (2) : "Où en est la médiation instaurée après la grève ?" Gallet : "Le médiateur a permis de réinstaller un dialogue social constructif." Là on est carrément dans l'auto-persuasion, non ? L'ambiance à Radio France est toujours aussi délétère, France Culture est "décimée" et France Musique dans l'expectative. Quant à Fip plane toujours l'ombre d'un transfert radical au web. "Les web-radios qui doivent enrichir l’offre de FIP et de France Musique" insiste Gallet au cours de l'interview. Quel sens donner à "enrichir" si cela s'accompagne de l'appauvrissement de l'offre en ertzien ? 

Et pendant ce temps où est Charlie Schrameck ? Ça lui fait quoi au Président du Csa d'avoir "choisi" un tel Pdg de l'audiovisuel qui accumule les discrédits ? N'est-il pas lui-même du haut de sa propre superbe discrédité ? Quant au président de la République qui l'a nommé qu'en est-il de son propre discrédit ? Effet domino désastreux qui ne fait qu'enfoncer l'audiovisuel public dans une spirale d'abandon et de mépris. L'incompétence est au sommet de l'Élysée, à l'étage inférieur du Csa et au sous-sol du Pdg de Radio France. L'été n'y fera rien, le ver est dans le fruit et il va falloir faire très vite si l'on ne veut pas que la pomme entière pourrisse (3).

(1) 19 mars au 17 avril, 28 jours de grève
(2) Édition abonnés,
(3) L'article du Parisien à 18h45.