dimanche 31 janvier 2021

Le blues du dimanche… un jour au singulier !

C'est sûrement un effet moderne de l'oisiveté ? Ce jour singulier, ce jour au singulier, joli titre d'une émission de radio de France Culture, produite par Geneviève Ladouès. Proposée le dimanche, en plein milieu d'après-midi, au goûter. De quoi revenir au monde, des fois qu'on se serait égaré dans des rituels pathétiques de "la poule au pot", aux gâteaux de pâtisserie (1) en passant par la sempiternelle promenade du dimanche. Mais quelle belle affaire qu'une promenade radiophonique un jour plus calme que les autres.
















Ce matin Arte radio, toujours à l'affût d'une jolie pirouette, nous propose de jeter un sort aux dimanches avec un documentaire de 2016 de Jérémi Nureni Banafunzi. Go ! Et de se souvenir qu'il n'y a pas si longtemps encore, la radio (de flux) pouvait scotcher à côté du poste les auditrices et auditeurs qui, une fois pour toutes, ne dérogeraient pas au rituel savoureux qu'ils s'imposaient dimanche après dimanche.

Vous pouvez imaginer que votre serviteur n'a pas échappé aux rendez-vous radiophoniques dominicaux qu'il n'aurait loupé pour rien au monde. Le plaisir du lundi (ou du dimanche soir au téléphone) étant d'échanger avec ceux dont on savait qu'ils étaient sur la même longueur d'ondes. C'était nos madeleines, nos complicités, nos gourmandises qui nous portaient à revendiquer de n'avoir jamais succombé aux sirènes de la télévision ou de la poule au pot.

Rebels, assurément, nous essayions par là, fiers comme artaban, de ne pas tomber dans un blues calamiteux ! Particulièrement ces "dimanches au singulier" où Geneviève Ladouès donnait la bonne lumière à ce jour qu'il fallait surmonter, quelle qu'en fut la saison ! Je viens de réécouter celui avec Jack Ralite (ex-maire d'Aubervilliers) du 1er septembre 1996. "L'argent tue ! On est dirigé par des comptables supérieurs bardés de statistiques…" (À propos de la télévision, mais bon ça vaut pour la radio aujourd'hui !).

L'offre démultipliée (replay, podcasts,…) que proposent la radio publique, les radios privées, les studios indépendants et les autres, éparpille la possibilité d'être "ensemble à l'écoute". C'est un fait absolu et inéluctable. J'appellerai ce soir une historienne pour évoquer cette écoute. Nous interrogerons-nous pour savoir quand à nouveau nous serons sur la même longueur d'ondes ? Nous les auditeurs de la radio publique !

(1) En Finistère rural autrefois pour distinguer des gâteaux faits maison, 

 

mardi 26 janvier 2021

Louis Dandrel : un pirate à France Musique…(s) !

Louis Dandrel est mort vendredi dernier. Il est des noms qui ne s'oublient pas. Il est un homme qui, en deux années aux commandes de France Musique (1975-1977), aura sublimé les musiques et les façons de les faire vivre, les transmettre et les écouter. Radio France n'a pas un an quand, après six mois de préparation pour former ses équipes et inventer une chaîne, Louis Dandrel installe une grille dont il se veut être le rédacteur-en-chef ! Tout un symbole quand la plupart du temps "directrice/directeur" fait tant rêver ! Il dégoupille le conformisme (bien-pensant), il tire le tapis du salon (bourgeois), il renouvelle l'atmosphère. En ouvrant portes, fenêtres, vasistas et autres lucarnes qui semblaient à jamais condamnés sur une chaîne qui n'avait pourtant que douze ans d'âge !

Logo de 1975










Que ce soit clair, je n'étais pas auditeur de ce France-Musique, nouveau et génial ! Mais âge aidant et passion inassouvie pour les archives, comme pour l'histoire de la radio, m'ont permis de comprendre comment Dandrel, merveilleux pirate au grand cœur, avait pu l'espace d'un "instant" bousculer conventions, formalismes, habitudes et autres camisoles qui ne demandaient qu'à être libérées. Et pourtant ! Giscard, fossoyeur de feu-l'ORTF (loi d'août 1974) régnait en maître absolu sur une France qui voulait, malgré tout, pousser plus loin les tentatives de liberté et de création de 68 ou de Lip (73).

À réécouter la "Mythologie de poche" de Louis Dandrel (1) on comprend (mais un peu tard, en ce qui me concerne, même si je l'ai écoutée en 2011) comment et pourquoi le fantastique trublion a été sommé de déguerpir par la bien-pensance bourgeoise et réactionnaire en cour à l'Élysée. En plus de bousculer les codes de l'écriture radiophonique conventionnelle, il a donné ses lettres de noblesse au pluralisme musical le plus intégral. "L’aventure musicale était permanente, se déroulant comme une vague changeante toute la journée." note Yves Riesel dans son article (voir lien ci-dessous).

Ses grilles de programmes, souples et modulables, étaient truffées d'"imagination au pouvoir". Qu'on en juge ; Philippe Caloni (Musique Matin), Lucien Malson (Second souffle/Jazz), Jean-Pierre Lentin (Écoute et La route des jongleurs), Pierre Latès (Non écrites), Alain Gerber (Amen), Philippe Koechlin (Carnet de bal), Jacques Erwan (Chanson),… (2). Ajoutez à ça l'ouverture aux amateurs, aux musiques du monde, à la chanson, au rock,… C'est un festival permanent en prise avec la société, avec les pratiques musicales, en décloisonnant genres et chapelles, élitisme et populaire, savants et autodidactes !

Il faut lire le formidable article d'Yves Riesel qui, bien documenté et sourcé, revient sur un parcours radiophonique exceptionnel et vibrant ! L'avis péremptoire de Sartre porte à sourire (heureusement comme Dandrel le révèle lui-même dans l'émission ci-dessous, Sartre a largement regretté son point de vue… hâtif). Celui d'Attali est assez visionnaire et porteur d'espoir même si, passé l'euphorie de la fin du monopole de radio-télévision, Mitterrand et ses gouvernements ont baissé les bras ou baissé le ton, c'est selon.

Mais ce qui fait tâche et désarçonne, c'est hier matin sur France Musique les mots de son innommable directeur. On se pince et on serait tenté d'hurler à la forfaiture. Le France Musique d'aujourd'hui n'a rien, mais absolument rien du France Musique de Dandrel. Citer trois ou quatre émissions actuelles ne légitime en rien la filiation ! La posture indigne adoptée est une imposture. Il faudrait pouvoir écouter sur la page qui rend compte du décès de Dandrel, la "Mythologie" pour bien mesurer l'écart, le gouffre, l'abysse qui séparent 1975 de 2021. Mais ça les auditeurs n'y auront pas droit. Quarante six ans de renoncements ont (re)plongé France Musique dans une acception étroite de la musique (classique), enfermé le jazz aux heures de retour de bureau et passé toutes les autres musiques par pertes et profits (3). Il n'y a bien que Pierre Bouteiller (directeur de la chaîne,1999-2004) qui avait ajouté un "s" à France Musique, qui aurait pu se revendiquer de l'esprit de Dandrel ! 

Dandrel fut une comète, un phare, une étoile… filante et, surtout, un homme de radio. Un vrai !

(1) Par Thomas Baumgartner, France Culture, 15 août 2011,
(2) Je cite ici quelques noms qui me parlent dont certains sont restésaprès le départ de Dandrel,
(3) Ce ne sont pas "Ciné Tempo", "Tour de chant" ou "Repassez-moi le standard" qui à eux seuls peuvent combler le vide autour de la chanson, du rock, du folk qu'ils soient francophones ou mondial. Et je ne dis rien de la musique contemporaine…

"L'écho des pavanes", RTS, "Louis Dandrel, "Cousteau du son" par David Christoffel, 
27 janv. 2020,

lundi 25 janvier 2021

Ça s'entend pas… à la radio !

J'ai bien conscience, avant même l"écriture d'un tel billet, que les auditeurs de la radio publique se satisfont de ce qu'ils entendent sur l'une ou l'autre des sept chaînes de Radio France, à partir du moment où ça ne bouscule pas trop ce qu'ils sont venus y chercher. La cuisine interne, l'arrière-cuisine et les coulisses ne sont pas leurs préoccupations essentielles. Aussi quand sur son site, le 20 janvier, le quotidien Libération publie une longue enquête sur Fip, on imagine qu'à l'issue de la lecture les auditeurs pourraient dire "Nous, tant que Fip conservera ses programmateurs géniaux, leurs enchaînements subtils et un éclectisme exceptionnel nous resterons ses meilleurs aficionados !" Circulez y'a rien à voir" aurait dit Coluche ! Mais encore ?

Je vous "parle" d'un temps…
En régie, à gauche le chef d'antenne Ph.Raynal
à sa droite le technicien Guy Testa.
En studio, un journaliste et deux animatrices
(sans doute celle qui termine et l'autre qui va commencer ?)













Pour ses 50 ans Fip a changé, Fip va changer ! Pourquoi ? D'abord parce que la radio de service imaginée par Roland Dhordain en 1970 et, créée en 1971 par Garretto et Codou, a vécu ! Exit les points circulation, les 2'/h d'infos générales, les infos culturelles locales (1). L'heure est à la re-cen-tra-li-sa-tion - à Paris - et au label "chaîne nationale" puisqu'avec le DAB+ Fip sera progressivement audible sur tout le territoire métropolitain.

Ce qui m'a intéressé dans l'enquête de Libé c'est l'incursion insidieuse de "directives musicales" venant mordre sur l'autonomie et la liberté créative des programmateurs. Et ça, ça mange du pain, non ? La verticalisation managériale de Radio France s'insinue partout. Et la création d'un Directeur musical des antennes peut laisser craindre, par exemple, que des orientations influencées par des majors s'imposeraient aux programmateurs. Que les labels indé(pendants) perdent petit à petit l'exposition dont ils disposent sur Fip. Et puis une ligne édoitoriale qui suggèrerait "Pas de morceaux qui parlent de drogues, moins de hip-hop ou d'électro, plus de standards… et faire de la station un cocon musical" (2) Ça, c'est plus de la "cuisine" c'est le bouleversement même de l'ADN de Fip ! 

Dans la même veine, le trio qui opère aujourd'hui - chef d'antenne (réalisateur), technicien, animatrice - pourrait évoluer. Le chef d'antenne ne serait plus présent en régie, le technicien risquant de se voir confier la réalisation. L'"auto-réalisation" que des réalisatrices et réalisateurs de Mouv' et France Musique dénonçaient en janvier 2020. Si ça c'est vraiment de la cuisine interne et qu'il ya très peu de chance que l'auditeur en entende les effets à l'antenne, c'est bien l'esprit du travail d'équipe qui vole en éclat. La "famille" Fip qui fut longtemps sa marque de fabrique va disparaitre et définitivement s'affranchir des principes qui l'avaient crée.

Une ambiance, une autonomie, une "horizontalité" des rapports humains sur un même bateau. C'est bien l'accumulation de ces mutations, amorcées depuis 2014 (et la Présidence de Mathieu Gallet (3), qui change la donne et qui, petit à petit, créera des conditions de travail, de création, de réalisation, de diffusion avec moins de moyens (techniques et humains), moins de temps de reportage, moins de temps de montage et mixage. De plus en plus de moins, pour faire accroire à de plus en plus de plus ! Soit le grand déploiement tout azimut de la com' à tous les étages et sur tout les supports H24.


 







Il y a deux postures : ce qui se passe en interne et qui est secret. Ce qui se dit partout pour donner le change. Les audiences, les effets d'annonce, l'événementiel qui permettent à la radio publique qu'on parle d'elle tout le temps, quitte à diluer la critique et ne plus donner envie à personne d'en user ! C'est un fléau sociétal. C'est l'angle unique du consumérisme - audiences de flux et de podcasts - et les litanies sans fin des "récompenses" obtenues par Radio France, par une chaîne, une directrice, une animatrice ou un journaliste ! Ce n'est plus "La Maison de la radio" mais "La maison de la radio et de la communication".

Depuis le 5 janvier je n'avais pas laissé trainer mes oreilles sur Fip. Jeudi dernier j'ai joué le jeu (à partir de 21h) pour écouter "La nuit de la lecture". Si j'ai bien entendu des textes lus par des animatrices, j'ai assez vite compris qu'ils ne seraient pas tous lus en direct mais, que surtout le ton et le débit de lecture n'avaient rien à voir avec la nuit. Pour "être dans la nuit" ne fallait-il pas cette fois là être de nuit en studio ? Là aussi c'est la communication (la forme) qui prime ! Le fond peut laisser sur sa faim si l'auditeur décèle, comprend qu'on l'a "trompé sur la marchandise" !

La force de la radio de nuit, inventée pour France Inter par Roland Dhordain, était d'être en phase avec la nuit : les travailleurs, les insomniaques ou les… rêveurs. Et ce n'est pas du tout pareil d'être en studio la nuit, environné par un grand silence, que d'enregistrer au grand jour ce qui sera diffusé la nuit ! CQFD !

Moustaki invité de "Studio de nuit" de Jean-Louis Foulquier, 
sept 1975 © Radio France
















(1) Depuis le 18 décembre 2020, silence radio pour les antennes de Bordeaux, Nantes, Strasbourg,
(2) Libération, 20 janvier 2021 par Adrien Franque,
(3) 2014-2018, révoqué par le CSA avant la fin de son mandat.

mercredi 20 janvier 2021

On a coupé le cordon avec la radio…

En délinéarisant la radio on a coupé le cordon. La continuité de l’écoute : has been ou, dit autrement, «plus du tout dans l’air du temps» (1). Pourtant, hier matin sur Inter, Alex Vizorek, moqueur, continue d’affirmer que la matinale tire les audiences de toute la chaîne ! Ah bon ?Toute la journée donc ? Ce n'est plus une locomotive, dont le principe même est la linéarité, c’est une fusée. Mais comment est-ce possible ? L’émission de 12h30 serait dopée par la matinale, comme celle de 20h10 ? Et puis, puisque tout peut s’écouter hors flux, voire avant le flux, ça sert à quoi de contraindre les animatrices et les animateurs de faire la passe à l’émission… suivante ? Dans ce tourbillon intemporel la promotion de l'émission d'après n'a plus aucun sens !













Et le tempo, il est où ? Cette petite musique du jour (et autrefois de nuit) que des chefs d’orchestre (les responsables de programme) composaient et dirigeaient de «main de maître», avec du matin au soir un tempo ou, plus précisément des tempos (ou tempi) en cascades dans chacune des émissions ? Pierre Wiehn, directeur d'Inter 1973-1981, parle d'"écriture musicale" et, de fait, cet homme de radio a écrit de très belles partitions !

Je me souviens d’un ingé-son qui m’affirmait que telle personne qui intervenait sur la grille le matin avait une voix pour le soir (2) ! Une voix pour le soir ? Oups ! Mais qui se pose cette question aujourd’hui quand c’est l’image (la notoriété) et, la reconnaissance télé-visuelle qui priment sur tout ? Surtout. La voix ? Quintessence même de la radio elle n’est plus «tendance», hardiment remplacée par une formule, un concept-valise, l’audio, qui lui, permettrait toutes les audaces jusqu’à passer, par pertes et profits, le service public radiophonique. En mettant sur l’autel de la gloire, le graal absolu : une plateforme… sans forme.

Sans la forme de la Maison ronde, sans la forme circulaire des couloirs, des liaisons, sans la forme circulaire des ondes qui nous font tourner la tête. Mon manège à moi c’est toi : la radio ! La radio c'est une maison, visible, imaginable une caverne d’Ali baba rutilante et majestueuse. Un vaisseau royal sur l’océan audiovisuel ! Mais ce sera quoi l’imaginaire d’une plateforme ? Une forme plate ! Soit l’exact contraire d’une maison ronde. Et pas que symboliquement.

Une plateforme pas facile à emporter…
à la plage !













Je ne me lasserai jamais de constater la faillite de la radio de flux, savamment programmée et orchestrée par ces «petits génies» de la fragmentation, camelots de petits bouts, flagorneurs de vedettes. Petits bouts d’infos, petits bouts de musique, petit bouts d’humour qui, mis bout à bout, feront bien plate forme.

Henry Bernard, l’inventeur-architecte de la Maison ronde, embrassait son bâtiment et donnait à tourner autour des ondes dans un mouvement ample, singulier, pluriel (3). Avec des interactions à tous les étages. Puis, venues de nulle part, quelques tristes figures ont inventé, en même temps, le cloisonnement (des chaînes entre-elles) et l’open space ! Une farce actuelle, elle, bien dans l’air du temps. La matinale d’Inter ne tire rien du tout. Elle donne et renforce une image de marque. Elle sanctifie ses animateurs. Elle stigmatise une chaîne généraliste dans une de ses spécificités : l’info. C’est un morceau, un bout, pas un tout.

Une chaîne, comme son nom l’indique, ce sont des maillons. Isolés des maillons ne font pas chaîne. Mais pourtant, la rupture des chaînes c'est bien ce qui a présidé à la mue de la radio publique. Ses auteurs-fossoyeurs, sans vision globale d'un tout, d'un média qu’ils n’écoutent et n'ont jamais écouté dans sa globalité, plastronnent avec leur culture insatiable du chiffre.

Laissons passer l’eau sous les ponts et sous… la plateforme. Reviendra bien le temps de la radio. Celle de la longue durée temporelle, du jour et de la nuit ! Vingt quatre heures sur vingt quatre !

(1) La radio a perdu en 2020, deux millions d'auditeurs !
(2) Le même Pierre Wiehn se souvient de sa première rencontre avec Macha Béranger, venu lui présenter des tas d'idées d'émissions. Wiehn a aussitôt apprécié sa voix et lui a proposé l'émission de nuit, "Allo Macha" qui a fait sa renommée et celle de la chaîne, 
(3) En mai et juin 68, chaque jour vers 13h, le personnel de l'ORTF tournait physiquement autour de cette maison dans une grande chaîne humaine qu'ils avaient appelé "Opération Jéricho".

















Bonus
Hier, au téléphone, Pierre Wiehn me raconte : "Étudiant à Bordeaux, après guerre, pour notre journal étudiant ("Bordeaux Universités") je suis chargé d'aller "voir " la radio à Paris. J'ai pas le moindre sou pour me payer le voyage. Des amis font une cagnotte ! Arrivé à Paris je reste dormir dans le wagon. Au matin, je file au 116 bis av. des Champs-Élysées, un des studios de la RTF. Je pousse la porte, personne pour me barrer l'entrée. Arrivé à l'étage, Samy Simon, journaliste sportif, me demande ce que je fais là. Il m'accompagne dans l'antre de "Paris vous parle". À l'époque les speakers ont disparu et ce sont les journalistes et les animateurs qui incarnent les textes qu'ils écrivent. Je fais la connaissance de plusieurs d'entre eux, mais pas  de Pierre Desgraupes qui fait partie de l'équipe. Je finirai par le rencontrer en 68. Il m'appellera à ses côtés à Antenne 2 en 1981…"

"Paris vous parle", Route de nuit, 12 septembre 1958, (avec l'ancêtre du radio-guidage ultra-personnalisé !)

lundi 18 janvier 2021

Au vif du sujet, les compères les voilà. Quant au maréchal…

Il nous reste la mémoire, même si une Pédégère en mal de lyrisme traficote le nom d'une institution qu'elle dirige, même s'il est de bon ton de vivre un présent radiophonique merveilleux au détriment d'une histoire qui a installé la radio (de flux) dans la mémoire collective. On peut (ré)écouter un documentaire même sans trop savoir s'il s'agit d'une rediffusion. On peut aussi vouloir comprendre ou décrire l'environnement radiophonique de l'époque qui s'inscrivait dans une écoute globale de la radio, du matin, du soir ou des nuits. On écoutait la radio au moins autant qu'on écoutait des émissions. On écoutait même des "choses" qu'on n'avait pas forcément décidé d'écouter mais qui participaient du flux… tendu. Quand, aujourd'hui, les miettes et le hors-flux sont l'alpha et l'oméga de l'audio !

Tombe de Ph. Pétain, île d'Yeu.








L'écoute de la radio : le chemin à l'envers…
Il suffit d'être prévenu quelques jours à l'avance de la rediffusion de "Maréchal, les voilà…" (1) pour que j'ai envie de vous raconter comment en 2003, une émission s'installe sur France Culture. "Le vif du sujet", émission hebdomadaire du mardi (15h-16h30), coordonnée par Alexandre Heraud, fait suite à l'hebdo "Changement de décor" qui, d'une certaine façon, faisait suite à la quotidienne "Le Pays d'ici".

Le "Vif du sujet" ce sont des producteurs tournants dans une unité de programme, deux "principes" disparus aujourd'hui ! Le "Vif" c'était une heure de documentaire + une demi-heure d'éclairages sur le sujet avec différents types de participants. Et, cerise sur le gâteau, à 16h30 des passages d'antenne avec Yvan Amar "Un poco agitato" (émission musicale) qui valaient leur pesant de cacahuètes !

Magnétique… vous avez dit magnétique !
Coll. G. Davidas









Le documentaire perd du terrain sur la chaîne depuis 1999 (2). En 2021, la rediffusion de "Maréchal, les voilà… " d'Alexandre Heraud et Gilles Davidas, passe par "Une histoire particulière" en deux parties le samedi et le dimanche (13h30) sur France Culture. Pourquoi pas ? Mais pourquoi en deux épisodes ? On pourrait tenter en 4 ou en 6, non ?. En feuilleton. En série ! Si j'ai écouté samedi et dimanche dernier en rediffusion, j'ai pu aussi réécouter la diffusion initiale. Ça ne procure pas les mêmes effets.

Dans sa continuité, l'histoire, bien troussée et bien racontée, trouve son rythme et, est dans le bon tempo pour "être dedans". En deux épisodes "trop courts" on créée artificiellement du suspens et entre les deux diffusions… l'eau est passée sous les ponts. Ce n'est sûrement pas pareil de produire son documentaire sur une heure continue qu'en 2 fois 30'. Ce sont d'autres rythmes, une vrai/fausse "chute" pour le 1er épisode, une "relance" pour le second. 

Je ne me souviens pas avoir écouté ce doc à l'époque. Hum ! Le mardi à 15h, comment dire… ? Pas toujours facile d'être sur le pont de la radio. Heraud fait du Heraud. En empathie avec son sujet et ceux qu'il interviewe. On peut même l'imaginer en 1973, en culottes courtes, sur place rédigeant son papier pour la PQR (Presse Quotidienne Régionale) ! On l'imagine surtout en jeune Tintin reporter ! D'aventures en aventures, de faits d'hiver en faits de société, de Cuba à Tamanrasset. Car pour ce Heraud là "Il existe(ra toujours) un endroit…" magnétique !








Magnétique car c'était la dernière fois que Davidas allait utiliser la bande (type celle ci-dessus). Eh oui, le glas a sonné depuis la fin des années 90 et il va falloir se rendre à l'évidence les bandes vont rester des souvenirs… magnétiques, eux aussi, au fond des armoires (et à l'Ina). Ce geste magnétique que Marie Guérin et Gilles Davidas ont magnifié dans un documentaire. Ce son magnétique difficile à "entendre" dans la compression numérique de l'air ambiant. L'expression "cousue main" avait tout son sens. Le(s) geste(s) et l'oreille un artisanat d'excellence. Humainement sensible.

Pour cette rediff', l'illusion de savoir le fin mot de l'histoire en sachant attendre 24h donne plutôt envie d'attendre le dimanche 14h et d'écouter les deux épisodes à la suite. Cet effet "feuilleton/série" pour stimuler le programme de l'après-midi est juste une posture surannée quand, "La série documentaire" et "À voix nue" sont disponibles en intégralité dès le lundi, premier jour de diffusion. Dernier avatar d'un effet "programme" dont les jours sont comptés quand la future plateforme Radio France aura définitivement gommé les grilles de programme et avec effet retard… les chaînes !

Tiens comme un clin d'œil, hier à 13h30 France 3 diffusait "La belle équipe" de Julien Duvivier ! 


(1) Initialement diffusée dans le "Vif du sujet", le mardi 11 mai 2004, France Culture,
(2) En 1997, Patrice Gélinet supprime "Le Pays d'ici", inventé par Jean-Marie Borzeix (directeur 1984-1997). En 1999, Laure Adler (directrice 1999-2005) supprime de nombreuses cases documentaires mais propose en 2002 à Heraud ce "Vif du sujet" comme une préfiguration à "Sur les docs", quotidienne, créée à la rentrée 2006 et coordonnée par Pierre Chevalier. Voir aussi la note de bas de page n°3 de ce billet.

mercredi 13 janvier 2021

La culture du chiffre…

Il fut un temps pittoresque où se rendre à la foire provoquait des sensations contrastées mais souvent combien séduisantes. L'ouïe était très sollicitée. Mais, malgré tout ce brouhaha on pouvait tomber en arrêt devant un bonimenteur et se régaler de sa faconde, de sa verve et de ses boniments. Même si, suprême grâce, on n'achetait rien. Les foires, dignes de ce nom, se dissipent mais les bonimenteurs, eux, n'ont pas disparu. Ils ont juste changé d'ère et de chansons. D'une présence, la radio, ils ont fait un produit, une marque, une courbe de croissance. Houspillant sans relâche les chiffres, traquant le moindre record (historique, forcément historique), titillant sur la braise (lire la concurrence) l'audience, seule et unique baromètre de qualité attestée. Comme si jamais un chiffre avait pu distinguer le sensuel, l'imaginaire, la couleur, le tempo, la joie et l'émotion.







Ce matin sur son compte Twitter (ci-dessus), Laurent Frisch (1), directeur du Numérique et de la Production à Radio France, n'a pas manqué d'annoncer ce qu'il devrait nommer "le chiffre du jour". Puisque, par la porte, la fenêtre, sur les réso, dans la presse et dans les couloirs de la Maison de la radio, il harangue les foules, les tutelles et ses supérieurs hiérarchiques.

La Pédégère, Sibyle Veil, n'est pas en reste qui manie les chiffres avec autant d'aplomb que le candidat Mitterrand et ses "110 propositions pour la France" à l'occasion des élections présidentielles de 1981. Hier c'était "60 actions/mesures" pour le programme "Égalité 360". Demain (à 8h) ce sera le chapelet et la prière autour des nouveaux chiffres d'audience Médiamétrie. N'en priez plus, la cour est pleine !

Quant au Directeur du Mouv, Bruno Laforestrie, Président du Comité Diversité de Radio France, il a inventé (tout seul ?) le projet 9-3. 9-3 à la mode département de Seine Saint Denis (2), mais qu'il serait opportun de nommer "9 cube" (avec un petit 3 accolé au chiffre 9). T'as raison Léon, trop d'la boule la jactance tip-top !

Tiens pour remettre les pendules à l'heure… et changer d'ère !

(1) Ajout du 18 janvier 2020, nommé ce jour “Meilleur Stratège Digital” aux Oui Audio Awards, sans doute une ligue professionnelle bien corpo !
(2) "Nous allons aussi lancer Radio France 93, une unité de production multimédia implantée en Seine-Saint-Denis qui nous permettra d’y repérer de jeunes talents, de les former et de leur donner leur chance." Sibyle Veil, in l'interview au JDD du 10 janvier 2021.

lundi 11 janvier 2021

Maison de la radio, de la musique, du sport, de la culture, du numérique, de l'information, des petits chevaux de bois et de tout le reste…

Cool non, ce nom à rallonge ? Facile à retenir, facile à prononcer, facile à placer dans une conversation sérieuse ! Mais, Fañch pourquoi tant d'ironie ? Tout simplement parce que Sibyle Veil, Pédégère de Radio France a décidé de "renverser la table" et d'annoncer tout de go, dimanche 10 janvier, au JDD, ses projets pour Radio France (1). Au premier desquels, le changement de nom de la "Maison de la radio" (2). S'en suivra la présentation de soixante autres actions dans la semaine ! Au risque de tomber de l'armoire les salariés apprécieront sûrement que Veil soit montée sur la table avant de la renverser. Qu'il semble loin ce mois de janvier 2020 où conspuée par les salariés et le Chœur de Radio France elle avait du ravaler ses vœux et, penaude, quitter la scène…











Tout va mieux en 2021 ! Plus de grève, la Rupture Conventionnelle Collective actée (340 départs volontaires à l’horizon 2022), chiffres d'audience stratosphériques et autosatisfaction au plus haut sur l'échelle de Richter de l'autosatisfaction ! Quand les planètes sont si bien alignées comment se refuser d'engager ce qui devrait parachever la mue de Radio France. Adieu la radio vive l'audio ! On commence par le nom d'origine du bâtiment créé par Henry Bernard et inauguré en grandes pompes le 14 décembre 1963. On ne m'empêchera de voir derrière ce pléonasme absolu (Maison de la radio) "et de la musique" un gros lièvre. C'est pour "faire plaisir" à qui ? C'est pour "vendre quoi ?" C'est pour "préparer quoi ?".

La finalisation de la grande mue pour, à l'horizon 2022 (fin du mandat de Sibyle Veil), la création de : LA MAISON DE L'AUDIO ? Studios, moyens techniques et humains, plateforme multimédia. Et voilà, roulez petits bolides. Exit la radio. Bien joué ! Mal joué : la modernité à tout prix et l'absence de regards et d'analyses critiques sur les effets induits du numérique et ce particulièrement pour l'environnement (3).

Veil présentera cette semaine "60 actions qui concernent à la fois ce qui s’entend à l’antenne et ce qui se passe hors antenne." (JDD). En prenant une telle initiative - dont on peut imaginer qu'il pourrait y avoir des effets induits pour la télévision et les archives - n'est-ce pas une habile façon de se poser en chef de file de l'audiovisuel public ? Pour entraîner France Télévisions, France Média Monde et l'Institut National de l'Audiovisuel et engager, sans attendre, la préfiguration an actes de feu la holding "France Médias" ? Qui d'un coup de baguette magique pourrait renaître de ses cendres comme par hasard en 2022… après les Présidentielles ? Vous le saurez demain en lisant notre grand radio-feuilleton "Ça va finir (la radio) !"
(À suivre)

(1) Le Journal du dimanche, 10 janvier 2021, interview par Cyril Petit et Renaud Revel,
(2) Inaugurée par le Général de Gaulle, la Maison rassemblait plus de trente studios disséminés dans Paris et disposait de studios pour la télévision,
(3) Écouter le doc de D. Saltel "Comment dresser son smartphone", Arte radio,

jeudi 7 janvier 2021

6 janvier 1975, minuit, naissance de Radio France !

Un anniversaire peut en cacher un autre ! 5 janvier 1971 : naissance de FIP ! Quatre ans et un jour plus tard : naissance de Radio France ! Je l'ai écrit souvent sur ce blog, moins de 90 jours après son élection, en août 1974 Giscard dissout l'ORTF et la disperse façon puzzle en sept sociétés autonomes. Radio France est dévolue à la radio et regroupe : France Inter, France Culture, France Musique et Fip ! 

6 janvier 1975, Jacqueline Baudrier, Pdg de Radio France parle aux auditeurs
À sa droite : Yves Jaigu (France Culture), J. B.,  à sa gauche : Pierre Wiehn (France Inter)












Sa Présidente Jacqueline Baudrier qui a dirigé la rédaction de France Inter et est passée par la TV (1) s'exprime sur France Inter au flash de minuit… Madeleine Constant, en direct, vient juste de fermer France-Inter-ORTF.


Le 14 décembre 1974, Baudrier, au micro d'Yves Mourousi décrivait en détail ce que serait Radio France. Avec beaucoup de calme et de conviction on sent, avec l'intelligence de très bien connaître son suje,t qu'elle ne va pas baisser les bras devant la TV. "Aux heures fortes (de la TV) - 20/22h - la radio doit faire preuve d’imagination et chercher des voix (voies ?) nouvelles et attraper des publics spécifiques. iI y a là une carte à jouer et nous y réfléchirons en permanence.Baudrier pense la radio comme "le monde de l’imaginaire". Le ton est donné et bien donné (2).

On se pince de l'entendre dire "Je ne me lancerai jamais dans la course aux sondages" quand aujourd'hui Sibyle Veil, la Pédégère de Radio France, pour ses vœux au personnel ne va pas manquer d'égrener miyons et miyards d'auditeurs, de clics et autres internautes sur tous les supports !

Sympa de l'entendre citer les nouveautés sur Inter (3). Elle connaît bien les gens qu'elle cite. Rien à voir bien sûr avec la morgue d'un Gallet (ex-Pdg) ou les récitations désincarnées de Veil. France Musique et France Culture ne sont pas oubliées dans son projet. On sera surpris de sa clairvoyance et de son engagement pertinent pour valoriser et singulariser ces deux chaînes. Baudrier était du sérail et on peut dire que l'avoir choisie était un bon choix ! Ça a été l'avis de nombreux professionnels qui ont travaillé sous sa présidence.

Naissance prochaine de Radio France, 14 décembre 1974,


(1) Elle vient de passer 5 ans à la télévision. Directrice de l'information pour la deuxième chaîne en 1969, puis directrice de la régie de la première chaîne en 1972,
(2) Elle a nommé François Billetdoux, responsable de la prospective,
(3) Blanc-Francard (avec à la programmation Bernard Lenoir) animera "Cool". Madeleine Constant ("une voix de charme) "Aujourd'hui, c'est déjà demain" et Jean-Louis Foulquier "Studio de nuit".

mardi 5 janvier 2021

FIP 50…

Quand on aime la radio, que ce soit le cinquantenaire d'une chaîne ou les vingt ans d'une émission, une bonne façon de les fêter est sans doute de se remémorer "comment on en est arrivé là ?". Et comment, jour après jour, la petite musique des voix, des mots, une relation intime a pu à ce point se fixer dans la mémoire ?

À droite Claudine Giraud, à gauche…



Pour essayer d'y répondre on dispose sur sa table les petits morceaux épars, on rassemble trois photos, on griffonne à la hâte sur un bout de papier les mots qui font sens, on recontextualise, on se revoit à faire la vaisselle, à bêcher le jardin ou à faire la sieste sous les pommiers. C'était quand ? Pourquoi c'est si important ? Pourquoi on peut en faire une petite histoire ? C'est toujours ce que je me demande dix ans presque depuis que j'ai commencé à écrire ici en juillet 2011. 

Six mois auparavant, Gilles Davidas, produisait et diffusait sur Fip deux fois/jour (10h/18h) son feuilleton "Vous avez loupé Marie-Martine ?" (1) Marie-Martine ? Bisson : première animatrice de FIp en janvier 1971. J'ai réécouté samedi et dimanche dernier ce feuilleton qui avec de nombreux témoignages raconte la petite et la grande histoire de Fip. J'ai repris contact avec Julien Delli-Fiori et beaucoup échangé avec Davidas. Il manquait une seule pièce à mon puzzle… Kriss.

Delli-Fiori
"Je suis rentré à Fip au milieu du mois de février 1971. Vers les 15 ou 17, soit un mois après le début. Au moment où l'antenne s'arrêtait le vendredi soir pour reprendre le lundi matin. J'étais engagé pour faire le samedi matin. Ensuite notre superbe duo Codou - Garretto a obtenu le samedi après-midi, ensuite le dimanche."

Radio Fañch : "Comment ça se passait en cabine ?"
J.D-F : "Il y avait trois platines Clément, pour galettes 33cm et 45 t., deux techniciens et un chef  d'antenne (+ un préposé aux droits d'auteurs). Les programmateurs écrivaient manuellement la liste des thèmes choisis, environ 12 à 16 titres par heure. Pour préparer nos listes j'ai souvenir de deux heures au début. Ensuite carrément le même programmateur faisait une demie journée, et, à l'usage les chefs se sont rendus compte et, c'était vrai qu'il y avait un programmateur qui était trop branché "guitare"... Alors on a partagé par des tranches réduites à quatre heures pour équilibrer l'ensemble. Évidemment impossible de me souvenir des dates de ces changements."

Radio Fañch : "Et alors ?…"
J.D.-F. : "En 1982 , Jean Garretto [créateur et directeur de Fip, ndlr] propose aux six programmateurs de trouver une idée d'un rdv musical à partir de 19h ou 19h30-21h. Trois ont choisi le jazz : Jacques PantalacciPatrick Tandin et moi. Mais le hic c'était la charge d'emploi ! Et nous avons accepté. Sans cela "Jazz à Fip" n'existerait pas aujourd'hui. Quelques années plus tard grâce à Guy Breton [directeur de Fip 1991-1994, ndlr] nous avons obtenu un cachet."

Logo de lancement, 1971






Après 3h12 d'écoute des vingt épisodes de "Marie_Martine", non seulement j'ai bcp souri mais je me suis pris au jeu de ne pas lâcher l'affaire et de survoler quarante ans d'une seule traite ! C'est des noms que je retiens et d'autres que je (re)découvre. Tous ensemble c'est une famille, non ? Pas ce terme galvaudé, c'est une histoire qui par strates joue sur le thème de la transmission et du passage (de témoin) de façon tacite sans que ce soit annoncé aux culs des bus ni même au fronton de la Maison de la radio ! Enfin jusqu'à l'arrivée d'Anne Sérode (2014-2017) juste avant les émissions du soir et le raccourcissement de "Jazz à Fip". Un drame oui. Pourquoi bouleverser quelque chose qui marche si bien ? C'est la méthode Gallet/Veil ! Sans états d'âme et sans âme surtout !

L'âme, c'est Marie-Odile Monchicourt (animatrice à L'Oreille en coin, Fip et ex-chroniqueuse à France Info) qui l'incarne avec ce message "C'est pas parce que l'ennui est la mère de tous les vices qu'il faut en profiter Bd St-Michel" et, si on se souvient de sa voix c'est subtil, taquin et drôle ! Michèle Lussan (programmatrice à Fip aux tous débuts) se souvient des deux mois de répétition qui ont précédé l'ouverture de l'antenne et des nombreux programmes variés qu'elle a proposés à Codou et Garretto avant de trouver "la bonne formule". ! Et Jacqueline Baudrier (Pdg de Radio France 1974-1981) qui, en 80 vante, "FIp stéréo" (en Modulation de Fréquence).

Cet enthousiasme en prend un coup quand "Marie-Martine" (le feuilleton) nous rappelle les fermetures programmées des Fip de Marseille, Reims, Metz, Lyon, Nantes, Strasbourg,… avec les témoignages d'auditeurs ou des personnels concernés (1). Tout ça inscrit dans le "Plan bleu" de Cavada (Pdg 1999-2005) qui normalisera les locales en France Bleu et consacrera Fip et Mouv' comme variables d'ajustement. 

Voilà, Fip aura fêté ses 1an puis 10, 15, 20, 30, 40 et 50 ans. Aujourd'hui à l'antenne : 
17h/19h : Fip Story. De 19h à 20h30 : 50 ans de jazz à Fip avec Julien Delli-Fiori. 20h30/23h : Soirée anniversaire. Et dimanche sur Arte, Karambolage, un sujet consacré à Fip ! (2)

Et pour conclure, une autre "accroche" de Monchicourt :"En passant par La Rochelle avec vos sabots vous auriez été plus vite qu'en passant par Bastille avec votre auto". Ça, comme le révèle "Marie-Martine" c'était le fruit d'une cogitation poussée entre Kriss et Marie-Odile pour trouver la jolie pirouette qui détendrait l'atmosphère circulatoire ! (3)

(1) Quand Bordeaux, Nantes et Strasbourg finiront par y échapper jusqu'au 18 décembre 2020,

(2) J'ai pu le visionner. C'est court, pop et sympa et Jean Garretto aurait adoré l'accent allemand de Maija-Lene Rettig qui réalise le sujet. C'était son accent préféré !
(3) On notera que Marie-Odile Monchicourt s'est affranchie de la Lorraine en lui préférant… La Rochelle !

Et avec le son ! (Merci à Anthony Gouraud)

lundi 4 janvier 2021

4 janvier 1971, studio 167, 6ème étage de la maison ronde !

Ça bourdonne et ça butine, quai de Passy dans le XVIème arr. de Paris ! Demain mardi 5 janvier 1971, l'ORTF va lancer une nouvelle radio. En ondes moyennes et pour l'instant uniquement pour les Parisiens. La fréquence des 514m a déjà été utilisée pour les radios guidage de retour de vacances sur cette ancienne fréquence de l'armée. Il y a un peu plus d'un an Roland Dhordain, patron de la radio à l'ORTF, sollicite Jean Garretto et Pierre Codou, les fameux inventeurs de l'"Oreille en coin" en mars 1968 sur France Inter, pour créer une radio où les services seraient roi (radio-guidage, infos, culture et vie pratique). Une fois que leur est alloué un studio et des bureaux dédiés les deux producteurs se mettent au travail… "60' de musique par heure" sera le bon slogan retenu pour donner envie écouter une radio dont le modèle n'existe nulle part au monde (1).  À la veille de ses cinquante ans, j'ai envie de vous raconter autrement son histoire.










Janvier 2011. Julien Delli-Fiori, programmateur historique de la chaîne (il y est entré en février 1971), la dirige depuis février 2010. Nadine De Sousa-Provini (2) soumet l'idée d'un feuilleton pour fêter les 40 ans de ce qui s'était d'abord appelé France Inter Paris (FIP). En 20 épisodes, disponibles cette année-là à l'antenne à 10h et 18h et, sur le site de FIPGilles Davidas (réalisateur-producteur à Radio France) raconte dans "Vous avez loupé Marie-Martine…" (3) la petite et la grande histoire de Fip avec de nombreux témoignages et un indicatif d'Hugues Le Bars ! J'espère que demain on réentendra tout ou partie de ce feuilleton.

Décembre 2020. Les trois locales de Bordeaux, Nantes, Strasbourg vont fermer ! Les deux derniers jours d'antenne, les 17 et 18 je navigue à l'écoute de ces trois fréquences. À Bordeaux, Stéphanie Moussu, animatrice, finit sa journée (elle ne travaille pas le lendemain) ce sera sa dernière désannonce : 

"Il faut bien l'admettre, il y a plusieurs jours que je rumine cet ultime micro… J’ai pensé à faire des comparaisons avec la fin d’une histoire d’amour : Fip m’a quittée - "Dites-moi qu’elle est partie pour un autre que moi mais pas à cause de moi… "…

Et puis ce n’était pas tout à fait ça alors j’ai raturé, froissé des feuilles et balancé dans ma corbeille numérique les brouillons de ma révérence. Soudoyer un programmateur pour que nous écoutions "Lettre à France" m’est apparu comme un recours salvateur.

Telle un Polnareff romantique, je m’imaginais dire la langueur qui m’habite à imaginer vivre sans Fip. Il était une fois toi et moi n’oublie jamais ça, tout ça tout ça. Mon cerveau bouillonnait vous en êtes témoin j’ai même pensé à "This is the end " des Doors.

Finalement les blagues les plus courtes étant certainement les meilleures, j’arrêterai là mes comparaisons. Une blague qui aura duré quatre ans et demi tout même. Et que j’ai aimée avec passion. Fenêtre sur l’écriture, le théâtre et la musique de notre région qui sont aussi foisonnants et qualitatifs que leur peine est immense en ces temps de repli culturel.

Je jette mes quinze pages d’adieux et je garde celle-ci. Je signe tout de même à la fin, mes camarades consoeurs s’y sont appliquées avant moi. C’était Stéphanie Moussu, et le point final de sa dernière antenne… Je ne vous dis pas adieu mais un bel et franc au revoir… Reste à savoir où et quand ? Le mystère reste entier, comme l’espoir."

En tant qu'auditeur l'émotion aussi est perceptible et ce doit être le cas pour ceux qui depuis plus de quarante ans écoutent FIp à Bordeaux ! Le 30 décembre, j'ai échangé avec Stephanie pour comprendre ce que ça fait de lâcher le micro ! C'est un long processus qui passe du déni, au réel du compte à rebours, puis à la chute finale. Le constat amer de "ne plus être indispensable à la radio". Et puis comme un défi "Plus jamais n'est pas possible !".

À ce jour le sort de Stéphanie, comme celui d'autres animatrices n'est pas tranché ! Le silence radio des voix locales de Bordeaux, Nantes, Strasbourg, lui, depuis le 18 décembre à 19h  s'est installé. Demain 5 janvier 2021, Fip fêtera ses cinquante ans. Je serai à l'écoute toute la journée même si les infos, le guidage, la vie pratique ont fini, années après années, par quitter l'antenne.

Demain de 17h/19h : Fip Story. De 19h à 20h30 : 50 ans de jazz à Fip avec Julien Delli-Fiori. 20h30/23h : Soirée anniversaire. Et dimanche sur Arte, Karambolage, un sujet consacré à Fip !

(À suivre, demain)

(1) En inscrivant Fip dans l'onglet de recherche de ce blog vous trouverez de nombreux épisodes qui en content la saga !
(2) Assistante,
(3) Marie-Martine Bisson était la première animatrice de Fip ! 

vendredi 1 janvier 2021

Les vœux de Radio France. Des vœux ? Nan, juste de la com' bien corpo et bidon !

Sur twitter ce matin Radio France se fend d'une vidéo qui, outre la pédégère Sibyle Veil, met en scène des animatrices, animateurs, journalistes, musiciennes pour chacune de ses chaînes et formations musicales. Pourquoi elles ? Pourquoi eux ? Pourquoi les personnes déjà les plus exposées, les plus connues ont-elles acceptées d'en rajouter dans cette parodie de vœux qui ne peut ressembler qu'à une entreprise de com' banale, surjouée et qui plus est superfétatoire ?

Image extraite de la vidéo citée









Pourquoi ne voit-on jamais les collaboratrices spécialisées, les réalisateurs, les ingénieures du son, les attachés de production ? Pourquoi jamais toutes celles et ceux qui sans relâche font la radio et servent ceux qui, derrière le micro, prennent toute la lumière qui relègue dans l'ombre de formidables professionnel-le-s passionné-e-s. Pourquoi une seule animatrice de France Bleu (de l'antenne parisienne) quand environ mille-cinq cent personnes travaillent dans les quarante-quatre locales ? Pourquoi une seule animatrice de Fip ? Et les programmateurs de cette chaîne qui assurent sa renommée (et son audience) et qui va fêter ses cinquante ans, ils sont où ?

La question elle est vite répondue. Depuis 2014 et l'arrivée de Gallet comme Pdg, son ignorance absolue des métiers de la radio, qui vaut aussi pour celle qui lui a succédé, a précipité ces dirigeants hors-sol à singulariser et personnaliser un média quand, depuis ses origines, la radio est une œuvre collective et un travail d'équipe. Un bout de la chaîne manque et l'émission est "dépeuplée", comprendre infaisable, irréalisable, indiffusable. 

À n'avoir dans la bouche que les mots de collaborateurs et de service public, de ronds de jambe pour les tutelles (Finances, Culture) ces dirigeants sont incapables de valoriser la chaîne de production radiophonique. C'est tellement plus facile d'exposer des vedettes déjà surmédiatisées et souvent en poste aussi à la TV. Mais ça leur fait quoi à tous les autres d'être autant invisibles et ignorés ? Ça leur fait quoi de lire sur Twitter qu'une directrice de chaîne incite un des animateurs de sa grille à ne pas déserter la radio quand il annonce qu'il va quitter la TV (1) ? Il est donc si important que ça ?

Cette com' de supermarché inventée par les petits gourous des boîtes de communication qui ne différencient pas la lessive, du saucisson, d'un être humain, ça va encore durer longtemps ? Ces petits rois du consumérisme si vite adoubés cash par des manageurs de moins de cinquante ans qui n'ont de la radio qu'une image de "vedettes" quand vont-ils se renouveler ?

Cette vidéo de Radio France donne juste envie de gerber. C'est rien. De l'esbrouffe. Du marivaudage de pacotille. Du mépris pour les salarié-e-s acteurs de la radio. C'est bien mal augurer de la sauce à laquelle va être mangée la radio qui vit ses dernières heures avant de muer en plateforme où là, c'est sûr, il n'y aura plus que les vedettes pour assurer le service après-vente ! 

(1) Laurence Bloch, directrice d'Inter pour retenir Augustin Trapenard qui quitte Canal +.