dimanche 30 septembre 2012

La radio c'est ça aussi…




4 septembre. Nous avons commencé notre conversation au vingt-deuxième étage de la tour de la Maison de la Radio. Simplement. Sans fioritures. Hum ! Hum ! On parle des Fipettes dont je me suis permis de dire à l'une d'entre elles que Jean-Luc Hees avait commencé sa carrière de journaliste… à FIP (1). On parle de Jean Garretto au présent… du singulier. Des timides. Ou comment le même Garretto savait, timide lui-même, désinhiber les timides. Exemple à l'appui (2). On parle de Jean Yanne. À cause du clip de promotion de France Musique. De son fils musicien. De quelques mimiques de mon interlocuteur qui rappellent celles du-dit Jean Yanne. De "Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" satyre tendre du monde de la radio au début des années 70, concoctée par Yanne et Gérard Sire… Gérard Sire qui venait voir mon interlocuteur pour lui demander de lui proposer un disque d'illustration sonore pour un de ses contes radiophoniques…

Voilà toute la magie de la radio. On enfile les noms des productrices ou des producteurs, les noms d'émissions, les perles, les boulettes, les suspens, les émotions et les moments magiques. Enfin disons que c'est ma façon de faire et, chance ou pas, ça marche avec chacun de celles et de ceux avec qui j'évoque "les riches heures de la radio".

Là, à cette heure, ni riche ni pauvre, mon interlocuteur est sur une île de l'Atlantique. Face à la mer, et peut-être face à l'Amérique. Ou peut-être dans quelques guinguettes où, quelques subtils tempos l'ont incité à tendre l'oreille. Tendre l'oreille, c'est son métier et ça ne m'étonnerait pas que, même en vacances, il se laisse guider par elle. Les embruns, le ressac, les vents fous, les goélands et la sirène du bateau qui fait la navette vers le continent seront sa symphonie permanente. Profitez bien Monsieur, et dans la douceur ou la fureur de ces éléments, si cela vous en dit encore, parlons-nous en fin de semaine !

(1) Initialement France Inter Paris en Ondes Moyennes, créée en 1971 par Jean Garretto et Pierre Codou, puis aujourd'hui Fip,
(2) Bon, l'exemple concerne la Madeleine qui ne viendra pas ce soir et je garde le secret jusqu'à parution (vendredi ou samedi prochain).

samedi 29 septembre 2012

Pierre Schaeffer…







"Toute ma vie j'ai cherché des chercheurs" disait Pierre Schaeffer, et moi "toute ma vie" j'ai cru que Pierre Schaeffer faisait dans la musique concrète sans jamais chercher plus loin que bout de mon oreille ! Viva l'ORTF (1) qui avait permis la création du Service de Recherche en 1960, Service qui, telle une météorite, a explosé en 1974 à l'éclatement du dit ORTF (2). "L'originalité de ce service c'est qu'il s'est occupé de recherches dont personne ne s'occupait".

"C'était à la fois libre et organisé, on disait [chaifair] et non pas [chaifeur], Pierre Schaeffer, faire, faire, dans "Schaeffer" y' avait chef, j' sais faire, laissé faire, des assonances comme ça… C'était quelqu'un de tout à fait intéressant, chef de bande, grand berger, intéressé par l'expérience humaine…" "Grand berger" le beau qualificatif, même si l'on peut imaginer que dans son service il n'y avait aucun… mouton, mais des chercheurs fous et passionnés.

On comprend bien pourquoi en 1974, le pouvoir a constitué sept entités autonomes en "oubliant" le Service de Recherche déjà trop autonome, inventif, créatif et dérangeant. À trop inventer ne risquait-on pas de bousculer (de renverser) les schémas bien lisses de la radio et de la télévision qui assurent, et rassurent auditeurs et téléspectateurs qu'on a très méthodiquement enfermés dans ces mêmes schémas ? (4). L'exemple des Shadoks en est l'exemple le plus emblématique (5).

L'atelier de la création de jeudi dernier, que vous pouvez réécouter ci-dessous, m'a donné des fourmis dans les oreilles. Surprenant qu'au sein de Radio France quelque "allumé" ou autre "inventeur fou" n'ait jamais pu relancer ce Service (6) ? Surprenant que les nouveaux animateurs/producteurs ne soient pas incités à écouter les "petites perles" archivées par l'Ina. À entendre l'échange houleux sur la création télévisuelle on comprend bien comment la majorité "bien raide dans ses bottes" a fini par étouffer la minorité à la poétique définitivement effervescente.

Qui voudra suggérer au Pdg de Radio France, Jean-Luc Hees, qui a été à l'école du laboratoire-atelier de Jean Garretto et Pierre Codou (7), la création d'un nouveau Service de Recherche qui, s'il devait intégrer la direction des Nouveaux Médias, aurait pour objet de s'intéresser aux contenus diffusables à la radio et sur tous les supports complémentaires ?

Comment ne pas conclure avec la pré-science de Schaeffer "Il y a beaucoup trop de paroles en l'air, beaucoup trop d'images devant nos yeux, je pense qu'il faudrait au lieu de vouloir assommer des masses de consommateurs de produits standards, de produits moyens qui plaisent à tout le monde, je pense qu'il faudrait apprendre à sélectionner les publics, à apprendre aux gens à récupérer une vie personnelle, à ne pas entendre tout le temps, à ne pas regarder tout le temps. Il est bizarre qu'un homme des mass-médias finisse par ce conseil…"

(1) Office de Radio et de Télévision Française, 1964-1974,
(2) Merci Giscard, 
(3) Thierry Garrel, producteur, 
(4) Et en premier lieu l'État, la tutelle qui ne paye pas pour être renversée, 
(5) Les Shadoks est une série télévisée, créée par Jacques Rouxel en 1968,
(6) Qui après de nombreuses tractations de Schaeffer envers la tutelle s'installera à l'Ina, mais sans Schaeffer…
(7) L'oreille en coin, France Inter, 1968-1990, les samedis et dimanches.

vendredi 28 septembre 2012

Pentimento…

J'aime cet instantanné !







Le voici, le voilà. Je n'ai pas réussi sur le player de l''Ina radio (1) à écouter l'émission que Paula Jacques a consacrée à Kriss Graffiti, le dimanche 24 novembre 1991, et c'est la raison pour laquelle je n'ai pu publier hier un billet sur le sujet. Après avoir mis à contribution Hervé Hist (2) pour me sortir de ce pétrin, j'ai fini par capter (sans parasite) ce Pentimento "exceptionnel".

C'est un dimanche de novembre, le mois noir, et Kriss vient nous donner un peu de sa lumière. Paula Jacques, animatrice et productrice de radio à France Inter, reçoit sa consœur Kriss qui vient d'accoler Graffiti à son pseudo de rêve. Inventé pour être libre vis à vis de l'engagement politique de son père Georges Gorce (3). Paradoxe d'une situation : Paula Jacques invite Kriss pour parler de son "dernier" livre (4), n'en parlera presque pas (un tout petit peu en fin d'émission), pour finalement beaucoup parler "autour". Bien sûr pour qui aime Kriss c'est savoureux. Et c'est une Kriss absolument elle-même qu'on entend. Simple, franche, joyeuse, libre et pertinente. Elle ne joue ni l'écrivaine, ni la star de radio. Elle ne joue pas. Elle est Kriss. C'est suffisamment exceptionnel, particulièrement quand on exerce une fonction médiatique, cette honnêteté vis à vis des autres comme vis à vis de soi-même, qu'il faut bien le souligner.

Paula Jacques conduit son émission à sa guise mais a sans doute un peu raté le coche en voulant "enfermer" Kriss dans un déroulement un peu trop stéréotypé (5). Si Kriss, évoquant sa jeunesse, précise qu'elle n'écoutait pas du tout la radio, elle insiste sur l'écoute de chansons et particulièrement une qui l'a vraiment troublée. "Cœur de palmier" de Charles Trenet. "C'était fabuleux, je pouvais l'écouter deux milliards de fois, elle faisait un peu peur. Trenet délire. C'était mystérieux et impressionnant. Je ne l'ai pas réécoutée depuis des siècles…" Et là Marie-Christine Thomas, la réalisatrice, envoie la chanson. Un petit bijou ciselé et théâtral à la Trenet. Des jeux de mots. Des mots appuyés, joués, moqués qui, à eux "seuls" font toute une histoire. La chanson se termine et Paula Jacques change de sujet.

Quel dommage ! Cette chanson aurait permis à Kriss d'exprimer tout son univers onirique, fantastique, érotique, dramatique, poétique… Il fallait rebondir sur cette chanson et Kriss nous aurait d'elle-même entraîné dans la matière de son roman. À trop suivre un conducteur (d'émission) ou de ne pas assez prendre la fibre de son invité (quand bien même, exercice difficile, c'est une consœur) on fait passer l'auditeur à côté d'une intimité que Kriss, par petites touches, aurait su dévoiler, à la mesure de sa pudeur et de ses secrets. Paula Jacques semblait au-dessus ou "à côté" mais pas "avec". Pentimento c'est le repentir en peinture. Et le repentir il est là : la galaxie Kriss est inexplorable en 55mn. Plutôt que de prendre le parti de tout explorer, fallait-il sans doute se contenter d'essayer d'attraper une poussière d'étoile ?

(1) Ce player "archaïque" qui promet de belles choses ne permet pas de choisir parmi la sélection proposée l'émission que l'on aimerait écouter en priorité. Il ne permet pas non plus les retours en arrière ni même l'avance forcée, voir billet ici,
(2) Passionné de radio qui réalise l'audioblog "Atlantic",
(3) Différentes fonctions politiques (maire, député) mais aussi Ministre de l'Information du Général de Gaulle en…  1968,
(4) Le fils de la tortue, Acropole, 1991,
(5) Je reviendrai prochainement sur "l'art de l'écoute" qui fait pendant à l'art radiophonique et qui renvoie au billet "De l'œuf ou de la poule".

jeudi 27 septembre 2012

TTL…


Albert Einstein (Pas A.P.)










Mes chers auditeurs, il fallait bien que ça arrive une fois (comme ils disent à la radio). Mon "invitée" n'est pas arrivée ! Et pourtant ce cher assistant (il sera cité dans la désannonce), a fait tout ce qu'il fallait pour que ça fonctionne et que le son parvienne par la voie des internets jusqu'à mes oreilles. Mais ça a bloqué ! Trop lourd, trop vite et pas assez de filet. Et pourtant les filets j'ai l'habitude de les lancer assez en amont pour que la pêche soit bonne et que je ne sois pas pris au dépourvu. Mais en ce début de Saison2 je n'ai pas encore eu le temps de me confectionner un ou deux billets de secours. Donc je vais improviser en live.

Quand vous lirez ces lignes dans la journée, j'espère qu'elles vous donneront envie de sourire, car quand même j'aurai bien voulu évoquer ce vendredi un Penti… (1). Je profite donc de ce "blanc" forcé pour vous raconter une anecdote radio.

16 juillet 2011, 18h
J'ai rendez-vous porte F de la Maison de la radio pour l'enregistrement de la "Mythologie de poche d'un auditeur" que Thomas Baumgartner a décidé de me consacrer (2). Je passe les portiques, salue la vigile et m'assoie dans un fauteuil en attendant que Yaël Mandelbaum (attachée d'émission) vienne me chercher. Quand arrive un hirsute personnage, genre de Tournesol perdu dans ses pensées, qui apostrophe la vigile par ses mots : "J'ai oublié ma carte de presse, mais vous me reconnaissez ?" Visiblement la vigile ne reconnaît rien du tout et accompagne le "Professeur" jusqu'au bureau du vigile chef. 
- Tenez, Monsieur, lui dit-il en lui tendant un téléphone, appelez quelqu'un qui viendra vous chercher… 
Quand Tryphon reposa le combiné, je me permis de lui dire  :
- C'est quand même dommage que les vigiles ne connaissent pas les voix de radio… ! " 
- Ils ne connaissent pas celles de France Culture, me répond-il tout de go.
- Mais moi je vous connais…
Il relève un peu le menton en ayant l'air de me dire "Ben, qui je suis alors ?"
- Vous êtes Antoine Perraud, mais je n'ai aucun mérite. Non seulement j'écoute votre émission (Tire ta langue/TTL) mais en plus vous avez une voix bien caractéristique.
En se fendant d'un large sourire il me dit :
- Alors vous pourriez témoigner pour moi…
Je souriais, assez joyeux d'être "dans la radio". La voix d'abord aussi mémorisable qu'une image.

(1) Les amateurs de radio de plus de 30 ans devraient commencer à imaginer le titre complet de ce billet…
(2) Une émission diffusé chaque vendredi pour la saison 2009-2010 dans les "Passagers de la nuit", France Culture, 23h. Puis une deuxième série au cours des cinq semaines de la grille d'été 2011. En tout ce sont 60 "Mythologies" réécoutables sur le site de France Culture.

mercredi 26 septembre 2012

De l'œuf ou de la poule…








Hier après-midi deux éminents personnages de radio s'interrogaient via l'Oiseau bleu (site de micro-blogging) :
Syntone : "La radio quotidienne permet-elle de mieux entendre la création radiophonique ?"
Christian Rosset (1) lui répond cash : "Inversons ! L'écoute de la création radiophonique permet de mieux entendre la radio quotidienne : avec une oreille critique !


Entre les deux mon cœur balance. Je vais tenter de dire pourquoi. J'ai commencé par beaucoup écouter de radio dès l'enfance sur des stations qui me "tombaient sous la main" (Inter, Europe1, RTL). Cela m'a permis d'installer une relation privilégiée avec ce média. Si bien qu'à l'adolescence je n'aurai pour rien au monde loupé un numéro de Campus (2), du Pop-Club (3) ou un peu plus tôt dans la soirée des "400 coups" de Claude Chebel (4). Ou même le jeudi matin, Pierre Wiehn et son "Faisons bon ménage". Pourtant pour mille raisons j'en ai loupé plusieurs de ces émissions. Mais dans l'ensemble (pas de TV à la maison) la radio m'était devenue dès l'époque, indispensable.

C'est Gérard Sire, qui trouvant chaque jour dans son Omnibus l'occasion de nous dire un conte, a commencé à me faire prendre conscience que la voix (sans autre artifice de création) pouvait transformer l'écoute. Je veux dire passer d'une écoute distraite à une écoute très attentive. Je l'ai déjà écrit Gérard Sire était absolument captivant avec sa part de mystère et de mélancolie (5). Était-ce pour autant de la création radiophonique, j'en sais fichtre rien ?

Puis Jacques Pradel, Claude Villers,  Henri Gougaud et quelquefois Pierre Bellemare, grâce au pouvoir d'accroche de leur voix, m'ont amené doucement vers d'autres formes de radio élaborées et c'est ainsi que je plongeais dans France Culture (milieu des années 80). Et là, la palette fût fabuleuse, quelquefois déroutante et toujours riche pour l'imaginaire. Je ne cite pas aujourd'hui les émissions qui m'ont attaché à la chaîne. J'en ai parlé dans d'autres billets.

Mais voilà que ces bonnes habitudes de radio élaborée m'ont très vite détaché de la radio de talk et même de la radio de l'infini talk. Quand sur certaines chaînes publiques aujourd'hui il n'y a plus aucune émission sans un invité prétexte, caution, faire-valoir. Je reste forcément nostalgique de ces passagers surpris par les nuits magnétiques. Et j'attends toujours pour le soir (après 20h30) de belles émissions de création…

Alors oui, c'est en devenant de plus en plus exigeant pour les émissions de flux (de paroles, de musiques et de bla-bla politique) que j'ai accroché la création radiophonique. Mon oreille est devenue critique (cf Rosset) au point de ne plus supporter le bavardage et le trop-trop-plein d'info. En fait, ce que j'aime par-dessus tout à la radio c'est qu'on me raconte des histoires et, qu'au-delà de la voix, on sache y mettre ce supplément d'âme qui tient justement de la création radiophonique.

Je conclurai avec la pensée du jour de Rosset "Mon besoin de radio est impossible à rassasier - et l'exercice ininterrompu du regard (le goût des images) ne m'apporte aucune consolation."

(1) L'homme qui défie les lois de la gravité de Twitter et qui s'ingénie à écrire en 139 signes est par ailleurs compositeur et producteur de radio à France Culture,
(2) Europe1, 1968-1971, par Michel Lancelot,
(3) France Inter, par José Artur depuis la nuit des temps… 
(4) France Inter, années 60,
(5) Si tout va bien, pour la Madeleine de dimanche, je vous ferai part d'une anecdote savoureuse à propos de Gérard Sire.

mardi 25 septembre 2012

Un bon mot… une belle idée

Jean-Noël Jeanneney





J'aurais bien aimé prendre un peu de "Auteur de vue" aujourd'hui à la Scam (Société Civile des Auteurs Multimédia). Y'avait du beau monde et comme d'habitude j'aurais tendu l'oreille vers les discussions autour de la radio. J'ai suivi sur l'Oiseau bleu (Twitter), en différé, les différentes interventions. Elles seront en ligne avant la fin de la semaine.

De ce que j'ai pu lire, j'ai extrait le très bon mot de Jean-Noël Jeanneney "Je ne sais pas ce que le passé nous réserve". Excellent, subtil, provocateur et pertinent. Le producteur sur France Culture de "Concordance des temps" (1) a, par cette belle pirouette, rendu un bel hommage aux historiens, aux archivistes, aux documentalistes. J'aurai tendance à lui répondre " Réservons-lui une chaîne de radio publique dédiée aux archives" (2). L'ancien Pdg de Radio France ne serait-il pas le meilleur ambassadeur d'une telle idée ? Je ne vais pas lui écrire une Lettre ouverte, mais une lettre "fermée" car j'aimerai vraiment connaître son avis sur le sujet. Et vous mes chers auditeurs qu'en pensez-vous ?

(1) Chaque samedi de 10h à 11h,
(2) Vous me pardonnerez mes chers auditeurs de réenfourcher en moins de temps qu'il ne faut pour le dire un de mes chevaux de bataille préférés.

lundi 24 septembre 2012

Urgence… quelle urgence ?

La Terre vue de l'espace…




J'ai évoqué il y a quelques jours Urgence , la radio de Solidarité et de Service de Radio France. Aujourd'hui je me demande s'il n'y a pas urgence à sortir de la nasse de l'information. Son empilage, son gavage incessant ne laissent plus de place à l'imaginaire et encore moins à prendre du recul. C'est bien connu "une information chasse l'autre" et cette tyrannie finira bien par produire l'effet inverse à celui recherché. Quel directeur de rédaction, quel responsable de programmes pourrait honnêtement reconnaître que "trop c'est trop" ?

Radio France, avec la diversité de ses chaînes publiques, a donné la possibilité aux auditeurs de choisir ses thématiques et de picorer à sa guise dans la musique, la culture, le divertissement, et… l'information. Même si l'identité de ces chaînes et les angles spécifiques qu'elles peuvent apporter à une information participent de la diversité de l'information, je m'interroge sur l'opportunité, pour une chaîne dont ce n'est pas la vocation première, de mettre en œuvre tant de moyens financiers et humains au juste effet de la diversité d'approche, au seul titre de "couvrir" cette information.

France Culture est aujourd'hui en Syrie, pourquoi ? Pourquoi la Syrie plus que le Chiapas (dont aucune chaîne du service public ne parle sauf quand le Sous-Commandant Marcos est en panne de tabac pour sa pipe). Pourquoi la Syrie plus que la solitude des Îles Kerguelen, ou de celle des Îles Aran, ou de l'Archipel de Molène. La forte inclination pour le monde d'Olivier Poivre d'Arvor, directeur de la chaîne, pourrait-elle se traduire par des journées spéciales qui n'auraient rien à voir avec l'actualité chaude, à vif et sensationnelle. Pourquoi France Culture ne passerait pas une journée en Combrailles, Anne-Charlotte Pasquier a ouvert les chemins et il y a encore beaucoup à en dire. Pourquoi pas à Portsall (29) où Jean-Guy Coulange au delà de la marée noire a su poser quelques jalons de découverte et d'humanité. Pourquoi ne pas descendre la Loire et prendre la mesure de ses diversités. Pourquoi pas ?

Dans tous ces pays où "il ne se passe rien" il se passerait tout. Tout ce qui fait la vie. Sans rien d'autre de sensationnel que l'application des bergers à distinguer les sons des cloches de leurs brebis. Sans rien d'extraordinaire que l'attention des femmes de cette île à "faire bouillir la marmite". Sans rien d'exceptionnel que cette diversité culturelle appliquée à cette petite cité d'Alsace, de Picardie ou de Provence. Sans rien de médiatique que la vie simple.

C'est quoi cette fureur à suivre l'événement mondial dans l'air du temps ? Dans l'instantanéité du temps qui ne donne prise qu'à la répétition incessante de l'événement pour l'événement. "Ça ne se vendrait pas" une journée avec Bjork en Islande et la vie quotidienne de ceux qui l'entourent ? "Ça ne se vendrait pas" la vie quotidienne des Navajos du Nevada, celle des nomades de Mongolie, celle des inconnus de Sibérie ou celle des paysans de Casamance ? Pourquoi France Culture reproduit-elle à satiété le schéma de l'info médiatique ?

Je n'écouterai pas les émissions en direct de la Syrie aujourd'hui. Je peux avoir de la compassion pour le peuple syrien sans être obligé d'appréhender ses difficultés et ses réalités par un "tambour" radiophonique qui ne me convient pas. Si le sujet me passionne ou m'interpelle je dispose de nombreux moyens pour m'informer et ce n'est pas de France Culture que j'attends cette information. J'attends de France Culture qu'elle défriche l'indéchiffrable (sic), qu'elle me surprenne par sa différence, qu'elle me donne envie d'aller compléter ailleurs "mon" savoir ou mes questionnements. Pas quelle reproduise le modéle dominant de l'info.

Prenons pour conclure l'exemple de Fip. Fip ne copie rien, invente, innove et reste elle-même ! Beaucoup de musique, peu de paroles et des associations originales et typées avec le livre, le cinéma et bientôt avec les vinyles. C'est ça qui fait la force de Fip : ne pas céder aux sirènes de la modernité, de l'actu ou de l'événement. Il serait temps que France Culture en prenne de la graine ! Il y a urgence.

dimanche 23 septembre 2012

Adèle… en mon carnet






Paris, 4 sept., Café l'Atlantique, Montparnasse. On aurait pu se rater. Description minimaliste. Foule sentimentale. Adèle en terrasse. Ma pomme à l'intérieur. Adèle est généreuse, je suis têtu. On finit par se trouver. Terrasse. Foule pressée. On rembobine 40 ans de carrière… à la vitesse du son. (1)

Carnet 
(des noms, des titres d'émission, le kaléidoscope d'une réalisatrice, work in progress)
Jean-Michel Brosseau. Jean-Pierre Pineau. (producteurs à France Inter). 1973 : Adèle débute à Canal 3-6 (FI), émission de nuit. Trois animateurs : Jacques Pradel, Michel Touret, Jean-Louis Foulquier… Studio de nuit (Foulquier)(2). Adèle s'occupe de préparer les plateaux (2). Maryse Friboulet (réalisatrice). Saltimbanques (Foulquier). Studio 105. Puis studio aménagé dans les coursives du 1er étage. Grâce à Pierre Wiehn (directeur de F.I.). Il y avait de l'argent pour la radio.

L'Oreille en coin (milieu des années 80). 5/6 ans (4). Jean Garretto. Bain de minuit (4) (Foulquier). Y'a d'la chanson dans l'air (Foulquier). "Nous étions tout le temps en tournée : Lara, Lucide Beausonge. 3 semaines sur les routes. Émission en direct avec un concert de l'artiste. L'apothéose professionnelle, le concert d'Higelin. Fête de la musique. Juin 81. Paris" De ses années Foulquier Pierre Wiehn dira : "Adéle, la bonne conscience de Jean-Louis Foulquier" (5).

Chouquet, Farkas, Blanc-Francard (6). Avec Olivier Nanteau (producteur FI) Adèle réalisera les pubs institutionnels de Radio France. Les bleus de la nuit. Michel Bichebois (producteur). Déceler les futurs animateurs radio. Sortiront : John-Paul Lepers, Christophe Dechavanne, Philippe Dana. À l'époque des "Pleins et des déliés" (7), courte émission de Clémentine Célarié (qui venait de Radio7). Période Mermet : Chair de poule, Bienvenue à bord du Titanic.

Brigitte Patient (8). Du coq à l'âme. Guerre du Golfe (1990-1991). "Les journalistes ont saccagé l'antenne avec, en pleines émissions, leurs interventions intempestives". Pierre Bouteiller (directeur de FI) interdira à l'antenne le passage de la chanson d'Art Mengo "Caïd Ali". Sylvie Coulomb. Kathleen Evin : L'éphéméride, Suspension de séance. Scoop de Kathleen à la mort de Mitterrand obtient l'interview de Pierre Mauroy.

Période Chancel : Les guetteurs du siècle, Figures de proue… Puis initié par Chancel un triptyque qu'Adèle réalisait le vendredi sur France Culture, le samedi sur Inter et le dimanche sur France Musique. Et une mini révolution dans la maison ronde pour qu'une réalisatrice "au cachet" marche sur les plates-bandes des réalisateurs "attachés" (aux chaînes)(9). Puis Gérard Lefort Passées les bornes il n'y a plus de limite. Paula Jacques, Nuits noires, Cosmopolitaines. Colombe Schneck, Éric Lange (le chouchou). Partir avec… de Sandrine Mercier et Stéphanie Duncan. "Dans Partir avec…  on faisait de la radio de haute volée, et du mixage sans filet, en direct".

Fabienne Chauvière pour Les Savanturiers le samedi à minuit (à 22h cette année)… puis . Kriss le dimanche après-midi. Laurence Bloch, ses débuts de journalistes sur Inter avec Ralph Pento. Frédéric Schlessinger (10) "attachait beaucoup d'importance à la qualité sonore. Il fut un bienfaiteur pour les réalisateurs car il nous a donné une parole que nous n'avions pas

Quelle belle conclusion "Les réalisateurs ont la parole". Adèle a pris le temps de me donner la sienne. Sensible, humaine et douce. Autant de souvenirs et de milliers d'heures passées à la radio et une si grande humilité. Je vous ai vu, Adèle,  arriver à L'Atlantique votre bonhomme de chemin. J'ai cru immédiatement voir Zouc que vous avez reçue à Studio de Nuit. L'une parle, l'autre pas. Mais si elle parle. Merci Adéle.

(1) Avant de devenir réalisatrice, Adèle a été "attachée d'émission",
(2) "Ferré, comme Brassens c'était des moments exceptionnels. C'était hallucinant pour moi",
(3) Pas les plateaux repas, les plateaux d'invités
(4) Des noms surgissent : Katia David, Paula Jacques, Ronald Mary, Jean-Jacques Pelletier, Denis Cheyssoux, Emmanuel Den, Serge Le Vaillant, Leïla Djitli…
(5) In Antibuzz, 25 août 2012, France Inter,
(6) directeurs et/ou directeurs des programmes de France Inter.
(7) Principe de grille de programme de Jean Garretto, directeur des programmes d'Inter (1983-1990). Garretto qui "rapprochera" en un cocktail détonnant Clémentine et Julien Delli Fiori.
(8) Qui vient de la radio suisse, Couleurs 3,
(9) Ce triptyque m'intéresse, j'enquête de ce pas,
(10) Directeur de France Inter, 2006-2009

samedi 22 septembre 2012

Les ondes tournent encore…

 





Mes chers auditeurs, il faut aller régulièrement sur le site de l'Ina pour écouter une sélection d'archives radio. Voici celle en ligne actuellement (1) :
"Le plus drôle de nos académiciens, Jean d'Ormesson, au Tribunal des Flagrants délires il y a déjà 30 ans", (2). Quelle date ? Rien ne nous le dit et c'est dommage de ne pas connaître précisément la date initiale de diffusion, l'heure de début et de fin et la liste des intervenants. D'Ormesson égal à lui-même et régal pour les oreilles tant il sait, avec ce qu'il faut de perfidie et d'auto-dérision, se moquer de lui-même. Villers avait sa bande, mais chacun dans un rôle établi, chacun écrivant qui sa plaidoirie, qui son réquisitoire. Rien à voir avec un café du commerce où il suffirait de "jacasser".

"L'automne" de Jean-Marie Pelt, est extrait de l'émission quotidienne (Histoires de plantes) de ce botaniste "fou" qui, grâce aux pleins et aux déliés de Jean Garretto, directeur d'Inter à l'époque, tissait chaque jour la toile de la nature, à nous (me) donner envie d'être encore plus attentif aux fleurs, aux plantes, aux arbres… Ses mini-leçons d'écologie étaient un enchantement, tant le pédagogue était passionnant. Ses histoires scientifiques étaient de vrais contes. L'animatrice (ici on dirait bien Marie-Odile Monchicourt) qui était à l'antenne pour une longue session d'après-midi (deux heures trente consécutives 14h-16h30, puis 16h30 -19h pour une autre) intervenait à bon escient, relançait l'intervenant et prenait part à la discussion.Le tout avec fluidité.

Voilà les autres émissions proposées : Le pays d'ici (3) : "La mer toujours recommencée dans ce magazine sur le port du Guilvinec". Une des mille pièces des Maîtres du mystère "une Soirée d'automne" de circonstance ; Jean-Jacques Rousseau évoqué par Michel Foucault (1/4), et pour finir en beauté, la création de "love me do", premier tube des Beatles en 1962 et Kriss Graffiti interviewée par Paula Jacques.

Le player qui permet l'écoute ne permet aucune intervention de l'auditeur pour avancer à sa guise, ou choisir l'ordre de passage (excepté la pause). J'attends bien sûr avec impatience le "Kriss" de Paula jacques et réinterviendrais sur ce billet s'il y a lieu. Si le texte de présentation de l'Ina conclut par "Bonne semaine", il faut savoir que la semaine Ina est extensible ! Là encore il conviendrait d'indiquer la date de mise en ligne et la fin programmée. Je me vois donc dans l'obligation d'interroger l'Ina pour savoir si l'on peut s'attendre rapidement à des fonctionnalités étendues du player, et d'informations beaucoup plus complètes sur les productions.

En attendant prenez l'habitude de fréquenter ces archives, vous trouverez toujours quelque chose de passionnant à y écouter.

(1) On ne connaît ni le jour de "publication" ni la date de fin, dommage ! 
(2) France Inter, 1980-1983, de 11h à 12h30,
(3) La belle émission de France Culture, du milieu d'après-midi (17h30-18h30), du 2 aout 1996,

vendredi 21 septembre 2012

La Semaine Radio France…











Si je trouve sur une étagère "La Semaine", je m'installe dans mon fauteuil et le feuillette avidement comme s'il s'agissait d'un incunable décrivant les constellations après l'équinoxe de printemps (1). Cet hebdomadaire sur abonnement, créé par Radio France depuis 1993, et qui a stoppé sa parution au début des années 2000 présentait l'intégralité des programmes des sept chaînes du service public. Pas de pub. Les premières pages étant consacrées à la mise en valeur de quelques émissions des différentes chaînes. Je l'ai déjà écrit, un tel hebdo sur le net aurait toute sa justification.

Régal de l'archive pour le radioteur invétéré que je suis. Je trouve mon bonheur (et me rafraîchis d'autant la mémoire), voyez plutôt : Delli Fiori toujours dans son Ascenseur pour le jazz (France Inter), le Radio Libre d'Emmanuel Davidenkoff (France Culture) (2), Allo Macha de Macha Béranger une petite demie-heure du mardi au vendredi ! (FI), Ça va, Ça va par Kriss (FI), Clin d'œil de Pascale Lismonde (FC), Clair de nuit de Jean Couturier (FC), Les nuits de France Culture par Geneviève Ladouès, Le concert rock par… Bernard Lenoir (FC) (3), Le plus tôt sera le mieux par Philippe Garbit (FC) (4), Black and Blue par Alain Gerber (FC)…

LE slogan : Le Mouv', la r@dio : l'esprit rock. On y trouve Omar Ouahmane pour une chronique "Sports", Cécile Quéguiner (la radioteuse de France Info aujourd'hui) pour l'emploi, Rébecca Manzoni pour la BD et les livres… Si France Musiques s'écrit avec un "s" c'est donc que Pierre Bouteiller est directeur de la chaîne… Urgences : "la radio de solidarité et de Service de Radio France" qui émet 2h/j en O.M.

Voilà mes chers auditeurs quelques souvenirs ponctuels. Si vous aviez conservé "de par vers vous" (comme on dit dans le Poitou) quelques exemplaires de cet hebdo, je suis preneur. J'ai un jour décidé de jeter mes tonnes d'archives en tout genre et n'ai gardé que deux exemplaires de La Semaine. Si vous-mêmes en les feuilletant trouvez des perles envoyez vos commentaires, ils seront les bienvenus.
(à suivre)

(1) Merci Gérard, ici le n° 369 27 mai - 2 Juin 2000,
(2) Pas celle d'un imposteur qui avait pour nom Baddou,
(3) Bigre le Black dans la France Culture, Adler avait du être touchée par le rock !
(4) Diantre, jamais entendu, en ce temps-là je dormais !

jeudi 20 septembre 2012

Et moi je fais une émission tendre…

Jean Garretto, Robert Arnaut, Claude Dominique  © Picard RF
Comment faire ? J'espère ne pas vous lasser, mes chers auditeurs, mais si Jean Lebrun consacre "La marche de l'Histoire" (1) à Jean Garretto et à "L"Oreille en coin", comment pourrai-je en faire l'impasse ? Ce qui est séduisant avec Lebrun, c'est qu'il est léger, toujours "un pas à côté", pour mieux écouter (son interlocuteur), pour ne pas être trop complice sans jamais louper une facétie ou un clin d'œil, pour ne pas s'enfermer dans le "huis clos" du studio, pour garder de la distance tout en étant proche de son sujet. C'est un matou ! Il ronronne (souvent) et donne aussi quelques coups de griffe (parfois), on le verra.

Quand en ouverture de son émission il dit : "Quand des hommes de radio parlent de la radio sans parler d'eux, la postérité n'est pas sourde.", voilà bien le super clin d'œil puisque Jean Lebrun ne recevait autre que… Thomas Baumgartner (2). Les deux producteurs enfilaient des perles : Lebrun ayant trouvé la bonne personne s'évitait l'hagiographie, Baumgartner, sans jamais se mettre en avant, pouvait prendre son temps pour revenir sur son long travail de recherche autour d'"une radio dans la radio" (3).

Au passage, perfide et matois, Lebrun rappelle à Baumgartner que "les directeurs (en l'occurrence Pierre Bouteiller, prenant les commandes de France Inter) n'aiment pas les enclaves et les ateliers créatifs qui pourraient s'instaurer en principauté,…  Un autre jour dans votre carrière vous pourriez nous raconter si vous avez vécu de pareilles aventures !". Et bam, fermez le ban ! Jean Lebrun venant de donner un sérieux coup de patte au directeur (4) qui a décidé de supprimer "Les Passagers de la nuit", l'émission que Thomas Baumgartner produisait avec de nombreux producteurs tournants sur France Culture.

Un seul regret que les extraits d'émission aient été ceux qui, sur CD, accompagnent le livre de Baumgartner. Sympa toutefois d'entendre après la désannonce la voix de Kriss (5) "Et moi je fais une émission tendre…" Un peu comme celle que Lebrun a su réaliser pour Jean Garretto ! (6)

(1) Merci à Pascale B. de m'avoir alerté ! France Inter, 19 septembre, 13h30,
(2) Rien à voir avec le "service obligé" que s'impose Marc Voinchet,
(3) Voir ici Biblio radio,
(4) Bruno Patino, directeur de la chaîne de 2010 à 2011, qui à la rentrée 2010 rognera une demi-heure quotidienne aux "Passagers" qui s'exprimaient une heure chaque soir, du lundi au vendredi à 23h. L'émission prendra fin en juillet 2011.
(5) "Pilier" de l'Oreille, et première des "Fipettes" à jamais…
(6) Voir aussi l'hommage de Mermet à l'Oreille en coin, via Guy Senaux !

mercredi 19 septembre 2012

L'imaginaire… sans voix





Je rêve de soirées à la radio avec des histoires, celles de Stéphane Pizella dans "Les nuits du bout du monde" (1) qui ont inspiré Mermet. Que Mermet revienne sur France Culture dès 21h avec ses "Chiens écrasés" (2) ou qu'il les apporte sur Inter à la même heure et sorte de son "Là-bas si j'y suis". Qu'on nous raconte des histoires de tous les genres de toutes les formes celles de Michel Le Bris et de Patrice-Blanc Francard (3), celles de Claude Chabrol, celles de Claude Villers. Mais pitié qu'on sorte de l'actu, de la promo et de l'événement… 

Voilà hier soir, après une journée harassante, j'avais envie qu'on me raconte des histoires quand toute la journée je n'avais entendu que des sornettes. Entrons donc dans la nuit par l'imaginaire, la radio sait le sublimer ! Où sont les voix ? Mais où sont-elles donc ? Pas celles qui ne font que parler, celles qui font rêver, celles qui nous transportent, celles qui, du jour au lendemain, transcendent le quotidien ?

Ne serait-il pas temps de donner de la voix pour le dire ? Qu'en pensez-vous ?

(1) France Inter, 1964, et dès 1950 sur "Le programme parisien",
(2) Rediffusés 2 fois dans Les Nuits de France Culture depuis le début de l'année,
(3) Grille d'été de France Culture 2009 et 2010,

mardi 18 septembre 2012

Tout peu, tout panne…





Hier matin, j'entends à 8h50 sur France Culture le début de ce qui pourrait ressembler à une chronique de fin de matinale, dont le titre (1) a du inciter l'animateur à précipiter le tempo de ce qui se voudrait être un "moment culturel de promotion". Marc Voinchet annonce d'abord la disparition de Pierre Mondy "homme de théâtre, de cinéma et de télévision". Hein ? J'ai mal entendu ! Ne manquerait-il pas la radio à votre présentation Monsieur Voinchet ? Ne sommes-nous pas en train de vous écouter à la radio ? C'est quoi cette facilité de promotion systématique des "médias souverains" tels que cinéma et télévision ? C'est quoi cette banalité de présentation ? Si j'avais été à côté de vous je vous aurai soufflé "homme de dramatiques radio" et j'aurai ajouté un souvenir tel que "Noëlle aux quatre vents", feuilleton des années 60, qui, avant d'être adapté à la télévision a tenu les ondes pendant quatre ans (1965-1969). Feuilleton dans lequel Pierre Mondy a joué un des rôles principaux.

Au lieu de quoi Monsieur Voinchet, vous avez crû bon, pour caractériser la carrière cinématographique de Mondy, de nous donner à entendre un extrait de "la 7ème con…". Là je me suis pincé ! Vous le spécialiste de cinéma, comment avez-vous pu résumer en quelques secondes la carrière cinématographique d'un comédien français par cette pochade ? Utilisant un extrait douteux (mal monté) - pour le cas où nous n'aurions plus la voix de Mondy (et de Lefèvre je crois) en mémoire - vous avez employé une grosse ficelle didactique digne de la médiocrité télévisuelle ou de certaines radios à l'ouverture culturelle (sic) très limitée. C'est invraisemblable et affligeant. Pourquoi vouloir à tout prix parler de Pierre Mondy ? D'autres auraient eu l'occasion au cours de la journée d'y revenir, non ?

À ce moment, dépité, si je ne tourne pas le bouton, c'est parce que vous annoncez "Nous avons appris vendredi…" J'espère que vous allez avoir quelques mots pour un seigneur de la radio ! S'en suit votre très courte introduction où vous omettez juste, en parlant de Jean Garretto, de préciser qu'il avait fait pratiquement toute sa carrière de radio publique à France Inter. Ce qui aurait été le moins, avant de donner la parole à Thomas Baumgartner (1) qui j'espère ne sera pas définitivement chargé à France Culture des nécrologies radio.

Votre chronique finale, à marche forcée, M. Voinchet était ce matin faite de peu. De peu de considération pour le média radio que Pierre Mondy avait pratiqué. Et en panne d'émotion aussi ! Vous avez présenté sur le même ton l'une et l'autre de ces disparitions. Pourtant celle de Garretto est immense dans l'enceinte de Radio France. Elle est immense car, comme directeur des programmes, il avait su faire dans ses grilles "des pleins et des déliés", ceux-là même qui manquent cruellement à votre matinale.

(1) Tout feu, tout flamme,
(2) Producteur à France Culture de l'Atelier du son, le vendredi à 23h. A produit sur cette même chaîne et toujours disponible à l'écoute, une "Mythologie de poche de la radio" autour de Jean Garretto et a écrit un livre "L'oreille en coin, une radio dans la radio" en 2007, (voir les références bibliographiques sur ce blog à biblio radio),

lundi 17 septembre 2012

Jean Garretto (3)…

Jean-Luc Hees, Pdg de Radio France a rendu hommage à Jean Garretto, dès l'annonce de son décès au cours du journal de 13h de France Inter, vendredi 14 septembre :  

Daniel Mermet à 15h sur la même chaîne a dit un "p'tit mot" ! Puis Julien Delli Fiori, directeur de Fip, a animé à 19h un spécial Jazz à Fip où, avec quelques figures incontournables de l'aventure Oreille en coin et Fip, - dont Garretto et Codou étaient les créateurs en 1971 - ils ont refait ce monde si particulier de la radio. Nous attendons fébriles la mise en ligne du podcast de l'émission ! 

Denis Cheyssoux samedi à 14heures a voulu dire ça : " C’est un beau regard bleu sur le monde qui vient de s’envoler par la voie des ondes. C’est un beau regard bleu que son ami Pierre Codou, ancien instituteur cévenol, Yann Paranthoën le tailleur de sons, Claude Dominique, Kriss viennent d’accueillir en souriant." Et d'ajouter "L’Oreille en coin, c’était les chemins de traverse de l’Oreille, ça rebondissait avec les mots, les sons, les musiques, les silences étaient des merveilles… Certains fabriquaient des images, d’autres des nuages dans lesquels l’auditeur s’enroulait.

Voilà une petite part du florilège que France Inter et Fip ont consacré à un homme de radio qui aura marqué son histoire. "C'était pas mieux avant", mais ce génie, cette prescience de l'art radiophonique qu'avait Jean Garretto où est-elle aujourd'hui ? Lui qui a su avec "ses pleins et ses déliés" (1) casser les formats, les habitudes, les rentes de situation de certains animateurs. Ou est-il cet art radiophonique quand de plus en plus d'émissions ne sont plus écrites mais juste "parlées" ? Où est-il cet art d'installer la longue durée d'écoute sans jamais lasser ? Où sont la fantaisie, la rigueur, la folie, l'invention toujours remise sur le métier, la joie de faire de la radio (pas la joie de faire un métier) ? 

Jean Garretto et Pierre Codou nous surprenaient chaque samedi, chaque dimanche et plus encore au cours des années 80 où, avec France Inter nous avions "quelque chose entre les oreilles". Cher Jean, puisque nous nous sommes écrit l'an passé, je suis très ému en pensant à vous. J'aurais aimé vous rencontrer au moins une fois, ce sera dans une autre vie… 

J'ai publié samedi, dimanche et aujourd'hui 3 billets sur Jean Garretto…

(1) Principe de grille que rythmait un tempo qui savait se jouer de la tyrannie de la pendule (et des quatre tops qui sonnent à heure juste), que Jean Garretto avait installé quand il fut directeur des programmes de France Inter 1983 à 1990.

dimanche 16 septembre 2012

Jean Garretto (2)…







"C'est dimanche" Jean Garretto. J'ai toujours gardé depuis 1968 (1) l'Oreille en coin pour la radio, même quand vous avez changé de navire en 1990 (2). Comme Juliette Gréco, "Je hais les dimanches" mais avec l'Oreille j'ai revu la question. La semaine dernière (4 septembre) je parlais de vous avec Julien Delli Fiori (3) alors que trois Fipettes venaient, sur la scène du 106, d'interpréter avec moults clins d'œil à la joie, une chanson des années 30. Depuis que je fréquente cette Maison ronde, je trouvais toujours quelqu'un pour me parler de vous. Alors c'est une banalité de dire qu'une grande part de vous-même et de Pierre Codou habitent cette maison. J'y reviendrai dans mon billet de demain.

Vendredi dernier alors que je venais d'apprendre votre disparition, j'ai voulu appeler Guy Senaux, ingénieur du son à France Inter jusqu'à sa retraite en 2007. Et puis aussi Jacques Santamaria, scénariste et réalisateur audiovisuel, ancien directeur des programmes de France Inter de 1996 à 1999. Ces deux interviews ont été réalisés par téléphone.

Guy Senaux
Vous avez beaucoup côtoyé Jean Garretto au cours de votre carrière à la radio ?
Oui, dix-huit ans (4), toutes les quatre semaines (nous étions 4 ingénieurs du son, tournants) de TSF des origines à l'Oreille en coin. Avec Pierre Codou ils faisaient une équipe de grands patrons. Jean Garretto élégant, courtois, sans jamais produire un décibel plus haut que l'autre, droit et… bel homme.

Votre souvenir le plus touchant ?
Il se tenait toujours à droite du preneur de son, je revois son signe dans la vitre qui rythmait les ouvertures de micros aux moments opportuns. Jean Garretto était attentif au bon son. Grand professionnel, avant chaque direct, il vérifiait si tout fonctionnait, avec tous les techniciens : circuits audio et vidéo, démarrage des platines, vérification du conducteur de l'émission…

C'étaient quoi ses façons de faire ?
Pendant 10h30 de direct (au cours des trois sessions de fin de semaine), il y avait une très grande concentration en cabine. Et si quelque chose cafouillait il disait volontiers "Coco, qu'est-ce qui se passe ? " Au début de chaque session il imposait presque une minute de silence avant l'antenne. Tout le monde se regardait comme avant le départ d'une fusée. Je me revois, je m'essuie les mains pour ne pas glisser sur les pot's (5). Avec Pierre Codou ils étaient les seuls réalisateurs de la Maison ronde à pouvoir choisir leurs ingénieurs du son.

Avec l'équipe technique le courant passait bien ?
Codou et lui étaient très respectés par les techniciens. C'est la seule émission dans laquelle la "réalisation technique" était citée en tant que telle. Nous réalisions vraiment un travail d'équipe avec une exigence totale. Il fallait que tout soit lié et fluide. À la façon de la réalisation technique et artistique on peut reconnaître la "patte" du preneur de son.

Un autre souvenir ?
C'était la première de l'Oreille en coin du dimanche matin, en public en direct au studio 106. Pierre Codou venait de disparaître. Jean Garretto se retrouvait "seul" sans son alter-égo, pour un direct dans un studio qu'il ne connaissait pas. Cette émission a été réalisée par Jean de main de maître. Tout le monde a applaudi en cabine à la fin, ce qui ne se faisait jamais. On se croyait à Cap Canaveral, le décollage de la fusée s'était bien passé au millimètre près ! Et avec Jean, fait exceptionnel, nous nous sommes embrassés.

Son trait de caractère qui vous a le plus marqué ?
Il était extrêmement respectueux des personnes et avait un don pour dénicher les talents et les former à son diapason. Il était passionné par le son mais désarçonné par la technique. Il avait aussi le don, comme personne, de savoir équilibrer quatre heures d'antenne consécutives. Il savait parfaitement installer une couleur musicale et son choix des musiques ne relevait jamais du hasard ou de la facilité. On mettait un point d'honneur à caler les quatre tops de l'heure juste sur la fin d'une chanson. Quelle classe ! Total respect.



Pierre Codou et Jean Garretto

Jacques Santamaria
Votre souvenir de Jean Garretto ?
Nous sommes quelques uns à avoir reconnu Garretto et Codou comme nos maîtres. En ce qui me concerne ce que j'ai appris de l'art de la radio c'est à Garretto et Codou que je le dois. Ils ont été des inventeurs de forme, des inventeurs de fond qui ont révélé le fond. Ils avaient une technicité supérieure. Et par dessus tout un esprit et une âme. C'est par Garretto que la radio s'est révélée être un art, cela vient de s'achever avec sa mort. Son esprit hante encore la Maison de la radio. Quand nous nous croisions avec quelques créateurs de son époque nous nous disions toujours en réécoutant notre travail : "Est-ce que tu crois que Jean Garretto serait content de ça ?"

Ses qualités d'homme de radio ?
Il avait quelque chose d'inné. Il savait repérer avec un sixième sens, quand à l'avance l'auditeur pouvait s'ennuyer. Il disait "Il faut un disque" et il ne choisissait jamais n'importe lequel. Il avait su anticiper. Comme Truffaut disait "On a tous les droits sauf d'ennuyer le spectateur", Garretto l'appliquait à l'auditeur. C'était un extraordinaire metteur en scène. Il savait installer la bonne chose au bon moment.

Vous l'avez revu après son départ de la Maison de la radio ?
Oui, il y a quelques années nous étions dans un TGV qui nous ramenait d'Avignon et j'ai pris une grande leçon de radio. Nous avons passé tout le trajet à disserter sur la programmation musicale. Il avait expérimenté la chose suivante "Ne commencez jamais une émission par un disque en mode mineur, mais en mode majeur et finissez pareil, en mode majeur." Le mode majeur (en attaque et en fin) c'est pour que l'auditeur puisse, s'il s'agit d'une chanson, les fredonner. Ces chansons-là Garretto les appelait "Les fredonnantes" et il ajoutait "N'oubliez pas que nous sommes un peuple latin et en tant que tel les latins préfèrent reconnaître que connaître." La face B (d'un 45 tours) ou une nouveauté sont en mode mineur.

Il était plus qu'un réalisateur ?
Bien sûr il mettait en scène avec un esprit subtil de force et d'analyse. Il concevait les émissions comme du papier millimétré. Pour lui l'intensité était plus importante que le rythme. Le rythme c'est l'intensité. Garretto a fait plus que de la radio. Il en a fait un art. La radio ça se pense, ça s'écrit et ça se fait !

Merci à chacun de vous pour ces évocations-hommages à un très grand homme de radio. Dans mon billet de demain matin je reviendrai sur les hommages de Jean-Luc Hees, Daniel Mermet, Julien Delli Fiori, Fip et Denis Cheyssoux (6).

Il est 18h, c'est le moment d'écouter l'indicatif de l'Oreille en coin par Jim Wild Carson… la désannonce je me la fais dans ma tête.
(à suivre)

Demain troisième volet sur Jean Garretto…

(1) 1968, 1969, 1970, Garretto et Codou créent TSF qui deviendra "L'oreille en coin" qui s'installe dans la grille de France Inter, les samedi après-midi, dimanche matin, et dimanche après-midi jusqu'en 1990,
(2) Suite à un "différent" avec Pierre Bouteiller, devenu directeur des programmes, Jean Garretto reprendra l'Oreille en coin du dimanche matin, le dimanche sur Europe 1,
(3) Directeur de Fip,
(4) Et presque 2450 heures de direct,
(5) Les potentiomètres dit aussi les potars,
(6) Voir l'hommage de Mermet (pour le changement de cap de Guy Senaux )

samedi 15 septembre 2012

Jean Garretto…

Jean Garretto - Pierre Codou ©Roger Picard - RF -1975





C'est quoi ces ondes incroyables qui font que je sois dans ma voiture hier à 11h40, que j'écoute Fip (dernière station écoutée en quittant mon véhicule), que je ne tende l'oreille pour "Fip Actualités" à 11h50 que parce que j'entends le nom de Garretto et, comme si je m'y étais préparé, les mots prononcés par le journaliste ne pouvaient qu'annoncer la mort de celui qui a transcendé la radio, jusqu'à pousser loin le bouchon en créant avec son compère Pierre Codou "une radio dans la radio" (1) ? Modèle unique de liberté, d'inventivité, d'humanité. L'"Oreille en coin" avait quelque chose de libertaire sans l'afficher, peut-être le souffle de certains de ses animateurs. C'était dans tous les cas une radio libre, avec une très haute dose de création et un engagement total pour les créateurs. Une radio de "bande" sans les private-joke incessants au micro qui excluent l'auditeur. Une radio splendide pour laquelle on pouvait tout arrêter de faire et pour laquelle j'ai souvent tout arrêté. 

Rien n'était convenu, attendu, ou en phase "obligée" avec l'actualité. Tout était dans une création débridée et "contenue" (format, grille, fréquence de diffusion), joyeuse et sérieuse, inventive et moqueuse. Infiniment touchante et sensible parce qu'aux manettes il y avait deux "seigneurs" (2) : Garretto et Codou qui, en chefs d'orchestre humbles, mettaient tout en musique sans jamais se mettre en avant ni prendre le micro. Mais, c'est l'annonce et la désannonce de l'émission qui, avec la trompette de Jim Wild Carson nous donnait à entendre "une émission de Jean Garretto et Pierre Codou". Et bien, quand on entend ça pendant 22 ans, on ne peut pas ne pas imaginer que derrière ces deux noms il y ait deux âmes bouleversantes, dans tous les sens du terme.
 

Mes chers auditeurs, je suis trop ému pour faire mieux aujourd'hui (j'écris ce billet vendredi en fin d'après-midi), j'ai besoin de laisser retomber cette émotion et de commencer à structurer mon prochain billet. Demain dimanche, je publierai le témoignage de deux personnes qui ont côtoyé et travaillé avec Garretto. Acceptez que je vous en réserve la surprise pour 18h…

Pour conclure, je dirai qu'avec la disparition de Jean Garretto, l'"Oreille" s'est doucement mais définitivement refermée, et avec elle tout ou partie de l'art de la radio.

À suivre, dimanche et lundi deux autres billets sur Jean Garretto…

(1) Voir biblio radio, sur ce blog,
(2) Jean-Luc Hees, journal de 13h de France Inter, vendredi 14 septembre 2012,

vendredi 14 septembre 2012

Après les silences… les blancs

Carré blanc sur fond blanc de © Malévitch






Si Christian Rosset imagine qu'il y a au moins autant de silences que d'êtres humains sur terre, les Inuits eux disposent d'au moins dix sept mots pour désigner le blanc (1). Mais quelle est donc l'histoire du "blanc" à la radio ? Je ne le sais pas (mais je vais chercher) ! Les blancs sont stupéfiants, tétanisants, dramatiques pour le producteur, l'équipe de réalisation et ne parlons pas de l'auditeur qui en quelques secondes reste sans voix (sic) et bidouille dans tous les sens ses manettes et autres télécommandes magiques qui n'en peuvent, jusqu'à ce que le blanc finisse par retrouver un filet de voix, de son ou de musique.

Les blancs en radio n'ont rien à voir avec les silences. Les blancs sont souvent des "erreurs" de parcours, des incidents semi-tragiques quand les silences participent du tempo ou du rythme de l'émission, sauf à attendre d'un interlocuteur qu'il s'exprime quand sa spécialité est de ne rien dire, créant alors des blancs intempestifs et néanmoins silencieux. Mes chers auditeurs vos souvenirs de blancs m'intéressent et intéresseront les fidèles lecteurs de ce blog radiophile.

J'ai gardé dans ma musette pour nos prochaines longues soirées d'hiver quelques bons petits blancs dont j'aimerai vous proposer quelques ritournelles mises en sons.

(1) Syntone, en bonne vigie, m'interpelle en me demandant si je n'ai pas confondu avec le mot "neige". Il a à moitié raison, j'ai pensé neige et ai tapé "blanc" sur Goog, parce que pour le mot "neige" y'a bataille d'experts…

jeudi 13 septembre 2012

Le silence… la nuit

© Pascal Levaillant







J'entendrai bien Alain Veinstein dire ce titre en mettant un silence après le mot "silence" comme il le faisait dans "Surpris par……… la nuit".

Alors que les auditeurs noctambules et/ou insomniaques de France Inter se sont désespérés de la disparition des émissions de direct la nuit, je viens de faire depuis plusieurs jours l'expérience d'écouter la radio la nuit en dehors de mon domicile. Si ce n'est pas la première fois que j'écoute dans ma voiture des émissions rediffusées la nuit, c'est la première fois que j'apprécie avec encore plus d'acuité les silences radio qui se superposent au silence environnant.

On oublie vite le ron-ron de la voiture et tout porte à la concentration d'écoute. Le timbre des voix, les sons, les musiques, les indicatifs et bien sûr les désannonces que j'aime tant. La nuit, j'écoute plus facilement France Culture car il n'y a plus la reprise systématique des émissions du jour précédent, mais des archives très anciennes ou plus récentes. Il y a quelques jours c'était une émission sur les bistrots, et à écouter ceux qui en parlaient je me demandais de quand pouvait bien dater le reportage. Je fus bien surpris d'apprendre qu'il datait de 1977 !

J'aurai envie de dire que tout prend de l'ampleur la nuit. Tout donc et même le silence, les silences. Rien ne perturbe les mots dits, les conversations, les hésitations, les emballements, les résignations. Tout fait sens puisque, autour, d'autres sens sont en sommeil. Les sursollicitations multiples et variées de la journée ont fondues comme neige au soleil. Si l'on veut écouter on ne peut plus échapper à l'écoute captive et c'est ça qui est magique. Les histoires prennent d'autres tournures et se fixent durablement dans nos mémoires.

La radio de nuit est plus qu'un flux de paroles, de sons et de musiques. Elle est une présence matérielle forte et "palpable". Une vraie compagne qui, par là, donne à ce média un statut d'exception. Un média de complicité (2), au point que les programmes devraient commencer la nuit pour entrainer l'auditeur jusqu'au petit matin. Le commencement ce serait la nuit.

Au début de la radio il y avait très peu de bruit autour, c'était elle qui faisait du bruit. Aujourd'hui alors qu'il y a beaucoup trop de bruit partout c'est la nuit que se tisse la complicité. Grâce au silence.

J'ai commencé par Veinstein je finirai par Rosset : "Ce qu'on continue d'appeler le silence au singulier alors qu'il y a bien plus de formes de silence que d'êtres sur cette planète". (3)

(1) France Culture, émission avec producteurs tournants, années 2000, fin en juillet 2009,
(2) Mieux que la formule tarte à la crème de "média d'accompagnement" employée particulièrement par ceux qui n'accompagnent pas la radio… 
(3) Christian Rosset in Yann Paranthoën, L'art de la radio, Phonurgia nova éditions, 2009

mercredi 12 septembre 2012

Une cantatrice pop…

Natalie Dessaix © Simon Fowler





Il y a tout juste une semaine, je conversais avec David Christoffel (1) en arpentant quelques coursives de la Maison ronde, quand au même moment Natalie Dessaix démarrait sa première chronique  sur France Musique  ! (2) "Fondue de radio", celle-ci a bondi de joie à la proposition de la chaîne de réaliser une chronique hebdomadaire. Le 30 novembre 2011, j'avais beaucoup apprécié la journée que Natalie avait passé sur la chaîne. Son ton, sa gouaille quelquefois, son humour et son espièglerie faisaient du bien à entendre. Ses musiques prenant instantanément une autre couleur. Sa façon donnant vraiment envie d'aller y écouter de plus près.

Tout à fait exceptionnel de la part d'un chroniqueur ou d'une chroniqueuse qui intervient à la radio, Natalie, dans son premier billet, a rendu hommage… à la radio. Et de façon inattendue à une "chose" toute simple : la météo marine ! Natalie de se prendre au jeu des "Viking, Forties et Cromarty" comme aux "avis de grand frais d'Ouest à Nord Ouest dominant…" Et de préciser "on nageait en pleine poésie en même temps qu'on voguait sur l'océan !" Marie-Pierre Planchon appréciera.(3)

La cantatrice facétieuse et amoureuse de musique complète sa petite histoire de la radio "Je me souviens des émissions de musique pop. Le doigt sur le magnéto prête à enregistrer tous les titres qui me plaisaient pour me concocter mon propre hit-parade sur cassettes". Si c'est Natalie Dessaix qui le dit…

Alors chaque mardi ce sera un vrai plaisir de découvrir ce que Natalie "aime, la touche, la bouleverse, la fait rire ou l'irrite." Elle conclue avec tellement d'humilité que c'est vraiment le gage de passer quelques bons moments en sa compagnie. "J'ai l'habitude de vous donner de la voix, il faut maintenant que j'apprenne à vous parler à l'oreille".

(1) Producteur sur France Musique de "Les oreilles sensibles" chaque matin du lundi au vendredi à 7h50 et du feuilleton de l'été "Meurtre au conservatoire",
(2) Dans la matinale de Christophe Bourseiller, le mardi à 8h40,
(3) Une des animatrices légendaires de ce billet-service. La météo marine sur France Inter depuis 1963 (création d'Inter), source : Les années radio, J.F. Remonté, L'arpenteur, 1989.