jeudi 31 décembre 2020

On empile, on trie, on dit… On apprend, on rassemble et on raconte !

J'adore quand mémoire, présent, conversations pointues, archives audio bouleversent un moment de la journée et finissent par me faire écrire le dernier billet de l'année ! Oh gué !

Roland Dhordain















Il y a quelques jours Gilles Davidas (ex réalisateur-producteur à Radio France) poste un commentaire sur mon billet. Je lui réponds. S'en suit une conversation par SMS puis orale. Nous évoquons Dhordain (ex-patron de la radio, époque ORTF) et il m'écrit : "Demande à Chancel et à Dhordain si c'était une bonne idée [l'unité de programmes "Les pleins et les déliés" de Jean Garretto]. Il croit se souvenir que lors d'une Radioscopie consacrée à Dhordain, ce dernier en profite pour critiquer la grille de programmes inventée par Jean Garretto (Directeur d'Inter 1983-1988). Je cherche. Je trouve.

L'émission, animée par Chancel, s'appelait "Quotidien Pluriel" durait 25' (4 novembre 1983, France Inter). Elle illustrait parfaitement la "réforme" que Garretto avait voulu. Son projet "Des pleins et des déliés" avait pour objet, chaque après-midi de la semaine (1) de proposer des émissions courtes, de plus longues dans un tempo pour surprendre l'auditeur et désacraliser les "cases vedettes" des ténors : Artur (Pop Club), Bouteiller (Le Magazine), Chancel (Radioscopie) et Villers entre autres !

J'ai des ami-es. L'une d'elles, fada de Chancel, me retrouve cette émission, me l'a fait écouter (cassette). Dhordain poli, respectueux de la fonction de Garretto et habile ne "crache pas dans la soupe", d'autant plus que le directeur de la chaîne vient de lui confier une nouvelle émission "Les oubliés de la une" (Samedi 10h-11h). Chancel, lui, aurait bien aimé trouver un allié pour conforter tout le mal qu'il pense de cette grille qui, crime de lèse majesté, l'a privé de "Radioscopie".

Vous voyez, mes chers auditeurs, comment à partir d'une discussion anodine, je m'emballe, me passionne, fouille, creuse et me ravis d'en avoir appris un peu plus encore ! Abonné à Madelen (SVOD, Ina) j'ai pu réécouter deux Radioscopie avec Dhordhain. Dans une autre, de juin 81, Dhordain évoque la nouvelle émission qu'il va animer avec Claude Villers, tout l'été, (écouter ci-dessous) et en profite pour raconter comment il a eu l'occasion de l'embaucher à la radio !

Ah les archives ! Quel bonheur ! Tisser et retisser la grande et la petite histoire de la radio. Je crois que j'aurais beaucoup aimé être archiviste et mieux, animer quotidiennement une émission sur les archives radio. Mais bon… j'ai écrit ce blog, modeste et génial (je cite).
(À suivre)

Roland Dhordain et Claude Villers, "Il était une fois la radio", émission quotidienne de l'été 1981, France Inter,


(1) En fin de semaine, le samedi après-midi, le dimanche matin et après-midi "L'Oreille en coin"  de Garretto et Codou, poursuivait sa route (1968-1990)

mercredi 30 décembre 2020

De la voix… au voyage mémoriel

Ben voilà, il a suffi qu'un internaute poste un lien sur un vieux billet de 2011 pour que boum, badaboum la mémoire chavire et que l'on se retrouve hagard et balbutiant en… 1976 ! Diantre ! Une voix (et quelle voix !) ça vous chamboule, ça vous retourne et ça vous scotche. Surtout si des années durant le samedi ou le dimanche l'oreille, en coin, vous avez écouté les histoires d'un conteur : un certain Daniel Mermet !

Daniel Mermet









Ce Mermet tissait sa toile semaine après semaine. C'était avant "Là-bas" (si j'y suis). C'était du cousu-main. De l'artisanat. De l'orfèvrerie. Ça pouvait commencer en studio dès le jeudi pour, avec un ingénieur du son et un opérateur (assistant), enregistrer le texte inédit de Mermet. Et puis le dimanche venu, souvent après le flash, Kriss, Agnès Gribes ou Katia David lançaient le conteur. Il y en avait pour environ 40'. 40' de régal et d'évasions lointaines. 

La radio nous absorbait et il fallait souvent tout arrêter pour ne pas en perdre une miette. Quelques années plus tard c'est "Dans la ville de Paramaribo, il ya une rue qui monte" qui nous mènera en voyage. Avec la désannonce d'Agnès qui précise le jour, dimanche et l'horaire, entre deux heures et trois heures, comme on disait à l'époque. C'était le génie de "L'Oreille" (en coin). C'était le génie de ses deux inventeurs-producteurs : Jean Garretto et Pierre Codou. C'était une radio dans la radio de 1968 à 1990, sur France Inter.

Monsieur Désir…

mardi 29 décembre 2020

Après la radio… Arte radio !

Bon, ça fait plus de dix ans que j'écoute Arte Radio. J'ai jamais cru que c'était de la radio mais j'ai toujours cru que c'était du très bon documentaire et du bon son. Maintenant que la radio publique m'a claqué l'antenne en pleine tronche, je m'enfonce un plus plus profond dans les 2272 sons disponibles, sachant que sur ce blog j'ai souvent chroniqué des créas issues de cette caverne d'Ali Baba. Il y a d'autres producteurs de documentaires et d'autres studios, mais j'ai un peu plus de tendresse et de réflexe pour cette "radio là" car il y a un ton général qui me convient et des angles qui aiguisent ma curiosité, même si j'aurais préféré ne pas avoir à choisir dans un catalogue et me laisser porter par une programmation… radiophonique.

Illus de la série de D. Saltel, Arte Radio











Pour finir l'année avec quelque chose entre les oreilles, j'ai attrapé au vol les quatre documentaires de Delphine Saltel "Vivons heureux avant la fin du monde". De cette documentariste j'avais eu l'occasion d'évoquer "Allo Ménie, confidences sur les ondes" qui en 2015 mettait en valeur Ménie Grégoire et son émission quotidienne sur RTL créée au milieu des années soixante.

J'aime vraiment beaucoup comment Saltel aborde ses sujets. Elle se met en jeu, s'interroge, creuse l'affaire, se blâme, se félicite et essaye d'avancer et de changer ses comportements en nous incitant à changer les nôtres. L'ancienne prof est pour le moins pédagogue et non directive. Ses questionnements peuvent très bien être les nôtres ou en tout cas nous interroger si on n'a pas encore eu la bonne idée de le faire !

À une voix, un style, une façon de (ra)conter on s'habitue et on peut vite constater qu'on ne peut plus s'en passer. Ça c'est le virus de la radio qu'on a chopé ado et dont on ne s'est pas guéri deux ou trois décennies après ! Alors bien sûr j'aimerais au quotidien que Delphine Saltel me raconte ses "choses de la vie". On aurait rendez-vous à heure fixe chaque jour et, me connaissant, je ferai chaque jour mon miel de ces histoires-là. Mais voilà j'entends dans le casque une grosse voix qui me dit (On dirait Silvain Gire, le boss d'Arte Radio) "Faut qu' t'arrêtes de rêver Fañch, nous on f'ra jamais ça. À chacun de piocher là, à son rythme et à son goût !")

Ben, tu sais Silvain je veux pas vous faire changer et Arte Radio m'a depuis lurette habitué à changer mes façons. N'empêche c'est bien Philippe Alphonsi (Histoire d'un jour, Europe 1), Kriss et Claude Dominique (France Inter), Bellemare (Europe 1), Villers (France Inter), Lebrun (France Culture), Mermet (France Inter) qui ont longtemps rythmé et organisé ma life vie. Vous pourriez tout à fait, à partir de votre stock de programmes et à côté de ceux-ci en libre écoute, "inventerune programmation H24, 7/7 (en vous affranchissant d'un timing trop contraint). Et, une radio entièrement consacrée aux documentaires/reportages ça n'existe pas !

Allez, ceci est l'occasion de vous féliciter avant vos 20 ans (2022) et de donner un coup de chapeau à Delphine Saltel ! Enjoy ;-) 

lundi 28 décembre 2020

Pêle-Mêle… Peine même !

Je mijote depuis quelques semaines les sujets évoqués dans ce billet mais, à la différence d'autrefois, je n'ai plus la niaque pour écrire. La spirale infernale dans laquelle est entrée la radio publique me consterne. Et les roucoulades/jérémiades d'un Guimier (Laurent) en sont l'apothéose absolue. Le débit H24 de chiffres par Veil (Pdg de Radio France) et Frisch (Dir du Numérique à RF) est un assommoir (1), une parade, un faux nez et une imposture. Derrière miyards et miyons la casse du service public continue. Inexorablement. Le public est berné. Le service maquillé. Dans dix ans des chercheurs mettront à jour un "système" qui n'a eu pour seul objectif que de tuer l'intérêt général au profit des intérêts particuliers. Podcasts et plateformes sont les paravents gigantesques de détournement de toute la chaîne de création d'un savoir-faire centenaire abdiquant face aux tendances et influenceurs, comme si la radio mutait en une forme d'Instagram prise dans un Tik-Tok compulsif. "On" a laissé faire ! Et on s'amusera bientôt de quelques pleureurs pathétiques, juchés sur des caisses à savon dans quelques jardins publics ou quelques gargotes vintage, venus clamer "les grandes heures de la radio publique" avec des trémolos dans la voix !

La Maison ronde, années 60












Qu'on ne compte pas sur un Denis Maréchal pour en être. L'historien qui avait dressé l'histoire de RTL dans une brillantissime monographie (2) a commis à la rentrée dernière une bien pâle histoire de France Inter jonchée de dates approximatives et de raccourcis qui laissent perplexe et assez désemparé l'auditeur assidu depuis plusieurs décennies (3). Que l'Ina se soit associé à cette rédaction est pour le moins surprenant. L'histoire d'Inter reste donc encore à écrire.

Guimier : Pile ou farce  ?
Les deux mon capitaine ! Le journaliste arrive toujours "au bon moment" ! Pile, pour "refaire" Europe 1 et se scratcher dans le mur Lagardère (mai 2018/juillet 2019). Farce, pour nous faire accroire que sa nomination à la direction de France Info (TV) puis à celle presque immédiate de "Directeur de l'information" de France TV, n'a pas à voir avec une manœuvre de fusion/rapprochement avec Radio France (4). La ficelle est grosse. Le 5 octobre 2020, son air ingénu et sa réponse d'innocent à la question de Sonia Devillers sur la "fusion" France Info, radio et TV dans une même entité, nous confirme qu'il prend les auditeurs pour des billes et continue son numéro de bouffon inauguré avec Cyril Hanouna dans "Les pieds dans le plat" (Europe 1, 2014)

Désolé mais le lien direct vers la vidéo n'est pas actif, lire ici !

Comment imaginer que Guimier n'était pas le meilleur cheval pour préparer l'intégration de France Info radio vers France Télévisions ? Sonia Devillers est persuadée que l'intéressé va confirmer cette intuition qu'aucun spécialiste média n'a pas manqué d'avoir. Eh ben non ! Ne voulant dévoiler aucune stratégie des deux services publics concernés Guimier effectue une pirouette grossière, un entrechat lourdingue, une figure de rhétorique qui ne berne personne (Vidéo à 13'10").

On peut continuer longtemps de se demander pourquoi Frédéric Schlesinger (Directeur des programmes de Radio France, 2014-2017) a proposé Guimier comme directeur de France Info (2014-2018) ? Journaliste prompt à se vendre à la concurrence (Europe1) dès 2018 et aussi prompt à rentrer au "bercail public", assorti d'une promotion et d'un poste stratégique, directeur de l'information, depuis septembre 2020, deux mois après sa nomination comme directeur de France Info TV (Directeur éphémère, 15 juin 2020- 7 septembre 2020).

En absence de loi audiovisuelle qui devait créer en 2021 la holding France Médias, le Contrat d’Objectif et de Moyens (COM) signé avec l'État qui donnait à chacune des sociétés audiovisuelles publiques le cap pluriannuel de gestion, est devenu un COM commun où chacune (Radio France, France Télévisions, France Média Monde et l'Ina) doit s’engager vers des rapprochements de moyen et de création. Guimier ne s’embarrassera pas de ses louanges passées à la radio publique et démantèlera, sans scrupule, Radio France pour habiller France TV ! D’autres dans la même veine s’emploient à déshabiller France Bleu pour la fondre dans France 3.

Et, si l’on ajoute à ce funeste tableau la mue définitive de Radio France en plateforme (fin des programmes linéaires, co-production avec des studios privés, valorisation des moyens de production [studios d’enregistrement] vers des sociétés privées), un siècle aura suffi (1921-2021) pour dématérialiser le "poste" (5), sa présence temporelle de jour comme de nuit, une écoute collective et un mouvement (une onde) sur la longue durée. Gageons que dans vingt ou trente ans, folles et autres fous furieux, créeront des radios linéaires de programme 24/24, avec des jingles à la papa qui mettront de bonne humeur et accompagneront le jour le déroulement du jour et celui de la nuit, la nuit.

Bonne fin d'année, mes chers auditeurs !


(1) Les directeurs de chaîne ne sont pas en reste qui ânonnent les chiffres de Médiamétrie comme s'ils récitaient leur chapelet face au dieu audience,
(2) Suite à sa thèse de doctorat en Histoire du XXe siècle soutenue en 1994, publiée par Nouveau Monde Édition, 2010,
(3) France Inter, une histoire de pouvoirs. Ina, Octobre 2020,

(4) "Laurent Guimier était directeur de la radio France Info jusqu’en 2017. L’idée, cette fois, est de renforcer les liens avec Radio France. « Multiplier les coopérations, faire jouer les synergies et fluidifier les relations, c’est l’une des missions que j’ai confiées à Laurent Guimier », confirme Yannick Letranchant, le directeur de l’information de France Télévisions."  Sandrine Cassini et Aude Dassonville in Le Monde, 17 juin 2020,

(5) L'avis de @lachaineaudio sur Twitter :"Parce qu'aujourd'hui n’importe quelle émission en direct à la radio devient la minute d'après un replay tout comme il est possible qu'un podcast passe à l'antenne en direct, faut-il continuer à faire de la radio comme si sa diffusion devait rester le format figé d'hier ?" (26 déc. 2020).

lundi 21 décembre 2020

Fip : de quoi flipper…

Y'avait mieux comme titre ! Y'avait mieux, fin 2020, que de relever dans l'indifférence quasi-générale, la fermeture par Radio France des trois dernières antennes régionales de Fip : Bordeaux-Arcachon, Nantes-Saint-Nazaire et Strasbourg. Vendredi dernier, les animatrices de ces trois stations se sont relayées au micro pour, dignement et humblement, et avec beaucoup d'émotions saluer leurs fidèles auditeurs en deuil d'une histoire qui, dans chacune de ces villes durait depuis plus de quarante ans !

À Suzanne, Isabelle, Sophie, Muriel, Stéphanie, Élodie, Yolande, Sarah, Marjorie, Magalie, Florence, Emmanuelle, Agnès, Pascale, Natascha, Muriel, Catherine, Amélie, Maryeline, Anne, Clémence…

Ce billet leur est dédié

Animatrices de Fip Strasbourg (18 déc. 2020)









La pédégère de Radio France, Sibyle Veil, si prompte à auto-glorifier le moindre événement du média public qu'elle préside depuis 2018 n'a pas trouvé les mots pour remercier les animatrices qui ont su toutes ces années faire le job. La directrice de la chaîne, Bérénice Ravache aura attendu samedi 21h pour se fendre - a minima - d'un tweet laconique pour ne pas dire pathétique. Jeudi 17 décembre lors d'une conférence de presse elle n'avait pas plus trouvé opportun d'annoncer la fermeture de ces trois locales : "Silence, on ferme !" Par contre, forte d'une roucoule appuyée pour le cinquantenaire à venir (5 janvier 2021) elle en faisait des tonnes pour sanctifier ce qui ne peut pas s'appeler autrement qu'une recentralisation.

En 70, Roland Dhordain, patron de la radio veut une radio de service (radio-guidage, culture, vie pratique). En 71, Jean Garretto et Pierre Codou, géniaux producteurs de radio, inventent FIP (France Inter Paris). Un programme musical de 17h entrecoupé de très courtes interventions parlées par des animatrices recrutées "en aveugle" pour leur voix (1). D'années en années il y aura jusqu'à quinze FIP installées sur tout le territoire métropolitain. Superbes variables d'ajustement, les FIP sautent et tressautent au rythme des humeurs des Pdg qui se succèdent à la gestion de Radio France. En 2014, Gallet et son n°2 (placé dans la quatrième à Chantilly) Schlesinger décident de saborder les trois dernières locales de Bordeaux, Nantes et Strasbourg. Il n'aura fallu que six ans pour entériner l'affaire et rendre orphelins des milliers d'auditeurs et des dizaines d'institutions culturelles régionales partenaires de Fip.

Les gestionnaires froids gèrent froidement les histoires sensibles et, sans charisme ni passion  recentralisent la culture en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Les clopinettes budgétaires que représentaient ces trois locales ne sont donc pas l'argument décisif de leur fermeture. Simplifier, rationaliser, uniformiser voilà un leit-motiv pour des Pdg et des directeurs de chaîne pour lesquels la radio est juste un produit comme un autre même si, chacun essaye à longueur de mantras pathétiques de donner le change.

Pourtant il y a juste 50 ans la TV publique (Antenne 2) réalisait un reportage sur ce qui dans quelques jours allait devenir une radio unique et indispensable aux Parisiens. Sur 514m Ondes Moyennes, le 5 janvier 1971 à 17h, Kriss (animatrice d'Inter et de "L'Oreille en coin", a donné le ton et partagera l'antenne avec des animatrices talentueuses pour rédiger des textes accrocheurs, joueurs et quelques fois moqueurs !


Voilà comment Dhordain présente Fip… (France Inter, 5 janvier 1971) 


Je ne résiste pas pour conclure à vous faire partager la joie de Simone Herault, animatrice recrutée en décembre 1971, et qui deviendra des années plus tard la voix de la SNCF. Dans son livre de souvenirs (2), elle raconte : le 22 décembre 1971 je recevais un télégramme "Candidature acceptée. Pouvez-vous téléphoner Jean Garretto 224 36 84 ou 37 64 pour confirmer rendez-vous mardi 28, 14:30. Bureau 6431. Signé ORTF." Simone commencera le 5 janvier 1972.

O tempora, o mores…

(1) Garretto et Codou ne voient pas les postulantes pour ne pas se laisser influencer par leur physique !
(2) "Grâce à ma voix". La vie du rail, Paris, 2005.

mercredi 2 décembre 2020

Audio memory…

Yeah ! Sorry les aminches de titrer en angliche ce qu'un "Mémoire audio" aurait parfaitement traduit de ma pensée du jour ! But/mais ;-) me sont venues en mémoire les "Cool memories" de Jean Baudrillard et il faudra donc vous contenter de ce joli titre anglais ! Na ! Sinon peut-être pour me donner de l'élan d'un long papier à venir, voici une chronicroquette sur la force de la mémoire associée à la puissance évocatrice d'une heure rituelle où au siècle dernier, à l'heure du thé, gourmands nous écoutions la radio comme si nous goutions une madeleine… 

Brigitte Fossey/Jacques Chancel








Les morts se succédant sans relâche, madelen, la plateforme mémorielle de l'INA, nous incite à revoir des images, mais beaucoup moins souvent de réécouter des sons. Hier un patron de presse, Jean-Louis Servan-Schreiber est mort et l'Ina de remettre sa Radioscopie (1) en avant. Et là, forcément, l'indicatif de l'émission, la voix de Chancel nous renvoient à des milliers de situations d'écoute où au travail, à la maison, en voiture ou dans le jardin nous venions chaque jour fermer les écoutilles à la terreur du monde pour nous envelopper d'une heure de bonne conversation. De 1968 à 1990, Chancel a enfilé les perles 

Donc hier, hasard absolu, je file voir madelen et entreprend vers 16h45 la réécoute de l'émission du 4 février 1980. Dans les années 80, il y avait encore des rites collectifs en France. La grand-messe du 20h à la TV, la messe catholique du dimanche, le film du dimanche soir, les vacances en Espagne, le bal des pompiers, le Tour de France et le Beaujolais nouveau… Et ceux qui n'avaient pas succombé aux "Grosses têtes" de Bouvard sur RTL ou au "Hit-Parade" de Jean-Loup Lafont sur Europe 1 entraient en salle de Radioscopie sur France Inter. "Radioscopie" un des plus beaux noms d'émission de radio, non ?

La France était coupée en deux : ceux qui pouvaient être disponibles à l'écoute et ceux qui n'y pouvant point s'étaient résignés à n'en rien savoir. Comme l'époque était ingrate ! Il aurait suffi de couper l'émission en deux, avec une musiquette au milieu, pour que les aficionados enregistrent ou fassent enregistrer sur cassette (K7 2x30') la causerie au coin du poste. Las, en ces temps reculés ou les prophéties de Mac Luhan et de son village global n'avaient pas encore envahi le monde (entier) on vivait au présent et en flux la radiodiffusion française. Hip hip hip hourra !

L'indicatif de Radioscopie (3), tel celui d'Apostrophes (Antenne 2) ou de Dim Dam Dom (TV), provoquait un réflexe de Pavlof et nous stimulait pour passer du stade d'entendre à celui d'écouter. Très vite de nombreux auditeurs et quelques critiques radio (oui ce fut une profession, si, si) remarquèrent la méthode Chancel et ses (trop) fréquentes questions à deux balles, concentrés que nous étions à nous intéresser aux réponses. C'était un moment unique de découverte, de réflexion, d'envie d'approfondir et un bon stimuli intellectuel quand l'animateur recevait des pointures (sic) ! 

La vie, long fleuve radiophonique tranquille suivait son cours. On marchait (ou pas) à ce rythme et on n'avait pas besoin que la Pédégère de Radio France (Jacqueline Baudrier, 1975-1981), monte sur les toits du matin au soir pour annoncer tel invité-e exceptionnel-le, tel retour d'animateur à l'antenne, ou les millions de ceci ou les milliards de cela. La radio ne communiquait pas H24 sur elle-même et l'audience des chaines du service public n'était pas encore devenue une variable d'ajustement à l'élaboration des programmes. 

C'était pas mieux avant. C'était. Et c'était souvent très bien (de très bonnes choses aussi sur RTL et Europe 1). Si vous avez l'âge réécoutez ça pour "voir" !

(1) France inter, 17h02-18h00. D'octobre 68 à juillet 1990. plus de 3500 et non pas plus de 6000 comme souvent annoncées, ce dernier chiffre incluant les rediffusions. 

(2) Les passionnés pourront trouver la critique, de novembre 2015 à mai 2016, de 117 Radioscopies rééditées en coffret par l'Ina,

(3) Il ya deux indicatifs différents, le second que vous écouterez ci-dessus a été celui le plus diffusé et le mieux… reconnaissable !