Faudrait pas rouvrir la malle des nuits de France Inter. Toutes ces nuits. Des années de vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Fidèle au poste diurne et nocturne. Des années d'étoiles plein les yeux et les oreilles. Des années à haute voix et quelquefois à voix douce pour bercer nos nuits et/ou nos insomnies. Faudrait surtout pas que ce soit à cause de quelque chose de très moche. Qui fout encore plus le blues que des bleus. Les nuances de bleus. Car il semble bien que ce soit sans nuance que Noëlle Breham, productrice de milliers de "Petits bateaux" vient de se voir signifier son licenciement après quarante ans d'antenne !
Après avoir réussi à se distinguer et à être sélectionnée dans l'émission "Les bleus de la nuit" (1) qui donnait la possibilité à des jeunes de s'engager dans l'animation radio, Noëlle Breham a très vite intégré la grille de France Inter, de jour et de nuit (2). Mais c'est surtout dans les après-midi de France Inter ("Les pleins et les déliés", inventés par Jean Garretto, le directeur de la chaîne depuis 1983) que je l'entends pour la première fois et… l'écoute assidûment. Elle accompagne et présente les émissions de 16h30 à 19h. C'est particulièrement captivant quand elle donne la parole à Jean-Marie Pelt pour "Histoires de plantes" (1984-1987). Joyeuse, mutine et légère elle donne un sacré sourire à l'antenne et crée une vraie complicité avec le botaniste et écologue.
Jacques Santamaria, en 1997, directeur des programmes de France Inter se souvient : "J’avais entendu sur une des chaînes de Radio Canada une émission où des mômes posaient toutes les questions possibles et imaginables - pourquoi la terre est ronde ? Pourquoi on dort la nuit ? etc…- à des journalistes ou animateurs, et je m’étais dit que sur le format de 30 minutes le dimanche à 19h30, ce serait idéal. Ce que je voulais, c’est que ce soient des spécialistes (scientifiques, principalement) qui répondent aux questions. J’ai tout de suite voulu que ce soit Noëlle qui prenne en charge ce programme. Nous avons trouvé ensemble le titre, inspiré de la comptine « Maman, les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes?… », qui disait bien le concept simple et surtout l’esprit familial de l’émission." (3)
À l'époque où j'interviewais pour ce blog Michel Bichebois, je me souviens qu'un pote m'avait fait entendre sur cassette audio un "Zig-Zag" animée par Noëlle Breham. La toute nouvelle animatrice, à l'antenne, pour une émission d'été (prenant place des "Bleus de la nuit") de 3h à 4h30 (4). C'est juste terrible de réécouter ça. Les nuits de France Inter, produites la nuit, présentes la nuit, montrent s'il en était encore besoin, la pauvreté des rediffusions de jour et surtout le renoncement de la chaîne (depuis 2012) à être active avec ceux qui la nuit le sont aussi. La nuit radiophonique donne du sens à la nuit… comme un autre jour. (5)
Breham anime nature son temps d'antenne et crée une complicité avec ses auditeurs. Après 40 ans d'antenne, pour avoir sollicité un CDI et n'ayant pas signé depuis la rentrée son CDDU (CDD d'usage) Breham a donc été licenciée et a décidé de saisir la justice. Après l'enquête en cours concernant la situation du personnel à France Culture, après les révélations de l'humoriste Florence Mendez qui dénonce un harcèlement à France Inter et, le licenciement brutal de Noëlle Breham, il va être impérativement temps que l'Arcom aille plus loin que le satisfecit donné à Radio France en juillet. Trop c'est trop !
(1) De Michel Bichebois (1982-1983), qui a permis de repérer Philippe Dana, Christophe Dechavanne, Philippe Garbit (entre autre longtemps producteur des "Nuits de France Culture jusqu'en décembre 2021),