Un feuilleton d'été en 24 épisodes, du mardi au vendredi
par Gérard Coudert
20. Branle-bas de combat 80/82
A l'avant-veille de l'accession de la gauche au pouvoir en France, dès 1980, une sorte de frénésie s'empare des états-majors politiques et des staffs de la radiodiffusion. Chacun y va de son projet, rêve de radio et se place sur l'échiquier audiovisuel. On sait bien que la promesse de libéralisation (libération ?) des ondes annoncée par le candidat socialiste est inévitable et que de fait, le monopole de l'audiovisuel n'y survivra pas… D'autant moins qu'il semble bien improbable que l'on puisse désormais endiguer la déferlantes des radios libres.
En Europe, les Radios Libres (dites radios pirates sous Giscard) ont un lointain passé ; en Angleterre d'abord, avec Radio Caroline en 1964, puis en Italie où l'annonce par Radio Alice en 1976 de la mort d'un militant provoque une journée d'émeute à Bologne… Des centaines de stations voient le jour à partir de 1977 (1), d'abord militantes puis de plus en plus exclusivement musicales. La France où l'on s'équipe illégalement d'émetteurs italiens, n'est pas en reste : au début des années 80, pirates ou libres, comme on le voudra, associatives, communautaires, politiques, syndicales ou simplement musicales, les radios fleurissent sur la bande FM (2).
Dans ce contexte, Radio France dont l'audience faiblit depuis quelques années et qui prévoit une rude concurrence à venir dans les régions, avance ses pions. Ainsi sa Pdg Jacqueline Baudrier (3), inspirée notamment par Daniel Hamelin, va créer en 1980 trois stations de conception nouvelle en "province" : Radio Mayenne (Laval) de dimension départementale, Fréquence Nord à Lille pour une expérimentation sur une agglomération et Melun FM, dite radio de proximité. Succès immédiat, surtout pour les deux premières : Melun FM dont le dimensionnement semble difficile à trouver devient un an plus tard Radio France Seine-et-Marne puis Radio France Melun pour finalement fusionner en 2006 avec La City Radio de Paris (4).
Ceci dit, l'histoire rabâchée à l'envie de ces trois premières "décentralisées" pourrait faire oublier l'avènement rapide en 1982 sous la présidence de Michèle Cotta, de celles de Châteauroux, Guéret, Périgueux, Avignon, Amiens, Belfort et Quimper5. Ce qui, sans constituer encore un réseau remarquable, représente un capital précieux, alors que le sort des radios de FR3 (il y en a 20…) qui vont tomber dans l'escarcelle de Radio France au matin du 1er janvier 1983 n'est pas encore scellé. Mais n'y avait-il pas alors comme un secret désir de voir disparaître corps et biens ces radios locales historiques ?
Mardi prochain : "FR3, le quai de l'oubli"…
(1) A la fin 1975, la Cour constitutionnelle italienne avait émis un jugement remettant en cause le monopole d’Etat sur la radiodiffusion…
(2) En 1981, 1600 autorisations d'émettre sont accordées aux seules radios associatives…
(3) Nommée en janvier 75, Jacqueline Baudrier assure 3 mandats successifs jusqu'en septembre 81,
(4) Actuellement France Bleu 107.1 … En fait, une radio parisienne qui prend le relais des locales lorsqu'elles n'émettent plus, à la mi-journée ou la nuit ! Ce qu'on appelle élégamment la "tête de réseau",
(5) Radio France Berry Sud, RF Creuse, RF Périgord, RF Vaucluse, RF Picardie, RF Belfort, RF Bretagne Ouest.
© Gérard Coudert/Radio Fañch